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Revue | Revue historique |
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Numéro | no 702, avril 2022 |
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- Le prix de la relance : rémunérer le travail en sortie de crise (XIVe-XVe siècle) - Anne-Laure Alard-Bonhoure p. 267-299 Le travail rémunéré en contexte rural demeure un parent pauvre des études sur le travail médiéval. Cette étude se propose d'en étudier les enjeux dans le contexte d'une seigneurie monastique en pleine crise à la fin du Moyen Âge. Durant cette période troublée alternant les phases de destruction et de reconstruction, les administrateurs de l'abbaye bénédictine de Saint-Martin de Pontoise font appel à une main d'œuvre salariée de plus en plus nombreuse. Ces travailleurs effectuent des tâches domestiques, artisanales, et de plus en plus, agricoles. Leur rôle devient de fait prépondérant pour la restauration de la réserve seigneuriale à la fin du xve siècle. Les modalités d'engagement, de rétribution et les conditions concrètes de travail de ces hommes et femmes permettent de saisir les liens étroits entre travail rémunéré et pouvoir seigneurial durant la crise du Bas Moyen Âge.Paid work in rural environment remains a poor relation in the medieval work studies. This work examines the paid work's issues for a monastic seigniory in the crisis of the Late Middle Ages. During this troubled period of destructions and reconstructions, the administrators of Saint-Martin de Pontoise Abbey use a growing paid workforce. Those workers perform domestic, artisanal and, increasingly, agricultural tasks. In fact, they play a key role in the restoration of the seigneurial reserve in the late XVth century. The terms of engagement, payment, and the real working conditions of those men and women allows to understand the close links between paid work and seignorial power in the crisis of the Late Middle Ages.
- L'usage calculé d'une rhétorique de la féminité dans la correspondance de Catherine de Médicis - Matthieu Gellard p. 301-318 Catherine de Médicis écrit régulièrement à sa belle-sœur ou à ses filles mariées à des princes européens, aux princesses des autres maisons régnantes du continent ainsi qu'aux grandes aristocrates françaises ; elle aborde dans ces lettres, et parfois dans celles qu'elle adresse aux époux de toutes ces femmes, des thèmes « féminins », tels que la santé, la maternité, les enfants, etc. Faut-il dès lors en conclure à une écriture féminine de la reine mère ? Cet article propose à la place de réfléchir à la manière dont la reine mère ou ceux qui participent à l'élaboration de sa correspondance mobilisent sa féminité en fonction des objectifs que ses lettres doivent atteindre. En d'autres termes, plutôt que de partir de l'idée que Catherine de Médicis écrit comme une femme parce qu'elle est une femme, l'hypothèse sur laquelle se fonde cet article est que c'est un des possibles auquel son sexe lui permet de recourir. Dans le cadre précis de son écriture épistolaire, cela revient à analyser ce que le fait d'être une femme l'autorise à faire, d'envisager, en d'autres termes, son agency, c'est-à-dire sa capacité particulière à agir sur le monde. Ainsi, en jouant sur les catégories, en les manipulant ou en les adoptant, la reine-mère construit un champ des possibles le plus large possible et renforce l'efficacité de la communication monarchique, sa correspondance étant une correspondance officielle et ses lettres accompagnant presque systématiquement celles du roi.Catherine of Medici wrote regularly to her sister-in-law or to her daughters married to European princes, to the princesses of the other reigning houses of the continent as well as to the great French aristocrats; she discusses in these letters, and sometimes in those she addresses to the husbands of all these women, “feminine” themes, such as health, motherhood, children, etc. Should we therefore conclude that the queen mother has a feminine writing ? This paper rather proposes to reflect on how the Queen Mother or those who participate in the development of her correspondence mobilize her feminity according to the objectives her letters must achieve. In other words, rather than starting with the idea that Catherine of Medici writes as a woman because she is a woman, the assumption on which this paper is based is that it is on of the possibilities opened to her by her gender. Concerning the production of her correspondence, this leads to analyze what she can do as a woman, to consider, in other words, her agency, that is to say her specific ability to act on the world. Thus, by playing with categories, by manipulating them or by adopting them, the Queen Mother build the widest possible range of possibilities and reinforce the efficiency of the monarchical communication, her correspondence being an official correspondence and her letters almost systematically accompanying those of the king.
- La naissance de l'artillerie japonaise moderne à la fin de l'époque d'Edo (1830-1868) - Éric Seizelet p. 319-360 La modernisation du parc d'artillerie japonais à la fin de l'époque d'Edo fut la résultante à la fois de la menace que faisait peser la poussée occidentale en Asie orientale sur les marches de l'archipel depuis la fin du xviiie siècle et des tensions intérieures suscitées par la politique à suivre pour y faire face. L'article détaille la façon dont le Bakufu et les fiefs réceptionnèrent et adaptèrent les innovations technologiques militaires occidentales, mais aussi et surtout, les nombreux obstacles, politiques, économiques et techniques qu'il a fallu surmonter. Il fait également le point sur la place de l'artillerie dans les réformes militaires des années 1860 destinées à créer des forces armées organisées sur le mode occidental et leur impact sur la société d'ordres dont la classe extrêmement composite des guerriers était à la tête.The modernization of the Japanese artillery throughout the Bakumatsu period was the result of both Western military and trade breakthroughs in East Asia since the end of the 18th century, and domestic tensions over the counteractions policies launched by the shogunate. This article details the various processes and ways used by the Bakufu and the domains to introduce and adapt western military innovations and warfare, and depicts the numerous political, economic and technological obstacles they had to overcome. It also points out the place of artillery in the military reforms promoted during the 1860s, in order to create a new military apparatus along western standards, and their social impact on a status society dominated by a highly hierarchical class of warriors.
- Crimes pittoresques. La construction culturelle du brigand italien dans la première moitié du XIXe siècle - Giulio Tatasciore p. 361-398 Cet article porte sur la construction culturelle du brigand italien, une figure marquante de l'imaginaire social de l'Europe du xixe siècle. Le principal objectif est d'établir un lien entre les représentations culturelles des brigands et le discours romantique sur les « mystères » des classes criminelles. L'article vise notamment à analyser les mécanismes d'identification, médiatisation, politisation et criminalisation liées aux brigands et au phénomène du brigandage. L'article offre ainsi une contribution à l'étude du mélange complexe d'imaginaire littéraire, de discours criminologique et de conflit politique, qui semble être le vecteur privilégié de définition des représentations changeantes de ce type social.This article examines the cultural construction of the Italian brigand, a prominent figure in the social imagination of 19th century Europe. The main objective is to establish a connection between the cultural representations of the brigands and the romantic discourse on the « mysteries » of the criminal classes. The article aims to analyse the processes of identification, mediatisation, politicisation and criminalisation linked to brigands and the phenomenon of brigandage. The article offers a contribution to the study of the complex mixture of literary production, criminological discourse and political conflict, which seems to be the privileged instrument for defining the changing representations of this social type.
- Boire pour se soigner. Une nouvelle menace pour la santé publique (France, vers 1900) - Stéphane Le Bras p. 399-430 Dans une France du xixe siècle où la consommation d'alcool croît de manière régulière, les premières voix s'inquiétant d'un phénomène dangereux pour la société s'élèvent au milieu du siècle. Peu à peu, et sous diverses formes, le mouvement antialcoolique prend forme et met en garde contre l'alcoolisation massive d'une partie non-négligeable de la population française. À la diversité des pratiques (consommation collective ou individuelle ; alcoolisme chronique ou aigu ; boissons fermentées ou distillées ; etc.) répond un discours médical et associatif plus ou moins structuré jusqu'aux années 1870. Il devient après cette date bien plus ferme et cohérent, dénonçant les différentes facettes de ce qui apparaît comme un fléau social dans les dernières décennies du siècle. Cet article entend interroger une forme d'alcoolisme considéré comme pernicieux et particulièrement répandu, l'alcoolisme thérapeutique. Ce dernier consiste dans l'alcoolisation – passive ou active – des consommateurs de boissons alcoolisées aux vertus supposément thérapeutiques. Après avoir retracé la genèse du phénomène, en expliquant les ressorts médicaux de ces pratiques, il s'agit d'envisager comment, sous les effets de l'implication de différents protagonistes dont certains très éloignés des milieux médicaux ou paramédicaux, la consommation de boissons dites toniques ou fortifiantes monte en puissance dans le dernier quart du siècle. Dès lors, la réponse des acteurs de la scène antialcoolique est vive, ciblant industriels de la filière alcoolière, mais également médecins.In 19th century France, where the consumption of alcohol was growing steadily, the first voices worrying about this dangerous phenomenon for society were raised in the middle of the century. Little by little, and under various forms, the anti-alcohol movement takes shape and warns against the massive alcoholization of a non-negligible part of the French population. To the diversity of practices (collective or individual consumption; chronic or acute alcoholism; fermented or distilled beverages; etc.) responds a more or less structured medical and associative discourse until the 1870s. After this date, it becomes much firmer and more coherent, denouncing the different facets of what appears to be a social plague in the last decades of the century. This article intends to question a specific form of alcoholism considered pernicious and particularly widespread, “therapeutic alcoholism”. The latter consists of the–passive or active–alcoholization of consumers of alcoholic beverages with supposedly therapeutic virtues. After having traced the roots of the phenomenon, by explaining the medical reasons for these practices, this paper questions how, under the effects of the implication of various protagonists, some of whom are very distant from medical or paramedical circles, the consumption of so-called tonic or fortifying drinks increased inflexibly in the last quarter of the century. From then on, the response of the actors of the anti-alcoholic scene is fierce, targeting businessmen of the alcohol industry, but also doctors.
- Gender matters ? Genre et histoire de la négociation - Stéphane Péquignot, Marie-Karine Schaub p. 431-456 Cet article est un essai de synthèse sur les travaux récents en histoire médiévale et moderne qui se situent à la croisée des études de genre et de celles concernant l'histoire de la négociation. Ces recherches ouvrent de nouvelles perspectives dans les deux domaines. Après avoir rappelé l'utilisation d'outils théoriques comme « l'agentivité » ou « l'intersectionnalité » dans les travaux menés en sociologie ou en psychologie du travail, l'article propose un tableau des approches novatrices qui, dans les ouvrages historiques, repensent les rapports entre les hommes et les femmes dans leurs différentes pratiques de négociations. Sont ainsi abordées les pratiques politiques ou diplomatiques, les espaces d'action des femmes au pouvoir, d'aristocrates ou d'épouses de diplomates, leur usage des réseaux épistolaires mais aussi les capacités d'action des femmes dans les mondes multiples du travail. Les approches actuelles développées au croisement de l'histoire du genre et de la négociation, particulièrement riches, font notamment apparaître avec force comment, dans les sociétés d'Ancien Régime, les femmes contournaient certaines formes de la domination masculine dans la sphère publique comme dans la sphère privée, comment elles pouvaient en jouer et instrumentaliser les qualités « féminines » qui leur étaient communément attribuées.This article is an attempt to synthesize recent work in Medieval and Modern History at the intersection of gender studies and the History of negotiation. This research opens up new perspectives in both fields. After recalling the use of theoretical tools such as “agentivity” or “intersectionality” in work conducted in Sociology or Work Psychology, the article proposes a table of innovative approaches which, in historical studies, rethink the relations between men and women in their different negotiation practices. The political or diplomatic practices, the spaces of action of women in power, aristocrats or diplomats' wives, their use of epistolary networks, but also the capacities of action of women in their multiple worlds of work. The current approaches developed at the intersection of gender history and negotiation, particularly rich, show how, in the societies of the Ancien Régime, women circumvented certain forms of male domination in the public and private spheres, how they could play and instrumentalize the “feminine” qualities commonly attributed to them.
Comptes rendus
- Pierre-Olivier Hochard, Lydie, terre d'empire(s). Étude de numismatique et d'histoire (228 a.C.-268 p.C.), Bordeaux, Ausonius, coll. « Numismatica Antiqua » 11, 2020, 2 vol., 1325 p. + 166 pl. - Julie Dalaison p. 457-461
- Dominique-Marie Cabaret, La Topographie de la Jérusalem antique. Essais sur l'urbanisme fossile, défenses et portes. IIe s. av. – IIe s. ap. J.-C, Louvain, Peeters, coll. « Cahiers de la Revue Biblique » 98, 2020, 376 p. - Fabrice Doudoux p. 461-464
- Pierre Maréchaux et Bernard Mineo (dir.), Plutarque et la construction de l'Histoire. Entre récit historique et invention littéraire. Actes du colloque organisé les 13 et 14 mai 2016 à l'université de Nantes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2020, 206 p. - Olivier Devillers p. 464-466
- Jérôme Sella, Tenir le loup par les oreilles. Prendre le pouvoir et le conserver dans la Rome impériale des premiers siècles : d'Auguste aux Sévères, Ceyzérieu, Champ Vallon, coll. « Époques », 2020, 578 p. - Anne Gangloff p. 467-469
- Olivier Delouis, Maria Mossakovska-Gaubert et Annick Peters-Custot (dir.), Les Mobilités monastiques en Orient et en Occident de l'Antiquité tardive au Moyen Âge (IVe-XVe siècle), Rome, École française de Rome, « Collections de l'École française de Rome » 558, 2019, 579 p. - Rosa Benoît-Meggenis p. 470-473
- Constantin VII Porphyrogénète, Le Livre des Cérémonies, édition, traduction, notes et commentaire, publié sous la direction de Gilbert Dagron (†) et Bernard Flusin, avec la collaboration de Michel Stavrou et alii, Paris, Association des Amis du Centre d'histoire et civilisation de Byzance, coll. « Corpus Fontium Historiæ Byzantinæ » 52, 2020, 6 vol., 192*, 958 p. et 475 p. - Michel Kaplan p. 473-480
- Tristan Martine et Jessika Nowak (dir.), D'un regnum à l'autre. La Lotharingie, un espace de l'entre-deux ? / Vom Regnum zum Imperium. Lotharingien als Zwischenreich ?, Nancy, Presses universitaires de Nancy/Éditions universitaires de Lorraine, 2020, 393 p. - Geneviève Bührer-Thierry p. 480-482
- Martin Aurell, Gregory Lippiatt et Laurent Macé (dir.), Simon de Montfort (c. 1170-1218). Le croisé, son lignage et son temps, Turnhout, Brepols, coll. « Histoires de famille. La parenté au Moyen Âge » 21, 2020, 286 p. - Thibault Jouis p. 483-484
- Thierry Pécout (dir.), Les Officiers et la chose publique dans les territoires angevins (XIIIe-XVe siècle) : vers une culture politique ?, Rome, École française de Rome, « Collection de l'École Française de Rome », 518‑4, 2020, 670 p. - Jean-Paul Boyer p. 485-487
- Journal de Jean Le Fèvre, chancelier des ducs d'Anjou et comtes de Provence (1381-1388), Michel Hébert et Jean-Michel Matz (dir.), Noël Coulet, Philippe Genequand, Mathieu Lescuyer, Christophe Masson et Thierry Pécout (collab.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020, 736 p. - Isabelle Guyot-Bachy p. 487-488
- Lucie Jardot, Sceller et gouverner : pratiques et représentations du pouvoir des comtesses de Flandre et de Hainaut, XIIIe-XVe s., Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020, 387 p. + VIII p. de pl. - Christelle Balouzat-Loubet p. 488-490
- Martine Charageat, Bernard Ribémont, Mathieu Soulas et Mathieu Vivas (dir.), Résister à la justice (XIIe-XVIIIe siècles), Paris, Classiques Garnier, coll. « Polen – Pouvoirs, Lettres, Normes », 17, 2020, 351 p. - Élisabeth Schmit p. 490-492
- Jean-Luc Sarrazin et Thierry Sauzeau (dir.), Le Paysan et la mer. Ruralités littorales et maritimes en Europe au Moyen Âge et à l'époque moderne, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2020, 296 p. - Michel Bochaca p. 492-494
- Nicolas Vidoni, La Police des Lumières, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Perrin, 2018, 399 p. - Catherine Denys p. 494-498
- Walter Bruyère-Ostells, Benoît Pouget et Michel Signoli (dir.), Des chairs et des larmes. Combattre, souffrir, mourir dans les guerres de la Révolution et de l'Empire, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2020, 272 p. - Paul Vo-Ha p. 498-501
- Samuel Bamford, La Vie d'un radical anglais au temps de Peterloo, Fabrice Bensimon (éd.), trad. fr. Laurent Bury, Paris, Éditions Sociales, 2019, 400 p. - Benoît Agnès p. 501-502
- Jean-Paul Pellegrinetti, Une île dans la guerre. La Corse 1914-1918, Paris, Belin, 2020, 256 p. - Mathieu Marly p. 502-505
- Hubert Bonin, Histoire de la Société générale. Tome II : Une grande banque française, vol. 1 et 2, Genève, Droz, 2019, 1 121 p., index, tableaux, illustrations. - Patrice Baubeau p. 505-506
- Jean-Noël Luc, Jean-François Condette et Yves Verneuil, Histoire de l'enseignement en France XIXe-XXIe siècles, Paris, Armand Colin, 2020, 416 p. - Xavier Riondet p. 506-509
- Martine Poulain (dir.), Où sont les bibliothèques spoliées par les nazis ?, Paris, Presses de l'Enssib, 2019, 232 p. - Margaux Dumas p. 509-510
- Liste des livres reçus au bureau de la rédaction - p. 511-512
- Ouvrages analysés dans les comptes rendus de la présente livraison - p. 513-514