Contenu du sommaire : Après les ordonnances Travail de 2017 : une négociation collective toujours plus proche de l'entreprise ?
Revue | La Revue de l'IRES |
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Numéro | no 107-108, 2022/2-3 |
Titre du numéro | Après les ordonnances Travail de 2017 : une négociation collective toujours plus proche de l'entreprise ? |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La dynamique des relations professionnelles en France sous l'influence des réformes institutionnelles ? : Apports de l'enquête REPONSE et de ses post-enquêtes - Noélie Delahaie, Anne Fretel p. 3-12
- Face à l'éclatement des entreprises, une représentation collective mise en défaut : une analyse à partir de l'enquête REPONSE 2017 - Nadine Thévenot, François-Xavier Devetter, Maé Geymond, Coralie Perez, Corinne Perraudin, Julie Valentin p. 13-40 Cet article vise à rendre compte des formes de représentation collective et des niveaux de dialogue social dans l'entreprise « éclatée » où s'exercent des rapports de dépendance via des relations de sous-traitance, de filialisation ou encore dans le cas d'entreprises multi-sites. Il s'appuie sur l'enquête REPONSE 2017 et ses post-enquêtes pour montrer le décalage entre la prédominance des entreprises « éclatées » et le manque d'instances de représentation centralisées. Six monographies font alors apparaître le contraste entre des directions capables de construire leur coordination et des salariés dont la représentation collective se retrouve mise en défaut.
This article aims to report on the forms of collective representation and the levels of social dialogue in “fragmented” companies, where relationships of dependency exist through subcontracting, sub-
sidiarisation and multi-site companies. It makes use of the REPONSE 2017 survey and its post-studies to show the disconnect between the predominance of “fragmented” companies and the lack of centralised representation bodies. Six monographs reveal the contrast between management capable of coordinating them and workers seeing a failure of collective representation. - Extension du domaine de la négociation d'entreprise. La négociation d'entreprise sous l'emprise du groupe ? - Claude Didry, Denis Giordano p. 41-70 Les réformes de 2016 (loi El Khomri) et 2017-2018 (ordonnances et loi de ratification) ont aménagé les notions mêmes de négociation et de convention d'entreprise en ajoutant le niveau du groupe à ceux de l'« entreprise » et de l'établissement. Partant d'une analyse de l'enquête REPONSE montrant le caractère déterminant de ces niveaux de négociation, le retour sur des monographies marquées par la présence d'un groupe conduit à envisager plusieurs configurations, allant de l'action directe du groupe sur la négociation (ou son absence) à une influence moins directe du groupe, associée à une relative autonomie de l'entreprise ou de l'établissement. Si elles présentent le risque de « financiariser la négociation d'entreprise » en l'attachant aux intérêts financiers portés par le groupe, ces réformes laissent donc subsister des espaces pour le déploiement de tactiques syndicales variées.
The reforms of 2016 (El Khomri act) and 2017-2018 (ratification act and orders) have shifted the very concepts of company bargaining and agreements by adding the “group” level to those of the “company” and the “workplace”. Starting from an analysis of the REPONSE survey showing the determinative nature of these bargaining levels, the feedback from monographs marked by the presence of a group level allows several configurations to be envisaged, from the group directly intervening in the bargaining (or the absence of this) to less direct influence, where there persists a level of relative autonomy on the part of the company or the workplace. While these reforms may run the risk of “financialising company-level bargaining” by linking it to the financial interests of the group, they do however leave room for the deployment of varied union tactics. - Des compromis sous hégémonie patronale ? La reconfiguration des usages des dispositifs de la négociation collective dans les établissements français - Baptiste Giraud, Camille Signoretto, François Alfandari p. 71-102 Comment se reconfigurent les pratiques et les usages des dispositifs de la négociation collective dans un contexte productif et institutionnel en mutations ? De nombreux travaux ont déjà montré les effets liés à la présence de syndicats et à la taille des établissements sur les dynamiques contrastées de la négociation collective. Dans leur prolongement, cet article porte sur l'analyse des liens entre contextes socio-productifs et dynamiques des relations professionnelles. Cette approche permet alors de mieux saisir la manière dont se renforce l'hégémonie patronale sur les pratiques de la négociation collective, sans négliger pour autant la diversité des usages patronaux du dialogue social et des rapports de force que les représentants du personnel sont en capacité de construire dans la production des compromis salariaux.
How are the practices and uses of collective bargaining mechanisms reconfigured in a changing production and institutional context? Many studies have already shown the effects of the presence of unions and the size of establishments on the contrasting dynamics of collective bargaining. This article is an extension of this work and focuses on the analysis of the links between socio-productive contexts and the dynamics of industrial relations. This approach makes it possible to better understand the way in which employer hegemony over collective bargaining practices is reinforced, without neglecting the diversity of employer uses of social dialogue and the power relations that employee representatives are able to construct in the production of wage compromises. - Quelle mise à l'épreuve des comités sociaux et économiques en période de crise ? - Amandine Michelon p. 103-124 La crise liée à la pandémie de Covid-19 en France en 2020 bouleverse l'organisation du travail et les relations professionnelles dans les entreprises. Dans ce contexte, les comités sociaux et économiques (CSE), pourtant dans la plupart des cas nouvellement instaurés depuis leur création avec les ordonnances du 22 septembre 2017, ont un rôle important à jouer. Cette période fait ressortir les tensions que soulève le passage au CSE. Ainsi, elle accentue les rapports qu'entretenaient les acteurs à la nouvelle instance auparavant : là où les CSE n'étaient que peu sollicités, les acteurs les délaissent entièrement. Ailleurs, les acteurs les vident presque entièrement de leur substance en se contentant d'une simple information auprès des élus, ou en leur préférant la négociation collective avec les délégués syndicaux ou encore la création d'instances ad hoc.
The crisis caused by the Covid-19 pandemic in France in 2020 has disrupted the organisation of workplaces and labour relations in companies. In this context, CSE (economic and social committees), in most cases newly set up since they were created by the orders of 22 September 2017, have an important role to play. This period has revived tensions raised by the transition to CSEs. Thus, the relationships previously held by participants in the new organisational structures are accentuated: where CSEs were rarely solicited, the participants neglect them entirely. Elsewhere, the participants make them almost entirely devoid of substance by settling for merely passing information to representatives, or by prioritising collective bargaining with union delegates or setting up ad hoc committees. - Le rôle de la branche après les ordonnances Macron : entre permanence et renouvellement - Noélie Delahaie, Anne Fretel, Héloïse Petit, Nicolas Farvaque, Kevin Guillas-Cavan, Djamel Messaoudi, Michèle Tallard, Catherine Vincent p. 125-155 Depuis les lois Auroux de 1982, de nombreuses réformes institutionnelles ont cherché à promouvoir la négociation collective d'entreprise au détriment de la négociation de branche. Les ordonnances de 2017, dites « ordonnances Macron », s'inscrivent dans cette tendance en refondant les domaines de compétences des niveaux de négociation que sont la branche et l'entreprise mais sans laisser à cette première la possibilité d'ouvrir ou non l'espace de la négociation d'entreprise. Dans cet article, nous interrogeons les conséquences de ces réformes en termes de pratiques et de positionnements des acteurs vis-à-vis de la branche en mobilisant de manière croisée une exploitation statistique de l'enquête Relations professionnelles et négociations d'entreprise (REPONSE) et des enquêtes qualitatives menées dans quatre branches (BTP, propreté et services associés, commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire et bureaux d'études).
Since the Auroux acts of 1982, numerous institutional reforms have sought to promote company-
level collective bargaining to the detriment of sectoral bargaining. The Ordonnances of 2017, known as the “Macron Ordonnances”, align with this trend by reconstructing the fields of competence of the different bargaining levels of the sector and the company, but without allowing the former to move into the company-level bargaining space. In this article, we examine the consequences of these reforms in terms of practice and positioning of the various actors in relation to the sector, by cross-referencing a statistical analysis of the REPONSE survey (Relations professionnelles et négociations d'entreprise), and qualitative studies carried out in four sectors (construction, cleaning, wholesale, design/engineering firms).