Contenu du sommaire

Revue Gouvernement & action publique Mir@bel
Numéro volume 12, no 2, avril-juin 2023
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Varia

    • L'État, les associations et le vagabondage : Rapports de force et réforme empêchée du volet assistanciel de l'État social - Mauricio Aranda p. 9-35 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Quelles conditions permettent aux associations d'influer sur l'action publique et, en particulier, sur le volet assistanciel de l'État social ? En mobilisant une enquête archivistique et une approche en termes de champ de production d'une politique spécifique, cet article y répond à partir d'un cas : les rapports de force qu'entretiennent, au sujet du vagabondage, les responsables de la Fédération des centres d'hébergement (FCH) et les autorités ministérielles entre les décennies 1950 et 1970. Cette fédération associative veut transformer le traitement public des vagabonds, en le faisant passer de la répression à l'assistance. L'article montre qu'initialement ses membres, recevant le soutien d'individus d'autres champs, rallient à leur cause les représentantes et représentants ministériels dans le cadre d'une commission. Leur stratégie leur permet de faire en sorte que toutes les personnes qui y participent trouvent un intérêt à faire accéder les vagabonds à l'aide sociale. Inversement, l'échec de la dépénalisation du vagabondage – soit le projet le plus ambitieux de la FCH – découle de l'impossibilité à faire s'accorder une nouvelle fois des visions du monde et investissements divers, même de manière équivoque. Ainsi, l'article donne à voir que les associations peuvent être autant motrices que vectrices de politiques publiques. Cela pouvant varier selon les relations d'interdépendance et les interactions entretenues entre agents de divers champs (associatif et administratif, mais pas uniquement) lors de la fabrique de l'action publique.
      What conditions enable nonprofit organizations to influence public action and, in particular, the welfare dimension of the social state? This article responds to this question by mobilizing an archival investigation and an approach in terms of the field of production of a specific policy. It analyses one particular issue: power relations between the officials of the Fédération des centres d'hébergement (FCH) and ministerial authorities between the 1950s and 1970s concerning the subject of vagrancy. That nonprofit organization sought to transform public policy on vagrants from one based on repression to another based on welfare. The article shows that initially its members obtained support from individuals from other fields, then rallied ministerial representatives to their cause within the framework of a commission. Their strategy enabled them to ensure that all those who participated had an interest in giving vagrants access to social assistance. Conversely, the reform's failure to decriminalize vagrancy – the most ambitious project of the FCH – stemmed from the impossibility of reconciling diverse world views and investments, even equivocally. Thus, the article shows that nonprofit organizations can be as much a driver as a vector of public policy. This role may vary according to the relationships of interdependence and the interactions maintained between agents from various fields (nonprofit organizations and administration, among others) during the making of a public policy.
    • Financements associatifs et pouvoir local : Enquête sur les subventions aux associations dans une ville du Nord - Julien Talpin, Pierre Bonnevalle p. 37-64 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Quel est le poids des facteurs politiques dans l'allocation des financements associatifs ? Dans quelle mesure le soutien apporté ou retiré à certains acteurs associatifs est-il guidé par une rationalité politique plutôt que technique ou gestionnaire ? Ces questions n'ont, à ce jour, suscité que peu de travaux empiriques, les associations étant souvent délaissées par les recherches sur le clientélisme ou les études de l'action publique locale, si ce n'est pour souligner leur contribution à la « participation citoyenne ». À partir d'une étude systématique de l'ensemble des subventions attribuées par la Ville de Roubaix sur une période de dix ans, cet article interroge la carrière financière des associations et leur dépendance éventuelle aux cycles électoraux et aux vicissitudes du jeu politique. Complétées par un matériau qualitatif, ces données donnent à voir la relative inertie de financements détachés de considérations politiques, et ce faisant la relative rareté de pratiques qui pourraient être labellisées comme du « clientélisme associatif ». L'enquête donne néanmoins à voir certains mécanismes de récompenses et de sanctions – notamment financières – qui contribuent à l'entretien du pouvoir local et à la mise à distance du politique par les associations.
      What is the role of political factors in the financing of non-profits? To what extent the support given or withdrawn to certain NGOs is driven by political rather than technical motives? These questions have, so far, found little empirical answers in France, non-profits often remaining on the margins of the research on patronage or local public policies, or only to stress their contribution to “civic participation”. Based on the systematic analysis of all the subsidies allocated by the city of Roubaix over ten years, this article analyzes the financial trajectories of non-profits and in so doing questions their potential relationship with electoral cycles and political interactions. Complemented by qualitative material, these data show the relative stability of subsidies over time that mostly appear detached from political stakes. The article therefore demonstrates the scarcity of practices that could be labelled as “associative clientelism”. The research shows however how certain processes of reward and sanction – in particular financial – nevertheless contribute to the (re)production of local power and the evaporation of politics in the public sphere.
    • Impossible déségrégation ? : La mise en œuvre contrariée de la réforme des attributions de logements sociaux dans les intercommunalités françaises - , Vincent Béal, Marine Bourgeois, Rémi Dormois, Marion Lang, Yoan Miot, Gilles Pinson, Valérie Sala Pala, Camille Noûs p. 65-92 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La loi Égalité et citoyenneté, promulguée en 2017, constitue un changement majeur dans la politique du logement social en France. En réformant les processus d'attribution des logements sociaux, elle clarifie l'objectif de mixité sociale et renforce la capacité des structures intercommunales à lutter contre les processus de ségrégation socio-spatiale qui affectent les quartiers défavorisés des agglomérations françaises. À partir d'une enquête collective menée entre 2017 et 2020 sur les politiques d'attribution et de peuplement, cet article examine la manière dont les objectifs nationaux de la réforme ont été mis en œuvre localement. Nous montrons d'abord qu'en dépit de la clarification du principe de mixité sociale et de la redistribution des rôles opérées par la loi Égalité et citoyenneté, les politiques de déségrégation apparaissent toujours aussi peu efficaces pour réorganiser le peuplement à l'échelle des agglomérations. L'échec de la réforme est expliqué par des dynamiques tant nationales que locales. Nous insistons notamment sur la mobilisation des acteurs locaux en charge de la mise en œuvre, principalement les communes et les bailleurs sociaux. Sans remettre en cause l'intégralité de la réforme, ces acteurs ont souvent réussi à domestiquer les instruments de la loi pour en affaiblir la portée. Ceci n'a toutefois pas empêché l'apparition de changements incrémentaux au sein des systèmes d'acteurs locaux et dans l'espace des institutions publiques.
      The Equality and Citizenship Law, promulgated in 2017, constitutes a major change in social housing policy in France. By reforming the social housing allocation process, this law clarifies the objective of social mix and strengthens the capacity of intermunicipal institutions to deal with the segregation of the most disadvantaged neighborhoods in French agglomerations. Based on a collective survey conducted between 2017 and 2020 on allocation and settlement policies, this article examines how the national objectives of the reform have been implemented locally. We first show that, despite the clarification of the principle of social mix and the redistribution of roles brought about by the Equality and Citizenship Law, desegregation policies still appear to be ineffective in reorganizing settlement at the scale of urban areas. The failure of the reform can be explained by both national and local dynamics. In particular, we insist on the mobilization of local actors in charge of implementation, mainly municipalities and social landlords. Without questioning the reform in its entirety, these actors often succeeded in domesticating the instruments of the law to weaken its scope. However, this has not prevented the emergence of incremental changes within local actor systems and in the space of public institutions.
    • Le coût de la confiance : Le gouvernement local du thermalisme à l'épreuve de l'action collective - Adrien Sonnet, Marina Honta, Ludovic Lestrelin p. 93-114 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Confrontées à une nette déperdition de curistes au cours des années 1990, les villes thermales françaises ont déployé diverses actions pour créer et pérenniser des coalitions censées augmenter leur capacité politique et favoriser la relance de l'économie locale. Les cas de Dax (Nouvelle-Aquitaine) et Bagnoles-de-l'Orne (Normandie) permettent d'analyser la façon dont projets et marketing territorial servent la construction et le maintien de ces alliances. L'analyse montre toutefois combien la quête de confiance et la recherche de compromis limitent aussi l'ambition des stratégies mises en œuvre.
      Faced with a clear reduction in customers since the 1990s, the French thermal towns have deployed various actions to create and perpetuate coalitions aimed at increasing their political capacity and, thereby, to revive local economy. The cases of Dax (Nouvelle-Aquitaine) and Bagnoles-de-l'Orne (Normandy) have been studied to analyse the way in which projects and their territorial marketing have bolstered the construction and the maintenance of these alliances. However, the analysis also shows how the quest for trust and the search for compromise can limit the ambitions of the strategies in question.
    • Des prisons privées dans l'Hexagone ? : La solution intermédiaire de la privatisation française - Anaïs Henneguelle, Nathan Rivet p. 115-136 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'intéresse au recours au secteur privé dans les prisons françaises à partir de 1987, en le mettant en perspective avec le mouvement de privatisation des structures pénitentiaires dans le monde anglo-saxon. Il avance deux principaux résultats. D'une part, la privatisation recoupe dans le secteur pénitentiaire des sens et des significations variés selon les contextes nationaux. Le modèle français (la gestion déléguée) apparaît alors intermédiaire en comparaison des autres pays étudiés : bien que moins extensive qu'aux États-Unis ou au Royaume-Uni, la gestion déléguée est à présent le modèle de référence de gestion des prisons et concerne une part de la population carcérale bien supérieure à celle de ses voisins européens. D'autre part, la privatisation est loin d'être le synonyme d'une disparition de l'État : l'administration pénitentiaire sous-traite ou délègue plus qu'elle ne se retire totalement. L'État tend à déplacer son champ d'action vers une activité de contractualisation et de contrôle participant à la formalisation et la rationalisation du fonctionnement des prisons déléguées.
      This article looks at the use of the private sector in French prisons from 1987 onwards, and places it in perspective with the privatization of prison structures in the Anglo-Saxon world. It presents two main results. On the one hand, privatization in the penitentiary sector has different meanings depending on the national context. The French model (outsourced management or “ gestion déléguée”) thus appears to be intermediate in comparison with the other countries studied: although less extensive than in the United States or the United Kingdom, outsourced management is now the model of reference for prison management and concerns a much larger proportion of the prison population than in its European neighbors. On the other hand, privatization does not mean that the state is disappearing: its prison administration subcontracts or outsources more than it withdraws completely. Specifically, the state has tended to shift its field of action towards contractualization and monitoring, thereby participating in the formalization and rationalization of the functioning of privatized prisons.
  • Lectures