Contenu du sommaire : Guy Debord et la politique

Revue Revue française d'histoire des idées politiques Mir@bel
Numéro no 55, 1er semestre 2022
Titre du numéro Guy Debord et la politique
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  • Études

    • Introduction - Bertrand Cochard p. 9-14 accès réservé
    • Guy Debord et l'anarchisme - Jean-Christophe Angaut p. 15-34 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Les rapports de Guy Debord à l'anarchisme ne se réduisent pas au portrait qu'il en dresse dans La Société du spectacle, celui d'une négation encore idéologique de l'État et des classes. Outre que cette critique renvoie au contexte des relations concrètes entre les situationnistes et les anarchistes au milieu des années 1960, elle ne doit pas faire oublier la place croissante que l'anarchisme tient dans l'imaginaire et les interventions de Guy Debord, ainsi que les affinités profondes qui existent entre ses activités et le projet libertaire dont il prolonge certains aspects fondamentaux, comme le refus de séparer théorie et pratique et la conception de l'action minoritaire.
      Guy Debord's relationships with anarchism do not boil down to the still ideological negation of State and classes he depicts in The Society of the Spectacle. Such critique is not only qualified by the concrete relations between Situationists and Anarchists during the mid-60s, but also should not obscure the growing significance of anarchism for Debord's imagination and interventions, as well as the far-reaching affinities between his activities and the libertarian project of which he extends some fundamental features such as the rejection of the theory/practice split and the conception of minoritarian action.
    • Spectacle sans sujet : repenser le spectaculaire intégré - Gabriel Ferreira Zacarias p. 35-65 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Pendant longtemps, il a été admis que la pensée théorique radicale de Guy Debord se trouvait essentiellement dans La Société du spectacle. Or, un peu plus de vingt ans après avoir publié cette œuvre, Debord écrivait les Commentaires sur la société du spectacle, livre qui prenait acte des transformations de la société capitaliste entre-temps. Cet article entend montrer que les Commentaires, et notamment la notion de « spectaculaire intégré » qu'on y trouve, permettent d'éviter certaines fausses pistes de La Société du spectacle, notamment celle, conseilliste, qui suspend la révolution à la prise de conscience et à l'action d'un sujet collectif. L'enjeu de cet article est d'opérer un rapprochement entre le Debord des Commentaires et certaines idées propres à la « nouvelle critique de la valeur », et d'effectuer une lecture de Debord non axée sur la lutte des classes, au profit d'une approche qui dépose le bilan de l'ontologie subjectiviste des Lumières, et privilégie une analyse centrée sur la réduction du travail vivant dans les sociétés occidentales.
      It had always been assumed that Guy Debord's radical theoretical thinking was essentially to be searched out in his The Society of the Spectacle. A little over two decades after the publication of this work, however, Debord wrote the Comments on the Society of the Spectacle where he recorded the transformations undergone by the capitalist society in the meantime. This paper shows how the Comments, particularly the notion of “integrated spectacular” therein to be found, help obviate misled readings of The Society of the Spectacle, notably the councilist one in which the revolution is premised on the self-awareness and action of a collective subject. The issue here is to link up the Comments with certain views owned by the “New Value Critique” and to part with a class-struggle based reading of Debord in favor of an approach which, owning up to the bankruptcy of the subjectivist ontology of the Enlightenment, favors an analysis focusing on the reduction of living labor in Western societies.
    • « Le temps de vivre ne manquera plus ». Guy Debord : la politique et le temps - Bertrand Cochard p. 67-89 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Dès ses premières lettres à Hervé Falcou en 1950, et jusqu'à ses dernières œuvres, Guy Debord a attaché à la question et à l'expérience du temps une attention toute particulière. Au point d'y consacrer deux chapitres (chapitre v « Temps et histoire » ; chapitre vi « Le temps spectaculaire »), et de les placer au centre de son principal ouvrage théorique : La Société du spectacle. Cet article propose une relecture du concept de spectacle à partir du prisme du temps, en distinguant le Spectacle (processus historique de séparation croissante des groupes sociaux d'avec l'histoire), le spectacle (dernière figure de ce processus) et les spectacles (dispositifs idéologiques destinés à justifier l'aliénation dans le temps). L'enjeu de cet article est de montrer qu'en conjuguant le matérialisme de Marx à l'idéalisme de Hegel, Guy Debord a construit une théorie du temps qui résonne de manière particulièrement forte dans l'époque contemporaine.
      From his early letters to Hervé Falcou in 1950, through to his very final works, Guy Debord gave particular attention to the question of the experience of time. He in fact gave so much importance to time that he devoted two entire chapters to it in his major theoretical work, The Society of the Spectacle (chapter V, “Time and History”, and chapter VI, “Spectacular Time”), and placed them right at the centre of that book. The perspective adopted by this article attends to the importance that Debord attributed to time, and it affords a new reading of the concept of “spectacle”: one in which a distinction is made between Spectacle (understood as a historical process of increasing separation between social groups and History), spectacle (the last figure of that historical process) and spectacles (ideological apparatus justifying alienation in time). The aim of the article is to show that, by developing a combination of Marx's materialism and Hegel's idealism, Debord built a theory of time that sheds an important light upon our own contemporary times.
    • Histoire et révolution dans La Société du spectacle de Guy Debord - Tom Bunyard, Bertrand Cochard p. 91-118 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose un compte-rendu des idées générales de Guy Debord sur la temporalité, telles qu'on les trouve dans La Société du spectacle. Il le fait en soulignant les liens entre les préoccupations de Debord concernant la temporalité, le concept de « spectacle », et son engagement pour un changement social révolutionnaire. La première partie de l'article thématise l'importance du temps et de l'histoire dans la théorie du spectacle, et s'oppose aux lectures qui tendent à se focaliser sur les liens entre le spectacle et le capitalisme moderne. Les parties suivantes dessinent les principaux motifs de la conception debordienne de l'histoire, et ses liens avec son concept de révolution. Cela implique un bref aperçu de l'ontologie qui sous-tend ses réflexions sur la temporalité, et une présentation sommaire de la philosophie de l'histoire que l'on peut extraire de La Société du spectacle.
      This essay provides an overview of some of the ideas concerning temporality that underpin Guy Debord's The Society of the Spectacle. It does so by foregrounding the connections between Debord's conception of temporality, his book's central concept of “spectacle”, and his commitment to revolutionary social change, placing particular emphasis on the latter. The first part of the essay introduces the importance of time and history in the theory of spectacle, and argues against a restrictive focus on the connections between spectacle and modern capitalism. The essay's subsequent sections discuss some of the primary features of Debord's understanding of history, and its relation to his conception of revolution. This involves a brief account of the ontology that underpins his ideas concerning temporality, and a short overview of the philosophy of history that can be found in The Society of the Spectacle.
    • Guy Debord et la technologie - Patrick Marcolini p. 119-147 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Guy Debord est surtout connu pour sa critique de l'économie et des sociétés capitalistes, développée notamment en 1967 dans La Société du spectacle. Cet article vise à démontrer qu'il fut aussi, après sa période situationniste, un critique acéré de la société industrielle et du règne des machines. Cette évolution, commencée en fait au milieu des années 1960, aurait probablement trouvé son aboutissement dans les œuvres qu'il préparait au début des années 1990. Notre démonstration s'appuie sur l'étude des fiches de lecture et des textes préparatoires qu'il a laissés à sa mort. Le rôle des auteurs qui inspirèrent cette évolution est souligné : Castoriadis, Ellul, Mumford, Wittfogel, Papaïoannou entre autres, mais aussi Marx et son fameux « Fragment sur les machines ».
      Guy Debord is best known for his critique of the economy of capitalist societies, which he developed and presented most famously in his The Society of the Spectacle of 1967. This article aims to demonstrate that he was also, after his Situationist period, an acute critic of industrial society and technology. This evolution of his thought, which in fact began in the mid-60s, would most likely have culminated in the works that he was preparing at the start of the 1990s. The article demonstrates this through a study of the reading notes and preparatory texts that Debord left at his death. In doing so, it highlights the role played by the thinkers who inspired this evolution in his work: Castoriadis, Ellul, Mumford, Wittfogel, and Papaïoannou, among others, but also Marx and his famous “Fragment on Machines”.
    • Dépasser l'anticolonialisme. Les spectres algériens de Guy Debord (1953-1993) - Nedjib Sidi Moussa p. 149-175 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article propose de revenir sur les liens insuffisamment soulignés entre Guy Debord et l'Algérie qui se sont étalés sur quatre décennies, depuis le moment colonial jusqu'au début des années 1990. Au-delà de cette durée, cette connexion intense éclaire la radicalisation politique du fondateur de l'Internationale situationniste ainsi que la circulation de ses thèses après l'indépendance algérienne. L'étude de ces transactions marginales, qui ont permis un dépassement de l'anticolonialisme et une critique originale du tiers-mondisme, permet de restituer les débats de la gauche française ainsi que les échos des mouvements protestataires algériens.
      This paper intends to elaborate on Guy Debord's understudied relations with Algeria, spreading over four decades from the late colonial period until the early'90s. Apart from its long timespan, this intense connection clears up the International Situationist's founding father's political radicalization and explains the circulation of his theses after the Algerian independence. A study of those marginal transactions which helped overcome colonialism and cleared the way for an original critique of Third-Worldism, makes it possible to account for the discussions within the French Left and for the echoes of the Algerian protest movements.
  • Varia

    • Sorel et la vocation du prolétariat - Patrice Rolland p. 177-200 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Pourquoi se définir comme « un serviteur désintéressé du prolétariat » ? Sorel veut garder le prolétariat des embûches de la démocratie où l'entraîne le socialisme politique. La classe ouvrière, réunie dans le syndicalisme d'action directe, n'a pas besoin d'autre dirigeant qu'elle-même. Au-delà de sa propre émancipation, elle a une vocation à remplir au profit de la société entière menacée de décadence par la démocratie bourgeoise. En mentor, Sorel veut préserver l'autonomie ouvrière pour qu'elle puisse exercer une mission morale. Cette « morale des producteurs » a l'ambition de préserver la « vertu secrète » qui assure le progrès dans le monde sans récompense personnelle et l'existence d'une « société d'hommes libres ».
      Why should one define oneself as a “disinterested servant of the proletariat”? Sorel wants to keep the proletariat away from the pitfalls of democracy where political socialism is leading it. Once unified within a syndicalism of direct-action, the working class needs no leader but itself. Beyond its own emancipation, it has a vocation to fulfill for the benefit of a whole society threatened with decadence by bourgeois democracy. As a mentor, Sorel wants to preserve the autonomy of the working class in order for it to fulfill its moral mission. Such a “moral of the producers” ambitions to safeguard the “secret virtue” which ensures progress without personal gain and the existence of a “society of free men”.