Contenu du sommaire : Extrême droite : de la marginalité au pouvoir ?

Revue Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique Mir@bel
Numéro no 152, janvier-mars 2022
Titre du numéro Extrême droite : de la marginalité au pouvoir ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le mot de la rédaction - Anne Jollet p. 5-9 accès libre
  • DOSSIER

    • Introduction : l'extrême droite face à l'histoire - Grégoire Le Quang p. 11-22 accès libre
    • Une extrême droite du 19e siècle ? Quand la contre-révolution mobilisait en Europe - Alexandre Dupont p. 23-42 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se penche sur la contre-révolution en Europe au 19e siècle et examine, à partir de l'historiographie existante, s'il est possible et pertinent de la présenter comme l'extrême droite du 19e siècle. La réflexion aborde d'abord des problèmes de définition, analyse ensuite les caractéristiques idéologiques, militantes et sociologiques de la contre-révolution et s'intéresse enfin aux évolutions historiques de cette culture politique et à ses héritages au 20e siècle. La thèse défendue est que si la contre-révolution peut à bon droit être vue comme une culture politique représentant l'extrême droite dans l'Europe du 19e siècle, l'approche par l'histoire comparée et l'histoire croisée permet de sortir d'une vision très franco-centrée qui en fait l'ancêtre du nationalisme de la fin du siècle. Par ce décentrement, on accède à une vision plus nuancée du phénomène contre-révolutionnaire, qui présente une diversité et une complexité que le terme d'extrême droite tend à occulter.
      This article analyses the counter-revolution in nineteenth-century Europe and considers, on the basis of existing historiography, whether it is possible and relevant to present it as the extreme right of the nineteenth century. The paper first addresses conceptual problems, then examines the ideological, militant and sociological characteristics of the counter-revolution, and finally looks at the historical development of this political culture and its legacies in the 20th century. The thesis defended is that if the counter-revolution can rightly be seen as a political culture representing the extreme right in nineteenth-century Europe, the approach of comparative history and cross-history makes it possible to move away from a very Franco-centric vision which makes it the ancestor of nationalism at the end of the century. This decentring of the focus gives us a more nuanced view of the counter-revolutionary phenomenon, which presents a diversity and complexity that the term extreme right tends to obscure.
    • À bas la République ! Au poteau ! Mort aux juifs ! La violence des graffitis d'extrême droite, de la naissance de l'Action française à Vichy - Richard Vassakos p. 43-68 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Sous la IIIe République, le dispositif symbolique urbain est occupé de façon massive par les signes républicains qui forment un véritable discours symbolique qui quadrille l'espace. Cette appropriation du territoire, ainsi que l'encadrement de l'affichage public par la loi du 29 juillet 1881, laissent peu de place à ceux qui ont en détestation le régime et sont relégués aux marges de l'espace urbain. La contestation prend alors les traits d'une guérilla graphique qui voisine avec d'autres actes que les autorités qualifient de vandalisme. Elle permet, à moindre coût, de s'approprier l'espace et de propager publiquement ses propres slogans, mots d'ordre et valeurs. Le graffiti se révèle aussi une arme protéiforme, qui permet d'affronter ses adversaires politiques. De l'affaire Dreyfus jusqu'à Vichy, les Camelots du roi, et à leur suite les hommes des ligues ou les doriotistes, pratiquent l'agitation en utilisant l'arme des graffitis. Ils établissent un rapport dialectique avec le pouvoir politique républicain, mais aussi vis-à-vis d'autres factions politiques avec lesquelles ils se disputent les murs.
      Under the Third Republic, the urban symbolic system was massively occupied by republican signs, thatformed a veritable symbolic discourse that criss-crossed the space. This appropriation of the territory, as well as the regulation of public signs by the law of 29 July 1881, left little room for those who hated the regime and were relegated to the margins of urban space. The protest then takes on the features of a graphic guerrilla warfare that goes hand in hand with other acts that the authorities qualify as vandalism. It is a cheap way of appropriating space and publicly propagating one's own slogans, slogans and values. Graffiti also proves to be a protean weapon that allows one to confront one's political opponents. From the Dreyfus affair to Vichy, the camelots du roi and, following them, the men of the Leagues or the Doriotists practised agitation by using the weapon of graffiti. They established a dialectical relationship with the republican political power but also with other political factions with whom they fought on the walls.
    • Pierre Gaxotte, ou l'extrême droite respectable - Baptiste Roger-Lacan p. 69-88 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La biographie de Pierre Gaxotte permet d'interroger la catégorie « extrême droite » en étudiant les multiples engagements d'un intellectuel qui a accompagné les évolutions de l'extrême droite française, de la rédaction de L'Action française en 1917 au patronage de la revue Nouvelle École à la fin des années 1970. Homme de presse, éditeur et historien, Pierre Gaxotte a écrit une œuvre abondante et protéiforme. Il a fait partie des figures de proue de l'extrême droite de plume pendant six décennies. Sa biographie est d'autant plus intrigante qu'il a su – par un patient travail de reconstruction biographique – échapper à l'anathème qui a frappé l'extrême droite française après 1945. Par la suite, il a su imposer l'image d'un réactionnaire mondain et respectable, véritable notable des lettres parisiennes, qui lui a permis de constituer un pont discret entre une extrême droite intellectuelle en reconstruction et le grand public conservateur, ce dont témoigne notamment le succès jamais démenti depuis presque un siècle de son ouvrage le plus célèbre, La Révolution française (1928).
      The biography of Pierre Gaxotte questions the « far-right » as a category. As a journalist, editor and historian, Pierre Gaxotte wrote an abundant and protean work and was one of the leading figures of the French far-right for six decades, having multiple commitments, from being an editor at the Action Française in the 1920's to the patronage of the journal Nouvelle École in the late 1970s. His itinerary is all the more intriguing since he was able - through a thorough work of biographical reconstruction - to escape the anathema that struck the French far-right after 1945. Subsequently, he was able to impose the image of a worldly and respectable reactionary, a true notable of Parisian letters, allowing him to constitute a discreet bridge between a rebuilding intellectual extreme right and the general conservative public, as evidenced in particular by the undeniable success of his most famous work, La Révolution française (1928).
    • Les traditions de la violence : le terrorisme d'extrême droite en République fédérale d'Allemagne - Valérie Dubslaff p. 89-106 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Partant des récents attentats perpétrés par l'extrême droite en Allemagne, cet article questionne les continuités de la violence politique après 1945. Il présente les acteurs et actrices du terrorisme nationaliste, leur idéologie, leurs infrastructures, leurs modes d'organisation et d'action, dans le but d'éclairer les motivations de la frange la plus radicale de l'extrême droite et de retracer l'histoire de son activisme à l'aune des transformations sociales, culturelles et politiques en République fédérale d'Allemagne.
      Starting with the recent attacks perpetrated by the extreme right in Germany, this article focuses on the continuities of political violence after 1945. It presents the actors of nationalist terrorism as well as their ideology, their infrastructures, their modes of organization and action, in order to question the motivations of the most radical fringe of the extreme right and to trace the history of its activism in the light of social, cultural and political transformation in the Federal Republic of Germany.
    • Du Tea Party à Donald Trump : la radicalisation du Parti républicain aux États-Unis - Marion Douzou p. 107-125 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis la fin des années 1950, le Parti républicain est en proie à d'importantes contestations de sa ligne idéologique. Sans remonter à la John Birch Society, fondée à la fin des années 1950, l'année 1964 voit les partisans de la candidature de Barry Goldwater tenter de pousser le Parti républicain à suivre une ligne nettement conservatrice. Si cette tentative de prise de contrôle de l'appareil républicain échoue avec la défaite de Goldwater à l'élection présidentielle, le mouvement gagne petit à petit en influence. En 2009, peu de temps après l'élection de Barack Obama, le mouvement du Tea Party se met en ordre de marche pour reprendre le travail entamé deux générations plus tôt par les partisans de Goldwater. Après huit années de lutte en tant que force d'opposition, le mouvement conservateur l'emporte grâce à un chef charismatique à la rhétorique populiste et nationaliste, qui va encourager l'extrême droite à se rendre de plus en plus visible et combative. Cet article s'intéresse à la question du rapport de l'extrême droite au jeu démocratique. Il se propose d'étudier la radicalisation progressive du Parti républicain suite au mouvement du Tea Party et aux quatre années de présidence Trump, en s'intéressant d'abord à ce qui a mené à l'élection de cet homme d'affaires haut en couleur, en auscultant les années de sa présidence et l'impact qu'elles ont eu sur la nébuleuse conservatrice elle-même, en s'interrogeant enfin sur la campagne de 2020, et notamment l'assaut du Capitole, qui a donné à voir une extrême droite organisée et puissante avec laquelle les États-Unis vont devoir composer dans les années à venir.
      Since the 1950s, the conservative movement has been trying to alter the ideological framework of the Republican Party. The 1964 presidential election was a perfect example of this trend: the Goldwater candidacy was a way for activists to ensure that the GOP would follow the conservative values it was elected to push forward. Slowly, moderate republicans were replaced by more and more conservative politicians. 2009 marked a new turning point with the election of Barack Obama and the birth of the Tea Party movement which aimed at crippling Obama's political agenda and forcing the Republican party to be uncompromising and more conservative. This article focuses on the gradual radicalization of the Republican party during the Tea Party movement (2009-2016) and the Trump presidency. It highlights how eight years of Tea Party mobilization were instrumental in the election of Donald Trump and how the 45th president had a profound impact on this grassroots movement. The activists who took part in the movement, the discussions at conservative meetings and the tactics put in place changed. Donald Trump's brand of nationalist populism strengthened the far right and encouraged it to be more visible and combative.
  • CHANTIERS

    • Il sesso inutile (1961) d'Oriana Fallaci : aux origines de l'islamophobie d'une icône italienne - Iz Séverin p. 129-144 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Il sesso inutile. Viaggio intorno alla donna (1961) (Le sexe inutile. Voyage autour de la femme) est le premier texte publié par Oriana Fallaci et il a été quelque peu oublié par les critiques au profit de sa production postérieure. Il s'agit pourtant d'un texte fondamental pour comprendre que la haine de l'autrice envers l'islam surgit bien avant sa naissance officielle, proclamée de façon très fonctionnelle et opportuniste par les médias et les politiques comme datant des attentats du 11 septembre 2001. Cet article se propose donc de remonter à ce premier écrit et de montrer que l'islamophobie y est déjà présente, ainsi que des propos racistes, colonialistes, et la présence d'un féminisme de droite. Vu la mobilisation médiatique d'Oriana Fallaci en Italie, ce texte permet aussi d'interroger les forces et les possibilités d'un antiracisme culturel, social et politique face à la prégnance d'une telle figure dans les imaginaires et dans les discours nationalistes actuels.
      Il sesso inutile. Viaggio intorno alla donna (1961) (« Useless Sex. A Journey Around the Woman ») is the first text published by Oriana Fallaci and has been somewhat forgotten by critics in favour of her later production. It is, however, a fundamental text for understanding that the author's hatred of Islam arose long before its official birth, proclaimed in a very functional and opportunistic way by the media and politicians as dating from the attacks of 11 September 2001. This article therefore proposes to go back to this first writing and to show that a form of Islamophobia is already present, as well as racist and colonialist components, and the presence of a right-wing feminism. Given the media mobilisation of Oriana Fallaci in Italy, this text also allows us to question the strengths and possibilities of a cultural, social and political anti-racism in the face of the prominence of such a figure in the imaginary and in current nationalist discourses.
  • MÉTIERS

  • DÉBATS

    • L'Unesco et les Routes de la soie. Entre enjeux scientifiques, culturels et géopolitiques - Chloé Maurel p. 157-175 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'Histoire des civilisations de l'Asie centrale, travail collectif réalisé sous l'égide de l'Unesco de 1976 à 2005, vise à relater de manière unifiée le passé d'une aire culturelle originale, qui englobe un immense territoire partageant un patrimoine culturel commun malgré la diversité des peuples qui l'ont habité. Cette aire recoupe celle des Routes de la soie. C'est sous la supervision d'un comité scientifique international qu'a été élaborée cette Histoire, mobilisant à partir de 1980 plus de 200 savants. La réalisation de ce projet historiographique, ainsi que du projet Unesco « Routes de la soie » (1988-1997), révèle également l'évolution des rapports de forces géopolitiques et identitaires en Asie centrale : ces projets ayant été menés à l'époque charnière de l'effondrement de l'URSS, la région Asie centrale a redéfini son identité autour de la notion de « Routes de la soie », et la recomposition du paysage géopolitique de l'Asie centrale s'est traduite par le basculement d'une influence soviétique à une influence chinoise.
      The « History of Civilizations of Central Asia », a collective work carried out under the aegis of UNESCO from 1976 to 2005, aims to relate in a unified manner the past of an original cultural area, which encompasses an immense territory sharing a common cultural heritage despite the diversity of the peoples who have inhabited it. It is under the supervision of an international scientific committee that this History has been elaborated, mobilizing since 1980 more than 200 scholars. The realization of this historiographic project, as well as the UNESCO project of scientific expeditions along the "Silk Roads" (1988-1997) also reveals the evolution of geopolitical power relations in Central Asia: these projects having been carried out at the turning point of the collapse of the USSR, the recomposition of the geopolitical landscape of Central Asia has resulted in the shift from a Soviet influence to a Chinese influence.
  • LIVRES LUS

  • UN CERTAIN REGARD

    • Neuf mois d'aventure entre les âges, le long de la Route de la soie - Astrid Duvillard p. 201-206 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 2017, j'ai eu la chance de parcourir en auto-stop le principal itinéraire de la Route de la soie : j'ai arpenté durant neuf mois, avec tout l'appétit du monde, le ruban de bitume reliant Xi'An à Istanbul. J'ai pris des photographies qui témoignent du mélange des cultures, entre Orient et Occident, prégnant dans cette région entre Asie et Europe.
      In 2017, I had the opportunity to hitchhike along the main route of the Silk Road: during nine months, with all the appetite in the world, I walked along the bitumen ribbon connecting Xi'An to Istanbul. I have taken many photographs that testify of the mixture of cultures, between East and West, prevailing in this region between Asia and Europe.
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