Contenu du sommaire : Durkheim au Collège de France (1)

Revue L'Année sociologique Mir@bel
Numéro vol. 72, no 1, 2022
Titre du numéro Durkheim au Collège de France (1)
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  • Note introductive - Pierre Demeulenaere p. 9-10 accès réservé
  • Durkheim au Collège de France (1)

    • Durkheim au Collège de France - Antoine Compagnon p. 13-22 accès réservé
    • Trois échecs et un succès. Durkheim aux portes du collège de France, mais élu en Sorbonne - Matthieu Béra p. 23-69 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Nous revenons ici sur les trois tentatives de Durkheim pour obtenir une chaire de sociologie au Collège de France : 1897, 1900 et 1905. On essaie de saisir les raisons de ces échecs, en insistant sur les soutiens qui avantagèrent ses concurrents (Izoulet, Tarde, Bergson) ou la grande proximité de ceux-ci avec les réseaux du Collège (Jullian). Symétriquement, Durkheim bénéficia, pour son élection à la Sorbonne (1902), d'alliances et d'appuis exceptionnels au sein d'une commission plus philosophique et largement dreyfusarde. Le parrainage de Buisson – qui le voulait personnellement à sa suppléance – fut évidemment déterminant. Cette étude met en avant la composition de ces commissions et la présentation d'Izoulet, de Tarde, et de Bergson comme des éléments essentiels pour comprendre ses trois échecs et son succès. Pour conclure, un exercice d'uchronie tente de savoir ce qui se serait passé pour l'histoire de la sociologie si Durkheim avait été élu en 1897 au Collège de France.Tous mes remerciements vont à Antoine Compagnon et Pierre-Michel Menger, Céline Surprenant, pour leur invitation à participer au colloque de juin 2019 sur « Durkheim au Collège de France ». Ils vont également à Christophe Labaune qui m'a toujours facilité l'accès aux archives du Collège, et à Patrick Henriet et Rafael Faraco Benthien pour leurs avis sur les votes putatifs des membres des commissions de 1902 et 1905.
      This article reviews Durkheim's three unsuccessful attempts to obtain a chair in sociology at the Collège de France (1897, 1900 and 1905). We try to understand why these failed, by looking at the support received by his competitors (Izoulet, Tarde, Bergson) and at ties with Collège networks (Jullian). Symmetrically, Durkheim benefited from alliances and support for his election to the Sorbonne (1902), inside a philosophical and rather Dreyfusard commission. In addition, the indefectible support of Buisson – who wanted Durkheim personally to replace him – was decisive. We emphasize both the composition of the commissions reconstituted for the occasion and the presentation of the competitors. These two elements are essential to understand the failures and success of Durkheim and his sociology. The article ends with a little exercise in uchronia: what would have happened to sociology if Durkheim had been elected in 1897 to the Collège de France?
    • Jean Izoulet : une sociologie antidurkheimienne ? - Alexandre de Vitry p. 71-90 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine la pensée de Jean Izoulet (1854-1929), « philosophe social » proche des milieux républicains modérés, professeur au Collège de France où il fut nommé en grande partie pour faire contrepoids au succès grandissant de Durkheim. La pensée d'Izoulet, à la scientificité discutable, pensée de la hiérarchie sociale et de la légitimité de l'élite, se construit explicitement contre celle de Durkheim : à la fois contre La Division du travail social puis contre Les Formes élémentaires de la vie religieuse. La polémique à sens unique que développe Izoulet contre son collègue repose sur une confusion épistémologique : le concept même de « société », chez lui, est entièrement confondu avec celui de « cité » ou de polis, signe qu'il n'a pas vu la spécificité méthodologique de la sociologie émergente. Sur le plan idéologique, le cas d'Izoulet concentre les réticences du républicanisme le plus conservateur contre le socialisme en développement ; on en retrouvera des traces dans le pétainisme.
      This article examines the thinking of Jean Izoulet (1854-1929), a French “social philosopher” close to moderate Republican circles, professor at the Collège de France, where he was appointed in large part to counterbalance the growing success of Durkheim. Izoulet's thought, the scientific nature of which is debatable, supports social hierarchy and the legitimacy of the elite; it is constructed explicitly against Durkheim, both against The Division of Labor in Society and then against The Elementary Forms of Religious Life. The one-sided polemic that Izoulet develops against his colleague is based on an epistemological confusion: the very concept of “society”, in his writings, is confused with that of “city” or of polis, a sign that he has not seen the methodological specificity of Durkheim's emerging sociology. On an ideological level, Izoulet's case embodies the reluctance of the most conservative republicanism against socialism in the making; we find traces of it in Pétainism.
    • Durkheim et Tarde : le dernier acte - Massimo Borlandi p. 91-112 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'intéresse aux thèmes sur lesquels porte et, en partie, se poursuit, le conflit entre Durkheim et Tarde pendant les années d'enseignement de Tarde au Collège de France, les dernières de sa vie (1900-1904). Ces thèmes sont les suivants : les rapports entre la sociologie et la psychologie, la place qui revient à la sociologie parmi les sciences sociales et le rôle joué par l'individu, notamment par la personnalité extraordinaire, dans l'histoire.
      This article deals with the issues at the crux of the conflict between Durkheim and Tarde, and on which the two thinkers continued to disagree after Tarde's nomination to the Collège de France in 1900, and until his death in 1904. These are: the relationship between sociology and psychology, the place of sociology among the social sciences and the role played by the individual in history, especially by the figure of the great man.
    • Durkheim, Bergson et la philosophie au collège de France, 1901-1958 - Giovanni Paoletti p. 113-135 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'histoire des rapports entre Durkheim et la philosophie au Collège de France tourne autour de celui qui fut longtemps l'emblème de celle-ci : Henri Bergson. On présente d'ordinaire la relation entre les deux hommes comme une hostilité réciproque et tenace. Pourtant, si l'on y regarde de près, le tableau paraît beaucoup plus nuancé et il faut y distinguer les relations personnelles et institutionnelles, les positions théoriques et les représentations symboliques dont l'un et l'autre firent l'objet à certains moments de leurs carrières (le « durkheimisme » et le « bergsonisme »). Adopter la perspective du Collège de France en tant qu'institution, avec ses pratiques particulières (la création et la transformation des chaires, les rapports de présentation des candidats, les délibérations de l'Assemblée des professeurs), permet d'examiner de nouveau, sur plusieurs générations, un sujet qui forme un chapitre remarquable dans l'histoire de la relation entre la sociologie et la philosophie en France.
      The history of the relationship between Durkheim and philosophy at the Collège de France is closely linked to the emblematic figure of Henri Bergson. The confrontation between Durkheim and Bergson is usually depicted as one of mutual and stubborn hostility. Yet on closer inspection things appear more complex as one must distinguish their personal and academic relationships, their theoretical positions, and the symbolic representations which became attached to them at a certain point in their careers (“Durkheimism” and “Bergsonism”). Considering the question from the point of view of the Collège de France, with its unique institutional practices (the creation and transformation of chairs, hiring reports about the candidates, debates of the Assembly of the professors) can throw new light on this remarkable chapter in the history of the relation between sociology and philosophy in France.
    • Les chaires de psychologie et de sociologie (ou « sciences sociales ») au Collège de France - Céline Surprenant p. 137-161 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article a pour objet de mettre en évidence l'importance de la psychologie dans la création d'une chaire de Sociologie au Collège de France, selon l'hypothèse que c'est l'association de ces deux disciplines lors de la défense des projets de chaires qui a favorisé, et même permis, l'entrée de la sociologie au Collège de France. Cette conjonction se dégage des discussions menées par les professeurs du Collège de France, notamment dans les « rapports de présentation », où sont explicités les arguments en faveur ou non de l'introduction de la discipline et des candidats. Les rapports soi-disant distanciés de Durkheim à la psychologie ne rendent donc pas compte des échanges qui ont fini par se développer entre les deux disciplines, tels qu'on peut les observer au Collège de France au cours des premières décennies du xxe siècle, et qui ont conduit à la formation d'une « tradition des sciences sociales » au Collège, selon ses acteurs.
      The aim of this article is to highlight the importance of psychology in the creation of a Sociology chair at the Collège de France, according to the hypothesis that it is the association of these two disciplines that contributed to, or even allowed, the entry of sociology into the Collège de France. This convergence emerges from the discussions held by the professors of the Collège de France, in particular in the “hiring reports,” in which the arguments in favor of or against the introduction of the discipline and the candidates are explained. Durkheim's supposedly distanced relationship with psychology does not, therefore, account for the exchanges that eventually developed between the two disciplines, at least as it can be observed at the Collège de France during the first decades of the twentieth century, which led to the formation of a “social science tradition” at the Collège, according to its actors.
    • L'empreinte discrète de L'Année sociologique au Collège de France - Laurent Jeanpierre p. 163-183 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      À partir des rapports de présentation produits entre 1897, date où Durkheim échoua à rentrer au Collège de France, et 1944, date de l'élection de Maurice Halbwachs, le lieu commun historiographique d'un rejet du durkheimisme par l'institution est à nouveau soumis à l'enquête. Il apparaît que huit chercheurs affiliés, de près ou de loin, à la revue L'Année sociologique ont été élus pendant la période soumise à l'enquête. Peu à peu, ce groupe latent marque de son empreinte le Collège de France et lui rend la sociologie acceptable. Pendant l'entre-deux-guerres, et tout en ayant rejeté la candidature de Durkheim, le Collège de France, simultanément à d'autres institutions, permet à la discipline nouvelle, encore marginale dans les universités, de trouver un asile scientifique. Une brève analyse des propriétés sociales des soutiens et opposants aux candidatures durkheimiennes montre que les obstacles qu'elles rencontraient sont devenus disciplinaires plus qu'idéologiques : il s'agissait de limiter les ambitions de la sociologie vis-à-vis de domaines plus établis comme la psychologie et la philosophie. L'étude de cas confirme que l'institutionnalisation et la reconnaissance de la sociologie en France sont bien postérieures à la Seconde Guerre mondiale.
      Based on the hiring reports produced between Durkheim's failure to enter the Collège de France in 1897 and the election of Maurice Halbwachs in 1944, the historiographical commonplace of a rejection of Durkheimism by the institution is once again submitted for inquiry. It appears that eight researchers affiliated, in some way, with the journal L'Année sociologique were elected during this period. This latent group gradually made its mark on the Collège de France and made sociology acceptable. Having rejected Durkheim, the Collège de France, along with other institutions, nonetheless allowed the new discipline, marginal in the universities, to find a scientific home during the interwar period. A brief analysis of the social properties of the supporters and opponents of Durkheimian candidacies also shows that the obstacles candidates encountered became disciplinary rather than ideological: it was a matter of limiting sociology's ambitions vis-à-vis more established fields such as psychology and philosophy. The case study confirms that the institutionalization and acceptance of sociology in France happened well after the Second World War.
    • Durkheim et Mauss en tandem - Philippe Descola p. 185-199 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dans « De quelques formes primitives de classification », l'un des rares articles écrits en commun, Émile Durkheim et Marcel Mauss s'attachent à établir que les humains ne classent pas par une nécessité interne à leur entendement, ni en reproduisant un ordre observable dans la nature, mais en projetant sur les objets un modèle de classement fourni par la société et ses divisions. La réception de cet article au fil du temps par les anthropologues a été paradoxale : critiqué pour ses failles ethnographiques, et invalidé par les recherches postérieures en psychologie cognitive sur la catégorisation des objets naturels, il continue néanmoins de susciter un vif intérêt en raison de l'hypothèse qu'il propose d'un lien entre la classification des choses et la classification des groupes sociaux.
      In one of their few co-authored articles, “On some primitive forms of classification,” Émile Durkheim and Marcel Mauss set out to establish that humans do not classify by an internal necessity of their understanding, nor by reproducing an observable order in nature, but by projecting onto objects a model of classification provided by society and its divisions. The reception of this article over time by anthropologists has been paradoxical: criticized for its ethnographic flaws and invalidated by later research in cognitive psychology on the categorization of natural objects, it nevertheless continues to arouse keen interest because of the hypothesis it proposes of a link between the classification of things and the classification of social groups.
    • Note de lecture : Andrew Abbott, Faits et Valeurs, Paris, Éditions du Collège de France, coll. « Conférences », 2020 - Pierre Demeulenaere p. 201-205 accès réservé
  • Varia

    • L'Année sociologique et la définition internationale de la sociologie, 1898-1924 : Réception croisée des sociologies britannique et durkheimienne - Baudry Rocquin p. 209-238 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article étudie la réception croisée de la sociologie durkheimienne et de la sociologie britannique entre 1898 et 1924 en s'appuyant sur L'Année sociologique. Dans un premier temps, nous observons que les Britanniques offrent une vision en totale contradiction avec la sociologie durkheimienne, ce qui explique sa réception très critique dans l'Hexagone. Dans un second temps nous analysons la réception britannique de la sociologie durkheimienne et montrons qu'elle est en fait largement soumise à des considérations intérieures et stratégiques. Grâce à une étude bibliométrique, nous montrons que la sociologie britannique est bien relayée dans L'Année mais qu'elle a finalement perdu la bataille pour la définition internationale de la sociologie au début du xxe siècle. Cet article renouvelle l'approche du durkheimisme par l'analyse des recensions de L'Année sociologique (avec une sélection particulière de 4 volumes représentatifs entre 1898 et 1924) couplée à une analyse bibliométrique et à des archives inédites sur la réception de la sociologie britannique.
      This article examines the cross-reception of Durkheimian and British sociology between 1898 and 1924, mainly using material (book reviews) contained in the journal L'Année sociologique. First, we observe that the British view of sociology differs greatly and contradicts that of the Durkheimians, which explains why it was so badly received in France. Second, we analyze the British reception of Durkheimian sociology and show that it was largely dependent on domestic and strategic considerations. Finally, thanks to a bibliometric study, we demonstrate that, even though British sociology was well-established in the pages of L'Année, it lost the battle for the international definition of the discipline in the early 20th century. This article thus renews the perspective on Durkheimianism through analysis of the hundreds of book reviews that appeared in L'Année sociologique (with a particular selection of 4 volumes between 1898 and 1924) used in combination with a bibliometric study and previously unknown archives on the reception of British sociology.
  • K. Geay. – Enquête sur les bourgeois. Aux marges des beaux quartiers, Paris, Fayard, 2019, 264 pages. - Frédéric Gérard accès réservé
  • J. Talpin, H. Balazard, M. Carrel, S. H. Belgacem, S. Kaya, A. Purenne et G. Roux. – L'Épreuve de la discrimination. Enquête dans les quartiers populaires, Paris, Puf, 2021, 420 pages. - Camille Giraut accès réservé