Contenu du sommaire : Les frontières
Revue | Administration |
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Numéro | no 279, septembre-octobre 2023 |
Titre du numéro | Les frontières |
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- Éditorial - Jean Godfroid p. 3
- Les frontières de la France : une situation géopolitique singulière - Gilles Cazanave p. 13-16 La France dans ses frontières se caractérise par sa complexité et sa multiplicité. Frontières d'abord historiques, elles se sont densifiées aussi bien sur le plan maritime qu'aérien, mais aussi spatial. À ce jour, elles représentent un atout, mais également un défi géopolitique d'envergure, confrontées aux puissances émergentes. Le rôle et la place de la France dans le monde demeurent ainsi aujourd'hui plus que jamais déterminants.
- La première des frontières françaises est celle des trois aéroports franciliens : Roissy, Orly et le Bourget - Jérôme Harnois p. 17-18 Les trois aéroports parisiens, Roissy, Orly et Le Bourget constituent sans conteste la première des frontières françaises au regard du nombre de passagers et du volume de fret qui transitent chaque année par ces plateformes aéroportuaires. Nombreux sont les services de l'Etat à exercer leurs missions de surveillance, de contrôle et de protection dans cet environnement spécifique afin de rendre sécure et fluide les frontières aéroportuaires parisiennes. Ce service public incarné par 5 000 fonctionnaires contribue à la première image de la France et à la qualité de l'accueil des millions d'hôtes qui, chaque année, viennent découvrir la France. A l'aube de l'organisation de grands évènements sur notre territoire comme la Coupe du Monde de Rugby et les Jeux Olympiques et Paralympiques, sécurité, fluidité et hospitalité sont plus que jamais les moteurs de la communauté aéroportuaire.
- La Manche, une frontière revivifiée - Jean-Michel Thillier p. 19-20 Le 1er janvier 2021, soit quatre ans et demi après le référendum en faveur du Brexit, le Royaume-Uni est sorti de l'union douanière, et donc de la libre-circulation des marchandises, entraînant un rétablissement des formalités douanières. L'impact est particulièrement fort pour la France, du fait de la volumétrie des échanges sur la façade Manche – mer du Nord (30 millions de voyageurs et 4,2 millions de poids lourds), de la fréquence des rotations (50 rotations de ferries par jour à Calais), des temps de traversée très brefs. Cela a conduit à mettre en place des procédures d'identification des moyens de transport, de traitement de déclarations en douane sur les marchandises transportées, et la construction d'infrastructures de contrôle sur des sites qui avaient été conçus dans un contexte de libre-circulation. La douane a relevé le défi du rétablissement d'une frontière et de contrôles tout en maintenant la fluidité des échanges.
- La frontière franco-britannique à Calais : des évolutions opérationnelles permanentes pour faire face aux enjeux internationaux - Jacques Billant p. 21-24 Calais a toujours été au centre des grands enjeux internationaux entre le Royaume-Uni et l'Europe, en raison de sa situation géographique, mais aussi de ses liens historiques avec la Grande-Bretagne. Le premier enjeu est économique avec deux plateformes transmanche – le port de Calais et le Tunnel sous la manche – qui agissent comme un vrai poumon économique aux niveaux local et régional. Calais est également l'épicentre d'une forte pression migratoire, au cœur des politiques et des relations gouvernementales françaises et britanniques, et dont la physionomie est changeante (problématique des « small-boats », troubles à l'ordre public…). Le Brexit a par ailleurs complexifié la gestion de la frontière franco-britannique de Calais en imposant désormais des contrôles sur les marchandises et les voyageurs, tout en assurant le défi de la fluidité du trafic qui est la base du modèle économique local. Si les différents accords entre la France et le Royaume-Uni ont permis d'avoir une frontière juxtaposée spécifique à Calais et d'accompagner financièrement la lutte contre l'immigration clandestine, c'est bien toujours grâce à l'adaptation des services de l'État et à la bonne coopération franco-britannique sur le terrain – au plan opérationnel et sur le volet du renseignement – que ces défis frontaliers peuvent être relevés au quotidien.
- Le rôle du préfet maritime - Marc Veran p. 25-27 La présentation par la préfecture maritime du bilan 2022 des migrants qui ont tenté de traverser la Manche a incité la revue à interroger le vice-amiral Marc Véran, préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord délégué du gouvernement, sur le rôle du préfet maritime. Représentant direct du Premier ministre et de chacun des ministres, le préfet maritime est le représentant de l'État en mer. Officier général de la marine nationale, son expérience lui permet de s'imposer comme l'interlocuteur naturel de tous les intervenants en mer. Ses principales missions en mer sont la sauvegarde de la vie humaine, l'assistance aux navires en difficulté, la lutte contre les pollutions maritimes et les trafics illicites, la protection de l'environnement, ainsi que de faire coexister en sécurité tous les usages et acteurs, tout en préservant nos intérêts nationaux. Pour y parvenir, il s'appuie sur une équipe interministérielle composée d'agents des différentes administrations (marine, douane, affaires maritimes, gendarmerie) et sur les bénévoles de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). Il peut aussi compter sur le directeur interrégional de la mer (DIRM), les directeurs régionaux de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), ainsi que les directeurs départementaux des territoires et de la mer (DDTM). Enfin, à travers ses fonctions de commandant de zone maritime, il dispose d'une organisation opérationnelle importante.
- Aujourd'hui, le Rhin n'est plus une frontière - Josiane Chevalier p. 28-31 La réalité transfrontalière constitue un facteur déterminant de la région Grand Est, avec 760 km de frontières bordant cinq pays, dont 200 km tracés par le Rhin, axe de transport structurant et peu émissif en CO2. L'échange et le commerce sont au cœur des relations entre ces pays, avec 44 % des frontaliers de la France métropolitaine. Le Traité d'Aix-la-Chapelle de 2019 a donné un nouvel élan à une coopération franco-allemande déjà riche, créant le Comité de coopération transfrontalière (CCT) qui met en œuvre les priorités (transition énergétique, environnement, gestion de l'eau et entraide lors de crises). Le Traité ouvre aussi l'opportunité d'une différenciation entre les règles de droit applicables aux territoires frontaliers et celles en vigueur dans le reste du pays. La crise sanitaire a montré que cette coopération transfrontalière a su être résiliente, notamment grâce à des réunions hebdomadaires initiées par la préfète du Grand Est, mais elle doit être confortée et institutionnalisée.
- De la LIC 06 à la Force aux frontières - Bernard Gonzalez p. 32-35 Depuis les attentats survenus le 13 novembre 2015, la France a rétabli les contrôles à ses frontières intérieures (RCFI), en application des dispositions du règlement du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (dit « code Schengen », modifié par le règlement du 9 mars 2016). Parallèlement, pour répondre à l'importance des flux migratoires illégaux à la frontière franco-italienne, un dispositif LIC 06 (Lutte contre l'immigration clandestine) a été mis en place depuis novembre 2016 afin d'assurer la cohérence de l'ensemble des forces impliquées dans les Alpes-Maritimes. Face à la forte augmentation des flux transfrontaliers clandestins connue depuis le début de l'année 2023, la Première ministre a annoncé le 26 avril 2023 la mise en place d'une Force aux frontières expérimentale dans le département des Alpes-Maritimes (dès le 1er juin 2023) et dans les Hautes-Alpes (à compter du 1er juillet 2023). Cette expérimentation doit tout à la fois permettre de fournir des indicateurs objectivant l'efficacité de nos dispositifs, de renforcer la complémentarité des forces engagées et d'établir un contrat opérationnel établissant un socle de moyens affectés dans ces départements à la lutte contre l'immigration illégale. Dans ce cadre, la Force frontières 06 permettra, d'une part, de définir des doctrines d'emploi et de coordination pour les moyens humains comme technologiques et, d'autre part, d'adapter en conséquence ces moyens engagés à la frontière en fonction de la nature et de l'intensité des flux constatés ou anticipés.
- Les Pyrénées, une frontière dynamique pour une action renforcée de l'État - Pierre-André Durand p. 36-38 Frontière la plus longue de France métropolitaine, les Pyrénées demeurent un espace difficile à traverser en sa partie centrale mais aussi préservé par une riche biodiversité. Cette difficulté n'a pas empêché l'émergence très ancienne de bassins de vie entre la France et l'Espagne à l'est et à l'ouest de la chaîne pyrénéenne. Ces bassins de vie ont nécessité l'engagement de coopérations transfrontalières à différents niveaux de collectivités publiques (État, régions, communes). Si les coopérations de proximité des collectivités locales se veulent avant tout opérationnelles autour de sujets d'intérêts communs comme l'accès aux services publics (hôpital de Cerdagne), la frontière demeure un espace d'action renforcée de l'État. La permanence de circulations de flux illégaux (migrants, contrefaçons, stupéfiants et animaux notamment) dans la montagne pyrénéenne rend indispensable la conduite de contrôles et d'actions concertés entre les trois États (France, Espagne, Andorre). Les Pyrénées symbolisent la volonté forte et renouvelée de l'État de lutter contre les trafics en tout genre, mais en assurant la libre circulation des personnes et des biens dans des territoires à l'identité commune entre les deux États (Catalogne, Pays Basque). L'efficacité de l'État s'apprécie donc à sa capacité à maintenir une approche équilibrée de la gestion de la frontière.
- L'exemple du Trayas, entre Var et Alpes Maritimes - Frédéric Masquelier p. 39-40
- Le Maroni n'est pas une frontière - Thierry Queffelec p. 41-42 Vaste territoire grand comme la Nouvelle Aquitaine mais peuplé de seulement 300 000 habitants, la Guyane a la particularité de compter deux immenses frontières terrestres françaises avec des pays n'appartenant pas à l'UE : le Surinam à l'ouest, sur le Maroni, et le Brésil à l'est, sur l'Oyapock. De tous temps, les hommes sont passés de l'une à l'autre des deux rives, et continuent de le faire malgré les frontières et les obligations qui en découlent. Comment dans ces conditions juguler ce mouvement, dans le respect de notre souveraineté ?
- Le Brésil, voisin de la Guyane et première frontière terrestre de la France - Christophe-Alexandre Paillard p. 43-46 La Guyane est à la fois le plus grand département français par sa superficie et celui qui possède la plus longue frontière terrestre, soit 730 km, qui fait du Brésil un voisin et un partenaire stratégique pour la France. Les récentes réunions du Comité interministériel des Outre-mer et de la Commission mixte de coopération transfrontalière franco-brésilienne ont mis en avant la variété et l'ampleur des sujets à traiter au niveau bilatéral. Malgré l'importance du sujet guyanais, cette question n'est cependant pas une priorité pour le Brésil qui fait face à des défis internes massifs et qui se cherche aujourd'hui un nouveau positionnement à l'international, par exemple au travers des rencontres des BRICS. Il est donc difficile, sur les sujets intéressant le plus la Guyane, en particulier les activités illégales venues du Brésil comme l'orpaillage ou la pêche clandestine, d'obtenir de nouveaux engagements de nos partenaires brésiliens, malgré l'existence d'une réelle bonne volonté de coopérer des deux côtés de la frontière de la rivière Oyapock.
- Les opérations de la gendarmerie en forêt équatoriale guyanaise - Jean-Christophe Sintive p. 47-50 La gendarmerie nationale a toujours su s'adapter aux territoires qu'elle protège. En Guyane, elle fait face à des menaces spécifiques liées principalement à l'orpaillage illégal qui se propage au cœur de la forêt équatoriale. Pour y répondre et protéger les populations autochtones, ainsi que la biodiversité amazonienne, elle développe des savoir-faire particuliers et met en œuvre, en étroite coopération avec ses partenaires, une véritable stratégie de lutte multi-domaine qui évolue en permanence pour contrer un adversaire « garimpeiros » particulièrement résilient.
- Saint-Martin, la frontière impossible ? - Vincent Berton p. 51-53 La binationalité de Saint-Martin est le résultat d'une histoire singulière et méconnue depuis la découverte de l'île par Christophe Collomb en 1493. L'absence de frontière physique de fait entre les deux parties de l'île est le fruit d'une construction très pragmatique de la souveraineté entre la France et les Pays-Bas mais également le reflet d'une certaine sous-administration de l'île. Le traité de Concordia en 1648 qui institue le principe de libre circulation des biens et des personnes a ainsi une valeur emblématique fortement ancrée dans l'identité saint-martinoise. En signant en mai 2023 un accord de frontière à Saint-Martin, qui met un terme à plusieurs années de contentieux, la France et les Pays-Bas créent les conditions d'une relance de leur coopération dans cette région du nord de la Caraïbe au cœur de multiples trafics.
- Les Terres australes et antarctiques françaises : des territoires-frontières au cœur des enjeux de la planète - Florence Jeanblanc-Risler p. 54-56 Situées aux confins du territoire national, les Terres australes et antarctiques françaises, formées par l'archipel Crozet, l'archipel Kerguelen, les îles Saint-Paul et Amsterdam (dits « districts austraux »), la terre Adélie et les îles Éparses, illustrent la notion de « frontière » dans toutes ses dimensions. Elles sont en effet non seulement constitutives de frontières nationales ( borders), mais également d'opportunités d'échanges et de coopérations, notamment en matière de recherche scientifique. Longtemps envisagées comme des fronts pionniers ( frontier en anglais), elles font aujourd'hui l'objet d'une politique de restauration et de conservation visant à rétablir leurs écosystèmes originels. L'accélération de la compétition entre les grandes puissances dans la zone indopacifique et les effets du changement climatique, qui touche directement ces territoires-frontières en apparence préservés du chaos du monde, font peser un risque non négligeable sur leur stabilité.
- Frontières et flux migratoires à Mayotte : un défi pour le 101e département et l'État - Thierry Suquet p. 57-59 Avec plus de 25 000 reconduites d'étrangers en situation irrégulière en 2022, le département de Mayotte engendre un flux sans commune mesure avec les cent autres départements français qui en fait probablement un cas à part dans la gestion des flux migratoires et de la frontière. Dans les faits, le choix de la population mahoraise dans les années 1970 que Mayotte reste française, s'il s'inscrit dans une logique historique face à une unité politique des Comores qui n'existe pas, crée pourtant une rupture dans une unité géographique, culturelle, religieuse et ethnique qui impliquait une libre circulation des personnes. La frontière entre Mayotte et les Comores, création récente et unilatérale, ainsi que l'obligation de visa pour entrer à Mayotte, sont la traduction juridique de ce choix qui a fait de Mayotte une potentielle porte d'entrée de la France et de l'Europe dans le contexte migratoire du XXIe siècle. La pression migratoire intense pèse sur l'ensemble de la société mahoraise et impose à l'État de mettre en œuvre une démarche globale pour lutter contre cette immigration et ses conséquences sur la vie quotidienne des habitants de l'île.
- La fin des frontières ? - Pascal Boniface p. 60-61 La mondialisation et son accélération ont fait croire à la « fin des frontières ». Ce sentiment s'est vu renforcé par la chute de l'URSS et la disparition du rideau de fer qui avait divisé l'Europe pendant près d'un demi-siècle. Or, les conflits en ex-Yougoslavie, en Afrique ou au Proche-Orient, et plus récemment la guerre en Ukraine ou les tensions en Asie rappellent combien les frontières continuent de faire l'objet de confrontations à l'échelle internationale. À cela s'ajoute les dynamiques migratoires qui soulignent le caractère inégalitaire des frontières que certains États cherchent à rendre infranchissables, ou la pandémie de Covid-19 qui témoigne que des frontières qu'on croyait durablement abaissées, peuvent à tout moment redevenir hermétiques, bien que de manière temporaire. L'enjeu de la frontière reste donc un élément structurant des relations internationales.
- La guerre en Ukraine, les frontières en Europe - Gilles Cazanave, Robert Korb p. 62-64 L'article ne constitue pas à proprement parler une chronologie des événements politiques, une cartographie des espaces et des frontières ni une mise en scène des opérations militaires. Il met en perspectives géopolitiques les deux termes du titre que sont l'Ukraine et l'Europe, pour le passé et le futur. Le schéma actuel du conflit en Ukraine s'inscrit dans un contexte historique au long cours et sa résultante entraînera une carte des frontières des institutions européennes nécessairement redessinée.
- Abornement des frontières françaises - Pascal Roche p. 65-66 Les États délimitent leurs territoires par un abornement physique avec des bornes frontières majoritairement en pierre, qu'il faut entretenir régulièrement lorsqu'il n'y a pas de frontière naturelle (fleuve ou montagne), et d'un abornement numérique que l'on retrouve sur le site du géoportail de l'IGN.
- Transformation, enjeux et perspectives d'évolution de la douane française - Isabelle Braun-Lemaire p. 67-70 Depuis sa création en 1791, la douane est l'administration qui tient les frontières et contrôle les marchandises, pour protéger le territoire, la population, l'environnement, et pour contribuer à la compétitivité de l'économie française. Cette fonction régalienne est en constante évolution. Elle accompagne depuis plusieurs années le développement du commerce international, en traitant et en analysant rapidement les données logistiques et douanières pour faciliter la circulation des marchandises licites et intercepter les marchandises illicites. Elle fait preuve d'agilité et d'efficacité en s'adaptant à des crises conjoncturelles (crise sanitaire et approvisionnement du pays en masques conformes, guerre en Ukraine en mettant en œuvre les embargos et sanctions), et conduit plusieurs projets d'innovation particulièrement ambitieux, mettre la technologie et le numérique au service des métiers, en apportant simplification et gains d'efficacité.
- Le point sur l'action de la police aux frontières sur nos frontières extérieures et intérieures et les perspectives d'avenir - Fabrice Gardon p. 71-73 La police aux frontières coordonne l'action de policiers gardefrontières, dont les missions s'établissent aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire. Le recours à de nombreux outils technologiques permet de fluidifier le trafic international de personnes, tout en respectant l'impératif de sécurité et de contrôle de ces flux. La collaboration des organismes partenaires (direction générale des douanes, agents FRONTEX, coopération européenne…) est également indispensable pour mener à bien les opérations de sûreté, dans un contexte à forts enjeux à venir, comme les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ou la Coupe du monde de rugby 2023.
- Coopération ou compétition technologiques : nouvelles frontières ou nouvelle mondialisation ? - Tsiporah Fried p. 74-78 L'accélération des technologies, notamment dites « émergentes », contribue à une évolution radicale des enjeux géopolitiques, stratégiques, économiques et sociaux. La question du rapport paradoxal des frontières et des technologies se fait plus aigüe chaque jour : les États-Unis et la Chine se livrent à une compétition féroce pour garder de l'avance technologique ; de son côté, l'Europe consolide un arsenal juridique des technologies digitales, au détriment parfois de leur exploration et développement. La France fête les dix ans de son label French Tech qui incarne, davantage qu'une politique publique, un véritable écosystème dynamique de start-ups, ancré dans une ambition forte de réindustrialisation. La technologie qui, un temps, avait aboli les frontières, conduit-elle désormais à des politiques protectionnistes et au retour de ces mêmes frontières sous une forme virtuelle ? Ou l'ambition de souveraineté dans une mondialisation digitale est-elle déjà obsolète ?
- Une France mondiale et maritime - Philippe Folliot p. 79-80 L'ouvrage France-sur-Mer : un incroyable gâchis, revient sur le fossé entre les « paroles » et les « actes », entre la proclamation d'une souveraineté purement théorique et l'état dans lequel nous laissons nos territoires ultramarins. En effet, treize ans après la description de cet « empire oublié » qu'est la France-sur-Mer, le constat n'a pas changé. Pire, les mots et les concepts tels que la « puissance d'équilibre », « l'Indopacifique », ou la dimension maritime de la France sont galvaudés, souvent sans être suivis d'effets.
- Migrations et frontières : le rôle de la direction générale des étrangers en France - Eric Jalon p. 81-83 C'est l'acte de franchir la frontière, c'est-à-dire la limite en dedans de laquelle s'exerce la compétence territoriale de l'État, qui fait du ressortissant étranger un « étranger en France ». La question des frontières et de ceux qui les franchissent, régulièrement ou irrégulièrement, sont au cœur des préoccupations et de l'action de la direction générale des étrangers en France. Trois exemples issus de l'actualité immédiate en illustrent l'acuité et l'intensité.
- Garantir le droit d'asile, contrôler les frontières - Clémence Olsina p. 84-86 Concilier les garanties inhérentes à l'exercice du droit fondamental à l'asile et le contrôle des frontières est devenu un enjeu essentiel pour assurer la résilience des institutions de l'asile face à une demande qui renoue avec des niveaux record depuis la fin de la crise sanitaire. Si l'optimisation des procédures et la réduction des délais doivent y contribuer, les réponses à ce défi doivent aussi être trouvées à plus grande échelle et au premier chef au niveau européen, dans le cadre de la négociation du Pacte sur la migration et l'asile.
- Haute-Savoie et canton de Genève : la compensation financière des mouvements frontaliers vers la Suisse - Nadia Idiri p. 87-89 Les interactions soutenues entre la Haute-Savoie et le canton de Genève sont plus largement ancrées dans un contexte de dynamisme accru sur l'agglomération franco-valdo-genevoise. Les autorités suisses sont conscientes de l'impact sur les collectivités françaises du flux de frontaliers français vers le canton de Genève et le district de Nyon. Dépendants de la main d'œuvre haut-savoyarde et aindinoise, nos voisins participent aux investissements de notre territoire pour en conserver la vitalité.
- Fiscalité et télétravail : l'exemple du Luxembourg - Étienne Effa p. 90-92 Le travail frontalier est vital pour l'économie du Luxembourg et il se développe rapidement. Cette forme d'activité concerne 44 % des actifs du Grand-Duché et la France fournit près du quart de la main d'œuvre de ce pays. Le télétravail est, pour le Luxembourg et ses entreprises, une des solutions pour continuer à attirer les travailleurs frontaliers. Pour la France, il permet de récupérer une partie de la fiscalité sur les revenus des travailleurs frontaliers, ce qui est légitime puisque ces derniers bénéficient des services publics français. Le télétravail est également une réponse aux défis environnementaux et en matière d'infrastructures de transports que pose la circulation des travailleurs frontaliers. Les règles actuelles de la fiscalité des revenus, en obligeant les entreprises et les salariés à gérer les régimes fiscaux des deux pays, sont un frein à l'extension du télétravail. Cependant, des évolutions récentes, législatives et conventionnelles, tentent de lever ces obstacles.
- La cybercriminalité, criminalité sans frontière - Marc Watin-Augouard p. 93-95 La cybercriminalité connaît une croissance inquiétante en raison du comportement des prédateurs qui bénéficient d'un rapport gain/risque pénal nettement plus favorable que celui qui s'attache à la criminalité classique. En outre, les délinquants profitent de l'effet de frontière qui est un obstacle pour les Etats en raison de la limitation territoriale de leur souveraineté et donc de leur capacité à agir contre des auteurs agissant depuis l'étranger. La coopération internationale se développe par le biais notamment de la Convention de Budapest, mais se heurte au fait que les États « cybervoyous » sont précisément ceux qui ne l'ont pas ratifiée. De son côté, l'Union européenne a pour ambition de hisser le niveau de cybersécurité des États membres. Le dernier règlement e-Evidence facilite un accès rapide aux preuves numériques qui conditionne le succès des enquêtes.
- La coopération transfrontalière : un enjeu d'importance croissante - Frédéric Mac Kain p. 96-98 La coopération transfrontalière devient un volet essentiel de l'action de l'État dans les secteurs concernés, d'abord parce que le nombre de Français travaillant au-delà de nos frontières est en croissance forte et ininterrompue, ensuite parce que beaucoup de résidents des zones frontalières ( français ou originaires des pays voisins) utilisent régulièrement, et de plus en plus, les services publics de l'autre pays, enfin parce que l'interpénétration des activités en zone frontalière, et surtout là où elles sont le plus intégrées (franco-genevois, Luxembourg, Monaco) oblige à une concertation constante et intense avec le pays voisin. Cette concertation est parfois ancienne. L'évolution de ces dernières années vient la renforcer par l'entrée en application de nouveaux textes, issus d'abord de l'application de la convention de Schengen, puis, plus récemment, des traités bilatéraux généralistes conclus avec l'Allemagne (traité d'Aix la Chapelle en 2018), avec l'Italie (traité du Quirinal en 2021) et avec l'Espagne (traité de Barcelone de janvier 2023), qui comportent tous une importante dimension de coopération transfrontalière, en se dotant d'outils adéquats pour en développer les fonctionnalités et l'efficacité. L'évolution du droit européen renforce cette tendance et favorise l'intégration croissante des agglomérations et bassins de vie frontaliers.
- Souveraineté nationale et souveraineté européenne - Bernard Stirn p. 99-103
- L'Europe et les frontières - Cyrille Schott p. 104-107 « Limites qui séparent un État d'un autre État » : c'est la définition lapidaire de la frontière retenue dans la seconde moitié du XIXe siècle par Émile Littré dans son dictionnaire de la langue française. Appliquée à l'Union européenne, qui n'est pas un État, cette vision si simple apparaît plutôt obsolète. La construction européenne a été bâtie sur le dépassement en son sein des frontières des États et à l'extérieur elle n'a cessé, en Europe sans frontière, de s'élargir pacifiquement. Toutefois, cette construction souffrant la diversité, des Europes avec des frontières différentes coexistent. Par ailleurs, face au phénomène des migrations humaines, l'Europe s'est repliée derrière ses frontières présentes et a exporté sa frontière. Plusieurs réalités se font jour lorsque l'on associe les termes Europe et frontière. Essayons de les saisir.
- Le Lyon-Turin, un lien vital sous les Alpes qui se fait attendre - François Lepine p. 108-110 La liaison Lyon-Turin est la pièce manquante d'un puzzle beaucoup plus large. D'une longueur de 270 km, elle doit permettre de relier la France et l'Italie pour connecter les grands réseaux ferroviaires européens et faciliter le transport international des marchandises et des voyageurs. Près de deux millénaires après l'épopée d'Hannibal, et malgré les formidables progrès accomplis depuis, cette connexion est toujours fortement contrainte par la barrière physique des Alpes. Le Lyon-Turin ambitionne de s'en affranchir. Plus de vingt ans après la signature du premier traité franco-italien actant sa réalisation, le dossier a bien avancé. Il est toutefois régulièrement exposé aux risques d'erreurs d'aiguillages.