Contenu du sommaire : Agricultures numériques

Revue Etudes rurales Mir@bel
Numéro no 209, 2022/1
Titre du numéro Agricultures numériques
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  • Dans la boîte noire de l'agriculture numérique : Infrastructures, politiques et environnements - Sara Angeli Aguiton, Sylvain Brunier, Jeanne Oui p. 8-19 accès réservé
  • Quels usagers pour les images satellite ? : De l'observation des terres émergées à la surveillance des activités agricoles (1972-1990) - Sylvain Brunier p. 20-38 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article propose de réinscrire le couplage entre les technologies numériques issues de l'observation spatiale et les pratiques agricoles dans une histoire longue. Il revient sur les efforts déployés par le Centre national d'études spatiales, à partir des années 1970, pour enrôler dans le développement de ses programmes satellitaires une communauté d'utilisateurs spécialistes de l'agriculture. À défaut de structurer une économie de services diversifiée, ces derniers vont principalement orienter la nouvelle infrastructure informationnelle vers des usages centrés sur le contrôle administratif des surfaces cultivées.
    ‪This article establishes the links between the digital technologies developed for space observation and agricultural practices throughout the long time scale of history. It examines the efforts made by the CNES, the French government space agency, from the 1970s onwards to enlist a community of specialist agricultural users to support the development of its satellite programmes. Rather than helping to build an economy of different services, these users would primarily focus attention on using the new information infrastructure for administrative inspections of agricultural land.‪
  • La revanche de l'agrobusiness brésilien : Usages et paradoxes de la régulation environnementale par le numérique - Ève Anne Bühler, Pierre Gautreau, Valter Lúcio de Oliveira p. 40-60 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Alors que la surveillance numérique à distance de l'agriculture s'affirme dans les années 2000 comme un pilier majeur des nouvelles régulations environnementales du secteur, le Brésil offre l'exemple des capacités de l'agrobusiness à subvertir ces instruments à son profit. En décrivant le déploiement et les usages politiques du cadastre environnemental rural, nous montrons qu'au-delà d'objectifs de verdissement institutionnel à destination des marchés agricoles internationaux, cette plateforme en open data a été une pièce maîtresse pour l'agrobusiness national dans sa quête de marges de manœuvre vis-à-vis des ONG de conservation mais aussi des transnationales agro-industrielles. Cet article propose d'explorer ce que le numérique apporte aux acteurs dominants du monde agricole brésilien dans leur recherche d'autonomie sectorielle.
    ‪While remote monitoring became a key pillar of new environmental regulations in the agricultural sector during the 2000s, Brazil offers an example of how agribusinesses can subvert these systems for their own benefit. By outlining the deployment and political uses of Brazil's “Rural Environmental Cadastre”, we show that, beyond an institutional greenwashing to satisfy international agricultural markets, this Open Data platform has been pivotal in national agribusinesses' quest to find room for manoeuvre in their relationships with conservation NGOs and agribusiness transnationals. This article thus explores how digital technology supports the dominant actors in the Brazilian agricultural world in their search for sectoral autonomy.‪
  • Numériser les machines : Dynamiques de la recherche technologique sur les agroéquipements en France - Jeanne Oui, Sara Angeli Aguiton, Stéphanie Barral p. 62-82 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article interroge l'essor de l'agriculture numérique à travers les organisations publiques, privées et parapubliques qui contribuent au développement des innovations en agromachinisme en France. Comment ce secteur industriel s'est-il adapté à l'usage des outils numériques et aux exigences environnementales ? À partir d'entretiens, d'observations et de l'analyse de la littérature grise, ce texte met au jour la division du travail technoscientifique d'innovation. Les institutions de recherche publique, comme le Cemagref et l'Inra, participent à la construction d'une infrastructure informationnelle pour l'agriculture, tandis que la recherche privée opte pour une stratégie d'innovation numérique par les services. Quant aux instituts techniques, ils adaptent ces innovations aux problématiques de terrain. L'exploration de ces périmètres d'activités montre que, finalement, la question environnementale joue un rôle mineur dans le tournant numérique pris par les agroéquipements.
    ‪This article examines the rise of digital agriculture through the public, private and parapublic organizations that help drive innovation in France's agro-machinery sector. How has this sector adapted in order to integrate digital tools and meet environmental requirements? Through interviews, observations, and an analysis of grey literature, this article studies the distribution of techno-scientific work on innovation. While public research institutions, such as the CEMAGREF and INRA, contribute to the construction of an informational infrastructure for the agricultural sector (allowing the data produced by machinery to be circulated and exchanged), private research is increasingly focusing on a strategy of digital innovation through services, and institutes of technology are involved in adapting innovations to field problems. By exploring these different areas of activity, this article thus highlights the minor role of environmental issues in the agro-machinery industry's digital turn.‪
  • Les données du problème : Une plateforme numérique inadaptée à l'agriculture suisse - Léa Stiefel p. 84-105 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    En 2017, un projet de plateforme d'agriculture intelligente émerge en Suisse dans le but de centraliser les données et ainsi simplifier le travail administratif des agriculteurs. Ce projet est loin de faire l'unanimité. Sur la base d'un travail de terrain mené auprès de producteurs, de fonctionnaires et de responsables d'organisations privées du secteur agricole suisse, cet article analyse les raisons de son rejet. Les objections formulées par les acteurs de terrain dénoncent une conception de la plateforme qui ne prend pas suffisamment en compte leurs configurations sociotechniques, et en particulier leurs pratiques associées aux données. Elles nous amènent à remettre en question deux présupposés de la littérature en sciences sociales sur l'agriculture numérique : d'une part, la passivité de l'État dans ses développements, d'autre part, leur faisabilité.
    ‪In 2017, a smart farming platform project was launched in Switzerland with the aim of centralizing data and thus simplifying administrative work for farmers. Support for the project was far from unanimous. Drawing on fieldwork conducted with farmers, government officials and leaders of private organizations in the Swiss agricultural sector, this article analyses why it was unsuccessful. The field actors identified that the platform did not sufficiently account for their socio-technical configurations, specifically their data practices. These findings lead us to question two assumptions made about digital agriculture within social sciences research: first, the passivity of the State in relation to these developments, and second, their feasibility.‪
  • « Pourquoi je protège mon blé » : La communauté des agri-youtubeurs et ses publications sur les pesticides - Louis Rénier p. 106-127 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article traite d'une communauté d'agriculteurs vidéastes mettant en scène leur recours aux pesticides. Après avoir resitué leurs publications dans le contexte d'un projet de « communication positive » en réaction à « l'agribashing », nous décrivons comment les « agri-youtubeurs » justifient leurs usages des produits phytosanitaires, en cadrant leurs comptes rendus sur la dimension raisonnée et maîtrisée de leurs pratiques, tout en évitant d'être normatifs à l'égard de la diversité de leurs propres techniques culturales. L'analyse des fils de commentaires, espaces d'interactions régulés par les vidéastes, montre l'élargissement de cette communauté au cercle des abonnés, qui partagent la volonté de maintenir l'unité de la profession agricole face aux critiques environnementales.
    ‪This article studies a community of farmers who post videos on You
    Tube about their use of pesticides. We first situate these videos within the context of a community involved in a campaign of “positive communication” that responds to environmental concerns. We then outline how these farming YouTubers justify their use of pesticides by presenting themselves as reasonable and responsible practitioners without being prescriptive about the different farming techniques they use. Our analysis of comment threads, a space of interaction moderated by the channel owners, shows how YouTube serves to expand this community to a circle of subscribers who wish to preserve unity within their profession in the face of environmental criticism.‪
  • Le cadre d'usage des outils d'aide à la décision : Le cas d'une grande coopérative agricole - Soazig Di Bianco, Claude Compagnone, Bertille Thareau p. 128-147 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article analyse la prise en charge par les coopératives de la critique environnementale au moyen d'outils numériques et la façon dont leur cadre d'usage se construit avec les technico-commerciaux (TC) et les agriculteurs. À partir du cas d'une coopérative, il montre comment son engagement dans une forme réduite d'agroécologie se traduit par le développement d'outils d'aide à la décision pour aider l'activité de prescription des TC. Cependant, les agriculteurs s'approprient ces OAD et cadrent également l'activité des TC. L'article décrit l'inertie des pratiques et du rapport entre ces deux acteurs dans la construction d'un cadre d'usage commun des OAD et de plusieurs variantes, et interroge le rôle d'intermédiation des TC dans sa stabilisation et ses déclinaisons.
    ‪This article analyses how cooperatives develop digital tools in response to environmental issues, and how technical sales representatives and farmers contribute to their framework of use. Based on a case study of one cooperative, it shows how committing to a reduced form of agroecology resulted in the development of Decision Support Tools (DST) to aid the advisory activities of technical sales representatives. Nevertheless, the farmers took ownership of these DST, whilst also defining the activities of technical sales representatives. The article outlines the inertia within these practices and the relationship between the two actors in the construction of a common DST framework of use and some of its variations. It then questions the intermediary role of technical sales representatives in maintaining and adapting this framework.‪
  • Autonomie technologique et innovation ouverte paysanne : Entretien avec l'Atelier paysan - Sara Angeli Aguiton, Sylvain Brunier, Jeanne Oui p. 148-161 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis sa création en 2011, l'organisme d'auto-construction et de formation au machinisme agricole devenu l'Atelier paysan vise à développer un plaidoyer et des alternatives au service de l'autonomisation technique des paysans et paysannes. Dans cet entretien, un groupe de sociétaires revient collectivement sur la façon dont la coopérative compose politiquement et techniquement avec les technologies numériques agricoles. Entre l'usage de modes de propriété et de partage issus des communs numériques pour la diffusion des innovations et les difficultés et dépendances inhérentes à ces outils, ce positionnement esquisse ce que pourrait être une politique du numérique agricole attentive aux modalités concrètes et variées d'insertion des technologies dans les pratiques et les collectifs agricoles.
    ‪Since 2011, Atelier Paysan has advocated for the technical empowerment of farmers by building alternatives to industrial farm machinery and delivering training. In this interview, a group of members collectively discusses the cooperative's political and technical approach to digital agricultural technologies. Between the use of free software as a means of disseminating innovations and the difficulties and dependencies inherent to the use of digital technologies, the cooperative takes a position on digital agricultural that is attentive to the tangible and varied integration of technologies into agricultural practices and farming collectives.‪
  • Varia

    • Consolidation d'une paysannerie émiettée… : Ou accaparement de terres par des estates (Inde du Sud) ? - Roma Hooge, Frédéric Landy, Camille Noûs, Laurent Ruiz p. 162-185 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Alors que la superficie moyenne des exploitations en Inde ne cesse de diminuer, il y a dans notre zone d'étude (Karnataka) des exploitations d'assez grande taille et avec une forte productivité de la terre : les estates. S'agit-il de l'embryon d'une « consolidation » de l'agriculture, voire de « firmes agricoles » ? Après avoir présenté l'environnement régional et la petite paysannerie locale, l'article définit les estates, fondées en général sur une agroforesterie irriguée et appartenant à des étrangers à la région. Leurs bilans au niveau hydrique et de l'emploi sont négatifs et on peut même parler d'un accaparement (relatif) de la terre et de l'eau. Le développement de ces estates ne peut donc être considéré comme une solution durable aux problèmes structurels des campagnes indiennes.
      ‪While the average size of farms in India continues to decrease, there are large farms with high land productivity, known locally as “estates”, throughout Karnataka, our study area. Does this represent the beginning of a “unification” of farming or even of “agricultural firms”? After offering an overview of the region's environment and rural farm workers, the article identifies that an “estate” is generally based on irrigated agroforestry and owned by individuals outside the region. Their records on water usage and employment present significant losses, and the situation could even be described as a (relative) grab of land and water. Therefore, the development of these estates is not a sustainable solution to the structural problems in rural India.‪
    • Amateurisme ou idéologie ? : La gestion des terres du doyenné de Gloucester (seconde moitié du XVIIIe s.) - Karim Ghorbal p. 186-206 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Contrairement à une opinion répandue, l'Église d'Angleterre au xviiie siècle, premier propriétaire terrien du royaume, s'est révélée un piètre gestionnaire, laissant se dégrader ses revenus dans une période pourtant faste et souvent qualifiée de « révolution agricole ». Christopher Clay, dans un article publié en 1980, fut le premier à identifier ce phénomène et l'attribua à l'incompétence du clergé de l'époque. Cet article propose de prolonger son analyse à travers l'étude de la pratique gestionnaire de Josiah Tucker, doyen de Gloucester de 1758 à 1799 et économiste reconnu. Compétent et conscient de ce problème, il a tenté toute sa vie de professionnaliser son Église et d'augmenter ses revenus pour lui garantir son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Il n'a cependant pas réussi à convaincre ses collègues de l'intérêt de sa démarche, qui la refusèrent principalement pour des raisons idéologiques.
      ‪Contrary to received opinion, the Church of England, the country's largest landowner in the eighteenth century, proved to be a poor administrator, overseeing a decrease in income during a period of prosperity often referred to as the “agricultural revolution”. Christopher Clay first identified this phenomenon in an article published in 1980 and attributed it to the clergy's incompetence. Building upon Clay's analysis, this article studies the administrative practices of Josiah Tucker, Dean of Gloucester from 1758 to 1799 and a reputed economist. Conscious of this problem, Tucker throughout his life attempted to professionalise the administration of his church and increase its income to secure its independence from political power. However, he failed to convince his colleagues of the value of this approach, and it was rejected mainly on ideological grounds.‪
  • Comptes rendus