Contenu du sommaire : Petites et grandes résistances dans les domesticités

Revue L'Homme et la société Mir@bel
Numéro no 214-215, 2021/1-2
Titre du numéro Petites et grandes résistances dans les domesticités
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  • Éditorial

  • Dossier

    • Introduction : Petites et grandes résistances dans les domesticités - Ranime Alsheltawy, Alizée Delpierre p. 13-29 accès réservé
    • Genèse de la convention collective des employés de maison (1930-1951) : La mobilisation des employeuses pour la reconnaissance du travail domestique en France - Isabelle Puech p. 31-50 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article retrace la genèse de la première convention collective nationale des employés de maison des années 1930 jusqu'à sa signature en 1951. Il analyse la contribution des employeuses à la création de ce droit. Les employeuses mobilisées dans les premières associations de maîtres et maîtresses de maison participent activement à l'encadrement juridique des relations de travail et à la création des premiers droits conventionnels pour les employées de maison, en même temps qu'elles obtiennent pour elles-mêmes un statut d'employeuse. Cet engagement leur permet de sortir du foyer et d'investir des domaines de la sphère publique dont elles étaient jusque-là exclues, tout en se conformant à l'ordre social de leur milieu.
      This paper traces the genesis of the first national collective agreement for domestic workers from the 1930s until its signature in 1951. It analyses the contribution of female household employers to the creation of this right. Those female household employers who were mobilised in the first associations of masters and housewives actively participated in the legal framework of labour relations and in the creation of the first conventional rights for domestic workers, at the same time as they obtained for themselves the status of employer. This commitment allowed them to get out of the home and integrate arenas of the public sphere from which they were so far excluded, while conforming to their socially prescribed gender role.
    • Le droit est le masque de la lutte : Lorsque des travailleuses domestiques saisissent la justice - Caroline Ibos p. 51-82 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      À partir d'une observation menée dans un syndicat grassroots de travailleuses domestiques « salariées du particulier-employeur » (le SNAP/SPE), l'article analyse les usages du droit liés à ce que ces femmes qualifient de « discriminations ». Certaines d'entre elles, s'estimant victimes d'abus particulièrement dégradants, espèrent rétablir leur dignité par l'action contentieuse. Sollicité pour les conseiller et les assister dans leurs démarches, le syndicat cherche à la fois à obtenir réparation pour les plaignantes et à renforcer sa position sur la scène des relations professionnelles : par une utilisation pointilleuse de la convention collective, il cherche à requalifier la violence de race en violation du droit du travail. En mobilisant une approche intersectionnelle, cette contribution explore ainsi les stratégies complexes d'un collectif de femmes subalternes et racisées, pour lutter au croisement des rapports de domination, dans un contexte social qui, prompt à dénoncer le communautarisme, invisibilise la race.
      Based on an observation carried out in a grassroots union of domestic workers “employed by the private employer” (the SNAP/SPE), the paper analyses the uses of the law in relation to struggle against what these women describe as “discrimination”. Some of them, believing themselves to be victims of particularly degrading abuse, hope to restore their dignity through legal action. The union, which was asked to advise and assist them in their efforts, sought both to obtain compensation for the complainants and to strengthen its position in the inter-professional relations arena: through the careful use of the collective agreement, it sought to reclassify racial violence as a violation of labour law. Using an intersectional approach, this paper explores the complex strategies of a collective of subaltern and racialised women to fight at the intersection of relations of domination, in a social context that is quick to denounce communitarianism and invisibilise race.
    • Entre angoisses et calculs : l'épreuve de la « domination rapprochée » - Dominique Memmi p. 83-109 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Comment parvenir à s'imposer, au quotidien et au moindre coût ? Pour qui occupe la position haute dans un rapport de domination, cette question est d'autant plus névralgique quand les protagonistes sont contraints au face-à-face, comme dans la relation employeur-employé de maison, d'hier à aujourd'hui. Pour vérifier l'intensité de ce questionnement, il faut évidemment accéder au for intérieur de celui qui occupe cette position dominante : c'est ce que permettent de faire les quelques pages toujours consacrées aux employés de maison dans les manuels de savoir-vivre échelonnés sur tout le xxe siècle. Entre impitoyables calculs et inavouables anxiétés sociales, on assiste de l'intérieur à la « cuisine » de la domination, et on accède aux catégories d'entendement ordinaires (et relativement stables) du dominant de « proximité ».
      How to be dominant, on a daily basis, and at the lowest cost? This is a difficult question to avoid for those who occupy the highest position in a relationship of domination. It is all the more important when the protagonists are forced into physical proximity: as in the employer/employee relationship, yesterday and today. Is it possible to access to the representation of the person who occupies this high position, which is often experienced as somewhat acrobatic? This is what the few pages always dedicated to servants in the manuals of good manners from the beginning of the 20th century to present allow us to do. Between ratios and impulses, purely cynical calculations and poorly controlled affects, intense social lucidity and extreme fantasies, we witness from the inside the “kitchen” of domination, that is to say, a fascinating spectrum ranging from rigorous and ruthless cost/benefit calculations to the deep and often unavowable social anxieties that it engenders. Wethus gain access to the ordinary categories of understanding of the dominant in relationships of proximity.
    • « Employers don't know what I feel behind that smile » : Penser les résistances dans l'économie mondialisée du travail domestique - Julien Debonneville p. 111-138 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose d'interroger les pratiques de résistance dans l'économie mondialisée du travail domestique. Pour ce faire, il appuie le postulat selon lequel certaines formes de résistances s'immiscent dans la matrice du pouvoir, bien que les rapports de domination et d'exploitation semblent clairement établis dans l'économie mondialisée du travail domestique. Sur la base de 80 entretiens semi-directifs avec des travailleuses domestiques philippines ayant œuvré au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est et de l'Est et en Europe, cette enquête décrit les différentes stratégies de résistance déployées par ces femmes en situation de servitude. Cet article montre ainsi comment ces résistances se construisent sur le plan individuel et collectif, à l'intérieur et à l'extérieur du foyer, mais surtout au quotidien à travers la façon dont ces femmes endossent leur rôle de travailleuse domestique et subvertissent les normes sociales qui lui sont associées. En conclusion, cette enquête pointe comment ce travail de dirty care permet à ces femmes de se défendre et de négocier les normes de servitude.
      This paper investigates practices of resistance in the globalised economy of domestic work. It draws on the idea that certain forms of resistance emerge in the context of relations of domination and exploitation which are inherent to the globalised economy of domestic work. Based on 80 semi-structured interviews with Filipino domestic workers who have worked in the Middle East, Southeast Asia/East Asia and Europe, this study describes the different strategies of resistance mobilised by these women in situations of servitude. This paper therefore shows how these resistances are constructed at an individual and collective level, inside and outside the home, but above all, on a daily basis through the way these women negotiate their role as domestic workers and subvert the social norms associated with this role. This research finally highlights how the dirty care allow women to defend themselves and negotiate norms of servitude. 
    • La « mauvaise humeur » des domestiques : s'exprimer pour affirmer son individualité ? : Approche historique - Margot Beal p. 139-160 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article s'intéresse à la manière dont les domestiques des xixe et xxe siècles expriment leur « mauvaise humeur » en France métropolitaine. Après avoir montré que le patronat domestique attend une norme de comportement verbal et non verbal de « bonne humeur », il explore les conditions dans lesquelles les domestiques hommes et femmes, dans les villes et dans le milieu rural, s'affranchissent parfois de cette norme de comportement. Il s'agit de mettre en avant l'Eigensinn (Alf Lüdtke), c'est-à-dire le « sens de soi », pratiqué par des membres des classes populaires au travail, dans un contexte de domesticité où les marges de manœuvre sont particulièrement réduites.
      The paper reflects how paid domestic workers from 19th and 20th century France express their negative feelings and “bad mood”. It shows how domestic employers, male and female, expect a normative behavior regarding the good mood of their domestic employees as a performance which is part of the job, before approaching how male and female domestic workers, both in urban and rural settings, derogate from these expectations. The paper approaches this deviation thanks to the Eigensinn concept of Alf Lüdkte in order to express themselves, in a professional context where their own agency is reduced.
    • Performance et exclusion : La place du corps au sein du mouvement intersectionnel des travailleuses domestiques migrantes au Liban - Dalia Zein p. 161-190 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article explore le développement du mouvement social des travailleuses domestiques migrantes au Liban ainsi que ses stratégies pour lutter contre leur exclusion d'une part, et celles des acteurs étatiques pour renforcer cette exclusion d'autre part. S'inspirant des travaux de Judith Butler sur la performance dans l'assemblée politique, ce texte avance l'importance de considérer la place du corps, et en particulier le corps au sein d'un mouvement intersectionnel, pour comprendre la signification politique de l'assemblée dans le cas des travailleuses domestiques migrantes, ainsi que les façons dont l'État tente de supprimer cette assemblée en ciblant le corps dans des actes tels que l'emprisonnement, la déportation et l'appel à la peur.
      This paper explores the development of the migrant domestic workers' intersectional social movement in Lebanon as well as its strategies in addressing migrant domestic workers' exclusion on the one hand, and the strategies of state actors to reinforce this exclusion on the other hand. Drawing from Judith Butler's work on performance in political assembly, this text advances the importance of considering the place of the body, and in particular the body amid an intersectional movement, to understand the political significance of assembly in the case of migrant domestic workers, as well as the ways in which state attempts to dismantle this assembly by targeting the body in acts such as imprisonment, deportation and fear-mongering.
    • Résister dans un environnement contraint : Le cas des travailleuses domestiques immigrées au Liban - Marion Tertre p. 191-218 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Au Liban, l'emploi de travailleuses domestiques immigrées est un phénomène de grande ampleur encadré par le système migratoire de la kafala, actant l'instabilité et la vulnérabilité des travailleurs étrangers. Les contraintes structurelles et sociales interrogent les possibilités de regroupements et d'actions collectives de femmes isolées par le travail domestique. L'article propose d'analyser les processus de résistances initiés par ces travailleuses. Sur le mode de pratiques quotidiennes de lutte pour leur survie, les travailleuses parviennent à se rendre visibles et bénéficient des opportunités ouvertes par certains espaces pour se regrouper. Toutefois, dans un contexte contraint, l'action collective est dépendante des organisations non gouvernementales (ONG). Les mobilisations collectives lancées par les travailleuses restent sur un mode dormant, en gagnant en influence sur le terrain sans toutefois pouvoir éclore ouvertement sur la scène publique.
      In Lebanon, employment of migrant domestic workers is a widespread phenomenon that is regulated by the kafala migratory system, which fixes foreign workers' instability and vulnerability. These structural and social constraints question the opportunities for grouping and collective action for women that are reduced to domestic work. This paper proposes to analyse the resistances initiated by those workers. By everyday practices of struggles to survive, these workers manage to expose themselves and benefit from the opportunities of certain spaces to gather. However, in a constrained environment, the collective action depends on NGOs. The collective mobilisations initiated by the workers stay in an abeyance phase by gaining influence on the field without, however, being able to break openly on the public scene.
  • Hors-dossier

    • La Honte, l'histoire d'une revanche sociale - Danial Basanj, Fereshteh Fakour Manavi p. 221-235 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'expression du sentiment de la honte dans La Honte pourrait être qualifiée comme un acte ayant pour but de racheter la trahison accomplie par Annie Ernaux à l'égard de son père, mais une analyse approfondie de ce sentiment révèle une évolution dans la pensée ernausienne. Pour ne pas nous conformer aux idées reçues, nous cherchons à savoir les raisons pour lesquelles Annie Ernaux décide d'avouer les scènes humiliantes da sa vie. Pour ce faire, nous étudions d'abord la genèse du sentiment de la honte chez Annie Ernaux. Cette première approche nous mène à découvrir d'autres scènes honteuses. Puis nous analysons comment Ernaux accorde un aspect collectif à son histoire personnelle. La prise de conscience de cette réalité nous mène à dégager une honte qui aboutit à une forme de solidarité. L'auteure révèle comment l'expression de la honte pourrait être qualifiée comme étant à la fois thérapeutique et politique.
      While the expression of shame in The Shame could be considered as an act seeking to redeem the treason committed by Annie Ernaux towards her father, a precise analysis of this feeling reveals Ernaux's developing thought. In order to defy popular opinion, we have decided to find the reasons why Annie Ernaux decides to confess the humiliating episodes of her life. For this, we start by studying the genesis of the feeling of the shame in the character of Annie Ernaux through the violent behavior of her father. This analysis leads us to discover other shameful scenes. Then, we analyse how Ernaux grants a public angle to her personal story. The understanding of this reality will let us to draw out a concept of shame which leads ultimately to a form of solidarity. The author reveals how the expression of shame could be therapeutic as well as politic.
  • Notes critiques

  • Comptes rendus

  • Revues des revues 2019-2020