Contenu du sommaire : Minorités sexuelles et de genre dans les services publics

Revue Gouvernement & action publique Mir@bel
Numéro volume 11, no 1, janvier-mars 2022
Titre du numéro Minorités sexuelles et de genre dans les services publics
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  • Éditorial : Une nouvelle décennie pour Gouvernement et action publique - p. 7-8 accès libre
  • Minorités sexuelles et de genre dans les services publics

    • L'État des LGBTI : Comment politiques et administrations publiques ordonnent et transforment le genre et la sexualité - Lus Prauthois, Émilie Biland p. 11-35 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article articule la sociologie de l'État et de l'action publique et la sociologie des minorités sexuelles et de genre afin d'analyser l'évolution des conditions sociales et politiques de ces dernières dans un contexte de reconnaissance, partielle et controversée, de leurs droits. Les États occidentaux ont construit leur pouvoir sur les populations à partir d'identifications et de classements fondés sur le sexe et la sexualité. Au cours des dernières décennies, le déclin du répertoire fondé sur la répression, l'exclusion et l'invisibilisation au profit des normes d'égalité des droits et de lutte contre les discriminations conduit à ce que la citoyenneté des personnes LGBTI soit désormais prise en tension entre indifférence et exigence de dévoilement, entre discrimination et reconnaissance. Leurs expériences des services publics – en tant que personnels comme en tant que publics – varient fortement selon les contextes organisationnels et relationnels, ainsi que selon leurs positions au sein des différents rapports sociaux de domination, ce qui fragilise leur statut social.
      This article combines the sociology of the state and of public policy with LGBT studies in order to analyze how the social and political status of gender and sexual minorities have been changing due to the partial and controversial recognition of their rights. Western states build their power over populations through identifications and classifications based on gender and sexuality. Over the last decades, the repertoire of repression, exclusion, and invisibilization declined in favor of equality and non-discrimination standards. Therefore, the citizenship of LGBTI individuals is in tension between disregard and pressure to come out, as well as between discrimination and recognition. Their experiences of public services – both as public officials and as clients – vary greatly depending on the organizational and relational contexts, as well as on their positions within other sources of privilege and disadvantage. As a result, their social status is still fragile.
    • Faire face à l'hétéronormativité en contexte policier - Jérémie Gauthier, Régis Schlagdenhauffen, Camille Noûs p. 37-60 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'une enquête par entretiens conduite entre 2015 et 2019 auprès de policières et policiers lesbiennes, gays et hétérosexuel·le·s, l'article analyse les hiérarchies informelles fondées sur la sexualité dans le monde policier. Tout en constatant l'érosion du monopole de la norme hétérosexuelle au cours des dernières décennies dans la profession policière, l'article montre que les sexualités perçues comme non conformes demeurent un stigmate avec lequel les agent·e·s concerné·e·s doivent composer. Les rappels à l'ordre hétéronormatifs se manifestent dès le début de la socialisation professionnelle puis interviennent de manière plus ou moins marquée en fonction des grades et des types de postes occupés. Face aux assignations hétéronormatives qui jalonnent leurs carrières, les policières et policiers gays et lesbiennes mettent donc en œuvre des stratégies de dissimulation, de contournement et de négociation visant à « faire face », tout en préservant leur inclusion dans le groupe de pairs. L'analyse des trajectoires individuelles révèle une communauté d'expérience face aux épreuves de la stigmatisation tout en soulignant le poids de la dimension intersectionnelle, tant dans les manifestations du stigmate que dans les possibilités d'y faire face.
      Based on in-depth interviews conducted between 2015 and 2019 with lesbian, gay, and straight police officers, the article analyzes informal hierarchies based on sexuality in the police occupational culture. While observing the erosion of the monopoly of the heterosexual norm over the last few decades in the police profession, the article argues that sexualities perceived as deviant remain a stigma with which concerned police officers must contend. Heteronormative assignments manifest themselves from the beginning of the occupational socialization in the police academy and then occur in a more or less significant manner depending on the ranks and functions. Facing heteronormative assignments, gay and lesbian police officers implement strategies of concealment, circumvention and negotiation in order to “cope” while preserving their inclusion in the peer group. The analysis of individual trajectories reveals a community of experience shaped by stigmatization, while highlighting the weight of intersectional dimension, both in the manifestations of stigma and in the possibilities of coping with it.
    • Dissimuler son orientation sexuelle tout en reconnaissant et respectant la diversité sexuelle : La position paradoxale des personnels de l'éducation LGB face à la norme d'égalité - Emilie Morand p. 61-84 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      En France, la loi protège les salarié·es de toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Le droit antidiscriminatoire s'applique également aux agent·es publics. Pourtant, en nous appuyant sur une enquête par entretiens auprès de différent·es acteur·rices de l'éducation lesbiennes, gais et bisexuel·les (LGB), nous constatons que cette protection juridique ne les prémunit pas d'un travail de réflexivité et d'anticipation de la gestion de leur orientation sexuelle dans leur sphère professionnelle. Si la prégnance de l'hétéronormativité n'est pas propre aux professionnel·les de l'éducation comparée à d'autres métiers, certains mécanismes sont spécifiques à ce corps professionnel. Historiquement marquée par la norme d'intérêt général, de neutralité et d'égalité de traitement, la figure du fonctionnaire sert idéologiquement à justifier la demande d'invisibilité des orientations non hétérosexuelles au sein des services publics. En tant qu'employé·es de l'État, la dissimulation de l'orientation non hétérosexuelle semble plus appropriée au rôle attendu d'iels. Mais en tant qu'agent·es de l'État, il leur est demandé et de plus en plus depuis plusieurs années, d'intégrer à leur mission éducative la défense de la diversité sexuelle et de genre auprès des élèves, ce qui vient heurter la posture d'invisibilité qui semblait dominer jusque-là. Cette injonction contradictoire positionne les personnels de l'éducation LGB dans un entre-deux et fait irrémédiablement place à des modes de conciliation « bricolés » et une incertitude quant à la légitimité de leur posture. L'ambivalence interroge tout à la fois le rôle de protection de l'État vis-à-vis d'un groupe d'agent·es publics ainsi que l'efficacité d'une transmission par l'école de conceptions égalitaires concernant le genre et la sexualité.
      In France, the law protects employees from discrimination based on sexual orientation. Anti-discrimination law also applies to public officials. However, based on a survey of interviews with various actors lesbian gay and bisexuals (LGB) in education, we found that this legal protection does not prevent them from reflecting on and anticipating the management of their sexual orientation in their professional sphere. While the prevalence of heteronormativity is not unique to education professionals compared to other professions, certain mechanisms are specific to this professional body. Historically marked by the norm of general interest, neutrality and equal treatment, the figure of the civil servant ideologically serves to justify the demand for invisibility of non-heterosexual orientations within public services. As state employees, the concealment of non-heterosexual orientation seems more appropriate to the role expected of them. But as state employees, they have been asked, and increasingly so over the past several years, to integrate the defense of sexual and gender diversity among students into their educational mission, which clashes with the posture of invisibility that seemed to prevail until then. This contradictory injunction places the actors LGB of education in an in-between position and irrevocably gives way to "cobbled together" modes of conciliation and an uncertainty as to the legitimacy of their position. This ambivalence questions both the role of the State in protecting a group of public officials and the effectiveness of the transmission of egalitarian conceptions of gender and sexuality through schools.
    • Distinctions légales ou discriminations ? : Les parents homosexuels et bisexuels face aux services publics hétéronormatifs en France - Camille Frémont, Lus Prauthois p. 85-108 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      S'appuyant sur deux enquêtes menées en France entre 2011 et 2020, cet article montre que les parents homo/bisexuels sont confrontés à plusieurs dimensions de l'hétéronormativité lorsqu'ils interagissent avec les services publics. Leur traitement différentiel par les agents des services publics peut venir d'une distinction légale ou d'une discrimination dans la prise en charge. Ces personnes homo/bisexuelles deviennent parents en marge des services publics français médicaux et de l'adoption qui consacrent l'hétérosexualité reproductive. Elles font face à la présomption d'hétérosexualité qui transforme les premiers contacts avec les services publics de l'enfance en coming-out. Elles négocient des arrangements au quotidien avec la CAF, la crèche, l'école, etc. Les interprétations et réactions des parents varient en fonction de leur trajectoire sexuelle et sociale, leurs ressources socio-économiques, leur statut juridique et des marges de manœuvre offertes par chaque service public.
      Based on multi-sited fieldwork conducted between 2011 and 2020, this paper shows that homo/bisexual parents are dealing with several dimensions of heteronormativity when they interact with street-level bureaucrats. Street-level bureaucrats treat differently same and mixed-sex couples because of legal distinction or discrimination. In the cases studied, parenthood begins in the margins of French medical facilities and adoption services that, in turn, legitimize reproductive heterosexuality. Same-sex families face the presumption of heterosexuality which transforms their first meetings with each street-level bureaucrats into coming out. They negotiate with CAF (an institution which gives them benefits), daycare homes, schools, etc., in their daily contacts. These parents' interpretations and reactions differ according to their trajectory, socio-economic resources, their legal status, and how much agency they can have in each of these public services.
    • Apprendre à faire genre : Discriminations et stratégies d'usagers·ères trans dans les services publics - Emmanuel Beaubatie p. 109-130 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dans les services publics, les consignes se multiplient pour assurer un accueil adapté aux usagers·ères trans. Mais qu'en est-il concrètement pour les personnes concernées ? Cet article présente une analyse statistique de leurs déclarations de discriminations administratives, ainsi qu'une étude qualitative de leurs vécus et de leurs stratégies face à de tels épisodes. Les jeunes sont particulièrement touché·e·s – quantitativement mais aussi et surtout subjectivement – par les discriminations. Après en avoir fait leurs premières expériences, ils et elles tendent à s'engager dans un apprentissage tactique visant à composer avec les catégories et normes de genre des services publics. Au fil de la vie, les individus sont ainsi amené·e·s, ne serait-ce que par stratégie, à apprendre à se montrer conformes et respectables.
      In the public services, there are more and more instructions to ensure that trans' users are received appropriately. But what does this mean in concrete terms for the people concerned? This article presents a statistical analysis of their declarations of administrative discrimination, as well as a qualitative study of their experiences and strategies in the face of such episodes. Young people are particularly affected – quantitatively but also and above all subjectively – by discrimination. After their first experiences of discrimination, they tend to engage in a tactical learning process aimed at dealing with gender norms and categories in public services. In the course of their lives, individuals are thus led, if only strategically, to learn how to be compliant and respectable.
    • Les réfugiés LGBTI : L'émergence d'une nouvelle catégorie d'action publique en France et au Royaume-Uni - Ahmed Hamila p. 131-158 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis la reconnaissance des persécutions du fait de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre en tant que motif d'octroi du statut de réfugié en France et au Royaume-Uni, on a vu apparaître une nouvelle catégorie d'action publique au sein des autorités asilaires de ces pays : les réfugiés LGBTI. Cette catégorie d'action publique se matérialise par des instruments spécifiques qui ont été mis en place pour le traitement des demandes d'asile liées à l'orientation sexuelle et l'identité de genre et notamment pour établir la crédibilité de ces requérants. S'inscrivant dans une approche socio-historique de l'analyse de l'action publique, cet article retrace l'émergence de cette nouvelle catégorie d'action publique en s'intéressant aux acteurs administratifs, associatifs et judiciaires du droit d'asile ainsi qu'à leurs logiques interprétatives. J'y démontre que bien que censée représenter le même groupe d'individus, la catégorie de réfugiés LGBTI n'a pas connu la même trajectoire de traduction en France et au Royaume-Uni, ce qui s'explique notamment par un paradigme de traduction propre à chaque pays.
      Since the recognition of sexual orientation and gender identity-based persecution as grounds for granting refugee status in France and the United Kingdom, the asylum authorities of these countries have deployed a new category of public action: LGBTI refugees. This category of public action materializes in specific instruments implemented for the assessment of asylum applications related to sexual orientation and gender identity and in particular to establish the credibility of these asylum seekers. Using a socio-historical approach to the analysis of public policy, this article analyzes the construction of this new category by analyzing the administrative, associative and judicial actors involved in the asylum sectors and their logics-of-interpretation. I argue that although the category of LGBTI refugees appears to represent a single group of individuals, it has not been translated in the same way in France and in the United Kingdom, a policy outcome that can be explained by the translation paradigm specific to each country.
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