Contenu du sommaire : Accompagnement : le lien social sous tension
Revue | Pensée Plurielle |
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Numéro | no 22, 2009 |
Titre du numéro | Accompagnement : le lien social sous tension |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial : La double négociation - Yannis Papadaniel p. 7-12
- L'accompagnement : dispositif de bienveillance et construction transactionnelle - Jean Foucart p. 13-27 Les pratiques d'accompagnement traversent de multiples sphères de la vie sociale. Partout où se profilent des situations socialement et psychiquement intolérables, se mettent en place des dispositifs d'accompagnement. Nous formulons l'hypothèse que, dans un univers de fluidité et de précarité transactionnelle, l'accompagnement apparaît comme une des voies de réponse à la mise en scène de la souffrance sociale, liée à la précarisation des transactions. Il s'agit de soutenir l'individu, de l'amener à un travail sur lui et à une construction des liens sociaux. L'accompagnement s'inscrit dans un impératif social d'« affiliation », de construction des rapports entre subjectivités tout en se situant dans l'impossibilité de dire l'ensemble social où s'insérer, puisque la « société » s'avère de moins en moins l'instance suprême dans laquelle prendraient sens les êtres sociaux. Plus précisément, l'accompagnement s'inscrit dans ces dispositifs de bienveillance au sein desquels s'inventent des modes de sociabilité fondés sur l'oralité et la sollicitude. La relation d'aide est considérée comme l'horizon de la situation d'aide, ce que signifie bien le mot « accompagnement ». La relation accompagnant-accompagné devient le principal enjeu de la relation, ce qui induit un type particulier de transaction.The accompaniment practices go through multiple spheres of social life. Everywhere socially and psychically unacceptable situations occur, accompaniment devices get organised. We formulate the hypothesis that, in a universe of fluidity and transactional precariousness, thanks to which we apprehend today's world, accompaniment turns up as one of the ways of the answers to the showing of social suffering, linked to the growing precariousness of transactions. It aims at supporting the individual, leading him to work on himself and to build social links. It fits in with a social necessity of “affiliation”, of construction of the connections between subjectivities and in the meanwhile it can not point out the social group in which to insert as “society” is less and less the supreme entity in which social beings would get a meaning. More precisely, accompaniment lies within those benevolence devices in which modes of sociability based on oral character and solicitude are invented. The help relation is taken for the horizon of the help situation, which the word “accompaniment” really means. The relation accompanying person – accompanied person becomes the principal stake of the relation, which leads to a particular type of transaction.
- L'accompagnement au sein du dispositif de Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) : un processus transactionnel - Pascal Lafont p. 29-43 Cet article est une contribution à la réflexion sur les pratiques d'accompagnement et le potentiel régulatoire du dispositif de Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) qui entrent en résonance avec le nécessaire traitement des tensions relatives à la confrontation entre les contraintes inhérentes aux modalités de certification et le degré de liberté que l'acteur parvient à utiliser pour mener à bien son projet. L'adéquation entre l'offre de formation et de certification et l'attente du candidat ne peut être atteinte que si celui-ci admet, notamment grâce à l'accompagnement, que le parcours de validation ne pourra pas valoriser tous ses acquis issus de son expérience. Le dispositif semble apporter une réponse au probable écart tensionnel entre ce que les individus sont et ce qu'ils voudraient devenir ; ce qui tend à démontrer l'existence de processus transactionnels. Dans la mesure où il invite à une démarche réflexive, le dispositif de VAE ne révèle-t-il pas de nouveaux conflits, autant personnels qu'interpersonnels, qu'il incombe aux accompagnateurs de prendre en charge, au moins en partie, au moment même où le candidat pensait résoudre d'autres tensions ?This article is a contribution to the reflection on the practices of accompaniment and the potential of regulation of the device associated to Validation of non formal and informal learning which enter in resonance with the necessary treatment the tensions relating to confrontation between the inherent constraints to the methods of certification and the degree of freedom that the actor manages to use to conclude his project. The adequacy between the offer of training and certification and waiting of the candidate can be reached only if this one admits, in particular grace the accompaniment, ensured by the administrative advisers, the trainers, the teacher-researchers, that the course of validation will not be able to develop all its learning resulting from its social experiment, professional or personal. Indeed, the device seems to bring an answer to the probable variation of conflicts between what the individuals are and what they would like to become, in the sense that they believe it what they are and are unaware of what it will occur of their situation, whereas there exists in fact a double transaction, at the same time internal, i.e. with respect to themselves, and external, opposite as well of the institutions habilited to deliver diplomas as their employers. Lastly, insofar as it invites to a reflexive step, the device of device does not reveal it new conflicts as much personal than interpersonal, than it falls to the guides to deal with, at least partly, at the moment when the candidate thought of solving other tensions.
- Des professionnels dans la tendresse. Entretien avec Paul et Danielle Beck - Ilario Rossi, François Kaech, Yannis Papadaniel p. 45-52 During twenty years, Paul and Danielle Beck have been the general managers of a palliative care hospice in the Canton de Vaud in Switzerland. As such they have created and promoted, a place (Rive-Neuve, R.-N.) where every care giver, no matter their position, are supposed to be supportive with the patients. The goal of this interview is that of presenting a point of view coming from the practise without promoting any sociological or anthropological analysis.
- L'accompagnement, un lieu nécessaire des soins infirmiers… - Michel Fontaine p. 53-63 L'article propose une réflexion sur les liens existant entre accompagnement et soins infirmiers plus spécialement. L'auteur part du postulat qu'il existe une relation d'origine et de substance entre soigner et accompagner. Il s'appuie pour cela sur une approche anthropologique des soins qui développe l'idée que soigner est au carrefour de ce qui permet de vivre et d'exister quelles que soient les sociétés et les cultures, et que les soins sont antérieurs à la maladie. Formé en soins infirmiers mais aussi en sciences sociales et en théologie, il cherche à rendre compte de cette articulation en en montrant les ambiguïtés et les tensions. Dans cette réflexion, la question d'une spécificité de l'accompagnement infirmier est posée et développée à partir d'une certaine vision des soins, tout en restant ouvert. Cet itinéraire s'apparente à une esquisse visant à promouvoir un travail pluridisciplinaire et épistémologique autour des pratiques d'accompagnement, l'entrée ici étant d'abord celle des soins infirmiers.This paper aims to reflect on the relationship between the concept of accompaniment and nursing. It assumes that both are tied in a common origin. As a nurse, a sociologist and a theologist, the author emphasizes the tensions and the ambiguity of this relationship. He follows the anthropological conception of care suggesting the idea that caring takes place in the centre of any life process and is far from being exhausted in the function of curing, since it equally implies existential, cultural and universal dimensions that do not only depend on illness. The question of the specificity of the nursing accompaniment is raised and developed from a specific vision of care. By focusing on the nursing care, the author proposes some open answers and attempts to promote an interdisciplinary and epistemological work around the accompaniment practices.
- Accompagner bénévolement les personnes en fin de vie : donner du sens à ce qui n'en a pas ? - Yannis Papadaniel p. 65-75 À partir d'une recherche ethnographique menée dans un réseau de bénévoles en Suisse romande (francophone), cet article a pour but de rendre compte des enjeux relatifs à la position des accompagnants en fin de vie bénévoles, partagée entre une « quête » existentielle et/ou spirituelle et un certain nombre de contraintes médicales, institutionnelles, voire sociales. Le point central de cette contribution est de comprendre comment l'un et l'autre de ces niveaux s'imbriquent et donnent corps à la relation d'accompagnement. En mettant au jour un certain nombre de tensions, l'auteur peut élaborer un certain nombre de propositions quant au statut heuristique de la notion d'accompagnement pour les sciences sociales.This article explores the activities of volunteers who work with people who are terminally ill and dying in Switzerland (French part). Following an ethnographic approach, it aims to explore the peculiar position of volunteers, which is divided between on the one hand an existential or spiritual « quest »; on the other hand some medical, institutional or social dimensions able to obstacle their intervention. The crucial point here is getting to know how this sort of ‘existential quest' is carried out (when it does) within the context of medical institutions. In parallel it is to emphasize that the accompanying process depends on several paradoxical tensions. As such, this analysis allows the author to propose some assumptions towards the concept of accompaniment and its heuristic value for social sciences.
- Les usages détournés des médicaments ou les dilemmes soulevés par l'agir sur le temps qui reste dans l'accompagnement de la fin de vie à l'hôpital - Rose-Anna Foley p. 77-87 L'accompagnement des mourants proposé par les soins palliatifs se fonde sur l'autonomie du patient impliquant un discours ouvert autour de la mort qui approche. Afin de déployer leur offre à l'hôpital, les professionnels des soins palliatifs souhaitent formaliser l'entrée dans la phase palliative de manière à ce qu'elle soit mieux anticipée et coordonnée, mais aussi plus explicite pour le patient. Ce « passage » soulève des enjeux importants, notamment au niveau de la collaboration interprofessionnelle entre une équipe mobile de soins palliatifs et ceux de « première ligne » d'un hôpital, tout en nécessitant un accompagnement « renforcé » du patient autour de l'annonce de la fin de vie. Dans cet article, nous nous intéressons de près à certains traitements (opiacés, sédatifs utilisés lors de sédations palliatives) dans la mesure où leurs prises génèrent des tensions et des négociations importantes dans l'accompagnement de la fin de vie. Plus précisément, les usages détournés de ces substances – permettant d'accélérer, de repousser ou encore d'altérer la fin de vie – nous renseignent sur ce que l'accompagnement de la fin de vie à l'hôpital implique respectivement pour les patients, leurs proches, ainsi que pour les professionnels de la santé. Le rapport aux opiacés et aux sédatifs, agissant sur le temps qui reste, laisse entrevoir les dilemmes et difficultés qu'occasionne l'accompagnement d'une fin de vie conscientisée et responsable prônée par les soins palliatifs.The specific care of the dying offered by palliative care is based on the notion of autonomy, which implies an open discourse about the approaching death. To deploy their offer in the hospital, palliative care professionals wish to formalise the entry into the palliative phase so that it is better anticipated and coordinated, but also more explicit to the patient. This “passage” raises important interprofessional issues between a palliative mobile team and “front line” caregivers of a hospital, as well as it requires “enhanced” care of the patient around the announcement of end of life. In this article, we look closely at some treatments (opioids, sedatives used in palliative sedation) as regards to the tensions and negotiations they generate in the accompaniment of the dying. More specifically, the “misuses” of these substances – to accelerate, postpone or alter the end of life – tell us about what the accompaniment of end of life involves in the hospital setting respectively for patients, their families and for the health professionals. The relation to opiates and sedatives, acting on the remaining time, reveals the dilemmas and difficulties occasioned by the accompaniment of responsible and conscious end of life requested by palliative care.
- Le quasi-accompagnement des employés en deuil au sein des entreprises - Marc-Antoine Berthod p. 89-98 Les situations de deuil au travail sont fréquentes, mais les entreprises ne cherchent guère à thématiser ce sujet, ni à anticiper les problèmes professionnels qui peuvent en résulter. Basé sur une recherche anthropologique menée en Valais francophone auprès de vingt-deux moyennes et grandes sociétés, cet article vise à expliquer les raisons de ce décalage ; il montre que la façon de gérer et de suivre le retour au travail des employés endeuillés s'apparente à une forme d'accompagnement. Sans jamais aboutir véritablement, celui-ci dénote un rapport spécifique au deuil qui témoigne de la crainte et du refus d'en banaliser les enjeux.To bereave a close relative or friend at the workplace is quite common; nonetheless firms are not very eager to grasp this subject, nor to anticipate the professional difficulties that may result from bereavement situations. Based on an anthropological research carried out in the French-speaking part of Canton of Valais with twenty-two medium and big-sized companies, this article tries to explain this gap; it shows that the way to deal with and to follow up the coming back of bereaved employees is similar to accompaniment. Unable to achieve fully its process, this sort of accompaniment denotes a specific relationship to grief that fears and refuses to trivialize such situations.
- Accompagner un patient suicidaire - Michela Canevascini p. 99-109 À partir d'une enquête ethnographique réalisée dans une unité d'urgences psychiatriques, cet article s'intéresse au suivi des patients ayant des comportements ou des idées suicidaires. Face à l'imprévisibilité du suicide, l'évaluation du potentiel suicidaire permet de donner une assise formelle et scientifique au travail thérapeutique des soignants. Le choix du suivi (hospitalisation ou accompagnement ambulatoire) dépend toutefois de deux dimensions moins explicites : l'autonomie du patient et son adhésion au dispositif psychiatrique. L'analyse du discours des soignants permet de relever les logiques contradictoires qui sous-tendent cette décision : d'une part la nécessité de garder le lien avec le patient (en privilégiant un accompagnement) et l'exigence de protéger sa vie (en optant pour une hospitalisation) d'autre part.Based on an ethnographic fieldwork conduced in a psychiatric emergency unit, this article analyzes the psychiatric treatment of suicidal patients. Care providers use the suicidal potential estimation to credit medical practices with formal and scientific basis, in order to deal with the unpredictability of suicide. However, two major implicit aspects influence the choice of the more suitable treatment (inpatient or outpatient): patient's autonomy and compliance. Analysis of care providers discourses shows contradictory logics laying behind this decision: keeping a therapeutic link with the patient through an ambulatory treatment on one hand, securing his life through an hospitalisation on the other.
- L'accompagnement en médecine. Anthropologie d'une nécessité paradoxale - Ilario Rossi p. 111-122 Face à l'émergence des maladies chroniques, la médecine du suivi et de l'accompagnement demeure un défi pour les soignants et les médecins et un impératif du point de vue professionnel. Elle s'affirme en effet comme un palliatif aux limites affichées par une perspective strictement biomédicale. En même temps, par sa pratique de l'accompagnement, la médecine révèle et façonne des choix culturels aux implications profondes, en touchant aux enjeux essentiels de la trajectoire biographique des patients : elle sollicite leur autonomie et leur autodétermination, et elle produit un lien social spécifique, réalisable sous la condition d'une responsabilité partagée. Mais cette nécessité s'opère de façon contradictoire et fait système avec et les enjeux politiques et économiques des systèmes de santé.The rise of chronic illness challenges medicine and carers to accompany and follow up a new kind of patients. At the same time this challenge appears as a professional necessity. According to that, medical accompaniment can be seen as a palliative answer to the limits of a strict bio-medical approach of the patients. By accompanying them, the medicine makes some institutional choices which involve their biographical trajectory: it refers to their autonomy, to their self-determination, and thus attempts to create a new sort of social cohesion grounded on a conception of a common responsibility. However, the reality of this necessity appears to be rather contradictory, for it has at the same time to deal with the political and economical issues of the health systems.
- Vingt-cinq ans de travail social : l'anniversaire comme rite de passage - Josefa Fombuena Valero p. 123-132 L'acte de célébrer une date peut être considéré comme un rite de passage qui transforme un événement privé en une cérémonie publique. En travail social, les rites sont nécessaires pour permettre que cette profession, jeune d'à peine une centaine d'années, grandisse en s'adaptant aux nouvelles donnes. Les rites sont des actes qui représentent, sur une séquence de temps, le mythe fondateur du travail social. Le mythe a un côté clair et noble, fondateur, et un côté obscur et suspect, comme si toute origine transmettait quelque manque de légitimité et beaucoup de secrets. Nous révélerons ces deux aspects et nous rendrons un peu plus explicite le mythe fondateur du travail social.The rise of chronic illness challenges medicine and carers to accompany and follow up a new kind of patients. At the same time this challenge appears as a professional necessity. According to that, medical accompaniment can be seen as a palliative answer to the limits of a strict bio-medical approach of the patients. By accompanying them, the medicine makes some institutional choices which involve their biographical trajectory: it refers to their autonomy, to their self-determination, and thus attempts to create a new sort of social cohesion grounded on a conception of a common responsibility. However, the reality of this necessity appears to be rather contradictory, for it has at the same time to deal with the political and economical issues of the health systems.
- Le « carré humaniste » du travail social : loi, écoute, sens, collectif - José Pinilla p. 133-146 Dans ses aspects les plus spectaculaires, le « carré humaniste » apparaît comme un faisceau de réponses à des situations de fuite, d'agressivité, voire de violence des usagers « sensibles », ceux qui cumulent les indices de vulnérabilité. Mais ce n'est pas que cela. Il s'oppose aux réponses traditionnelles autoritaires, descendantes, paternalistes et coulées dans le huis clos du psycho-relationnel. Le « praticien chercheur » reste en questionnement pour trouver des solutions avec d'autres. Afin que l'usager soit autant que possible un acteur (et non le sujet passif de mesures), nous avons imaginé la métaphore du pays aux quatre collines. Loi, écoute, sens et collectif : quatre pôles qui entrent en résonance, en interaction dynamique. Le but ultime : donner du sens à la vie.In its most spectacular aspects, the “humanist square” appears as a network of answers to situations of escape, aggressiveness or even violence from “sensitive” users, those who accumulate clues of vulnerability. But it is not only that. It opposes traditional authoritarian, descending, paternalist answers and those held behind the doors of the psycho-relational. The “researcher practitioner” keeps thinking to find solutions with others. So that the user could be as much as possible an actor (and not the passive subject of measures), we have imagined the metaphor of the land of the four hills. Law, listening, meaning, collective: four poles which start resonating in a dynamic interaction. The ultimate purpose: giving meaning to life.