Contenu du sommaire : Le soldat augmenté
Revue | Revue Défense Nationale |
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Numéro | Hors-série no 4, 2023 |
Titre du numéro | Le soldat augmenté |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Préface - Haude Tymen p. 7-9
- Introduction - Hubert Serizier p. 10-12
Le stress : définitions et fonctions
- Stress et santé - Marion Trousselard p. 15-24 Le stress est une réaction multidimensionnelle normale au service de la survie pour répondre aux changements de l'environnement. Elle se caractérise par une réaction biologique qui s'exprime dans les champs des pensées, des émotions et des comportements. Cette phénoménologie du stress rend compte de la qualité de la réponse de stress. Elle souligne l'importance de la perception que l'individu a de ses ressources pour répondre à ce qu'il perçoit de la demande de son environnement. Cette transaction individu-environnement participe à mieux appréhender la variabilité interindividuelle de la réponse de stress. Le manque d'efficacité des stratégies mises en œuvre dans cette transaction est associé à une réponse de stress biologiquement coûteuse. L'accumulation de ces réponses coûteuses conduit à une usure biologique qui est susceptible de faire le lit de nombreuses pathologies.
- La réponse biologique de stress - Damien Claverie, Frédéric Canini p. 25-31 Le stress est la réaction biologique aspécifique et automatique observée lors de l'exposition à un stresseur et qui s'articule autour du système nerveux autonome et de l'axe corticotrope. Ils sont contrôlés par un réseau cérébral centré par l'amygdale. L'agression induit un stress dont l'intensité dépend de la violence et de la proximité du stresseur, de la capacité d'action de la victime. Un stresseur proche, une victime sans capacité d'action rend probable l'apparition d'un Trouble de stress post-traumatique (TSPT). L'exposition répétée à des stresseurs conduit à l'usure (anxiété, burn-out, dépression). L'aguerrissement qui module le stress peut être guidé par des marqueurs biologiques. D'autres indicateurs pourraient suivre la récupération.
- Les maladies induites par le stress - Céline Ramdani p. 32-40 Quand nous sommes malades, notre organisme met en place des mesures pour nous guérir. Celles-ci mettent en jeu le système immunitaire, système de défense de l'organisme contre les micro-organismes. Le stress aigu améliore l'action du système immunitaire et favorise la guérison et la cicatrisation. À l'inverse, le stress chronique affecte le système immunitaire et rend l'organisme plus vulnérable aux agressions, favorise la survenue de maladies et retarde la cicatrisation. D'après des estimations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), d'ici 2030, les pathologies liées au stress deviendront les troubles de santé les plus débilitants et les plus répandus. Le stress chronique augmente le risque de pathologies cardiovasculaires, neurodégénératives, mentales, auto-immunes et cancéreuses.
- Stress et santé - Marion Trousselard p. 15-24
La variabilité inter-individuelle
- Variabilité interindividuelle de la réponse au stress – compléments - Marion Trousselard p. 43-50 La variabilité interindividuelle de la réponse de stress est importante. Cette réponse dépend de nombreux facteurs qui conditionnent en partie la santé physique et psychique des individus. Notamment, la répétition des contraintes favorise les pathologies de stress lorsque la réponse de stress est chroniquement mal-ajustée. Mieux appréhender les facteurs de cette variabilité est un enjeu de prévention. Le fonctionnement en pleine conscience est une cible d'intérêt pour la prévention en ce qu'il sous-tend la résilience. Si ce fonctionnement est entraîné par des programmes de méditation, les techniques ORFA permettent également de l'optimiser.
- Variabilité interindividuelle de la réponse au stress – compléments - Marion Trousselard p. 43-50
Le stress vécu par des opérationnels
- Le stress vécu par des opérationnels : propos introductifs - Emmanuel Nielly p. 53-55
- Le cerveau du chef de groupe de combat comme priorité stratégique - Michel Goya p. 57-64 Quand les fantassins représentent la majorité des pertes en combat en opération et que chacune d'elle a un effet stratégique, le processus de décision de ceux qui commandent les fantassins au plus bas échelon est également stratégique. L'objet de cet article est de déterminer, à partir d'expériences concrètes, ce qui se passe dans le cerveau de ces hommes essentiels que sont les chefs de groupe de combat d'infanterie et la manière dont ces sergents peuvent produire des ordres efficaces malgré le stress et les transformations de l'être qu'il induit.
- Gérer son stress comme un pilote de la chasse embarquée - Vincent Berthelot p. 65-67 Nous avons des milliers de pensées par jour. Positives ou négatives, certaines empreintes d'incertitude, nos pensées génèrent des émotions qui, à leur tour, peuvent engendrer un état réactionnel de notre organisme : le stress. À force de discipline et d'entraînement, les pilotes de chasse de l'aéronautique navale ont appris à gérer le stress inscrit dans l'environnement « porte-avions ». En cherchant à rester lucides à tout prix, en acceptant les pensées et les émotions qui rythment leur quotidien, ils ont développé la capacité à se reconcentrer rapidement sur les objectifs à atteindre et à remplir leurs missions avec le stress pour compagnon de voyage. L'auteur, pilote de chasse et commandant d'escadrille, vous en livre un aperçu.
- La gestion du stress dans des conditions opérationnelles de combat - Guillaume p. 68-74 Les soldats de l'armée de Terre et plus particulièrement les équipiers de forces spéciales Terre sont confrontés à des environnements opérationnels singulièrement anxiogènes. La prise en compte et la gestion du stress, loin d'être taboues, constituent des facteurs de succès déterminants. Le stress demeurera une constante de la guerre. L'objectif est qu'il saisisse l'ennemi de plein fouet, lui ôtant ainsi toute capacité de réaction. Dans les combats de demain, multi-milieux et multichamps, donc impossible à maîtriser dans leur ensemble, seules les unités constituées, préparées unies, et dirigées agilement par des chefs lucides cherchant à devenir des « jardiniers » plutôt que des « joueurs d'échecs » sauront surmonter le stress de façon optimale.
- La combinaison des stresseurs au sein d'une arme de soutien dans le cadre de l'opération Barkhane - Jérôme Felber p. 75-81 Ce témoignage relate la combinaison de facteurs de stress opérationnel vécu par un lieutenant de l'arme du Matériel, lors d'une projection régimentaire au Mali, au troisième quadrimestre 2019, au sein du Groupement tactique désert Logistique (GTD-Log) « Marne ». Par extension, celui-ci représentera également le ressenti de l'ensemble du personnel des armes du soutien. Exposées au danger et à la rudesse du théâtre, les missions réalisées furent toutes aussi éreintantes et stressantes que celles menées par les armes de mêlée. Indispensable à son bon fonctionnement, mais bien souvent accompli dans l'ombre, le travail des femmes et des hommes des troupes du soutien a été indéniablement la clé de voûte de l'opération Barkhane durant toute son existence.
- Le stress lors des négociations au RAID - Olivier p. 82-84 Les interventions au RAID sont, pour la plupart, des crises de haute intensité. Le négociateur, quand sa spécialité est utilisée afin de résoudre la situation, doit être prêt et en aucun cas ne doit subir de stress. Ce stress doit être mobilisateur et contrôlé pour être positif. Tout est fait au RAID, du recrutement à la formation, pour que le négociateur ne subisse pas ce stress lors des interventions. Il doit en effet être en pleine possession de ses moyens, car un mauvais choix de sujet évoqué, de mots ou de ton employés, peut faire rapidement déraper la situation.
Comment prévenir et gérer le stress (contre-mesures)
- Propos introductif : petite histoire du stress dans les armées - Yann Andruétan p. 87-90 La gestion du stress dans les armées apparaît comme une évidence. Cependant, comme toute évidence, son adoption dans le monde militaire et la psychiatrie militaire n'a pas été un progrès continu, mais plutôt une façon de résoudre certains problèmes étiopathogéniques ou relevant des facteurs humains. Le succès et l'extension du domaine du stress réclament donc d'être particulièrement attentif sur le plan scientifique comme éthique. Le propos de cet article est ainsi de montrer dans quel esprit et à partir de quelles origines est adopté le concept de stress dans les armées et ses conséquences directes comme indirectes sur le monde militaire.
- Comment gérer le stress afin qu'il constitue une composante opérationnelle utile - Jean-Benoît p. 91-96 Le stress est une composante utile, voire extraordinairement utile, si et seulement si elle est bien comprise et bien gérée. Une relative maîtrise du stress est possible, elle peut être obtenue par la pratique de certaines techniques, notamment de respiration, mais aussi et surtout par un travail en profondeur sur des savoir-être fondamentaux de l'individu. Il s'agit d'un travail difficile qui demande une réelle introspection, mais celui-ci est incontournable afin de bénéficier au quotidien et en opération d'un stress utile.
- Se connaître soi-même et gérer son stress avec la méthode ORFA et la cohérence cardiaque - Mickaël Ravel p. 97-107 Les armées disposent d'un outil qui répond efficacement à la problématique du stress : l'ORFA. Avant de le gérer, il convient toutefois d'apprendre à se connaître afin d'utiliser la stratégie la plus appropriée puis à construire sa « boîte à outils » personnalisée pour faire face aux diverses situations. Des moniteurs et instructeurs ORFA, spécialisés notamment sur les questions du stress, apportent ainsi des outils efficients et proposent des formations adaptées. L'AMSCC est précurseur sur la mise en œuvre de l'ORFA et offre un cadre pédagogique idéal à son déploiement. Pour se préparer aux conflits de haute intensité, la méthode ORFA et la cohérence cardiaque sont des outils pertinents afin d'optimiser les capacités de chacun et développer les forces morales physiologiques et psychologiques.
- La formation en amont des opérations : e-formation et simulation - Marie-Hélène Ferrer p. 108-118 Les opérationnels sont amenés à intervenir en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances. Acquérir des ressources et s'entraîner à les mobiliser pour optimiser leur adaptabilité et leurs performances sous contraintes en préservant au mieux leur santé est un enjeu majeur. Les technologies de l'information et de la communication constituent des outils pour le management de leurs connaissances et de leurs compétences. Ajouter une scénographie pédagogique impliquant des stimuli multi-sensoriels permet de contextualiser une simulation et d'immerger les professionnels dans une situation opérationnelle. Il faut cependant adapter les tâches à réaliser à leurs niveaux d'expertise pour en optimiser l'immersion.
- Remédiations du stress en simulation haute-fidélité de situations critiques - Jean-Jacques Lehot, Sophie Schlatter, Andrei-Petru Paraschiv, Luc Aigle, Gilles Rode, Thomas Rimmelé, Marc Lilot p. 119-128 La Simulation haute-fidélité (SHF) est un outil pédagogique performant utilisé en milieu militaire et en milieu civil. Elle représente par ailleurs un inducteur de stress utilisable pour quantifier l'effet des remédiations du stress. Les aides cognitives électroniques apparaissent comme les outils spécifiques les plus performants, tant en milieu civil qu'en sauvetage au combat de niveaux 2 et 3. Parmi les outils non spécifiques, la cohérence cardiaque, la réassurance en groupe et les techniques d'optimisation du potentiel ont montré leur efficacité. Les mannequins procéduraux permettent d'apprendre les gestes techniques tout en utilisant l'adage « jamais la première fois chez le patient ». Enfin, l'intérêt d'une formation de qualité pour prévenir le burn-out et la dépression est démontré chez les soignants.
- Le neurofeedback au service de la maîtrise du stress - Charles Verdonk p. 129-136 Le neurofeedback est une technique moderne avec laquelle un individu apprend à contrôler l'activité d'une région de son cerveau en s'aidant du signal généré par sa propre activité cérébrale. Dans le cadre de la gestion du stress, le neurofeedback pourrait permettre d'entraîner les individus à mieux réguler l'activité des régions cérébrales impliquées dans une réponse de stress excessive. Le développement d'un dispositif de neurofeedback comporte plusieurs défis scientifiques et techniques qu'il convient de relever, préalable indispensable avant d'envisager son déploiement à grande échelle au profit des militaires. Le neurofeedback représente un nouveau domaine d'intérêt pour la recherche biomédicale de défense et un enjeu de recherche transdisciplinaire pour les chercheurs des différentes armées.
- Activation cognitive et mise en action de l'individu en état de stress dépassé : l'apport des neurosciences - Louise Giaume p. 137-143 Exposés quotidiennement à des situations traumatiques, les primo-intervenants doivent affronter, au fil des interventions, décès brutaux, accidents de la voie publique, souffrance psychique et physique, violences urbaines et familiales, précarité, etc. Ces situations présentent toutes le risque d'être génératrices d'un stress important aussi bien pour ceux qui interviennent, que pour ceux qui en sont témoins. Comment faire face lorsqu'un individu présente un état de stress dépassé lors d'une intervention ?
- Psychologie positive et protection/développement des ressources au service des forces armées - Charles Martin-Krumm, Adrien Jimenez, Marion Trousselard p. 145-156 La psychologie positive est une approche scientifique qui vise le fonctionnement optimal des personnes et des groupes. Une application au profit des forces armées s'inscrit dans le modèle Job Demands-Resources qui pose le rôle majeur des ressources, personnelles et collectives dans la gestion du stress et la prévention de l'épuisement professionnel. Différentes ressources, telles que les forces de caractère ou le sentiment d'efficacité personnelle sont définies pour envisager comment les optimiser au profit du militaire dans la triple temporalité de l'avant, du pendant et de l'après. In fine, la psychologie positive offre un cadre prometteur pour le développement des forces morales.
- Propos introductif : petite histoire du stress dans les armées - Yann Andruétan p. 87-90
Enjeux éthiques et stress / décision
- Dilemmes éthiques des médecins militaires en Opex : quels garde-fous ? - Antoine Lamblin p. 159-167 L'exercice de la médecine militaire en opérations extérieures rend la survenue de dilemmes éthiques inéluctable, en raison de la nature des missions, du contexte d'intervention et du double-statut des médecins militaires qui sont à la fois soignants et membres à part entière de l'armée française. Éthique et stress sont intimement liés, la confrontation à des dilemmes éthiques qui ne sont ni abordés ni résolus étant à l'origine de « stress moral » pouvant faire le lit de pathologies psychiques ultérieures ou conduire à une désadaptation au métier. La prévention repose sur une préparation à la gestion de ces situations, et implique une prise de conscience individuelle et institutionnelle sur sa nécessité.
- Les dilemmes éthiques - Frédéric Canini, Damien Claverie p. 169-174 Les défis éthiques sont des situations dans lesquelles un individu doit choisir obligatoirement entre plusieurs options, aucune n'étant satisfaisante pour lui. Il en résulte un dilemme éthique. Ces situations, quoique courantes dans les vies quotidienne et professionnelle, ont été modélisées en laboratoire afin de comprendre les dynamiques comportementales et neurobiologiques. Après la réaction rapide intuitive s'installe une réaction plus lente, mêlant émotion et cognition rationnelle, le tout dans une interaction corporelle et sous la pression du stress. Une réponse non éthique à un défi peut résulter en séquelles psychiques allant de la désadaptation, au burn-out, aux sentiments de honte et de culpabilité, voire au trouble de stress post-traumatique.
- Décisions éthiques face au stress : comment préparer nos hommes à répondre à ce défi en opération ? - Hubert Serizier p. 175-176 Cet article s'intéresse à la dimension éthique des décisions prises en contexte de stress. L'auteur met en exergue la place occupée par celle-ci, grâce à l'analyse de la complexité et de l'exigence des engagements actuels. Devenue incontournable, elle fait désormais partie du quotidien du soldat. Ce dernier, naviguant sans cesse entre contraintes opérationnelles, morales, éthiques et juridiques, doit développer les outils nécessaires et adéquats, afin de garder la maîtrise des événements et le discernement dans l'action.
- La pleine conscience pour la gestion des dilemmes éthiques : le cas du monde médical - Marion Trousselard p. 177-182 En éthique appliquée, on délibère à propos d'un dilemme éthique. Il y a dilemme quand, dans une situation donnée, il faut choisir entre deux actions différentes qui s'excluent mutuellement. Il s'agit d'un dilemme éthique quand, quelle que soit la décision finale, l'action choisie entraîne des conséquences sérieuses, positives ou négatives, pour le décideur et pour autrui. L'exemple des métiers du soin souligne le besoin d'aide à la gestion des situations de dilemme éthique. Deux pistes sont proposées. La première repose sur les modalités d'amélioration de la conscience de la situation, la seconde sur l'amélioration des heuristiques de prise de décision par des aides cognitives à la prise de décision.
- Dilemmes éthiques des médecins militaires en Opex : quels garde-fous ? - Antoine Lamblin p. 159-167
Conclusion
- Conclusion du colloque - Thierry Chigot p. 185-190
- Postface - Gérard de Boisboissel p. 191-192