Contenu du sommaire : Les homosexualités en Allemagne (XIXe-XXIe siècles) : un « Sonderweg » ?

Revue Revue d'Allemagne Mir@bel
Numéro Tome 53, N° 2 , juillet-décembre 2021
Titre du numéro Les homosexualités en Allemagne (XIXe-XXIe siècles) : un « Sonderweg » ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Les homosexualités en Allemagne (XIXe-XXIe siècles) : un « Sonderweg » ?

    • Introduction : un modèle allemand des homosexualités ? - Frédéric Stroh p. 291-294 accès libre
    • Einleitung: ein deutsches Modell der Homosexualitäten? - Frédéric Stroh p. 295-298 accès libre
    • Der Einfluss der Homosexuellen auf die Konstruktion der Homosexualität in Deutschland (1864-1914) - Valentina Escherich p. 299-313 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article explore le rôle des hommes et femmes homosexuels dans la construction des premiers concepts de l'homosexualité en Allemagne entre 1864 et 1914. À partir de la participation active de Karl Ulrichs (1825-1895) et Magnus Hirschfeld (1868-1935) au développement des théories scientifiques, du rôle des patients et patientes anonymes en tant que cas d'étude et de l'appropriation et de la réinterprétation de ces théories dans les débats politiques par Theodora Sprüngli (1880-1953), Johanna Elberskirchen (1864-1943), Adolf Brand (1874-1945) et Edwin Bab (1882-1912), il est montré ici dans quelle mesure la capacité des homosexuels à prendre part aux interprétations de l'homosexualité a varié, notamment entre les experts et les profanes, et combien ils se divisaient eux-mêmes dans leur propre interprétation de l'homosexualité. Ce faisant, l'article souligne l'hétérogénéité qui existait alors entre les homosexuels.
      The article examines the role of homosexual men and women in the construction of early concepts of homosexuality in Germany between 1864 and 1914. Looking at the active participation of Karl Ulrichs (1825-1895) and Magnus Hirschfeld (1868-1935) in scientific theory building, at the role of anonymous male and female patients as case studies and at the appropriation and reinterpretation of this theories in political debates by Theodora Sprüngli (1880-1953), Johanna Elberskirchen (1864-1943), Adolf Brand (1874-1945) and Edwin Bab (1882-1912), the article shows how the influence of homosexuals on interpretations of homosexuality varied, especially between experts and lay people, and how the meaning of homosexuality was also contested among homosexuals. In doing so, the article emphasizes the heterogeneity of homosexuals as a group at this time.
    • Le journal intime d'Eugène Wilhelm (1866-1951) : une subjectivité homosexuelle en construction sous le Kaiserreich - Kevin Dubout p. 315-329 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article se penche, à l'exemple du journal intime du juriste alsacien Eugène Wilhelm (1866-1951), sur les apports d'une telle source pour une histoire des catégories identitaires et des subjectivités homosexuelles. Après avoir situé le diariste dans son contexte historique et social, l'article examine les pratiques de l'écriture et leurs effets sur l'auteur lui-même et sa subjectivation (observation de soi déstabilisante, idéal de maîtrise de soi, techniques de cryptage délimitant différents niveaux de confidentialité). Puis il est montré comment le diariste réceptionne les discours médicaux sur l'homosexualité, qui foisonnent sous le Kaiserreich, selon un processus d'appropriation complexe, marqué par diverses formes de « bricolage » et une mise à l'épreuve dans le quotidien subculturel, qui finit par faire perdre à ces discours leur pouvoir interprétatif. Une approche intersectionnelle révèle en outre les interactions multiples entre les catégories identitaires homosexuelles et d'autres catégories d'appartenance (genre, classe, nation), produisant ainsi, entre rapprochement et distanciation, des effets spécifiques selon les contextes.
      The article focuses on diaries as a source for the history of same-sex identity categories and subjectivities, based on the example of the diary left by the Alsatian jurist Eugene Wilhelm (1866-1951). After contextualizing the diarist historically and socially, it addresses the practices of writing and their effects on the writer and his subjectivization (unsettling self-observation, striving for self-control, encrypting methods producing different levels of confidentiality). Then it analyzes Wilhelm's reception of medical discourses on same-sex sexuality during the Kaiserreich as a complex appropriation process characterized by a variety of ‘bricolages' and the trial of his knowledge in subcultural daily life. As a consequence, medical discourses eventually lose much of their suggestive power. Furthermore, the intersectional approach highlights how interdependent same-sex identity categories are with other identity categories (gender, class, nation), producing different effects, ranging from convergence to distancing, in different contexts.
    • Der Hang zu Opfererzählungen. Über Dramatisierung und selektive Wahrnehmung in Geschichtsschreibung und Erinnerungskultur zu Homosexuellen während der NS-Zeit - Alexander Zinn p. 331-346 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La condition des homosexuels sous le national-socialisme ayant été ignorée durant des décennies par l'historiographie, le sujet a longtemps été abandonné aux acteurs du mouvement homosexuel et lesbien, qui ont également instrumentalisé la période nazie pour légitimer des demandes politiques inscrites dans le temps présent. Cela a favorisé une représentation du passé dominée par les discours victimaires et passant sous silence le contexte historique de l'époque et les sources « inappropriées » qui ne correspondaient pas au récit victimaire. De nos jours encore, la recherche, qui a entre-temps intégré le champ universitaire et s'est professionnalisée, n'est pas totalement exempte de cette forme de regard sélectif. Il en résulte une image du passé en partie assez faussée, qui détermine toujours davantage la culture mémorielle, mais non sans être source de conflits. Le présent article interroge cette image en analysant l'ampleur de la répression, le rôle des dénonciations, la déportation en camps de concentration, la répression des lesbiennes et la culture mémorielle.
      The situation of homosexuals during the Nazi era was ignored by historians for decades. For a long time, the topic was left to actors in the lesbian and gay movement, who also instrumentalized the Nazi period to legitimize current political concerns. This fostered an image of history that was dominated by victim narratives and ignored the contemporary historical context as well as “inappropriate” sources that did not correspond to the victim narrative. Even today, the relevant research, which has since shifted to the academic sphere and become more professionalized, is not entirely free of this form of selective perception. The result is an image of history that is in part quite skewed and that increasingly determines the culture of remembrance, but also causes conflicts there. This article questions this image of history by analysing the extent of persecution, the role of denunciations, the deportation to concentration camps, the repression of lesbians and the culture of remembrance.
    • Die „Gefängnisblätter“ von Gino B. (geb. 1934): ein Plädoyer gegen sexuelle Hegemonialität in der früheren BRD - Veronika Springmann p. 347-360 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'été 1959 à Karlsruhe, une procédure pénale était ouverte à l'encontre de Gino B. (né en 1934), un citoyen italien, et Hermann T. (né en 1943), car les deux hommes avaient entretenu une relation intime. Durant sa détention, Gino B. rédigea à l'attention des fonctionnaires de police et de justice des « Gefängnisblätter » (Cahiers de prison), dans lesquels il critiquait l'ordre judiciaire et décrivait sa conception de l'amour et de la sexualité en recourant à l'ironie et aux références littéraires. À partir de l'étude de ce texte et des théories queers sur le topos de la honte, cet article analyse l'interaction entre droit et subjectivation, et montre dans quelle mesure Gino B. est parvenu à affirmer avec assurance son homosexualité face au pan répressif du droit de la jeune République fédérale allemande.
      In the summer 1959 in Karlsruhe, criminal proceedings were opened against Gino B. (born 1934), an Italian citizen, and Hermann T. (born 1943), because the both men had an affair together. During his detention, Gino B. wrote “Gefängnisblätter” (Prison Notebooks), in which he criticized the legal order and described his understanding of love and sexuality with irony and literate references. On the basis of analysis of this text and of the queer theories about the topos of shame, this article examines the interaction between law and subjectification, and shows that Gino B. succeeded in asserting his gayness with self-confidence in spite of the repressive side of the law of the early Federal Republic of Germany.
    • Penser les homosexualités en RDA à la lumière du Kaiserreich et de la République de Weimar : une histoire longue de la surveillance des homosexualités en Allemagne - Sarah Kiani p. 361-378 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir notamment de l'étude des dossiers de la Stasi, cet article démontre que les années 1970 et 1980, sur lesquelles se concentre l'analyse, sont marquées en République démocratique allemande (RDA) par une surveillance importante des homosexuel·le·s, mais une répression, au sens large du terme, relativement faible. Ce mode de régulation étatique des homosexualités, qui part du principe selon lequel l'intensité de la surveillance rendrait la répression superflue, s'observe avec une remarquable constance également sous le Kaiserreich et la République de Weimar. Cependant, les figures homosexuelles qui préoccupent le plus les autorités diffèrent d'un régime à l'autre, passant du prostitué et du travesti avant 1933 à l'opposant·e politique sous la RDA. En l'inscrivant ainsi dans une histoire longue des homosexualités en Allemagne, cet article relativise l'irréductibilité du cas est-allemand.
      This article, partly based on files of the East German political police (Stasi), shows that the 1970s and the 1980s in the German Democratic Republic (GDR) are characterized by extensive surveillance of homosexuals, but relatively weak repression, understood in a broad sense. This form of state regulation of homosexualities, which presupposes that the extent of surveillance makes repression dispensable, was a remarkably consistent pattern also during the Kaiserreich and the Weimar Republic. However, the homosexual of concern to the authorities differed from regime to regime: the prostitute and transvestite before 1933, the political opponent in the GDR. By placing it in a long history of homosexualities in Germany, this article relativizes the singularity of the East German case.
    • Rosa Winkel et Pink Triangle. Comprendre la mémoire collective homosexuelle de la répression nazie dans une perspective transatlantique - Sébastien Tremblay p. 379-396 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir de l'étude du symbole du triangle rose et de ses allers-retours entre l'Allemagne et l'Amérique du Nord, cet article examine la mémoire de la répression nazie des homosexualités portée par le mouvement homosexuel dans les années 1970 et 1980. Il commence par présenter la manière dont les militants ouest-allemands se sont réapproprié politiquement le triangle rose imposé aux hommes homosexuels dans les camps de concentration, puis il analyse le transfert de ce symbole en Amérique du Nord et sa transformation par les militant·e·s états-unien·ne·s lors de la crise du sida, avant de rendre compte de son retour en Allemagne. Il est montré d'une part que la réappropriation du triangle rose a moins été le fait d'une instrumentalisation mémorielle que le fruit d'un processus d'identification aux victimes du nazisme et d'autre part que les multiples influences réciproques entre les associations ouest-allemandes, états-uniennes et canadiennes ont abouti à la constitution d'une mémoire collective homosexuelle transatlantique et à l'intégration des militantismes locaux à un imaginaire commun fondé sur le souvenir de la répression nazie. Ce faisant, cet article plaide pour l'écriture d'une histoire transnationale ou globale des mouvements sociaux.
      This article analyzes the memory of the Nazi repression of homosexualities as expressed by the homosexual movement in the 1970s and 1980s, focusing on a symbol widely used in the LGBT community, the pink triangle, and following its journey back and forth between Germany and North America. It begins by displaying how West German activists politically reappropriated the pink triangle beyond a stigmata imposed on gay men in the concentration camps and then investigates ways in which the symbol was transferred to North America and subsequently transformed by U.S. activists during the AIDS crisis before returning to Germany. On one hand, the article argues that the reappropriation of the pink triangle was less an expression of memorial instrumentalisation and more the fruit of a process of identification with the victims of Nazism. On the other hand, it demonstrates how multiple reciprocal influences between West German, American and Canadian associations led to the constitution of a transatlantic homosexual collective memory and to the integration of local forms of activism to a common homosexual imaginary based on the memory of Nazi persecutions. Doing so, this article advocates for the writing of a transnational and global history of social movements.
    • Von der Schwulenbefreiung zu LSBT*I*-Rechten und queeren Protesten - Lüder Tietz p. 397-420 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis les années 1990, il est considéré à tort que le mouvement gai allemand est né des émeutes de Stonewall à New York en 1969. Les premières références à Stonewall au sein de manifestations ne remontent en réalité qu'à 1979. Dans les années 1990, apparaissent des marches et des festivals des fiertés, dont les revendications se sont depuis étendues aux droits LGBT*I*. Au même moment, des manifestations queers et des contre-événements de la gauche alternative se sont développés et ont commencé à critiquer la transformation de la mémoire de Stonewall. Cet article analyse le rapport conflictuel à cette mémoire à partir d'une étude ethnographique au long cours des différentes manifestations des fiertés et d'une sélection de photographies et de citations. Il examine dans quelle mesure les militant·e·s (ouest-)allemand·e·s ont développé leurs propres stratégies politiques, modes de protestation et images de soi et dans quelle mesure ils et elles ont adapté des modèles américains.
      Since the 1990s, the origins of the German gay movement have been located in the 1969 Stonewall Riots in New York, but historically this was not the case. It was not until 1979 that demonstrations referred to Stonewall. In the 1990s, street parades and pride festivals began, which have since demanded LGBT*I* rights. At the same time, queer protests and leftist alternative counter-events started, criticizing the transformation of the memory of Stonewall. The analysis of the conflicting handling of this cultural memory is based on a long-term ethnographic study of pride and draws on a selection of photographs and quotes. It addresses to what extent (West) German activists developed their own political strategies, protest techniques, and self-images and to what extent they adapted US-American models.
    • Généalogie du Schwules Museum (1985) : la fondation d'un « musée gai » allemand - Sophie Lespiaux p. 421-439 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le Schwules Museum, qui réunit un musée, des archives, une bibliothèque et une revue scientifique, est actuellement une plate-forme représentante de l'ensemble de la communauté LGBTQI*. Lors de sa fondation en 1985 à Berlin-Ouest par quatre historiens issus du mouvement d'émancipation gai des années 1970 (Manfred Baumgardt, Wolfgang Theis, Manfred Herzer et Andreas Sternweiler), il était cependant consacré uniquement à l'histoire et à la culture des hommes homosexuels. Par le biais d'une étude microhistorique partant de documents d'archives du Schwules Museum et du Spinnboden, ainsi que d'entretiens avec certain·e·s protagonistes, cet article cherche à comprendre pourquoi cette institution a été créée exclusivement par et pour des gays, alors que des lesbiennes ont contribué à l'exposition Eldorado, qui en constitua la genèse. Pour ce faire, l'article replace le geste fondateur du musée dans le contexte des mouvements gai, lesbien et féministe ouest-berlinois des années 1970, puis il analyse ses liens avec l'émergence de la recherche en histoire des homosexualités au sein de « Geschichtswerkstätte » (ateliers d'histoire) et la création d'« Archive von unten » (archives d'en bas) consacrées aux mouvements gai, lesbien et féministe dans les années 1970 et 1980.
      The Schwules Museum, which brings together a museum, an archive, a library and a scientific journal, is currently intended to be a representative platform for the entire LGBTQI* community. When it was founded in 1985 in West Berlin by four historians from the gay emancipation movement of the 1970s (Manfred Baumgardt, Wolfgang Theis, Manfred Herzer and Andreas Sternweiler), it was, however, devoted solely to the history and culture of homosexual men. By means of a microhistorical study based on the archival documents of the Schwules Museum and the Spinnboden, as well as interviews with some of the protagonists, this article seeks to understand why this institution was created exclusively by and for gays, while lesbians contributed to the Eldorado exhibition, which was its genesis. To do so, the article places the museum's founding in the context of the West Berlin gay, lesbian and feminist movements of the 1970s, and then analyses its links with the emergence of research into the history of homosexualities in “Geschichtswerkstätte” (history workshops) and the foundation of various “Archive von unten” (archives from below) devoted to the gay, lesbian and feminist movements in the 1970s and 1980s.
    • Schwule Lebensweisen auf dem Prüfstand: Gesundheitsförderung des bundesdeutschen AIDS-Aktivismus im Spiegel transnationaler Einflüsse - Kevin-Niklas Breu p. 441-464 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir des débats autour des tests sérologiques du VIH et du « safer sex » (sexe sans risque) dans les années 1980 en RFA, l'article montre comment le développement d'un modèle de promotion de la santé par les militant·e·s antisida a contribué de manière décisive à la (re)politisation et à la transnationalisation du mouvement homosexuel ouest-allemand. Il met en lumière le rôle clé de la Deutsche AIDS-Hilfe (DAH), fondée en 1983, qui se voulait autant une organisation d'utilité publique dédiée au soin des malades qu'un porte-voix politique. Elle organisait en lien avec le Bundesverband Homosexualität (BVH), fondé en 1986, des manifestations contre la « surveillance d'État », tout en soutenant la mise en œuvre de programmes de « safer sex » financés par l'État sur le modèle états-unien. Elle soulignait ainsi l'importance de la dimension salutogénique du développement communautaire. Par ailleurs, l'article montre à partir de l'exemple du projet Stop-AIDS et du réseau AIDS Coalition to Unleash Power (ACT UP) d'origine états-unienne comment des militant·e·s inscrit·e·s dans des réseaux transnationaux ont permis le transfert d'idées politiques et de pratiques protestataires au-delà des frontières nationales.
      By reconstructing the debate on HIV antibody testing and “safer sex” during the1980s in the Federal Republic of Germany, this article seeks to demonstrate how a new model of health promotion by AIDS activists decisively contributed to the (re-)politicisation and transnationalisation of the West German gay movement. It specifically focuses on the pivotal role of the Deutsche AIDS-Hilfe (DAH), founded 1983, as both a public institution of health care for the sick on the one hand and as a political mouthpiece on the other hand. Apart from organising protests against “state surveillance” in conjunction with the gay political Bundesverband Homosexualität (BHV), founded 1986, the DAH advocated the implementation of state-funded “safer sex” programmes following the example of US model projects. It highlighted thus the importance of the salutogenetic dimension of community building. Moreover, using the example of the Safer Sex Project and the AIDS Coalition to Unleash Power (ACT UP), which originated in the USA, the article further seeks to show how transnationally connected activists facilitated the transfer of political ideas and protest practices across borders.
    • Homosexualität im parlamentarischen Ringen der Bundesrepublik Deutschland in den 1980er Jahren: Menschenrecht anstatt religiös geprägter Moral? - Katharina Ebner p. 465-484 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À partir de l'analyse des procès-verbaux des débats parlementaires du Bundestag, l'article examine le rapport à l'homosexualité en RFA dans les années 1980, une décennie de chevauchement d'interprétations concurrentes. Il montre que les jugements normatifs antérieurs ont rapidement perdu en plausibilité, même si certains stéréotypes se sont maintenus en dépit de la dépénalisation partielle de 1969. Outre leur dimension privée, les orientations sexuelles ont continué d'avoir une dimension socio-politique, qui transparaissait alors dans les discours sur le statut des homosexuels en tant que victimes du nazisme, en tant que soldats de l'armée ouest-allemande et en lien avec le traitement du VIH/SIDA. La négociation des normalités socio-familiales a été extrêmement virulente, mais les jugements fondés sur la morale religieuse n'y intervenaient plus que rarement. Par ailleurs, des influences européennes, comme dans le cas des débats fondés sur la question des droits de l'Homme au Royaume-Uni, se firent également sentir sur le discours ouest-allemand.
      By analysing the parliamentary records of the German Bundestag, the article examines the way West German society dealt with homosexuality in the 1980s as a decade of condensation of competing interpretive claims. In doing so, it shows that the normative evaluations of earlier decades had rapidly lost plausibility, although former stereotypes continued to be present despite the preceding partial decriminalisation of 1969. In addition to a private dimension, sexual orientations always had a political-social dimension, which came to the fore in the formative discourses on the status of homosexuals as Nazi victims, as members of the West German armed forces as well as in dealing with HIV/AIDS. The negotiation of social-familial normalities was highly virulent, but religious-moral judgements were only perceived in isolated cases. In addition, European influences, such as the human rights-based debates on homosexual politics in the United Kingdom, can also be discerned on the West German discourse.
    • Das diskursive Erbe deutscher protestantischer Missionare in Debatten um Homosexualität in der Lutherischen Kirche Tansanias: „Volksgewissen“ oder „Teufelssittlichkeit“? - Charlotte Weber p. 485-501 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'Église luthérienne de Tanzanie (ELCT), issue du travail des missionnaires protestants allemands entre la fin du xixe et le milieu du xxe siècle, exprime toujours et encore son hostilité à l'égard de l'homosexualité. Cet article examine l'héritage missionnaire discursif de ces débats. À l'époque, les missionnaires évaluaient la sexualité indigène selon une conception de la « moralité » qui établissait le mariage chrétien hétérosexuel monogame comme la seule forme acceptable de sexualité. Particulièrement influents, certains missionnaires de tendance romantique interprétèrent cet idéal moral comme l'expression de la moralité africaine authentique, qui serait menacée par la civilisation occidentale. Ce modèle discursif se retrouve également dans les discours actuels de l'ELCT, qui considère l'homosexualité en soi comme « non-africaine ». À l'autre bout du spectre discursif, d'autres missionnaires construisirent une « sexualité africaine » diabolique et dépravée, qui ne s'est en revanche pas maintenue dans les discours de l'ELCT. Par la pratique de la discipline ecclésiastique, les discours des missionnaires allemands sur la « sexualité africaine » ont été matérialisés et institutionnalisés jusqu'à ce jour.
      The Lutheran Church in Tanzania (ELCT), which was set up by German protestant missionaries from the end of the 19th century to the middle of the 20th century, has repeatedly positioned itself against homosexuality. This article examines the discursive legacy of these missionaries in the current discourse held by the Church. The missionaries imposed their own concept of ‘morality' (Sittlichkeit) as standard for indigenous sexuality, allowing it to exist only within the confines of the Christian, heterosexual and monogamous marriage. This discursive pattern prevalent among the German missionaries was influenced by German romanticism: they declared this form of ‘Sittlichkeit' to be an expression of authentic African values, in danger of being corrupted by Western civilization. This pattern is still visible in today's discourse in the ELCT, which continues to represent homosexuality as intrinsically ‘un-African'. On the opposite side of the discursive spectrum ‘African sexuality' had also been construed as unholy and depraved by other missionaries, but this pattern cannot be found anymore in today's discourses. Through the practice of church discipline, missionary discourses about ‘African sexuality' took form and became institutionalised, and remain so until today.
    • „Lieber Diktator als schwul“. Deutschland im Spiegel der homophoben belarussischen Staatspropaganda der Lukaschenko-Ära - Alexander Friedman p. 503-519 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Suite à sa victoire à l'élection présidentielle en 1994, Alexandre Loukachenko établit en Biélorussie un régime autoritaire, anti-occidental et orienté vers la Russie. Le sexisme et l'homophobie sont des traits caractéristiques de cette dictature, qui compte parmi les pays européens les plus hostiles aux personnes LGBTQI. À partir notamment de l'analyse des discours portés par Loukachenko lui-même et par les médias du régime, cet article montre comment l'image d'une Allemagne bastion de l'homosexualité a été construite en Biélorussie à l'occasion de l'affaire diplomatique germano-biélorusse (2004) et de la controverse opposant Loukachenko au ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle (2011-2013), et comment cette image a été instrumentalisée à des fins de propagande en fonction de la conjoncture internationale pour fédérer la société biélorusse autour de valeurs traditionnelles, porter atteinte à la réputation de la République fédérale d'Allemagne ou de l'Occident en général et renforcer celle de Loukachenko. Depuis 2020, cette image est à nouveau mobilisée pour diffamer le mouvement de protestation démocratique, notamment en dépeignant les opposantes biélorusses Svetlana Alexievitch et Maria Kolesnikova comme de prétendues lesbiennes d'Allemagne.
      In 1994, Alexander Lukashenko won the presidential election in Belarus and established an authoritarian, Russian-oriented, anti-Western regime there. Sexism and homophobia are considered trademarks of the Lukashenko dictatorship, which is one of the most anti-LGBTQI countries in Europe. This article interprets Lukashenko's statements and the regime's media reports in a discourse analytical perspective to show how the enemy image of Germany as a gay stronghold in Belarus was constructed in the course of the Belarusian-German diplomatic affair (2004) and the controversy between Lukashenko and the German Foreign Minister Guido Westerwelle (2011-2013). It was instrumentalised for propaganda purposes, depending on the changing international situation, in order to unite Belarusian society on the basis of traditional values, to destroy the reputation of the Federal Republic of Germany and the West, and to improve Lukashenko's reputation. Since 2020, this enemy image has been taken up again, for example in the stylisation of the Belarusian opponents Svetlana Alexievich and Maria Kolesnikova as alleged lesbians from Germany, in order to defame the democratic protest movement.
  • Varia

    • Le « renouveau du diaconat » dans le catholicisme romain. Une « idée » franco-allemande (1945-1965) - Bruno Dumons p. 523-537 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le diaconat a été rétabli comme un degré durable du sacrement de l'ordre en 1964 lors du Concile Vatican II. Il est le fruit d'une réflexion théologique franco-allemande qui s'est déployée après la Seconde Guerre mondiale. Deux livres ont particulièrement contribué au renouveau du diaconat en Allemagne et en France. Leurs auteurs Josef Hornef, un magistrat allemand, et Paul Winninger, un prêtre alsacien, aujourd'hui méconnus, ont été des pionniers participant à la restauration de ce ministère et plus largement à la construction de la nouvelle ecclésiologie conciliaire. L'article s'attarde sur ces deux personnalités et leur livre respectif pour ouvrir une page inédite d'histoire transnationale du catholicisme contemporain.
      The diaconate was re-established as a lasting degree of the sacrament of order in 1964 at the Second Vatican Council. It is the fruit of a Franco-German theological reflection which took place after the Second World War. Two books in particular contributed to the renewal of the diaconate in Germany and France. Their authors, Josef Hornef, a German magistrate, and Paul Winninger, an Alsatian priest, were pioneers who participated in the restoration of this ministry and more broadly in the construction of the new conciliar ecclesiology. The article focuses on these two personalities and their respective books in order to open a new page of transnational history of contemporary Catholicism.
    • Le dieselgate allemand : six années de saga judiciaire (2015-2021) - Gilles Leroux p. 539-562 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      On pouvait espérer que le procès qui s'est ouvert en septembre dernier au tribunal de Brunswick (Basse-Saxe), devant lequel devaient comparaître cinq anciens hauts responsables du groupe Volkswagen, dont son ancien président Martin Winterkorn, serait l'occasion d'en finir avec le dieselgate. Il n'en sera rien puisque M. Winterkorn n'y participe pas pour raisons de santé, et la justice a décidé de le convoquer seul ultérieurement. Mais le procès marque tout de même une étape importante de cette saga qui dure désormais depuis six ans et qui a entraîné des bouleversements inédits dans l'industrie automobile, mais largement épargné les plus hauts responsables du groupe. Le volet judiciaire de l'affaire, dont il est question ici, montre l'ampleur des défis que le groupe Volkswagen a dû relever depuis 2015, mais aussi sa capacité à rebondir.
      One could have hoped that the trial which started in Braunschweig (Lower Saxony) last September against five former top managers of the Volkswagen Group, among whom was the former Head of the Board of Directors Martin Winterkorn, would at last bring the dieselgate to an end. But this will not be the case since M. Winterkorn will not be attending due to health reasons and the court has decided that he would be tried later at a separate trial. The trial will nonetheless be a milestone in this affair which started six years ago and which has forced the entire car industry to unprecedented changes, while largely sparing the top managers. The legal side of the dieselgate, with which we deal in this paper, clearly shows the extent of the challenges the Volkswagen Group has had to face since 2015 but it also proves its capacity to handle them.
    • Le projet de réforme du droit allemand des sociétés de personnes - Sandie Calme p. 563-568 accès libre
  • Italiques