Contenu du sommaire : Emancipation in the USA

Cet article met en lumière comment le Titre IX de la loi sur l'enseignement supérieur de 1972, qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe dans le domaine éducatif, a servi de point d'appui aux luttes contemporaines contre les violences sexuelles aux États-Unis. Le grand intérêt du Titre IX a été de créer des recours autres que la justice pénale pour les personnes victimes de violences sexuelles dans le cadre de leurs études. Mais il rencontre des limites dans sa mise en œuvre institutionnelle. Soukayna Mniai conclut sur la nécessité de mettre l'accent sur ses aspects préventifs plutôt que punitifs.

Le mouvement Black Lives Matter a ravivé la mobilisation antiraciste dans d'innombrables lieux de travail à travers les États-Unis. Deux semaines après le meurtre de George Floyd, le 25 mai 2020, les membres de la Section 13 de l'International Longshore and Warehouse Union (ILWU) bloquent les ports de Los Angeles et Long Beach pour protester contre le racisme systémique. Quelques semaines plus tard, le 19 juin, jour du Juneteenth National Independence Day qui commémore l'émancipation des esclaves afro-américain·es, toutes les sections de l'ILWU le long de la côte s'arrêtent de travailler en solidarité avec Black Lives Matter, exploitant leur position stratégique au sein de l'un des plus grands « goulots d'étranglement », ou choke points, de l'économie mondiale. Dans cet article, afin d'éclairer les enjeux de la lutte antiraciste au sein du mouvement syndical états-unien aujourd'hui, Jake Alimahomed-Wilson revient sur l'histoire du rôle joué par la question de la race dans la formation de la main-d'œuvre portuaire et des syndicats sur les quais de la Californie du Sud.

Dans le sillage de la mort de George Floyd et des manifestations antiracistes historiques qu'elle a suscitées aux États-Unis et à travers le monde, s'est diffusé le mot d'ordre d'abolition de la police. À quoi renvoie concrètement cette revendication ? Comment comprendre l'ampleur, la radicalité et le surgissement soudain de ces mobilisations états-uniennes et des idées apparemment nouvelles qu'elles charrient ? À partir de la recension de l'ouvrage Abolir la police, du collectif Matsuda, Shaïn Morisse revient sur l'actualité de ces enjeux de part et d'autre de l'Atlantique.

À l'heure où les séries se sont imposées comme la pierre angulaire du paysage culturel contemporain, Barbara Dupont questionne la façon dont, depuis son embrasement à Hollywood, le mouvement #MeToo a infusé au sein de l'industrie des séries états-uniennes. A-t-il véritablement changé les conditions d'une production très largement marquée par la domination masculine ? L'industrie hollywoodienne ne s'accommoderait-elle pas d'un féminisme blanc, bankable, « pop » et néolibéral au détriment des véritables enjeux de la libération de la parole des femmes, les reléguant au mieux au statut de victimes, au pire à l'invisibilité ?

Les mobilisations et contre-mobilisations sociales aux États-Unis ne peuvent être pensées sans les migrations – à la fois économiques, politiques et culturelles – qui les suscitent ou les nourrissent. Dans cet article, l'anthropologue Michelle Salord propose de prendre du recul pour saisir à la fois l'ancienneté des flux migratoires reliant la Mésoamérique aux États-Unis ainsi que leurs transformations contemporaines, marquées notamment par la verticalisation des frontières et le renforcement des dispositifs sécuritaires qui les entourent.

À rebours des discours stigmatisants sur les migrant·es mexicain·es, les poétesses chicanas Ana Castillo et Mercedez Holtry proposent à dix ans d'intervalle un contre-discours littéraire inscrit dans la tradition du mouvement politique chicano. Ainsi, elles redonnent corps et individualité aux migrant·es en mettant en évidence l'intersection des rapports de domination dans leurs parcours singuliers, ainsi que leurs capacités de résistance. Elles proposent également une généalogie de la présence des migrant·es sur le territoire états-unien, loin de l'image de parasites menaçant la stabilité économique du pays.

Dans cet entretien avec Don Wislow, centré sur sa trilogie des cartels (La Griffe du chien, Cartel, La Frontière), l'auteur aborde, outre le marché de la drogue entre les États-Unis et le Mexique, la question de la frontière et des migrations sous le mandat de Trump et après. Il annonce également la publication d'une nouvelle trilogie dont le premier opus, La Cité en flammes, parue le 4 mai 2022 chez HarperCollins, est une transposition des grands thèmes de certaines tragédies antiques dans le polar contemporain.

En mai 2019, le gouvernement nouvellement élu d'Andrés Manuel López Obrador entérinait une réforme majeure des relations de travail au Mexique. Cette « reforma laboral », qui entend démocratiser les syndicats et la négociation collective, est le produit de mobilisations à l'intérieur du pays autant que de la pression extérieure des syndicats états-uniens. À ce titre, elle offre une bonne illustration des contradictions du syndicalisme aux États-Unis : ses liens privilégiés avec le Parti démocrate expliquent en effet autant cette victoire à l'étranger que ses défaites dans son propre pays.

L'élection syndicale au sein d'un entrepôt d'Amazon à Bessemer (Alabama) en avril 2021 – lors de laquelle les salarié·es se sont finalement prononcé·es contre la création d'un syndicat sur le site – a été l'une des plus suivies de l'histoire états-unienne récente. Une défaite annoncée, dont l'enjeu – en raison du pouvoir économique et politique du géant du commerce en ligne dans le pays – va bien au-delà des droits des salarié·es du site. À son origine, la politique antisyndicale et l'ampleur des moyens utilisés par Amazon pour faire pression sur les travailleur·ses, mais aussi les limites de la stratégie mise en place par un « syndicat-entreprise » en pleine crise financière. Dans cet article, Felice Mometti revient sur l'histoire et les enjeux de cette élection, sur la stratégie et le rôle économique et politique d'Amazon aux États-Unis et au-delà, mais aussi sur les perspectives qu'ouvre la victoire récente d'un syndicat auto-organisé dans un centre logistique d'Amazon à New York.

Alice Béja*, Grégory Bekhtari** et Marie Plassart*** sont membres de l'équipe d'organisation du séminaire « Du Socialisme en Amérique », créé en 2018 et animé par des personnes de tous statuts universitaires : des doctorant·es, des chercheur·euses sans postes, des maître·sses de conférences et des professeur·es des universités. Dans cette table ronde, nous avons discuté avec elles et eux de l'histoire des mouvements socialistes aux États-Unis et de son actualité ainsi que de leurs recherches respectives sur l'anarchisme, le socialisme municipal et les femmes noires communistes.

Micah Uetricht est un journaliste états-unien, rédacteur en chef de la revue Jacobin, et militant actif au sein de l'organisation Democratic Socialists of America (DSA). Spécialiste du mouvement syndical et des luttes ouvrières, il a récemment co-écrit Bigger than Bernie (Au-delà de Bernie)1, dans lequel lui et sa collègue Meagan Day tirent le bilan des profondes transformations de la gauche états-unienne depuis la campagne de Bernie Sanders en 2016. Dans l'entretien qui suit, nous l'avons interrogé sur l'importance de cette séquence politique et sur les perspectives qui s'ouvrent au mouvement socialiste renaissant.

Donna Murch est une historienne états-unienne, spécialiste du Parti des Black Panthers et des mouvements de libération noire aux États-Unis. Elle a récemment publié Assata Taught Me1, un recueil d'essais où elle revient sur la généalogie du mouvement Black Lives Matter, ses liens avec des luttes plus anciennes et les défis, notamment d'institutionnalisation, auxquels il est confronté dans un contexte de réactions violentes de la droite. Autant de sujets que nous avons pu aborder avec elle au cours d'un entretien.

Dans un champ politique devenu plus concurrentiel, l'orientation sexuelle ne constitue plus autant qu'avant un marqueur de distinction : désormais les candidat·es LGBTQ+ mettent en avant une multiplicité de capitaux corporels identitaires (jeunesse, racialisation, identité de genre marginalisée, etc.). Hugo Bouvard et Charlotte Thomas-Hébert mettent en évidence ces nouvelles ressources dans la compétition au sein du Parti démocrate en comparant les profils du personnel politique LGBTQ+ avant et après l'accession de Trump à la présidence en 2017.

La gauche états-unienne, en pleine ébullition sous Trump grâce à la puissance des mouvements activistes organisés, se retrouve (temporairement ?) pétrifiée sous la présidence Biden : en cause, l'immobilisme et le conservatisme des Démocrates, la prééminence d'institutions non démocratiques comme le Sénat et la Cour Suprême, mais aussi sa propre difficulté à mobiliser.

Tanya Hernandez est professeure de droit à l'université Fordham à New York où elle enseigne le droit anti-discrimination comparé, la Critical Race Theory (CRT : Théorie Critique de la Race), l'étude des biais implicites et du harcèlement sexuel. Son parcours académique est étroitement mêlé avec ses engagements militants contre le racisme anti-noir aux États-Unis et en Amérique latine. Elle vient de publier Racial Innocence : Unmasking Latino Anti-Black Bias and The Struggle for Equality1où elle explore les racines et expressions du racisme anti-noir dans les milieux latinos. Mouvements l'a rencontré pour parler de l'actualité de la Critical Race Theory, ses potentialités au service de l'émancipation et des attaques dont elle fait l'objet avec la réaction trumpiste.