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Revue | Politiques de communication |
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Numéro | no 19, automne 2022 |
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- Introduction du dossier : Battre la campagne numérique. Les recompositions des activités électorales à l'heure de la digitalisation - Fabienne Greffet, Marie Neihouser p. 5-20
- « Comment les politiques caviardent leur page Wikipédia en amont des élections ? » : L'encyclopédie collaborative dans les répertoires d'action électorale - Victor Planche, Jeanne Vermeirsche, Guillaume Marrel p. 21-53 À l'heure de la numérisation croissante de la communication politique, les campagnes pour les élections législatives nous permettent d'observer la manière dont Wikipédia peut constituer un nouvel outil communicationnel pour le personnel politique et ses entourages. Cette contribution questionne donc l'intégration de Wikipédia dans les répertoires de l'action électorale et partisane numérique, et plus précisément les pratiques et usages politiques à l'œuvre sur les notices biographiques des candidats et des représentants dans l'encyclopédie collaborative. Notre étude confirme à la fois l'existence de stratégies de promotions électorales, partisanes et personnelles dans Wikipédia, mais témoigne aussi de la singularité et la fragilité de ces usages, condamnés à la clandestinité dans cet espace numérique incomparable, très différent d'autres plateformes dédiés à la communication politique en ligne.At a time of increasing digitization of political communication, the campaigns for the french legislative elections allow us to observe the way in which Wikipedia can constitute a new communicational tool for political staff. This contribution questions the integration of Wikipedia in the repertoires of electoral and partisan digital action, and more precisely the political edits on the biographical records of candidates and representatives in the collaborative encyclopedia. Our study confirms the existence of strategies of electoral, partisan and personal promotion in Wikipedia, but also testifies the singularity and fragility of these uses, condemned to clandestinity in this incomparable digital space, very different from other platforms dedicated to online political communication.
- Faire campagne dans Facebook : Une pratique privilégiée par l'extrême droite et les partis émergents - Marie Neihouser, Julien Figeac, Ferdinand Le-Coz p. 55-86 Au fil des années, les partis politiques ont cherché à tirer profit des ressources des réseaux sociaux numériques pour faire campagne. Les recherches scientifiques ont alors cherché à comprendre si ces pratiques connectées s'inscrivent dans un processus de normalisation, en venant reproduire les équilibres hors ligne plutôt favorables aux partis les mieux implantés (du fait de leur antériorité ou de leur ancrage local), ou si au contraire elles favorisent un processus d'égalisation en permettant aux mouvements politiques plus récents d'être plus visibles dans le débat public. En analysant la manière dont les principales communautés partisanes françaises ont animé des pages Facebook (n = 1 477) durant la campagne présidentielle de 2022, cet article relativise la thèse de la normalisation. La manière dont les partis s'approprient les plateformes numériques pour animer leur communication politique varie selon deux éléments majeurs : leur orientation et leur idéologie politiques – les partis d'extrême droite étant les plus présents – ainsi que le modèle organisationnel de leur structure partisane – les partis et mouvements apparus ces dernières années en France étant particulièrement actifs sur la plateforme.Over the years, political parties have taken advantage of the resources of social media for their political campaigns. Scholars wondered whether these online practices are part of a normalization process, by reproducing offline balances that are rather favorable to the best-established traditional parties, or whether, on the contrary, they favor an equalization process by allowing more peripheral political movements to be more visible in the public debate. By analyzing how the main French political parties managed Facebook pages (n = 1,477) during the 2022 presidential campaign, this article weakens the normalization thesis. The way political parties use social media to manage their political campaigns varies on the one hand, according to their political orientation and ideology (far-right parties being the most active), and, on the other hand, according to the organizational model of the party structure (the parties and movements that have emerged in recent years in France being more active).
- Communiquer de façon personnalisée en ligne : vers plus d'autonomie des candidats vis-à-vis de leur parti ? : Éclairage ethnographique en contexte de scrutin de liste semi-ouverte - Inès Kalaï p. 87-113 Les recherches récentes en communication politique semblent montrer que l'usage croissant des réseaux socionumériques en campagne permet aux candidats de fournir une communication plus personnalisée et, ainsi, de s'autonomiser de leur organisation partisane. Nous venons questionner ces deux assertions à l'aide d'un éclairage ethnographique en contexte de scrutin de liste semi-ouverte lors d'élections locales en Région Bruxelles-Capitale, complété par une vingtaine d'entretiens semi-directifs. Nos observations nous permettent tout d'abord de montrer que les campagnes personnalisées des candidats font partie intégrante des stratégies développées par le parti. Ensuite, nous voyons que les candidats qui se saisissent de l'outil afin d'aller au-delà des prescriptions du parti semblent en avoir un usage artisanal, bien éloigné du degré d'ingénierie promis par les collaborateurs. Enfin, nous montrons en nous appuyant sur trois cas que personnalisation et autonomisation sont deux dynamiques qui doivent être à la fois nuancées et décorrélées.Recent research in political communication suggests that the increasing use of social media in political campaigns allows candidates to provide more personalized communication and thereby become more autonomous from their party organization. We question this assertion using an ethnographic approach in the context of semi-open list elections in the Brussels-Capital Region, complemented by twenty semi-structured interviews. Our observations first demonstrate that personalization of the candidates' campaign is an integral part of the party's strategies. Furthermore, candidates who use the tool to go beyond the party's prescriptions seem to have an artisanal approach, far removed from the degree of engineering promised by the teams. Finally, we show, based on three specific cases, that personalization and autonomy are two dynamics that must be nuanced and decoupled.
- Quand la technique devient stratégie politique : Analyse des plateformes d'organisation du militantisme de La France insoumise en 2017 et 2022 - Anaïs Theviot p. 115-151 Les plateformes sont centrales dans l'organisation de la campagne de La France insoumise lors des élections présidentielles de 2017 et de 2022, notamment pour recruter massivement des sympathisants en « ouvrant » et en « allégeant » le militantisme. Quel est le rapport à l'engagement en campagne dessiné ou designé dans ces plateformes LFI ? Cet article interroge les effets du cadrage technique sur les formes et modalités du militantisme partisan et questionne, dans le même temps, l'évolution des organisations partisanes. Notre enquête s'appuie sur des entretiens avec des militants et des membres de l'équipe de campagne LFI en 2017 et 2022, ainsi que sur une analyse de contenu et de design des plateformes. L'analyse montre que le cadrage technique des plateformes cantonne les bénévoles à l'action et les enferme dans un rôle d'exécutants, de petites mains. La technique devient alors stratégie politique pour éviter de faire naître de l'opposition et contribue à nourrir le concept indigène d'état gazeux.The platforms are central to the organization of the France insoumise campaign during the presidential elections of 2017 and 2022, in particular to massively recruit volunteers by “opening up” and “lightening” militancy. What is the relationship to campaign engagement drawn or designed in these LFI platforms? This article questions the effects of the technical framework on the forms and modalities of partisan activism and questions, at the same time, the evolution of partisan organizations. Our investigation is based on interviews with activists and members of the LFI campaign team in 2017 and 2022, as well as an analysis of the content and design of the platforms. The analysis shows that the technical framework of the platforms confines volunteers to action and locks them into the role of performers. The technique becomes a political strategy to avoid giving rise to opposition and contributes to nourishing the indigenous concept of the “gaseous form”.
- Militer dans et aux lisières des organisations partisanes : Une première analyse de l'activité en ligne des militants Reconquête, RN, LREM et LFI durant la présidentielle 2022 - Julien Boyadjian, Stéphanie Wojcik p. 153-186 Cet article questionne les logiques de l'engagement numérique des supporters des quatre principaux candidats à l'élection présidentielle française du printemps 2022 (Reconquête, RN, LREM et LFI). Un ensemble d'entretiens menés auprès de membres de chacune de ces formations permet de déterminer leurs motivations, leurs pratiques et leurs représentations, en particulier sur les terrains numériques. En les interrogeant sur leur rapport aux consignes partisanes, le temps passé à militer, ainsi que la manière dont ils gèrent leur identité en ligne, l'enquête met en lumière un premier résultat : le numérique favorise, renforce et rend davantage visible une tendance à l'individuation de l'engagement. Par ailleurs, les pratiques militantes en ligne présentent un caractère relativement artisanal, assez éloigné de l'image d'un militantisme numérique qui serait organisé à partir du recueil et de l'exploitation de données massives sur l'électorat ou mû par une quelconque intelligence artificielle. L'image du militant numérique « ordinaire » s'éloigne ainsi quelque peu des desseins des stratèges de campagne, se rapprochant davantage de celle dépeinte par la sociologie du militantisme.This article describes the logic of the digital activism of supporters of the four main candidates for the French presidential election in Spring 2022 (Reconquest, RN, LREM and LFI). A set of interviews conducted with members of each of these parties and movements show their motivations, practices and representations, particularly on the digital ground. By questioning them about their relationship to party guidelines, the time spent on activism, and the way they manage their online identity, the survey highlights a first result: digital technology favours, reinforces and makes more visible a trend towards the individuation of commitment. Moreover, online activism practices are relatively artisanal, quite far from the image of digital activism organized from the collection and use of massive data on the electorate or driven by artificial intelligence. The image of the lay digital activist is thus somewhat removed from the purposes of campaign strategy-makers and is closer to that portrayed by the sociology of activism.
- Le sportif, le politique et le médiatique : Vikash Dhorasoo, un habitus clivé pris dans la logique des champs - Valentin Guéry, Igor Martinache p. 189-223 L'ancien footballeur Vikash Dhorasoo constitue une figure médiatique à bien des égards insaisissable. En dépit d'une carrière sportive le classant parmi les meilleurs joueurs de sa génération, il a toujours fait l'objet d'une relative marginalité en raison de ses prises de parole publiques rompant avec l'injonction à l'apolitisme en vigueur dans le champ sportif et les règles tacites structurant celui-ci. Cela ne l'a pas empêché cependant, au contraire, d'accumuler un certain capital médiatique qu'il s'est ensuite employé à convertir dans différents espaces, non sans contradiction, y compris le champ politique. Cet article propose d'analyser cette trajectoire à la fois pour montrer que la singularité du cas de Vikash Dhorasoo résulte de l'enchevêtrement d'un habitus clivé, forgé par une socialisation au croisement de différents champs (sportif, artistique, journalistique et politique) pendant et après sa carrière, et d'une entreprise de singularisation plus ou moins consciente initiée assez tôt par l'intéressé, mais aussi de mettre en lumière ce que cette trajectoire révèle des normes implicites respectives des champs sportif et politique, et de leurs frontières, ainsi que des rappels à l'ordre que suscite leur transgression.The former footballer Vikash Dhorasoo is a media figure who is in many ways elusive. Despite a sporting career that ranked him among the best players of his generation, he has always been the object of relative marginality because of his public statements that break with the injunction to be apolitical in the field of sport and the tacit rules that structure it. However, this did not prevent him from accumulating a certain amount of media capital which he then used to convert in different spaces, not without contradiction, including the political field. This article proposes to analyse this trajectory in order to show that the singularity of Vikash Dhorasoo's case is the result of the intertwining of a cleaved habitus, forged by a socialisation at the crossroads of different fields (sport, art, journalism and politics) during and after his career, The aim is not only to highlight what this trajectory reveals about the respective implicit norms of the sports and political fields, and their boundaries, but also about the calls to order that their transgression provokes.