Contenu du sommaire : Enjeux socio-économiques de l'action pour le climat
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 176, 2022 |
Titre du numéro | Enjeux socio-économiques de l'action pour le climat |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Introduction
- Enjeux socio-économiques de l'action pour le climat - Meriem Hamdi-Cherif, Vincent Touzé, Frédéric Reynès, Paul Malliet, Gissela Landa p. 5-12
Partie I. Les finances publiques
- Rendre acceptable la nécessaire taxation du carbone : Quelles pistes pour la France ? - Mireille Chiroleu-Assouline p. 15-53 Reprendre en France la trajectoire de la taxe carbone suppose de surmonter les nombreux obstacles à son acceptation par la population. Cet article recense d'abord les arguments propres à convaincre le public de l'efficacité de la tarification du carbone pour réduire les émissions. Puis, sur la base de la littérature et à la lumière d'expériences internationales, il expose des propositions de mesures d'accompagnement propres à combattre les effets potentiellement défavorables sur l'emploi, à traiter les questions d'équité, à répondre au besoin de justice sociale et à permettre de restaurer la confiance politique indispensable à l'acceptation de politiques climatiques efficaces.
- La fiscalité sur l'énergie peut-elle devenir acceptable ? - Jonas Anne-Braun, Tristan Guesdon p. 55-85 La fiscalité énergétique et son volet incitatif, la composante carbone, se heurtent en France à une faible acceptation de la part des contribuables. Cet article propose une synthèse des aspects les plus saillants du problème. L'impopularité historique des impôts indirects et la nouveauté du rôle incitatif de l'impôt à l'échelle mondiale, l'existence d'effets distributifs qui affectent des « prisonniers énergétiques », et l'absence de dispositif de gouvernance du « recyclage » des recettes de la taxe forment trois explications bien identifiées à cette mauvaise acceptabilité. Cependant, une fiscalité énergétique mieux acceptée implique de faire des choix de nature politique : choix d'un objectif plus ou moins exigeant de sobriété énergétique en plus d'un objectif de décarbonation, choix du type d'affectation des recettes de la fiscalité environnementale, et choix du degré d'uniformité du prix du carbone entre secteurs et produits. L'article conclut que l'une des principales conditions d'acceptabilité réside toutefois non dans la fiscalité elle-même, mais dans l'émergence de solutions énergétiques alternatives et accessibles, qui appelle davantage que le recours au seul outil fiscal.
- Jointly tackling the climate crisis and social issues : Integrating social considerations into climate budget tagging exercises - Solène Metayer, Sébastien Postic, Louise Kessler p. 87-119 Climate change and social issues have multiple two-way interactions, yet they are often addressed separately in public policy-making processes. We present here an analysis grid developed to facilitate the identification of climate and social hotspots in a national budget. Building on Climate Budget Tagging exercises, this tool aims to help governments easily review their entire budget to bring out budgetary measures that have both climate and social impacts. We applied the analysis grid to the French finance bill for 2021, highlighting that 83% of climate-related budgetary expenditures also have social impacts.
- Quelques pistes pour concilier des objectifs sociaux, économiques et écologiques - Laure Baratgin, Emmanuel Combet p. 121-146 Un tour d'horizon de la littérature sur la valorisation du carbone met en lumière les difficultés à concilier des objectifs écologiques, économiques, sociaux et politiques. Ces difficultés, inhérentes au renforcement de la politique climatique, expliquent en grande partie les échecs répétés de la fiscalité carbone en France. Nous dégageons de cette littérature trois enjeux prioritaires pour fonder une politique de conciliation. Il s'agit, premièrement, de traiter de l'évolution globale des finances publiques ; deuxièmement, de négocier un système d'accompagnement transitoire des ménages et des entreprises les plus vulnérables à court terme ; enfin, pour l'adhésion et l'engagement, d'inscrire l'ensemble de ces réflexions au sein de discussions collectives, qui associent l'ensemble des parties prenantes à la co-construction d'un contrat social de transition écologique.
- Rendre acceptable la nécessaire taxation du carbone : Quelles pistes pour la France ? - Mireille Chiroleu-Assouline p. 15-53
Partie II. Planification et organisation de l'action
- L'économie d'un accord-mondial sur le climat dans le monde « tel qu'il est » - Jean-Charles Hourcade p. 149-174 Le respect de l'objectif « bien en dessous de 2°C » dépend d'un accord mondial, dès la COP28, sur le financement des « actions volontaires » des pays (cf. l'Accord de Paris) dans un contexte d'incertitude sur la reprise économique post-Covid-19. Macro-économiquement, ce financement ne peut être séparé de la réduction du déficit structurel d'investissements en infrastructures qui est une précondition de la diminution de la pauvreté (« first and over-riding priority » de la Convention Climat) et de la réalisation des objectifs de développement durable. Nous montrons que cette réduction passe par le « dérisquage » des investissements et l'émergence d'une classe d'actifs bascarbone pour réorienter l'épargne mondiale en direction des pays en développement où deux-tiers des investissements bas carbone doivent se déployer. Puis nous discutons de la possibilité, en allégeant la contrainte de la dette qui pèse sur la plupart d'entre eux via des outils assurant le « bon usage » des facilités de paiement ainsi accordées, de soutenir une relance post-Covid plus forte et solide que via des relances « incolores ». Nous esquissons enfin le « cercle de confiance » pour la transition écologique que pourrait enclencher un système multilatéral de garanties publiques accordées par les pays développés pour des investissements bas carbone dans les pays du Sud, cercle de confiance, susceptible, à terme, d'ouvrir la voie à des évolutions plus profondes du système financier.
- Planification écologique et changement structurel : Perspectives pour la france - Étienne Espagne, Guilherme Magacho p. 175-201 La notion de planification écologique fait aujourd'hui l'objet de débats renouvelés. Nous y contribuons sur le volet strictement industriel à partir du cas français. Nous analysons l'exposition de la France à ses industries carbonées en termes d'emplois, de recettes fiscales et de recettes d'exportation, ainsi que les opportunités technologiques relativement disponibles pour la production de biens « verts » utiles à la transition écologique. La France, moins dépendante que l'Allemagne aux secteurs fossiles, doit pouvoir s'engager activement dans la reconstruction d'un appareil industriel « vert » sans craindre de chocs socio-économiques. Ce basculement nécessite de renforcer la coordination des acteurs, la capacité de financement public et le soutien à des innovations territorialisées comme autant de piliers institutionnels d'une véritable planification écologique du tissu industriel français.
- Optimalité, équité et prix du carbone : À propos de harold hotelling et de sa règle en économie du climat - Marion Gaspard, Antoine Missemer p. 203-228 La règle de Hotelling, décrivant la trajectoire optimale de long terme du prix d'un actif épuisable, est utilisée de longue date en économie des ressources naturelles. Elle est aujourd'hui également centrale en économie du climat pour l'estimation de ce que serait un prix optimal du carbone. Cette règle, énoncée par Harold Hotelling en 1931, est jugée utile pour dépassionner les débats et fournir une base objective aux arbitrages inter-temporels. Sur la base de matériaux d'archives, cet article propose de revenir aux sources, à savoir l'élaboration de la règle et la conception qu'en avait Hotelling afin de questionner son statut et ses usages aujourd'hui. Nous concluons en particulier que Hotelling ne considérait pas son outil comme neutre face aux enjeux de justice sociale, intra et intergénérationnelle. Délibération collective et action publique étaient au cœur de ses préoccupations, ce qui nous invite à appréhender sous un nouveau jour la fixation des prix du carbone au XXIe siècle.
- Les certificats de sobriété numérique comme instrument de régulation de la pollution numérique - Jean-Philippe Nicolaï, Lise Peragin p. 229-249 L'objectif de cet article est d'étudier la pollution numérique et de s'interroger sur la possibilité d'instaurer des certificats de sobriété numérique qui auraient pour vocation de promouvoir des investissements ou des changements de pratiques en matière de sobriété numérique. Ce projet s'inspire du concept des certificats d'économie d'énergie qui ont été mis en place dans plusieurs pays européens. Le principe serait de mettre en oeuvre des obligations portant sur certains acteurs du numérique afin de réaliser des investissements en sobriété numérique.
- L'économie d'un accord-mondial sur le climat dans le monde « tel qu'il est » - Jean-Charles Hourcade p. 149-174
Partie III. Le besoin d'évaluer l'action
- L'évaluation au service de l'action pour le climat - Alain Quinet p. 253-274 Le cadre d'évaluation des investissements publics et des politiques a été élaboré bien avant que la lutte contre le changement climatique ne devienne un enjeu de premier rang. L'objet de cet article est de montrer qu'à travers notamment la baisse du taux d'actualisation, l'allongement de l'horizon des scénarios et la hausse de la valeur du carbone, l'évaluation est capable aujourd'hui de bien prendre en compte les impacts climat des projets. Corrélativement, les enjeux redistributifs de la lutte contre le changement climatique sont de mieux en mieux appréhendés. Bien évaluer en amont les effets environnementaux, économiques et sociaux des différentes actions envisagées, c'est augmenter les chances de bien les hiérarchiser et de les déployer dans le bon ordre, en assumant les incertitudes inévitables sur la disponibilité et les coûts des technologies de décarbonation. Au total, l'évaluation n'est pas la stratégie mais elle propose des outils pour atteindre les objectifs stratégiques que l'on se fixe au moindre coût économique et social.
- Changement climatique : Passer des coûts de l'inaction aux besoins pour l'action - Vivian Dépoues p. 275-296 Cet article analyse pourquoi il est crucial de développer la connaissance sur les ressources à mobiliser pour qu'émergent les processus d'adaptation au changement climatique en complément des nombreux travaux sur les bénéfices nets de l'anticipation. Il montre que se concentrer sur cet aspect permet de dépasser les difficultés les plus fréquemment identifiées en levant les verrous relatifs aux horizons de temps de l'analyse ou au choix des scénarios de changement climatique considérés. Adopter cette perspective demande de mieux tenir compte de la spécificité de chaque situation en considérant les coûts des premières mesures d'adaptation mais également des coûts inhérents à l'amorce du processus d'adaptation en tant que tel, liés à la mise en place des espaces de gouvernances appropriés et à la mobilisation de l'ingénierie nécessaire.
- Investir dans des infrastructures bas-carbone en France : Quels impacts macro-économiques - Alexandre Tourbah, Frédéric Reynès, Meriem Hamdi-Cherif, Jinxue Hu, Gissela Landa, Paul Malliet p. 297-327 Les politiques d'infrastructures constituent un levier essentiel pour les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'adaptation des territoires aux conséquences du réchauffement climatique. Dans la perspective de la transition environnementale en France, des investissements significatifs devront être réalisés dans les années à venir pour transformer, rénover et maintenir les infrastructures, entraînant d'importantes évolutions socio-économiques à l'échelle du pays. Le présent article donne les montants d'investissements additionnels en infrastructures nécessaires à l'atteinte des objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone et de la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie, selon deux scénarios distincts (« Pro-techno » et « Sobriété ») avant d'en analyser les conséquences macro-économiques et sectorielles. Les résultats mettent en évidence une hausse significative du PIB (de 1 à 1,2 %) et du nombre d'emplois (entre 300 000 et 400 000 emplois supplémentaires) durant la première décennie (2021-2030) dans les deux scénarios ; les bénéfices se répartissant entre différents secteurs d'activité, au premier rang desquels les travaux publics et les services. Après 2030, les impacts économiques sont moins marqués dans le scénario Sobriété, du fait d'investissements plus réduits dans les secteurs routiers, ferroviaires, et l'aménagement de sites, mais restent positifs aussi bien sur l'activité que sur l'emploi. L'analyse effectuée met en évidence la sensibilité des résultats à des hypothèses complémentaires associées à ces scénarios, en particulier la baisse des importations d'énergie de la France.
- TETE, un outil en libre accès pour estimer les emplois générés par la transition écologique : Présentation et application au scénario négawatt 2022 - Philippe Quirion p. 329-346 Nous présentons l'outil TETE, en libre accès, destiné à évaluer les emplois générés par différentes activités liées à la transition écologique. Basé sur le tableau entrées-sorties, cet outil permet de prendre en compte les emplois directs et indirects. Nous présentons un exemple d'utilisation de cet outil : la quantification du nombre d'emplois dans les énergies renouvelables et la rénovation thermique des bâtiments, en cas de mise en oeuvre du scénario négaWatt 2022.
- L'évaluation au service de l'action pour le climat - Alain Quinet p. 253-274