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Revue Le Moyen Age Mir@bel
Numéro tome 128, no 2, 2022
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  • Articles

    • « Si vous êtes amenés à choisir un nouveau roi, je vous conseille de ne pas traverser les forêts à la recherche des bois tortueux. » L'image de Jean l'Aveugle dans les sources médiévales en Bohême - Martin Nejedlý p. 357-396 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les poètes épiques et chroniqueurs écrivant en moyen français ont fait du comte de Luxembourg et roi de Bohême Jean, dit l'Aveugle, l'incarnation de l'idéal du roi chevalier. À l'inverse, le portrait dressé par les sources rédigées en Bohême au xive siècle, en latin ou en tchèque, est beaucoup plus sombre. On reproche au roi ses sympathies allemandes au détriment de la noblesse locale et de la langue tchèque, deux éléments qui sont au centre de l'idéal du bon roi tel qu'il se construit alors en Bohême. Surtout, on l'accuse de détourner l'argent du royaume pour financer de vaines expéditions militaires et d'inutiles tournois et voyages à l'étranger. Jean ne viendrait en Bohême que pour récolter des fonds avant de repartir pour son Luxembourg bien aimé. La cécité volontaire dont font preuve les auteurs des sources écrites en Bohême au xive siècle, qui refusent de comprendre que le roi Jean avait également des devoirs au Luxembourg et dans l'Empire, est à l'origine de l'étiquette tenace de « roi étranger » qui colle à la peau de Jean l'Aveugle dans les sources ultérieures, dans la mémoire collective et, jusque récemment, dans l'historiographie tchèque.
      Epic poets and chroniclers writing in Middle French made the Count of Luxembourg and King of Bohemia, known as John the Blind, the incarnation of the ideal of the knightly king. On the other hand, the picture offered in Latin and Czech sources written in Bohemia in the fourteenth century is much darker. The king was reproached for his German sympathies to the detriment of the local nobility and the Czech language, both of which were central to the ideal of the good king as it was then being constructed in Bohemia. Above all, he was accused of embezzling the kingdom's money to finance useless military expeditions, tournaments, and trips abroad. John would only come to Bohemia to collect funds before leaving for his beloved Luxembourg. The willful blindness of the authors of the sources written in fourteenth-century Bohemia, who refuse to understand that King John also had duties in Luxembourg and the Empire, is the reason for the persistent label of “foreign king” that sticks to John the Blind in later sources, in the collective memory, and, until recently, in Czech historiography.
    • Enfer double et dédoublements infernaux dans le Voyage de saint Brendan - Pauline Quarroz p. 397-410 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Par le biais de sa source, le Voyage de Saint Brendan hérite de caractéristiques majeures de la topographie infernale présente dans la littérature visionnaire médiolatine. Cela concerne en particulier les modalités d'accès au lieu et sa bipartition (enfer supérieur et inférieur). Partant du constat que Benedeit amplifie délibérément la visite des enfers par rapport à la Navigatio sancti Brendani, la présente contribution s'attache à décrire cet écart et à en identifier les enjeux. Une lecture micro-textuelle des apports à la description de l'île des forgerons et au témoignage de Judas révèle que la version anglo-normande procède à une variation poétique sur la conception de l'enfer double. Loin d'être gratuite, cette prolifération de dédoublements renforce la visée édifiante du récit destiné à un public laïque, tout en participant à l'esthétique du nombre qui régit la structure narrative du Voyage.
      Through its source, The Voyage of Saint Brendan inherits major characteristics of the topography of hell present in medieval visionary literature. This concerns in particular the modalities of access to hell, and its bipartition (upper and lower hell). Starting from the observation that Benedeit deliberately amplifies the visit to the underworld in comparison to the Navigatio sancti Brendani, the present contribution aims to describe this discrepancy and to identify the issues involved. A micro-textual reading of the descriptions of the Island of Smiths and of Judas's testimony reveals that the Anglo-Norman version proceeds with a poetic variation on the conception of the dual nature of hell. Far from being gratuitous, this proliferation of duplication reinforces the edifying purpose of the story intended for a lay audience, while participating in the aesthetics of number that governs the narrative structure of the Voyage.
    • Une simple agitation de surface ? Événement et festival de neige à Arras à l'hiver 1434–1435 - Élodie Lecuppre-Desjardin p. 411-432 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au cours du long et froid hiver de 1434–1435, les citoyens d'Arras, dans le comté d'Artois, décidèrent d'ériger des groupes de bonshommes de neige à travers la ville. Les différents sujets choisis exprimaient les peurs, l'ingéniosité ludique et peut-être l'opinion politique, au travers de la figure de la « Grande Pucelle » qui pourrait être une allusion à la captivité de Jeanne d'Arc, des bourgeois. Les historiens des Temps modernes sont coutumiers de ce type d'amusements, grâce aux travaux d'H. Pleij pour les Pays-Bas et plus récemment ceux de C. Judde de la Rivière à propos de la « Révolte des boules de neiges » de Murano en 1511. Même si la luge, le patin à glace et les boules de neiges sont communément associés aux mois d'hiver dans les calendriers médiévaux, ces créations esthétiques arrageoises sont moins nombreuses pour cette période et peuvent être considérées comme une espèce de festival d'hiver inspiré par les Tableaux vivants et d'autres saynètes habituellement jouées durant les cérémonies civiques. Grâce aux registres urbains, nous savons que cette première exposition de bonshommes de neige a été autorisée par les autorités d'Arras. Ces représentations ne témoignent d'aucun signe de dissension politique mais offrent aux historiens d'accéder aux opinions de cette époque et de la culture populaire de l'Artois du xve siècle. Cet article examine la signification allégorique de ces sculptures de neige et lie les sujets choisis par les citoyens d'Arras aux registres de la culture traditionnelle des Pays-Bas, de l'antiquité biblique et classique au folklore local contemporain. Avec une attention spécifiquement témoignée aux rues, marchés et bâtiments où ce spectacle prit place, il tentera de percevoir la signification sociale de ce festival de neige et, finalement, comment cet événement local éclaire la grande histoire de cette époque.
      During the long, cold winter of 1434–1435, city-dwellers of Arras in the county of Artois decided to build groups of snowmen all over the city. The different topics chosen by the citizens expressed their fears, their playful ingenuity and perhaps their political opinion with a figure of the « Grande Pucelle » who might be an allusion to the captivity of Joan of Arc. Historians of the early modern period are familiar with that kind of entertainment, thanks to the works of H. Pleij for the Low Countries and more recently those of C. Judde de la Rivière about the “Snowballs' Revolt” in Murano in 1511. Even though sledge, ice skating and snowballs are commonly associated to the winter months in medieval calendars, these aesthetic creations in Arras are less numerous for that period and could be considered as a sort of Winter Festival inspired by the Tableaux vivants and other skits usually played during civic ceremonies. Thanks to the city registers, we know that the authorities of Arras allowed this original exhibition of snowmen. There is no sign of political dissent in these snow figures; rather they are a way for historians to hear the sound of the opinions of the time and to know more about folk culture in fifteenth-century Artois. This article will examine the allegorical significance of these snow figures and will try to link the various topics chosen by citizens of Arras with the traditional cultural registers of the Low Countries ranging from biblical and classical antiquity to contemporary local folklore. With a peculiar look at the streets, markets, and buildings where the show took place, I will try to understand the social meaning of this original snow festival and, finally, how this local event sheds light on the great history of that time.
    • L'Adam paradisiaque, l'Adam pécheur et l'Adam pèlerin : essai d'interprétation de l'Ovide moralisé xi, 1099–2995 - Marek Thue Kretschmer p. 433-447 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article prend comme point de départ le constat de M. Possamaï-Pérez selon lequel Achille figure le Christ dans le livre xii de l'Ovide moralisé. Son travail constitue sans doute un apport considérable à la compréhension de la signification de la matière troyenne dans l'Ovide moralisé. Cependant, aucune étude semblable n'a été faite sur la figure de Pélée. Le présent article avance l'hypothèse que l'interprétation typologique de la matière troyenne peut être étendue au livre xi. En effet, une analyse des v. 1099–2995 de ce livre montre que les péripéties du père d'Achille figurent le destin d'Adam, de sorte qu'une double typologie s'établit : Pélée-Achille/Adam-Christ.
      This article takes as a starting point M. Possamaï-Pérez's observation that Achilles stands for Christ in book xii of the Ovide moralisé. Possamaï-Pérez's work is undoubtedly a significant contribution to the understanding of the meaning of Trojan material in the work. However, no similar study has been done on the figure of Peleus. The present article argues that the typological interpretation of the Trojan material can be extended to book xi. Indeed, an analysis of v. 1099–2995 shows that the adventures of Achilles' father symbolise the destiny of Adam, so that a double typology is established: Peleus-Achilles/Adam-Christ.
    • Des navires castillans au secours de l'Italie. Deux lettres de Diego Rodríguez de Almela à propos de la croisade d'Otrante (1481) - Daniel Baloup p. 449-465 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1481, en réponse à l'occupation d'Otrante par les Turcs, la flotte castillane intervient pour la première fois dans le conflit avec le sultanat ottoman. L'article propose l'analyse de deux documents contemporains relatifs à cette opération : des lettres d'un chanoine de la cathédrale de Murcie, par ailleurs connu pour son œuvre historiographique, Diego Rodríguez de Almela. Plus que sur la situation en Méditerranée, ces documents apportent un éclairage sur la façon dont un propagandiste au service des Rois catholiques exploite l'événement pour défendre, dans un contexte très local, la politique de ses souverains.
      In 1481, in response to the occupation of Otranto by the Turks, the Castilian fleet intervened for the first time in the conflict with the Ottoman sultanate. This article analyzes two contemporary documents related to this operation: letters written by Diego Rodríguez de Almela, a canon of Murcia Cathedral, also known for his historiographic work. More than shedding light on the situation in the Mediterranean, these documents illustrate the way a propagandist in the service of the Catholic Kings exploited the event to defend the policy of his sovereigns in a very local context.
  • Comptes rendus