Contenu du sommaire : Dossier : Minorisations. Revisiter les conditions minoritaires

Revue L'année du Maghreb Mir@bel
Numéro no 27, 2022
Titre du numéro Dossier : Minorisations. Revisiter les conditions minoritaires
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  • Édito

  • Dossier : Minorisations. Revisiter les conditions minoritaires

    • Minorisations. Revisiter les conditions minoritaires - Mari Oiry Varacca, Jennifer Vanz p. 13-21 accès libre
    • D'une rive à l'autre de la Méditerranée : mobilités, recompositions et adaptations des groupes juifs aux XIVe et XVe siècles - Jennifer Vanz p. 23-39 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les massacres anti-juifs qui se déroulent dans la péninsule Ibérique durant l'été 1391 conduisent de nombreux juifs sur les routes de l'exil en direction du Maghreb. Si dès le début du xxe siècle, les historiens se sont intéressés à ces mobilités contraintes et à leurs conséquences sur l'organisation des communautés juives au Maghreb, les apports récents de l'historiographie sur les limites des approches en termes de « culture » et sur la nécessité d'interroger les usages historiens des notions de « communauté » et de « minorité », invitent à reprendre le dossier. Ainsi l'hypothèse sur laquelle s'appuie notre article consiste d'une part, à considérer que les groupes juifs de la Couronne d'Aragon et ceux du Maghreb appartiennent, malgré les contacts réguliers et leur position de minorés, à deux mondes sociaux distincts ; et d'autre part, de penser la place des groupes supposés minoritaires comme un processus de catégorisation résultat d'une co-construction entre divers acteurs. L'objectif de cet article est alors de comprendre comment les juifs exilés de la péninsule Ibérique négocient leur arrivée dans un nouveau monde social, celui du Maghreb et comment ces mobilités contraintes redessinent les contours des groupes juifs au gré d'enjeux politiques, économiques et sociaux plus que religieux. À travers une analyse comparée de recueils juridiques arabes et de responsa rabbiniques, cette étude s'intéresse d'abord à la façon dont ces mobilités s'accompagnent de la création de catégories nouvelles désignant les différents groupes sociaux. Dans un contexte de tensions autour d'enjeux économiques et fiscaux, deux manières de signifier l'altérité apparaissent alors. Tout d'abord, les juifs exilés de la péninsule Ibérique et leurs descendants se distinguent par le port d'un vêtement particulier, la cape ronde, qui n'est pas une contrainte imposée à leur encontre par le pouvoir islamique à leur arrivée et semble plutôt relever de leur propre volonté d'afficher leur altérité face à leurs coreligionnaires du Maghreb qui, dans la pratique, ne se distinguent pas des musulmans par leur costume. La dimension religieuse n'est donc pas ici la raison fondamentale de la différence vestimentaire entretenue par les juifs exilés et leurs descendants qui semblent procéder à une sorte d'inversion du stigmate en arborant un costume dont le coût signifie, d'abord et avant tout, leur statut social et économique. Par ailleurs, les sources mobilisent des catégories en lien avec des territoires pour désigner différents groupes (juifs autochtones, toshavim d'un côté, juifs exilés, originaires des pays chrétiens, megorashim de l'autre). À travers la construction de ces catégories, c'est la question du rapport au pouvoir sultanien qui se joue et la négociation, par les juifs exilés, de leur position dans le monde social maghrébin. Parce que nombre d'entre eux appartiennent à l'élite intellectuelle et commerciale, ils disposent de ressources pour négocier leur position auprès des sultans qui leur accordent des privilèges fiscaux et les distinguent de leurs coreligionnaires. La seconde partie de l'article interroge la manière dont ce processus de catégorisation consécutif à l'arrivée des exilés de la péninsule Ibérique se traduit dans des dynamiques urbaines. Là où les responsa offrent l'image d'une structuration croissante de l'habitat en quartiers confessionnels, les fatwā-s témoignent de la mixité de l'habitat. L'hypothèse ici envisagée est que le fait de se regrouper dans un quartier serait le fruit de l'expérience minoritaire vécue par les juifs exilés dans leur monde social d'origine, la Couronne d'Aragon où, à partir de la fin du xiiie siècle, le développement de quartiers juifs accompagne l'institutionnalisation et la communautarisation des juifs. Ainsi, alors que la présence dispersée (en raison d'un habitat mixte) et peu visible (en raison de l'absence du port systématique d'un vêtement distinctif) des juifs autochtones était la norme et reste une réalité au xve siècle, l'arrivée des juifs de la Couronne d'Aragon s'accompagne d'un développement des quartiers juifs et d'un renforcement des structures communautaires visant à l'unification des différents groupes. En retour, la plus grande visibilité des juifs « porteurs de capuche » dans l'espace public pourrait expliquer le regain d'intérêt manifesté par les juristes mālikites pour les questions relatives aux non musulmans. Le développement des « quartiers juifs » apparaît alors comme une traduction spatiale de ces processus de catégorisations qui, au-delà du religieux, témoignent des enjeux politiques et économiques qui président aux dynamiques urbaines.
      The anti-Jewish massacres that took place in the Iberian Peninsula during the summer of 1391 led many Jews to take the road into exile in North Africa. Although historians have been interested in these forced mobilities and their consequences for the organisation of Jewish communities in the Maghreb since the beginning of the 20th century, recent contributions from historiography on the limits of approaches in terms of “culture”, and on the need to question the historical uses of notions of “community” and “minority”, invite us to examine the issue again. Thus, the hypothesis on which our article is based stems from two considerations. On the one hand, the Jewish groups of the Crown of Aragon and those of the Maghreb belong, despite their regular contacts and minority positions, to two distinct social worlds, that of the Crown of Aragon and that of the Maghreb. On the other hand, the place of supposed minority groups arises from a process of categorisation involving co-construction between various actors. The aim of this article is to understand how exiled Jews from the Iberian Peninsula negotiated their arrival in a new social world, that of the Maghreb, and how these forced mobilities redrew the contours of Jewish groups according to political, economic and social rather than religious issues. Through a comparative analysis of Arabic legal collections and rabbinical responsa, this study focuses on the way in which these mobilities were accompanied by the creation of new categories to designate the different groups. Two ways of signifying otherness appear. On the one hand, the Jews exiled from the Iberian Peninsula and their descendants were distinguished by the wearing of a particular garment, the “round cape”. This was not a constraint imposed on them by the Islamic power on their arrival, and seems rather to have been the result of a desire to display their otherness in relation to their co-religionists from the Maghreb, who, in practice, did not distinguish themselves from Muslims by their costume. The religious dimension is therefore not the fundamental reason for the difference in dress maintained by the exiled Jews and their descendants, who seemed to invert the stigma by wearing a costume whose cost proclaimed, first and foremost, their social and economic status. On the other hand, the sources designate different groups through the use of categories linked to territory. The construction of these categories makes plain the question of the relationship to sultanic power and the negotiation by the exiled Jews of their position in the Maghrebi social world. Because many of them belonged to the intellectual and commercial elite, they had the resources to negotiate their position with the sultans, who granted them tax privileges and distinguished them from their co-religionists. The second part of the article examines how this process of categorisation following the arrival of exiles from the Iberian Peninsula was translated into urban dynamics. Where the responsa offer the image of a growing structuring of the habitat into denominational neighbourhoods, the fatwas testify to the mixed nature of the habitat. The hypothesis envisaged here is that the fact of grouping together in a neighbourhood reflected the minority experience lived by exiled Jews in their original social world, the Crown of Aragon, where, from the end of the 13th century, the development of Jewish neighbourhoods accompanied the institutionalisation and communitarisation of Jews. Thus, while the dispersed (due to mixed housing) and low-key (due to the absence of distinctive garments) presence of autochthonous Jews was the norm and remained a reality into the 15th century, the arrival of the Jews from the Crown of Aragon was accompanied by the development of Jewish neighbourhoods and the strengthening of community structures aimed at unifying the different groups. In turn, the greater visibility of “hooded” Jews in the public space could explain the renewed interest shown by Mālikite jurists in issues relating to non-Muslims. The development of “Jewish neighbourhoods” then appears as a spatial translation of these categorisation processes, which, beyond the religious, testify to the political and economic issues that preside over urban dynamics.
    • Des identités (dé)politisées ? Les enjeux de catégorisation des Nubien.ne.s en Égypte - Mérième Ihsan p. 41-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans la lignée des travaux qui étudient la façon dont l'État gère ses groupes culturels, cet article se donne pour objectif de rendre compte de la complexité du processus de construction des catégories où les récits et les représentations de plusieurs acteurs s'entrelacent. À rebours d'une vision dichotomique de l'État vs les Nubien.ne.s, cet article vise à mettre en présence l'hétérogénéité d'acteur.trices (l'État, les chercheurs, les militant.e.s, les leaders associatifs, etc.) qui participent aux processus de catégorisation. Dans cette perspective, il propose d'étudier ce processus au croisement des problématiques de politisation et de dépolitisation, à savoir les lectures déconflictuelles, diffusées dans un contexte globalisé, donnant lieu à des processus de politisation à géométrie variable. À géométrie variable parce que ces processus dépendent des différentes interactions entre les divers acteurs, la circulation des récits et des travaux académiques, et la mise en place des espaces qui ne sont pas tous nécessairement politiques ; mais qui favorisent une prise de conscience et renforcent l'identification des individus. Comme nous le verrons dans cet article, les processus de catégorisation s'inscrivent dans une zone grise qui oscille entre reconnaissance et déni, politique et ‘apolitique', donnant naissance à des stratégies d'appropriation, de négociation et de contestation. Pour ce faire, cet article analyse, d'abord, la façon dont l'intérêt aux enjeux patrimoniaux devient un instrument d'homogénéisation dont l'objectif est de déconflictualiser les rapports à l'État. Il examine ensuite les études ethnologiques portant sur la population nubienne et leur rôle dans la diffusion d'une image folklorique et parfois essentialiste de celle-ci. L'article retrace, ensuite, les tentatives de politisation à travers l'appropriation des catégories politiques (comme « indigènes » et « minorités ») afin de faire partie d'un discours global. Alors que ce discours émerge, à partir des années 2000, chez certain.e.s militant.e.s, les chercheurs contribuent aussi à ces processus de politisation en mobilisant davantage ces catégories dans leurs travaux.
      In line with works that study the way the state manages its cultural groups, this article aims to account for the complexity of the process of category construction on which the narratives and representations of several actors are intertwined. Reversing a dichotomous vision of the state vs. the Nubians, the article aims to highlight the heterogeneity of actors (the state, researchers, activists, associative leaders, etc.) who participate in the categorisation process. Using this perspective, it examines this process at the intersection of the issues of politicisation and depoliticisation, namely, the deconflicted readings, disseminated in a globalised context, giving rise to processes of politicisation with variable geometry. “Variable geometry” because these processes depend on the different interactions between the various actors, the circulation of narratives and academic works, and the setting-up of spaces that are not all necessarily political but that promote awareness and reinforce the identification of individuals. As we will see, the processes of categorisation are part of a grey zone that oscillates between recognition and denial, between political and “apolitical”, giving rise to strategies of appropriation, negotiation and contestation. To this end, the article first analyses the way in which interest in heritage issues becomes an instrument of homogenisation, the aim of which is to reduce conflict with the state. It then examines ethnological studies of the Nubian population and their role in the dissemination of a folkloric and sometimes essentialist image of the population. The article then traces the attempts at politicisation through the appropriation of political categories (such as “indigenous” and “minority”) in order to become part of a global discourse. While this discourse emerges among some activists from the 2000s onwards, researchers also contribute further to these processes of politicisation by making use of these categories in their work.
    • S'approprier, c'est résister. Appropriations spatiales et mobilisation infra-politique des femmes en immobilité résidentielle et sociale dans les bidonvilles de Salé (Maroc) - Myriame Ali-Oualla p. 57-94 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Apparus dès les premières décennies du siècle dernier, les bidonvilles marocains regroupent des populations venues de la campagne et de l'arrière-pays pour répondre au besoin ascendant en main d'œuvre dans les villes impériales, qui canalisent à ce moment-là l'essentiel des moyens de développement économique. Une réglementation urbaine encore lâche a permis l'installation sporadique de petits groupes en provenance de mêmes campagnes, souvent de mêmes villages, créant des communautés qui partagent référentiel culturel, mode d'habiter, parcours migratoire et mémoire collective spatialisée ; des attributs nécessaires à la création d'un nouvel ancrage identitaire. Grâce aux ambitions en évolution des nouveaux arrivants, le bidonville est devenu un tremplin vers la citadinité, et l'une des alternatives d'habitat les plus viables, permettant un accès facilité et peu onéreux aux commodités urbaines. Cependant, ce qui est perçu comme un sas, devant permettre à terme une ascension socio-économique et une installation légitime dans la ville, se transforme en lieu d'inertie, nourrissant des assignations identitaires totalisantes et disqualifiantes. La longue absence de réactivité, puis l'incapacité des autorités à fournir des alternatives adaptées d'habitat, maintiennent les foyers dans l'attente. L'immobilité socio-économique se voit doublée d'une immobilité de parcours résidentiel, renforçant le stigmate lié au lieu de résidence, et triplée d'une immobilité genrée pour les femmes du bidonville évoluant dans un contexte conditionnant considérablement l'assignation des rôles domestiques. « Minorité dans la minorité », elles font l'expérience d'une inertie qui se traduit par des territorialités captives, et par une appropriation domestique intense et active qui fait du domaine de l'intime un monde résolument féminin. Ce statu quo est mis au défi par les résidentes et les résidents du bidonville, qui utilisent l'appropriation spatiale collective et la stratégie du « non-mouvement » comme moyen de résistance au relogement dans les quartiers périphériques, dans des appartements souvent inadaptés aux usages et à la taille des ménages. La mobilisation infra-politique par la consolidation matérielle du lieu de vie et par le refus de le quitter, permettent dans certains cas l'obtention d'un « recasement in situ », à savoir l'attribution officielle par l'État de parcelles à construire sur le terrain du bidonville, à des prix subventionnés. Optimale aux yeux des habitantes et habitants du bidonville, mais coûteuse aux yeux des autorités, cette option leur permet d'accomplir un saut considérable dans l'échelle sociale sans perdre leurs repères urbains, ni s'éloigner du bassin d'emploi informel qui représente pour beaucoup la principale source de revenu. Cependant, rares sont les femmes qui parviennent au résultat souhaité. Sans compter que, pour celles qui y parviennent, devenir propriétaire ne change pas nécessairement l'immobilité qui caractérise leur quotidien. L'accession à la propriété ne leur ouvre pas ou que peu d'opportunités économiques, et n'affaiblit pas la domination systémique de genre et de classe qui conditionne leur inertie. Utiliser une entrée spatiale pour étudier les formes de résistance d'un groupe minoré met certes en avant la force de l'appropriation spatiale et l'importance de la quotidienneté dans la lutte pour de meilleures conditions d'habiter, mais aussi le grand déséquilibre des pouvoirs entre dominant.es et dominé.es qui font des histoires à « succès » une exception. Dans cet article, basé sur un travail empirique mené entre 2017 et 2019 dans la ville de Salé (Maroc), je reviens sur les multiples dimensions d'immobilité qui marquent le quotidien des femmes qui habitent le bidonville, en retranscrivant ces récits sous forme de cartographies de lieux référentiels et de lieux du quotidien. Puis, à travers les données recueillies lors des entretiens semi-directifs et des observations et relevés sur site, je mets en avant les stratégies d'appropriations mobilisées pour pallier cette condition d'inertie et devenir un moyen de pression, afin d'obtenir une solution de logement adaptée. L'étude des formes de résistances infra-politiques des femmes dans trois bidonvilles du quartier Sidi Moussa (Salé), et les débouchées variées qui résultent de stratégies similaires, poussent non seulement à explorer le potentiel émancipateur de ces luttes, mais aussi à décortiquer davantage le déséquilibre des forces entre le système établi et les groupes dominés.
      Morocco's shantytowns appeared in the first decades of the last century, bringing together people who had come from the countryside and the hinterland to meet the growing demand for labour in the imperial cities, which at that time represented the chief means of economic development. A relatively loose regime of urban regulation allowed sporadic settlement by small groups from the same districts, often from the same villages, creating communities that shared cultural references, ways of living, migratory routes and spatialised collective memory – attributes necessary for anchoring a new identity. Thanks to the evolving ambitions of the new arrivals, the shantytown has become a stepping stone to urban living, and one of the most viable housing alternatives, permitting easy and cheap access to urban amenities. However, what is perceived as a springboard for eventual socio-economic ascent and legitimate settlement in the city is transformed into a place of inertia, feeding totalising and disqualifying identity assignments. Households are kept waiting by a lack of responsiveness on the part of the authorities, and by their inability to provide suitable housing alternatives. Socio-economic immobility is coupled to residential immobility, reinforcing the stigma attached to the place of residence. For the women of the shantytown, who live in a context that greatly conditions the assignment of domestic roles, this stigma is exacerbated by gendered immobility. As a “minority within a minority”, they experience an inertia that translates into captive territorialities, and an intense and active domestic appropriation that makes the domain of intimacy a resolutely feminine world. This status quo is challenged by the residents of the shantytown, who use collective spatial appropriation and the strategy of “non-movement” as a means of resisting being rehoused in outlying areas, in flats that are often unsuitable for the needs and sizes of their households. Sub-political mobilisation through the material consolidation of living space, and the refusal to leave it, sometimes makes it possible to obtain “in situ resettlement”, i.e. the official allocation by the state of plots of land to be built on the shantytown site, at subsidised cost. This option, which is optimal in the eyes of the slum dwellers but costly in the eyes of the authorities, allows residents to make a considerable leap up the social ladder without losing their urban bearings or moving away from the informal labour market, which for many is their main source of income. However, few women achieve the desired result. And for those who do, owning a home does not necessarily change the immobility that characterises their daily lives. Home ownership offers little or no economic opportunity and does not weaken the systemic gender and class domination that conditions their inertia. Using a spatial entry point to study the forms of resistance of a minority group certainly highlights the strength of spatial appropriation and the importance of everyday life in the struggle for better living conditions, as well as the great imbalance of power between dominant and dominated that makes “success” stories an exception. In this article, based on empirical work carried out between 2017 and 2019 in the city of Salé (Morocco), I return to the multiple dimensions of immobility that mark the daily lives of the women who inhabit the shantytown, by transcribing these narratives in the form of cartographies of referential and everyday places. Through the use of data collected during semi-structured interviews and on-site observations and surveys, I highlight the appropriation strategies mobilised to overcome this condition of inertia and to exert pressure for a suitable housing solution. The study of women's sub-political forms of resistance in three shantytowns in the Sidi Moussa district (Salé), and the varied outlets that result from similar strategies, pushes us not only to explore the emancipatory potential of these struggles but also to further unravel the imbalance of power between the established system and the dominated groups.
    • Les Jeunes Tunisiens, une contre-expérience de la minoration ? Politisation des langues dans la presse francophone en Tunisie coloniale (1907-1912) - Sarra Zaïed p. 95-104 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les Jeunes Tunisiens ont posé les jalons d'une mobilisation dans le paysage politique tunisien au début du XXe siècle, marqué par un tournant colonial. Élite bilingue, maîtrisant l'arabe et le français, ils se définissent comme les intermédiaires naturels, porte-paroles des Tunisiens en situation coloniale. Ils sont néanmoins mis en difficulté par leurs contemporains français. Ce travail interroge l'atout essentiel qu'a été le bilinguisme pour sortir d'une situation de minoration et s'inscrit dans ce que l'historien Hassine Raouf Hamza a nommé une « histoire post-nationale », en montrant la richesse de la vie politique tunisienne sans la limiter à un seul « mouvement national », en appréhendant autrement les mobilisations des Jeunes Tunisiens. Le présent article interroge donc cette élite bilingue au prisme de ses discours face aux prépondérants, dépassant par là-même l'étude de cette élite sous l'unique prisme de leur action nationaliste. Ce bilinguisme et ses enjeux sont ici saisis à travers la presse. La presse en Tunisie coloniale se développe au début du XXe siècle et les périodiques, rédigés en arabe ou en français, constituent une partie essentielle de la vie politique. Progressivement, ces périodiques affichant des positions politiques transforment la presse en « presse de combat » (Julien, 1967). À travers l'étude de deux périodiques francophones, aux visées opposées, j'entends étudier la manière dont le langage de la presse se transforme au contact d'autres périodiques. La dimension dialogale (Bakthine, 1978) des discours émis dans Le Tunisien, organe des Jeunes Tunisiens, et Le Colon français, organe des «  prépondérants » (lobby colonial français) rend compte de la richesse des échanges et des débats en Tunisie au début du siècle. Ces discours interviennent à un moment charnière de l'histoire de la Tunisie coloniale. Ils sont émis alors que des débats ont encore lieu, en métropole notamment, sur les conditions et les termes de la colonisation. Ainsi, chaque parti tente de minorer l'adversaire politique, livrant des échanges riches et antagonistes. En outre, les Jeunes Tunisiens tentent de sortir d'un statut de minoration acquis lors de la mise en place du protectorat. Ils essaient de réactiver une place symbolique dans leurs discours dans la presse. Dans cette perspective, ils mettent en place des stratégies afin de sortir de la minoration. J'éclairerai ainsi une stratégie encore non explorée par l'historiographie du nationalisme tunisien, celle de la politisation des langues, en particulier du bilinguisme. Les Jeunes Tunisiens, face aux diatribes lancées par le périodique Le Colon français, se positionnent comme figure d'autorité en Tunisie coloniale en faisant de la connaissance du français et de l'arabe comme condition sine qua none à la participation dans la vie politique tunisienne. Les Jeunes Tunisiens font de leur compétence linguistique – leur bilinguisme français/arabe – une compétence statutaire (Bourdieu, 1982), négociant ainsi leur place d'intermédiaire dans la presse francophone. En filigrane, cet article revient sur le concept de « langue dominante » (Calvet, 1974) et apporte un autre regard sur l'importance du français en Tunisie coloniale et postcoloniale. La langue française a été appréhendée comme outil privilégié par les Jeunes Tunisiens pour, d'une part, en faire un outil de mobilisation et, d'autre part, pour sortir de la minoration. Le statut de la langue repose sur des acteurs tunisiens qui ont eu besoin du français pour se poser comme intermédiaires et occuper des fonctions officielles au sein de l'administration coloniale. Cette analyse permet donc de nuancer les concepts de « langue dominante » et « langue dominée » et de montrer le va-et-vient entre deux langues par une élite lettrée.
      Les Jeunes Tunisiens (the Young Tunisians) laid the groundwork for a mobilisation of the political landscape of colonial Tunisia at the beginning of the 20th century. As a bilingual elite, mastering Arabic and French, they defined themselves as natural intermediaries, spokespersons for Tunisians in the colonial situation. They were nevertheless challenged by their French contemporaries. This article questions the idea that bilingualism is an essential asset to get out of a situation of undermining, and is part of what the historian Hassine Raouf Hamza has called “post-national history”, showing the richness of Tunisian political life without limiting it to a single “national movement”, by examining the rise of the Young Tunisians in another way. The article therefore questions this bilingual elite through the prism of its discourse vis-à-vis the preponderant discourse, thereby going beyond simply studying them through the prism of their nationalist actions. The stakes of bilingualism are captured here through the press. The press in colonial Tunisia developed at the beginning of the 20th century, and periodicals, in Arabic or French, were an essential part of political life. Gradually, the political positions taken in these periodicals transformed the press into a “combat press” (Julien, 1967). Through the study of two French-language periodicals with opposite points of view, I examine the way in which the language of the press is transformed through contact with other periodicals. The dialogical dimension (Bakhtine, 1978) of the speeches published in Le Tunisien, the organ of the Young Tunisians, and in Le Colon français, the organ of the “prépondérants” (French colonial lobby), reflects the richness of the exchanges and debates in Tunisia at the beginning of the century. This was a turning point in the history of colonial Tunisia, and these speeches appeared at a time of debate, particularly in metropolitan France, on the conditions and terms of colonisation. Thus, each party tried to undermine its political opponent, giving rise to rich and antagonistic exchanges. In addition, the Young Tunisians tried to escape the status of minimisation acquired during the establishment of the protectorate, and to reactivate a symbolic place in their speeches in the press. In this perspective, they put into place strategies to escape minoritisation. Thus, I propose to shed light on a strategy that has not yet been explored in the historiography of Tunisian nationalism, namely, the politicisation of language, and of bilingualism in particular. The Young Tunisians, faced with the diatribes launched by Le Colon français, positioned themselves as authority figures in colonial Tunisia by making knowledge of French and Arabic essential conditions for participation in Tunisian political life. The Young Tunisians made their linguistic competence – their French/Arabic bilingualism – a statutory competence (Bourdieu, 1982), thus negotiating their place as intermediaries in the Francophone press. In a way, this article revisits the concept of “dominant language” (Calvet, 1974) and provides another perspective on the importance of French in colonial and post-colonial Tunisia. The French language was taken up by the Young Tunisians as a privileged tool in order, on the one hand, to make it an instrument of mobilisation and, on the other, to escape their undermining. The status of the language was based on Tunisian actors who needed French to act as intermediaries and to occupy official positions within the colonial administration. This analysis therefore allows us to qualify the concepts of “dominant language” and “dominated language” and to show the dialogue between two languages among a literate elite.
    • Engagement féminin en Kabylie et intersection des revendications (1980-2001). Dominations, expériences et négociations identitaires - Margherita Rasulo p. 111-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article vise à comprendre les conditions d'émergence du tissu associatif féminin en Kabylie à partir des années 1980 jusqu'aux années 2000, ainsi que les modalités et les effets de la présence féminine dans les cadres de la société civile et des mouvements de revendication berbères. Il s'appuie sur un corpus archivistique et d'entretiens. Les données proviennent d'archives publiques et privées ainsi que d'entretiens réalisés au cours d'une enquête menée entre novembre 2018 et janvier 2019 dans la wilaya de Tizi Ouzou et la ville de Béjaïa, en Algérie. Le choix de la Kabylie implique une contextualisation spécifique en Algérie. Subalternes au sein d'un groupe minoré, les actrices de ce mouvement sont confrontées à des processus de minoration variés. La Kabylie est une région berbérophone caractérisée par la tension entre pérennité et renégociations des structures sociales et symboliques. Dans ce cadre, l'exclusion des femmes des espaces décisionnels, dont la tajmaεt (assemblée de village) constitue l'institution sociale principale, ainsi que l'existence d'un militantisme féminin dans la région sont des aspects qui reflètent la tension entre pérennisation et modernisation du système symbolique, des structures sociales et, par conséquent, des rapports de genre. Du point de vue méthodologique, au regard de son objet et de son contexte géographique, ce travail s'appuie sur une approche théorique hybride qui conjugue les études berbères/amazighes (Abrous, 1988, 1995, 2004 ; Chaker, 1988, 1998 ; Tilmatine, 1989, 2017 ; Ould Fella, 2021) et les études d'ethnologie kabyle (Bourdieu, 1998 ; Lacoste-Dujardin, 1985, 2008) avec l'approche expérientielle de la condition minoritaire (Chassain et al., 2016), les études de genre et les subaltern studies (Spivak, 1988). Une attention particulière est accordée à l'association Tiɣri n'Ttmeṭṭut, active de 1989 à 1995, et au Collectif de femmes du printemps noir, actif depuis 2001. L'hypothèse défendue dans cet article est que mouvements de femmes et mouvements identitaires s'inscrivent dans un rapport à la fois de tension et de complémentarité les uns par rapport aux autres engendrant des conséquences réciproques, dont nous essayons de mesurer la portée en particulier pour les femmes, minorées parmi les minorisé.e.s. Cette double minorisation se traduit par leur marginalisation dans la réalité sociale et leur invisibilisation dans les cadres théoriques de la connaissance et de la construction des savoirs en raison de facteurs historiques et sociaux. C'est pourquoi, le militantisme féminin s'avère être une perspective intéressante pour analyser les permanences et les changements des rapports de genre dans la réalité sociale des mouvements de revendications kabyles au cours du XXe et XXIe siècles. Cette démarche nous permet, en dépassant l'invisibilité historique du mouvement féminin kabyle, de déceler un processus, non linéaire dans son évolution et toujours en construction, de changement et évolution des rapports de genre qui se traduisent dans la renégociation des identités de genre et l'intersection des revendications des actrices et des acteurs étudié.e.s. Ces mouvements ont pour point commun d'avoir été dès l'indépendance du pays cantonnés par l'État au rang de groupes minorés. La définition d'une identité monolithique arabe et musulmane par le pouvoir central, a en effet eu comme conséquence la minoration de deux groupes de population : les berbérophones et les femmes. Nous expliquons tout d'abord comment l'État a placé les mouvements identitaires kabyles et les mouvements de femmes en position de minorités et comment les luttes de ces acteurs se sont organisées en parallèle ou en s'entrecroisant. Au cantonnement par l'État, a succédé, dans les années 1980-1990, des interactions puissantes entre mouvement féminin en Kabylie et mouvement de revendications culturelles kabyles. Les processus de définition et de négociation identitaire des associations féminines se sont exprimés à travers un mouvement dialectique d'appropriation et de contestation de la revendication identitaire et des identités de genre en référence aux cadres normatifs social, juridique et coutumier. Parallèlement, les revendications féminines et féministes ont été interrogées au sein des associations identitaires kabyles. La reprise des revendications spécifiques des femmes est demeurée toutefois extrêmement limitée et a même connu une régression à partir de 2001. Le « Printemps noir » a amené à une réaffirmation du système patriarcal, y compris dans la structuration du mouvement contestataire de cette période.
      This article aims to understand the conditions of emergence of the female associative fabric in Kabylia from the 1980s to the 2000s, as well as the modalities and effects of the female presence on the frameworks of civil society and Berber identity movements. It is based on a corpus of archives and interviews. The data come from public and private archives, and from interviews conducted during a survey between November 2018 and January 2019 in the wilaya of Tizi Ouzou and the city of Béjaïa, Algeria. The choice of Kabylia implies a specific contextualisation in Algeria. As subalterns within a minority group, the representatives of this movement are confronted by various processes of minimisation. Kabylia is a Berber-speaking region characterised by the tension between the perpetuation and renegotiation of social and symbolic structures. In this context, the exclusion of women from decision-making spaces, of which the tajmaεt (village assembly) is the main social institution, as well as the existence of female activism in the region, reflect the tension between the perpetuation and the modernisation of the symbolic apparatus, of social structures and, consequently, of gender relations. From a methodological point of view, with regard to its object and geographical context, this work relies on a hybrid theoretical approach that combines Berber/Amazigh studies (Abrous, 1988, 1995, 2004; Chaker, 1988, 1998; Tilmatine, 1989, 2017; Ould Fella, 2021), Kabyle ethnology studies (Bourdieu, 1998; Lacoste-Dujardin, 1985, 2008) and the experiential approach to the minority condition (Chassain et al., 2016), gender studies and subaltern studies (Spivak, 1988). Particular attention is given to the association Tiɣri n'Ttmeṭṭut, active from 1989 to 1995, and the Black Spring Women's Collective, active since 2001. The hypothesis of the article is that women's movements and identity movements are part of a relationship of both tension and complementarity, with each generating reciprocal consequences, the scope of which we try to measure in particular for women, who are minoritised among the minorities. This double minoritisation translates into their marginalisation in social reality and their invisibility in the theoretical frameworks of knowledge and knowledge construction, as a result of historical and social factors. This is why women's activism is an interesting perspective from which to analyse permanence and change in gender relations in the social reality of Kabyle protest movements during the 20th and 21st centuries. By going beyond the historical invisibility of the Kabyle women's movement, this approach allows us to detect a process, non-linear in its evolution and still under construction, of change and evolution of gender relations that is reflected in the renegotiation of gender identities and the intersection of the claims of those studied. What these movements have in common is that, since the country's independence, they have been confined by the state to the status of minority groups. The definition of a monolithic Arab and Muslim identity by the central power has in fact led to the undermining of two population groups: Berber speakers and women. We first explain how the state placed the Kabyle identity movements and the women's movements in a minority position and how the struggles of these actors were organised in parallel or intertwined. In the 1980s and 1990s, the state's confinement was followed by powerful interactions between the women's movement in Kabylia and the movement for Kabyle cultural demands. The processes of definition and negotiation of identity by women's associations were expressed through a dialectical movement of appropriation and contestation of identity claims and gender identities with reference to social, legal and customary normative frameworks. At the same time, women's and feminist claims were questioned within Kabyle identity associations. However, the revival of women's specific demands remained extremely limited and even regressed from 2001 onwards. The “Black Spring” led to a reaffirmation of the patriarchal system, including in the structuring of the protest movement of this period.
  • Varia & Recherches en cours

    • L'École de journalisme d'Alger (1964-1990) : les défis d'une formation professionnelle - Chloé Nejma Rondeleux p. 135-152 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À travers une histoire de l'École de journalisme d'Alger, depuis sa création en 1964 jusqu'aux réformes d'envergure de 1990, cet article vise à éclairer la profession de journaliste dans l'Algérie indépendante. Au cours de cette période, l'instauration du parti unique se traduit par un monopole du pouvoir politique sur l'ensemble des médias (presse-écrite, radio, télévision et agence de presse) placés soit sous la tutelle du ministère de l'Information, soit sous celle du parti du Front de libération nationale (FLN). Avec l'évolution de cet institut universitaire, unique lieu de formation aux métiers de l'information en Algérie, se dessinent à la fois les différentes visions de la figure de journaliste et les grandes transformations de l'enseignement supérieur en Algérie, dont la plus marquante est l'arabisation. En considérant, d'une part, l'influence de la tutelle ministérielle et, d'autre part, les orientations socialistes et tiers-mondistes adoptées par les responsables politiques algériens à partir de 1962, cet article privilégie un point de vue interne à l'institution. Les sources qui se composent essentiellement d'écrits, tels que les travaux universitaires, autobiographies, articles académiques, etc., laissés par les principaux acteurs de l'Institut de journalisme (directeurs, enseignants, étudiants et étudiantes) ont été enrichies par des entretiens inédits et archives personnelles recueillis auprès de ces derniers, permettant d'approcher au plus près le fonctionnement de l'Institut. L'article retrace d'abord le contexte de naissance et s'attarde sur le projet initial des années 1964-1965. La description du premier stage en journalisme depuis l'indépendance organisé au début de l'année 1964, soit quelques mois avant l'ouverture de l'École de journalisme en octobre 1964, met en évidence l'influence des pays socialistes et de la dimension pratique dans la formation dispensée. L'étude de la composition et du cursus de la première promotion souligne les choix retenus dans le programme universitaire, et esquisse déjà les tendances d'une formation tournée davantage vers l'acquisition d'une culture générale que l'apprentissage d'un métier. En s'arrêtant ensuite sur les différentes réformes, initiées au niveau du système universitaire comme au niveau de l'Institut de journalisme, l'article retrace le processus d'arabisation de la filière et ses effets. Il démontre aussi comment elles contribuent à renforcer progressivement le caractère académique de la formation au détriment de son caractère professionnalisant, malgré des débats réguliers et discours critiques de la part des principaux concernés, notamment sur la question des débouchés des diplômés. La prise en compte des diverses projections sur l'École de journalisme souligne finalement le défi insurmontable pour l'institution de satisfaire des acteurs ayant des conceptions distinctes du métier de journaliste.
      Through a history of the École de journalisme d'Alger (Algiers School of Journalism), from its creation in 1964 to the large-scale reforms of 1990, this article aims to shed light on the journalistic profession in independent Algeria. During this period, the establishment of the single party translated into a monopoly of political power over the media as a whole (newspapers, radio, television and press agencies), placed either under the supervision of the Ministry of Information or under the party of the National Liberation Front (FLN). With the evolution of this university institute, the only place in Algeria for training in the information trades, there emerge different visions of the figure of the journalist and the great transformations of higher education in Algeria, of which the most striking is Arabisation. By considering, on the one hand, ministerial supervision and, on the other, the socialist and Third World positions adopted by Algerian political managers from 1962, this article favours an internal view of the institute. Sources consisting primarily of writings, such as university works, autobiographies, academic articles, etc., left by the principal role-players of the École de journalisme (directors, lecturers and students), have been enriched by previously unpublished interviews and personal archives collected from the above-mentioned, making it possible to approach as closely as possible to the functioning of the institute. The article first recounts the context of birth and dwells on the initial project of the years 1964–1965. The description of the first journalism training course since independence, organised at the start of 1964, just a few months before the opening of the École de journalisme in October 1964, highlights the influence of the socialist countries and the practical dimension of the training provided. The study of the composition and curriculum of the first course emphasises the choices made in the university programme, and outlines the tendencies of a training already geared more towards the acquisition of general knowledge than an apprenticeship in a trade. Then, in examining the various reforms, introduced at the level of both the university system and the École de journalisme, the article recounts the process of the Arabisation of the sector and its effects. It also shows how these contributed to progressively reinforcing the academic nature of the training, to the detriment of its professional character, despite regular debates and critical discourse by the leading figures concerned, particularly on the question of job openings for graduates. Taking into account the various projections on the École de journalisme finally emphasises the insurmountable challenge for the institution of satisfying role-players with distinct conceptions of the journalist's trade.
    • Le mouvement étudiant et la question des langues en Algérie (1962-1965) : à propos d'un épisode méconnu de l'histoire de l'UGEMA-UNEA - Yassine Temlali p. 153-171 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En Algérie en 1963, un an après la disparition de la chaire de berbère dans le naufrage de l'Université coloniale, des revendications estudiantines portant sur le « développement de la langue kabyle » et la « création d'un institut d'enseignement du berbère » ont connu un destin éphémère. Formulées en commission du Ve congrès de l'Union générale des étudiants musulmans algériens, elles ont été aussitôt abandonnées sans jamais être soumises à la plénière. En reconstituant cet épisode obscur à la lumière de plusieurs sources, dont des témoignages d'acteurs, cet article explore l'attitude du mouvement étudiant dans l'immédiate postindépendance (1962-1965) sur la question des langues berbères, parlées par un cinquième de la population mais qui ne jouissaient alors d'aucun statut juridique. Il étudie plus généralement les positions de ce mouvement sur le problème linguistique en Algérie dans un contexte où la promotion de la « langue nationale », l'arabe, devait compter avec un début de remise en cause de l'unanimité arabo-islamique qu'avait imposée le besoin d'union contre l'occupant français. Nous posons que l'enterrement de ces propositions favorables aux langues berbères doit être interprété en tenant compte à la fois de la doctrine culturelle du Parti communiste algérien (PCA), alors prépondérant au sein de l'encadrement de l'UGEMA, et de son attitude générale à l'égard du régime de Ahmed Ben Bella. Tout en plaidant en faveur de la promotion-modernisation de l'arabe, le PCA préconisait de sauvegarder non seulement le français mais aussi le kabyle, les menaces régionalistes ayant été écartées selon lui avec l'accession à l'indépendance. Héritée de l'époque où il considérait l'Algérie comme une grande mosaïque ethnoculturelle, sa bienveillance envers les langues natales était, cependant, confrontée aux nécessités de son soutien au régime, qui suspectait la revendication de reconnaissance de la berbérophonie de cacher un projet de division de nation. Le soutien du PCA à Ahmed Ben Bella, qui allait jusqu'au vœu de se dissoudre dans un grand parti unique révolutionnaire, prolongeait son rapprochement des nationalistes radicaux commencé à la fin des années 1940 et radicalisé pendant la Guerre de libération (1954-1962). Il s'est manifesté sous différentes formes dans les rangs de l'UGEMA, passée sous influence communiste dès début 1963. Cette organisation adhérait au Programme du FLN, érigé en 1962 en parti unique, et mobilisait les étudiants pour appuyer les initiatives du gouvernement (autogestion, nationalisations, etc.), notamment par des campagnes de volontariat. En échange, son autonomie organique du FLN était globalement tolérée, et on lui prodiguait subventions et aides logistiques. L'enterrement au Ve congrès de l'UGEMA de propositions favorables aux langues berbères porterait ainsi la marque de cette alliance des communistes avec Ahmed Ben Bella. L'ouverture sur le multilinguisme des cadres communistes de cette organisation aurait été contrariée par les engagements du PCA envers le régime. Intervenue en pleins déchirements du mouvement étudiant sur le rythme et les priorités de l'arabisation, cette dérobade aurait été facilitée par un autre facteur : dans l'Algérie de la prime indépendance, le statut mineur des langues non écrites passait pour un fait allant de soi, si bien que leur reconnaissance n'était revendiquée que par quelques intellectuels. De ce point de vue, l'étouffement de ces propositions avant qu'elles ne parviennent à la plénière du Ve congrès ne gâtait pas une certaine harmonie entre les communistes et le régime sur le problème linguistique. Centrées sur une promotion-modernisation de l'arabe qui ne sacrifie pas la francophonie, les positons du PCA dans ce domaine correspondaient à la politique des langues officielle. Celle-ci, malgré les professions de foi arabistes d'Ahmed Ben Bella, œuvrait objectivement non pas à la défrancisation de l'État et de la société mais à leur bilingualisation par une promotion mesurée de l'arabe. En contextualisant le plus exhaustivement possible un mini-épisode méconnu du Ve congrès de l'UGEMA – et en éclairant, à travers cet épisode les positions de cette organisation sur la question linguistique –, cet article souligne l'importance des débats culturels à l'université pour une meilleure connaissance à la fois de l'histoire du mouvement étudiant algérien et de celle de la revendication berbère en Algérie.
      In Algeria in 1963, a year after the disappearance of the chair of Berber in the wreck of the colonial university, there was a brief flourishing of student demands for the “development of the Kabyle language” and the “creation of an institute for the teaching of Berber”. Formulated by a commission of the Fifth Congress of the Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA), these were immediately abandoned without ever being submitted to the plenary session. In reconstructing this obscure episode in the light of many sources, including the accounts of participants, this article explores the attitude of the student movement, in the immediate post-independence period (1962–1965), to the question of Berber languages, which were spoken by a fifth of the population but which at the time enjoyed no explicit juridical status. It looks more generally at the positions of this movement on the linguistic problem in Algeria in a context in which the promotion of the “national language”, Arabic, had to reckon with the first questioning of the Arabo-Islamic unanimity imposed by the need for unity against the French occupier. I suggest that the burial of these proposals in favour of Berber languages should be interpreted in the light of the cultural doctrine of the Algerian Communist Party (PCA), then dominant within the framework of the UGEMA, and its general attitude towards the “socialist” regime of Ahmed Ben Bella. While pleading in favour of the promotion/modernisation of Arabic, the PCA recommended the protection not only of French but also of Kabyle, regionalist threats having been removed with the coming of independence. Inherited from the era in which it considered Algeria as a great ethnocultural mosaic, the party's benevolence towards mother tongues was, nevertheless, confronted by the necessities of its support for the regime, which suspected the demand for recognition of the Berber-speaking community to conceal a project of national division. The PCA's support for Ben Bella, which went so far as the wish to dissolve into a single great revolutionary party, extended its link with the radical nationalists begun in the late 1940s, radicalised during the War of Liberation (1954–1962) and pursued after 1962. It manifested itself in different forms within the ranks of the UGEMA, which came under communist influence from early 1963. This organisation would adhere to the programme of the FLN, established in 1962 as a single party, and mobilised students in support of the initiatives of the government (joint worker-management control, nationalisation, etc.), notably through voluntary service campaigns. In return, its organic autonomy was generally tolerated by the FLN, and it received subsidies and logistical support. The burial of proposals in favour of Berber languages at the Fifth Congress of the UGEMA would also carry the mark of the alliance of the communists with Ahmed Ben Bella. The openness to multilingualism by the communist cadres of this organisation would have been contradicted by the PCA's commitments to the regime. Occurring amid the split in the student movement over the pace and priorities of Arabisation, this evasion would have been made easier by another factor: in newly independent Algeria, the minority status of non-written languages was assumed as a matter of course, so much so that only a few intellectuals demanded their recognition. From this viewpoint, the scotching of these proposals before they reached the plenary of the Fifth Congress did not spoil a certain harmony between the communists and the regime over the linguistic problem. Centred on a promotion/modernisation of Arabic that did not sacrifice the French-speaking community, the positions of the PCA in this area corresponded to official language policy. This, in spite of Ahmed Ben Bella's declarations of Arabist principles, would work objectively not towards the defrancisation of the state and society but rather towards its bilingualisation through a measured promotion of Arabic. By contextualising as fully as possible a little-recognised mini-episode from the Fifth Congress of the UGEMA – and by illuminating, through this episode, the positions of the organisation on the linguistic question – this article emphasises the importance of university cultural debates for a better understanding of both the history of the Algerian student movement and the Berber claim in Algeria.
    • S'unir au Prophète. L'expérience matérielle, esthétique et dévotionnelle du Dalā'il al-Khayrāt au Maroc. Approches codicologique et anthropologique - Hiba Abid, Anouk Cohen p. 173-199 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le Dalā'il al-Khayrāt wa Shawāriq al-anwār fī dhikr al-ṣalāt ‘alā al-Nabiy al-mukhṭār (Dalā'il al-Khayrāt) est un livre de prières et d'invocations sur le Prophète Muḥammad, écrit vers 857/1453 par le mystique marocain Muḥammad b. Sulaymān al-Jazūlī (m. 869/1465), fondateur d'une nouvelle voie soufie, la Jazūliyya, considérée comme une branche de la Shādhiliyya et dont la popularité a très rapidement gagné l'ensemble du royaume. La figure d'al-Jazūlī a émergé dans un contexte marqué par une profonde agitation politique, sociale et religieuse au Maroc, dont les causes remontent au début du IXe/XVe siècle. Al-Jazūlī assoit sa légitimité de deux concepts : d'une part, sa sainteté (chérifisme), à travers sa généalogie qu'il fait remonter au Prophète, et, d'autre part, sa chaîne spirituelle (silsila), la chaîne des maîtres qui l'ont initié à la mystique, eux-mêmes descendants du Prophète. Le Dalā'il al-Khayrāt s'inscrit dans une tradition de littérature dévotionnelle bien connue au Maroc, se déclinant sous différents genres consacrés au Prophète, comme la poésie ou les recueils de prières et d'invocation. Dans ces textes puisés essentiellement des hadiths, la prière sur le Prophète est présentée comme le moyen par excellence pour l'orant d'invoquer la présence de Muḥammad, de bénéficier de son pouvoir de protection, et surtout, de sa fonction d'intercesseur au jour du Jugement dernier. C'est pourquoi, le Dalā'il, est rapidement devenu l'un des livres dévotionnels les plus populaires dans le monde musulman sunnite et tout particulièrement au Maroc. Ce succès n'est pas étranger à l'exhortation d'al-Jazūlī, à la récitation des prières pour « l'Envoyé de Dieu », qui serait, selon lui, le « chemin qui mène à Dieu ». Parallèlement, les formes matérielles et esthétiques des manuscrits du Dalā'il ont été progressivement adaptées à des usages fréquents. La miniaturisation des manuscrits permet de les réciter à tout moment de la journée ou de la semaine et en toutes circonstances. Leurs abondantes enluminures visent à faciliter la mémorisation des prières en accompagnant chaque division du texte. Pour les croyants, l'objet livre était un média privilégié pour s'unir au Prophète. Aujourd'hui, le Dalā'il continue de faire l'objet d'une grande ferveur dans le monde musulman, en particulier au Maghreb. Au Maroc, où l'enquête a été menée, on trouve des exemplaires de livres imprimés dans les librairies et « terrassiers » des grandes villes. C'est surtout dans les zawiyas où les prières du Dalā'il sont récitées collectivement une fois par semaine que le texte circule. Tout comme les manuscrits produits par le passé, plusieurs formats de livres imprimés s'offrent au lecteur – grands, moyens ou miniatures – s'adaptant ainsi à ses usages et ses besoins. Aux côtés des livres imprimés, les lecteurs du Dalā'il peuvent parfois choisir ou préférer la version digitale du texte, via des applications téléchargeables sur le téléphone. Cette variété de supports nous a conduites à explorer comment les changements physiques du livre allaient de pair avec une modification des rapports des fidèles au texte du Dalā'il, à sa transmission et plus globalement à leur façon de s'unir au Prophète. Pour mener à bien cette étude, nous avons examiné les pratiques et les représentations actuelles du livre du Dalā'il, jusqu'ici peu explorées. À cette fin, le présent article convoque les approches codicologique et anthropologique du livre de manière à examiner comment la matérialité de l'objet informe sur les pratiques cultuelles qui s'y rattachent et sur l'expérience matérielle et esthétique qu'elle soutient pour s'unir au Prophète, et aussi les reconfigure.
      The Dalā'il al-Khayrāt wa Shawāriq al-anwār fī dhikr al-ṣalāt ‘alā al-Nabiy al-mukhṭār (Dalā'il al-Khayrāt) is a book of prayers and invocations about the Prophet Muhammad, written around 857/1453 by the Moroccan mystic Muḥammad b. Sulaymān al-Jazūlī (d. 869/1465), founder of a new Sufi path, the Jazūliyya, considered as a branch of the Shādhiliyya, and whose popularity very quickly won over the entire kingdom. The figure of al-Jazūlī emerged in a context marked by deep political, social and religious agitation in Morocco, the causes of which go back to the beginning of the 9th/15th century. Al-Jazūlī bases his legitimacy on two concepts: on the one hand, his spiritual lineage (cherifism) through his genealogy, which he traces back to the Prophet, and, on the other hand, his spiritual saintliness (silsila), the chain of martyrs who initiated him into the mystical tradition, themselves the descendants of the Prophet. The Dalā'il al-Khayrāt is part of a well-known tradition of devotional literature in Morocco, available in various genres devoted to the Prophet, such as poetry or collections of prayers and invocations. In these texts, drawn essentially from the Hadiths, prayer for the Prophet is presented as the means par excellence for the one praying to invoke the presence of Muhammad, and to benefit from his power of protection and, above all, his function of intercession on the day of the Last Judgement. This is why the Dalā'il quickly became one of the most popular devotional books in the Sunni Muslim world, and particularly in Morocco. This success is not foreign to the exhortation of al-Jazūlī, to the recitation of prayers for the “Messenger of God”, which would be, according to him, the “road that leads to God”. At the same time, the material and aesthetic forms of the manuscripts of the Dalā'il were progressively adapted to frequent uses. The miniaturisation of manuscripts allows them to be recited at any moment of the day or week and in all situations. Their abundant illumination aims to facilitate the memorisation of the prayers while accompanying each division of the text. For believers, the book object was a privileged medium for uniting with the Prophet. Today, the Dalā'il continues to be the subject of great fervour in the Muslim world, in particular in the Maghreb. In Morocco, where the survey was conducted, we find examples of printed books in the bookshops and “roadworks” of the large cities. The text circulates above all in the zawiyas, where the prayers of the Dalā'il are collectively recited once a week. Just like the manuscripts produced in the past, many formats of the printed book are available to the reader – large, medium or miniature – thus adapting to their uses and needs. Aside from printed books, readers of the Dalā'il may choose, or prefer, the digital version of the text, via applications downloaded to mobile phone. This kind of medium led us to explore how the physical changes of the book went hand in hand with a modification of the relationships of the faithful to the text of the Dalā'il, to its transmission and, more broadly, to their way of uniting with the Prophet. To bring this study to a successful conclusion, we examined the present practices and representations of the book of the Dalā'il, little explored to date. To this end, the article draws on codicological and anthropological approaches to the book to examine how the materiality of the object informs the cultural practices that are attached to it, and the material and aesthetic experience that it supports, in order to unite with the Prophet, and also reconfigures these.
    • Dynamiques socio-politiques et territorialités de l'immigration ivoirienne en Tunisie - Camille Cassarini p. 201-221 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'instar des autres pays maghrébins, la Tunisie est, au moins depuis vingt ans, au cœur de circulations et de mobilités diverses en provenance de l'ensemble du continent africain, notamment de sa partie subsaharienne. À bas bruit, cette immigration majoritairement ivoirienne prend progressivement place dans la société tunisienne et soulève d'importants débats et enjeux sociaux. À rebours des représentations et des travaux sur des migrations dites « de transit » vers les côtes européennes, cet article – fondé sur une enquête ethnographique multisituée menée entre 2016 et 2019 – donne à comprendre les stratégies migratoires de ces hommes et femmes de Côte d'Ivoire, dans une perspective historique, ainsi que leurs logiques d'ancrage en Tunisie. Autour de quelles filières migratoires s'articulent ces mobilités ? Quelle place occupe la Tunisie dans les stratégies des voyageurs ivoiriens et autour de quels espaces se tissent leurs mobilités ? Et leurs insertions ? Loin de la figure du « réfugié » ou du « migrant en transit » au Maghreb, nous proposons d'analyser ce que ces voyageurs et voyageuses ainsi que leurs pratiques de la mobilité nous disent des transformations plus globales des migrations intra-africaines. Dans un premier temps, cette contribution revient sur les modalités de positionnement de la Tunisie comme nouvelle destination de choix pour l'immigration ivoirienne. Elle montre que ces réseaux migratoires se sont construits à la faveur de la ré-installation de la Banque Africaine de Développement (BAD) à Tunis, à la suite du conflit en Côte d'Ivoire et de l'arrivée de plusieurs centaines d'ivoiriens et d'ivoiriennes dans le pays. Ces primo-arrivants ont réussi à investir plusieurs secteurs professionnels et à développer un tissu relationnel entre la Côte d'Ivoire et la Tunisie. C'est à partir de leurs réseaux qu'à la fin des années 2000, de plus en plus de ressortissants ivoiriens ont choisi de venir en Tunisie. La deuxième partie de cet article revient sur le rôle qu'a joué le changement socio-politique en Côte d'Ivoire dans leur mise en mobilité. En effet, de nombreux ivoiriens et ivoiriennes justifient leurs départs en Tunisie par le changement de régime ayant suivi la crise post-électorale de 2011. En mobilisant le registre de l'ethnicité et de leur exclusion du jeu politique, ces personnes mettent en récit, dans leurs mobilités, les changements structurels de la société ivoiriennes de ces vingt dernières années. En effet, au-delà du changement de régime, ces circulations ivoiriennes laissent à voir un changement des imaginaires politiques du succès et des figures de la réussite dans le pays. Ainsi, notre travail rend compte de la manière dont, dans un même mouvement, les stratégies migratoires ivoiriennes, à partir des dynamiques socio-politiques, reconfigurent le lien et les possibles entre mobilité géographique et réussite sociale. Dans une dernière partie, cet article interroge la manière dont ces stratégies migratoires structurent les modalités d'insertion de ces personnes dans l'espace en Tunisie. À travers les exemples de Tunis et Sfax, sont analysées les stratégies d'insertions, les modalités d'ancrage et les nouvelles pratiques sociales de ces Ivoiriens et Ivoiriennes. L'attention est portée aux instances de sociabilités, notamment associatives et leur articulation aux espaces locaux. Plus globalement, il s'agit ici de dessiner les contours de la territorialité produite par ces personnes et de montrer en quoi leurs stratégies de mobilités sont construites autour de pratiques professionnelles servant des projets de réussite sociale. Ainsi, cet article, inscrit dans une perspective afrocentrée, contribue à l'éclairage d'une nouvelle dynamique migratoire ivoirienne en Tunisie. Il interroge également les liens possibles entre l'exploration d'une dynamique migratoire et le rôle que peuvent les imaginaires politiques. Il contribue, par-là, au champ des connaissances sur la situation de l'immigration africaine dans le pays et plus largement sur les routes des migrations entre les Afriques.
      Like other Maghrebi countries, Tunisia has been at the heart of various flows and mobilities coming from all over the African continent, especially from its sub-Saharan portion, for at least twenty years. Quietly, this mainly Ivorian immigration is gradually taking place in Tunisian society, and raises important debates and social issues. Contrary to representations and works on so-called transit migration towards the European coast, this article – based on an ethnographic survey carried out between 2016 and 2019 – provides an understanding of the migratory strategies of these men and women from Côte d'Ivoire, in historical perspective, as well as their rationale for anchoring in Tunisia. Around which migration channels are these mobilities articulated? What place does Tunisia occupy in the strategies of Ivorian travellers, and around which spaces do their movements develop? And their integration? Far from the figure of the “refugee” or “migrant in transit” to the Maghreb, we propose to analyse what these travellers, as well as their practices of mobility, tell us about the wider transformations of intra-African migration. First, this article returns to the ways of positioning Tunisia as the new destination of choice for Ivorian immigration. It shows that these migratory networks were built thanks to the relocation of the African Development Bank (BAD) to Tunis, following the conflict in Côte d'Ivoire, and to the arrival of several hundred Ivorians in the country. These first arrivals succeeded in entering many professional fields and in developing a relational web between Côte d'Ivoire and Tunisia. It is starting from their networks that, at the end of the 2000s, more and more Ivorian citizens chose to come to Tunisia. The second part of the article returns to the role played by socio-political change in Côte d'Ivoire in their mobility. Indeed, many Ivorians justify their departure for Tunisia by the change in regime that followed the post-election crisis of 2011. By mobilising the register of ethnicity and their exclusion from the political game, these people expressed, in their mobilities, the structural changes to Ivorian society over the last twenty years. Indeed, beyond the change of regime, these Ivorian flows make visible a change in the political imaginary of success and of the figures of success in the country. Thus, our work accounts for the way in which, in a single movement, Ivorian migratory strategies, starting from socio-political dynamics, reconfigure the link and the possibilities between geographical mobility and social success. In the final section, the article interrogates the way in which these migratory strategies structure the modes of integration of these people in the Tunisian space. The examples of Tunis and Sfax are used to analyse the strategies of integration, the modes of anchoring and the new social practices of these Ivorians. Attention is given to bodies of sociability, especially associative, and their articulation in local spaces. More globally, it is about drawing the contours of the territoriality produced by these people and showing how their strategies of mobility are built around professional practices serving projects of social success. Thus, this article, in the scope of an Afrocentric perspective, helps to illuminate the new Ivorian migratory dynamic in Tunisia. It also questions the possible links between the exploration of a migratory dynamic and the role the political imaginary can play. In this respect, it contributes to the field of knowledge on the situation of African immigration in the country and, more broadly, on migration routes within Africa.