Contenu du sommaire : Recensions

Contrairement à la plupart des commentateurs qui soulignent la modernité de Cantillon, cet article le perçoit comme un théoricien prémoderne. Selon l'article, l'Essai de Cantillon reformule la cause populationniste en tant que pur problème d'allocation, ses éléments incontestablement modernes servant de dispositifs soit pour poser ce problème, soit pour le résoudre. Puisque ce problème repose sur le postulat d'une absence complète de progrès technique, il aboutit par conséquent à une conception typiquement prémoderne de l'histoire. Tandis que les lectures ‘modernisantes' de l'Essai ont tendance à mettre en avant la continuité entre Cantillon et les physiocrates, la lecture ‘historicisante' proposée ici permet de déceler une profonde rupture. Classification JEL : B11, B31

Cet essai explore le développement des idées réformistes de Thomas Robert Malthus. Un examen attentif de l'Essai sur le principe de population de Malthus, et plus particulièrement la discussion critique des Droits de l'homme de Thomas Paine qui y est contenue, a révélé que les idées réformistes de Malthus ont subi un changement discret mais significatif entre 1803 et 1806. Au cours de cette période, Malthus a accordé une plus grande importance à la valeur des réformes éducatives et parlementaires dans le cadre de son projet d'abolir les lois sur les pauvres, et de réduire la pauvreté des plus démunis. Ce changement doit être considéré comme le reflet de sa profonde reconnaissance de la nécessité de prendre des mesures pour empêcher le républicanisme égalitaire français de s'implanter en Grande-Bretagne en temps de révolution et de guerre. JEL Classification : A20, B12, B31

La critique de Marx et d'Engels à l'égard des descriptions dites utopiques de la société idéale remplaçant le capitalisme ne semble guère faire de doute. Cependant, un passage de L'Idéologie allemande semble décrire une journée typique de la future société communiste. S'appuyant sur des études récentes préparatoires à l'édition de la MEGA2, cet article soutient que ce fameux passage peut être lu comme une confirmation de l'anti-utopisme d'Engels et en particulier de Marx et, par conséquent, qu'il ne doit pas être lu avec un sens de l'ironie, comme on l'a plutôt affirmé. Pris au sérieux, ce passage peut être lié à l'affirmation de Marx selon laquelle la propriété privée n'est pas la cause de l'aliénation, mais un produit de celle-ci. De cette façon, l'article vise à mettre en évidence l'idée de Marx du communisme comme émancipation de tous les sens humains, sous-jacente à un concept troublant d'humanité en auto-dévelopment jamais définitivement accomplie. Classification JEL : B14, B31, P10, P20, Z10

Le présent article examine l'apport de Pigou sur la fiscalité incitative des entreprises en vue de repenser les principes qui la sous-tendent. En mettant en évidence les effets externes des différentes structures organisationnelles, Pigou a ouvert la possibilité d'utiliser des critères organisationnels pour déterminer, au sein d'un secteur donné, quelles sont les entreprises qu'il conviendrait de taxer ou de subventionner. Alors que l'interprétation habituelle de la taxe Pigou simplifie sa démarche en réduisant cet outil à un moyen d'internaliser les externalités dans le fonctionnement des marchés, l'approfondissement de son intuition éthico-politique de la fiscalité incitative des entreprises pourrait en renouveler les objectifs.

L'analyse néo-institutionnelle, et en particulier celle de Douglass North, a tenté de revenir sur les fondations micro des institutions. Les développements analytiques que proposent North et ses collègues se focalisent sur le rôle des modèles mentaux. Ils suivent cependant le tournant cognitiviste des sciences sociales et délaissent les émotions. L'article porte sur les apports de la pensée philosophique de John Dewey à une conception institutionnelle qui intègre la dynamique des émotions pour enrichir la conception de l'action et l'analyse du lien entre les institutions et l'individu.

Cet article traite de deux auteurs, inconnus l'un de l'autre, influencés par le paradigme cybernétique : F.A. Hayek et J.R. Beniger. Les deux auteurs utilisent la cybernétique pour décrire deux dimensions complémentaires des ordres économiques complexes : leur dimension spontanée et marchande, et leur dimension construite et technologique. Nous montrons alors que le modèle hayekien, au contraire de celui de Beniger, aborde ces deux dimensions comme deux systèmes économiques exclusifs, et qu'il néglige la question de leur articulation empirique. C'est en ce sens que nous proposons de révéler un impensé du modèle hayekien par la pensée de Beniger.