Contenu du sommaire : Après les confinements : quels comptes pour les laissés-pour-compte ?
Revue | L'Homme et la société |
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Numéro | no 217, 2022/2 |
Titre du numéro | Après les confinements : quels comptes pour les laissés-pour-compte ? |
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Éditorial
- La « diffusion sans entrave » de la recherche : de la mutualisation du travail des chercheurs à la privatisation du savoir - Judith Hayem, Mariana Saad p. 5-12
Dossier
- Introduction : Quand l'État confine : retour sur un passé pandémique qui s'étire - Judith Hayem, Wenjing Guo, Louis Moreau de Bellaing p. 15-28
- Carnet de bord d'une étudiante confinée, maman solo, en résistance, au bord de la crise de nerfs ! - Linette Safran p. 29-70
- Privés de jeunesses : Des effets matériels aux effets durables des mesures sanitaires sur les jeunes des quartiers populaires - Florian Asséré, Samuel Fely p. 71-101 Basé sur la commande d'une enquête par questionnaires (n=308) et entretiens individuels et collectifs (n=80) auprès des jeunes d'une ville populaire du Val-de-Marne, cet article s'intéresse aux conséquences des mesures sanitaires auprès des jeunes de quartiers populaires. L'article suggère que les mesures sanitaires prises lors de la pandémie de Covid-19 ont eu un impact négatif sur ces jeunes, surtout chez les plus en difficulté d'entre eux. Il s'interroge sur la tendance des mesures sanitaires à aggraver les inégalités de manière durable.Based on a fieldwork made of a survey by questionnaires (n=308) and individual and group interviews (n=80) with young people from a Parisian suburb, this paper looks at the consequences of health measures for young people from working-class neighborhoods and especially those most in difficulty among them. Indeed, the paper suggests that the health measures taken during the Covid-19 pandemic have had a negative impact among these young people, especially among the most disadvantaged among them. It questions the tendency of manufactured health measures to aggravate inequalities in a lasting way.
- Le linge, le livre et le Covid : My (not so) beautiful laundrette : Loupe sur les cohabitations sociales aux « deux Épinettes » - Catherine Deschamps p. 103-126 Dans cet article, c'est l'accroissement subtil de visibilité des écarts voire des clivages sociaux, donc une régression des fluidités sociales apparentes, qui nous occupe. Mon propos se fonde sur une observation quotidienne des rues et commerces du quartier des Épinettes à Paris (notamment une laverie), au rythme des différentes « vagues » du Covid-19 et des mesures mises en place par les gouvernements d'Édouard Philippe puis de Jean Castex pour y faire face. La période traitée s'étend ainsi du premier confinement en mars 2020 à l'automne 2021, date qui coïncidait à un sentiment de progressif « retour à la normale », avant l'arrivée tonitruante du variant Omicron. La première partie présente le lieu d'enquête. Des données qui le dépassent composent la deuxième partie. Il s'agit d'abord d'insister sur ce qui tend à relier. Les troisième et quatrième sections, centrées exclusivement sur les Épinettes, évoqueront progressivement ce qui délie. La laverie occupera la fin de l'article : elle fait « signal faible » sur le ballet des sociabilités locales et permet de grossir des phénomènes observés à plus large échelle.In this paper, it is the subtle increase in the visibility of social gaps, and thus a regression of apparent social fluidity, that concerns us. My argument is based on a daily observation of the streets and shops of the Épinettes district in Paris (notably a laundromat), at the rhythm of the different “waves” of Covid-19 and the measures put in place by the governments of Édouard Philippe and then Jean Castex to deal with it. The period covered extends from the first lockdown in March 2020 to the fall of 2021, a date that coincided with a sense of gradual “return to normalcy” before the arrival of the variant Omicron. The first section presents the field place. Data that go beyond it compose the second part. First, it is a question of insisting on what tends to link. The third and fourth sections, centered exclusively on the Épinettes, will gradually evoke what unties. The laundromat will occupy the end of the article: it makes a “weak signal” on the ballet of local sociabilities and allows to magnify phenomena observed on a larger scale.
- Actualités et devenirs psychiques de la pandémie de Covid-19 - Olivier Douville p. 127-143 À partir de sa pratique publique et de psychanalyste recevant des patients dans son cabinet, l'auteur expose la complexité sociologique et politique de la pandémie. Il explore comment cette situation de crise remanie les donnes d'une cure analytique et met en avant les risques de mélancolie actuelle. Il plaide également pour une autre définition de la santé que celle de la simple adaptation au milieu et que celle qui réduit la santé à un équilibre biologique.From his public practice and as a psychoanalyst receiving patients in his office, the author exposes the sociological and political complexity of the pandemic. He explores how this crisis reshuffles the givens of an analytic treatment and highlights the risks of current melancholy. He also argues for another definition of health than that of simple adaptation to the environment and that which reduces health to a biological balance.
- Accueillir en temps de pandémie - Sophie Djigo p. 145-170 Cet article appuyé sur une enquête de terrain menée à Calais en 2020-2021 vise à interroger les conséquences de la pandémie et de sa gestion politique sur les personnes exilées vivant dans les campements. Plus loin, il évoque l'action du collectif Migraction59 qui propose aux exilés un accueil de répit chaque week-end. L'accueil citoyen est une pratique solidaire qui suppose d'introduire chez soi une présence physique, de côtoyer des inconnus et de partager des moments et des espaces en réduisant la distance physique ou sociale. Comment la pandémie a-t-elle affecté à la fois les conditions de vie des exilés à Calais et l'action de l'accueil citoyen ?This paper is based on observations and investigations in Calais in 2020-2021. It tries to analyze the consequences of the Covid-19 pandemic and of the French government health policy, especially for the migrants living in the camps at the border. Moreover, the paper focuses on the activist community Migraction59 and its action of welcoming refugees home every weekend. This action of solidarity implies to introduce foreign body at home, to live with unknown people and to share moments and spaces, therefore reducing physical and social distance. How did the pandemic impinge the living conditions of migrants in Calais and the solidarity practice of citizen welcoming refugees at home?
Hors-dossier
- La transgression de Pierre Bourdieu - Ferdinando Fava p. 173-209 L'auteur resitue le dépassement de l'inhibition scientiste de Bourdieu, transgression comme lui-même l'a désignée, dans ce qui a été la place de l'ethnographie dans ses œuvres, et, en particulier, de l'échange dialogique et de l'interaction en face-à-face sur le terrain. En gardant à l'arrière-plan le cadre théorico-pratique, dialectique, voire contradictoire de Bourdieu, l'auteur se concentre sur trois de ses textes – la préface à la deuxième partie de Travail et travailleurs d'Algérie, Le métier du sociologue et le chapitre méthodologique « Comprendre » publié à la fin de La misère du monde – qui permettent de reconstruire le statut du dialogue et de l'interaction en face-à-face, et, en même temps, les tensions qui, en l'espace de trente ans, sont apparues dans l'appropriation que Bourdieu a fait de ces geste ethnographiques. En comparant par la suite sa pratique avec celle de Gérard Althabe, son contemporain et presque compatriote, l'auteur permet de prendre la mesure de cette transgression : l'entretien, n'est plus seulement une illusion d'immédiateté, il devient également un « exercice spirituel », ouverture oblative, écoute active de la nécessaire singularité.The author resituates the overcoming of Bourdieu's scientistic inhibition, a transgression as he himself called it, in what has been the place of ethnography in his works, and, within it, of dialogical exchange and face-to-face interaction in the fieldwork. Keeping in the background a theoretical-practical framework, dialectical, even contradictory, the author focuses on three texts –the preface to the second part of Travail et travailleurs d'Algérie, Le métier du sociologue, and the methodological chapter “Comprendre” published at the end of La misère du monde– which manifest the status of dialogue and face-to-face interaction, and, at the same time, the tensions that, over the space of thirty years, appear in Bourdieu's appropriation of these ethnographic gestures. A subsequent comparison of his practice with that of Gérard Althabe, his contemporary and almost compatriot, allows us to measure this transgression. the interview is no longer just an illusion of immediacy, it also becomes a “spiritual exercise”, an oblative openness, an active listening of the necessary singularity.
- La transgression de Pierre Bourdieu - Ferdinando Fava p. 173-209
Débats & Perspectives
- Féminisme ou progressisme - Michel Kail p. 213-218
Notes critiques
- Les sciences sociales face à l'a-venir ? - Bernard Hours p. 221-225
- Du marxisme augmenté, ou comment recycler un avatar - Margaret Manale p. 227-230
Comptes rendus
- Jean-François LAÉ, Parole donnée. Entraide et solidarités en Seine-Saint-Denis en temps de pandémie, Paris, Syllepse, 2021, 143 p. - Monique Selim p. 233-235
- Monique SELIM (dir.), Anthropologie d'une pandémie, Paris, L'Harmattan, 2020, 322 p. - Louis Moreau de Bellaing p. 237-247
- Grégory CORMANN, Sartre. Une anthropologie politique (1920-1980), Bruxelles, Peter Lang, « Anthropologie et philosophie sociale », n° 9, 2021, 381 p. - Michel Kail p. 249-260
- Jean BOURGAULT & Jean-Louis JEANNELLE (dir.), « Sartre Beauvoir. Genèses croisées », Genesis, n° 53, 2021, https://doi.org/10.4000/genesis.6139 - Michel Kail p. 261-267