Contenu du sommaire : La notion d'expressivité
Revue | Langages |
---|---|
Numéro | no 228, décembre 2022 |
Titre du numéro | La notion d'expressivité |
Texte intégral en ligne | Accès réservé |
- Éditorial - Catherine Schnedecker, Céline Vaguer p. 5-6
- La notion d'expressivité. Présentation - Éric Bordas p. 7-24
- Retour sur le statut épistémologique de l'expressivité en linguistique, au regard de l'École genevoise de linguistique générale - Anamaria Curea p. 25-43 Cette contribution examine le statut épistémologique de l'expressivité en linguistique, à partir des approches de cette problématique par les linguistes genevois Bally, Sechehaye et Frei. La stabilisation du domaine notionnel se réalise à travers le lien envisagé entre l'expressivité et l'expression, qui offre un espace à trois éléments potentiellement déstabilisateurs en linguistique : la variation, la subjectivité et la contingence. Le modèle théorique élaboré par les trois linguistes se caractérise par la conception d'un cadre pour la variation, par la pensée de la gradualité et par l'extension nécessaire du corpus à des exemples dont l'explication suppose une prise en considération du rapport entre la langue et le sujet.This article examines the epistemological status of expressivity in linguistics, starting from the approaches to this topic developed by the Genevan linguists Bally, Sechehaye and Frei. The notional domain is established through the connection between expressivity and expression, which gives room for three potentially destabilising elements in linguistics: Variation, subjectivity, and contingency. The theoretical model conceived by the three linguists is characterised by the conception of a framework for variation, by allowing for graduality and by making the necessary adjustments for the extension of the corpus to include examples for which the relation between language and the speaker needs to be considered.
- La linguistique historique et l'expressivité : les avatars d'une notion - Bernard Combettes p. 45-56 Cette contribution a pour objectif de décrire la place qui a été accordée au concept d'expressivité en linguistique historique, en particulier en ce qui concerne la linguistique française. Après avoir remarqué que cette notion est déjà en germe chez certains grammairiens de l'époque classique, on observera la situation au début du xxe siècle, avec l'examen des idées de Bally, et on s'attachera à déterminer la place qu'occupe la notion d'expressivité dans l'œuvre de Meillet, et quel rôle elle joue pour lui dans l'évolution de la langue. On étudiera ensuite comment les travaux plus récents sur la grammaticalisation, à partir des années 70, mettent en œuvre une notion très proche de la notion d'expressivité, la notion d'intersubjectivité et comment cette dernière se trouve exploitée de deux manières, selon que l'accent est mis sur la dimension communicationnelle ou sur la dimension énonciative.The aim of this paper is to describe the place that has been given to the concept of expressivity in historical linguistics, particularly as regards French linguistics. After noting that this notion is already in the making among grammarians of the classical period, the situation at the beginning of the 20th century will be observed, with an examination of the ideas of Bally. We will determine the place that the notion of expressivity occupies in the work of Meillet and what role it plays for him in the evolution of language. We will then study how more recent work on grammaticalization, from the 1970s onwards, uses a notion very close to the notion of expressivity, the notion of intersubjectivity, and how the latter is exploited in two ways, depending on whether the emphasis is placed on the communicative dimension or on the enunciative dimension.
- Expressivité, exclamation et ponctuation - Stéphane Bikialo, Julien Rault p. 57-72 L'article appréhende l'expressivité à travers une forme de réalisation archétypale : l'exclamation et son représentant graphique, le point d'exclamation. La description de la présence énonciatrice et de l'effet sur le récepteur, ainsi que le rapport entre croissance ou décroissance verbale dans les formes exclamatives, permettent d'interroger l'expressivité en termes d'historicité mais aussi de distinguer expressivité et impressivité et, enfin, d'examiner la dimension non verbale autour de la question de l'inscription du corps dans l'écrit. À partir de ces rappels et analyses, l'article s'interroge – de manière plus théorique – sur les rapports entre subjectivité, expressivité/impressivité et modalité. Pour ce faire, les auteurs prennent appui sur ce qui a été décrit comme un style non expressif, neutre (« l'écriture plate » de Ernaux, décrite dans une formule très ballyenne comme une manière de rester ancrée dans « la langue de tous »).The article first looks at expressivity through an archetypal form of realisation: The exclamation and its graphic representative, the exclamation mark. The description of the enunciator's presence and the effect on the receiver, as well as the relationship between verbal growth and decrease in exclamatory forms, allow us to question expressivity in terms of historicity, but also to distinguish between expressivity and impressivity, and finally to examine the non-verbal dimension around the question of the inscription of the body in writing. Based on these reminders and analyses, the article examines –in a more theoretical way– the relationship between subjectivity, expressivity/impressivity and modality. The authors take as a starting point what has been described as a non-expressive, neutral style ("flat writing" by Ernaux, described in a very Ballyesque formula as a way of remaining anchored in "the language of all").
- De l'expressivité des figures du discours - Marc Bonhomme p. 73-86 Cet article analyse les rapports étroits entre l'expressivité et les figures du discours dont on a souligné les liens avec la subjectivité. Une première section met en évidence les problèmes posés par la notion d'expressivité figurale. Si les recherches sur les figures relèvent souvent leur nature expressive, celle-ci est décrite de façon lacunaire. S'appuyant sur trois figures représentatives, une seconde section envisage l'expressivité figurale comme un processus discursif impliquant plusieurs niveaux d'analyse. Sur le plan infradiscursif, les figures recèlent un potentiel expressif dû à l'orientation de leurs matrices rhétoriques. Sur le plan discursif, elles possèdent une portée expressive, en ce que leurs saillances font voir une activité énonciative marquée. Enfin sur le plan interdiscursif, elles se traduisent par des effets expressifs qui peuvent converger ou non avec leur portée expressive.This article analyzes the close relationship between expressiveness and the figures of speech whose links with subjectivity have been emphasized. A first section highlights the problems posed by the notion of figural expressiveness. If research on figures often mentions their expressive nature, this is described incompletely. Based on three representative figures, a second section considers figural expressiveness as a discursive process involving several levels of analysis. On the infradiscursive level, the figures conceal an expressive potential due to the orientation of their rhetorical matrices. On the discursive level, they have an expressive scope, in that their saliences show a marked enunciative activity. Finally, on the interdiscursive level, they result in expressive effects which may or may not converge with their expressive scope.
- Formes de la prédication phrastique et expressivité - Nicolas Laurent p. 87-102 Notre contribution porte sur deux grands ensembles de prédications phrastiques typiques, dégagés à partir de la lecture des remarques de Guillaume concernant la notion d'expressivité : d'une part, les interjections émotives et les énoncés en première personne du type J'ai mal à la tête, d'autre part, les phrases construites à partir d'un présentatif corrélatif c'est … qu-, il (n') y a (que) … qu-, ce qu- …, c'est. L'analyse de ces deux ensembles essaie de montrer que la notion d'expressivité gagne à être théorisée dialectiquement et cinétiquement – et, par voie de conséquence, selon une pensée systématique, qui accorde toute sa place à la langue –, et qu'elle est heuristiquement féconde pour l'étude de la prédication et du sujet (d'énonciation, d'énoncé) : elle peut faire comprendre ce que l'on fait quand on prédique.Our contribution focuses on two large sets of typical sentential predications, released from the reading of Guillaume's remarks concerning the notion of expressiveness: On the one hand, emotive interjections and statements in the first person of the type J'ai mal à la tête, on the other hand, sentences constructed from a correlative presentative c'est … qu-, il (n') y a (que) … qu-, ce qu- …, c'est. The analysis of these two sets tries to show that the notion of expressiveness gains from being theorized dialectically and kinetically –and, consequently, according to a systematic way of thinking, which gives all its place to language–, and that it is heuristically fruitful for the study of predication and of the subject (of enunciation, of enunciated): It can make us understand what we are doing when we predicate.
- Analyse critique des éléments définitoires du phénomène expressif - Dominique Legallois p. 103-118 Cet article aborde la question de l'expressivité en considérant trois modes de production (éthique, mimésique, pathétique). Il remet en question une approche intégralement « émotive » de l'expressivité et met en perspective des exemples dans lesquels la notion d'expressivité mimésique est en œuvre. Il discute et illustre également l'idée de dé-formation à l'origine de toute unité expressive et s'attarde sur le processus de monstration, présent également dans les énoncés non expressifs.This article approaches the question of expressivity by considering three modes of production (ethical, mimesic, pathetic). It questions an entirely “emotional” approach to expressivity and puts into perspective examples in which the notion of mimesic expressivity is at work. It also discusses and illustrates the idea of de-formation at the origin of all expressive unity, and focuses on the process of monstration, also present in non-expressive utterances.