Contenu du sommaire : NEOI : Des hommes nouveaux dieux entre Grèce et Rome
Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 240, no 4, octobre-décembre 2023 |
Titre du numéro | NEOI : Des hommes nouveaux dieux entre Grèce et Rome |
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- NEOI : Des hommes nouveaux dieux entre Grèce et Rome. Quelques réflexions en guise d'introduction - Anne-Françoise Jaccottet, Stéphanie Wyler p. 563-575 Partant d'une étude lexicale sur les titulatures des rois hellénistiques qualifiés de « nouveau dieu » ( neos Dionysos par exemple), ce dossier s'intéresse à l'évolution religieuse de telles pratiques entre les mondes grecs et romains à la fin de la période hellénistique et sous l'Empire romain. Il interroge la formule lexicale elle-même, la valeur de l'adjectif neos / nouus par rapport aux épiclèses divines proprement dites, et la chronologie de ses emplois, dans les titulatures officielles, mais aussi dans d'autres sources de différentes natures qui interprètent cette assimilation entre une figure du pouvoir et une divinité. Ce chapitre introductif précise les enjeux du dossier constitué de quatre articles qui mettent en lumière un aspect particulier de la question.Starting from a lexical study of the titles of Hellenistic kings qualified as « new gods » (e. g. Neos Dionysus), this dossier focuses on the religious evolution of such practices between the Greek and Roman worlds at the end of the Hellenistic period and during the Roman Empire. It questions the lexical formula itself, the value of the adjective neos / nouus in relation to the divine epiclesis, and the chronology of its use, in the official titles, but also in other texts of various kinds that interpret this assimilation between a figure of power and a god. This introductory chapter sets out the issues at stake in the dossier, which includes four articles highlighting a particular aspect of the topic.
- Neos Dionysos. Développement et sens d'une formule « à la mode » - Anne-Françoise Jaccottet p. 577-605 Neos Dionysos : c'est sous cette forme qu'apparaît pour la première fois, pour qualifier Ptolémée XII, en 64/3 av. n. è., une titulature honorifique utilisant la formule neos + théonyme. Examiner l'apparition et le développement de la formule revient à chercher la raison de cette nouvelle façon de lier intimement un souverain avec une divinité, alors que toute une palette de comparaisons, de juxtapositions, d'assimilations était déjà fonctionnelle depuis plusieurs siècles. Cela revient à s'interroger sur les modalités d'un tel développement, sur ce que la formule fait à la conception de la divinité ainsi convoquée, entre culte local et reconnaissance supra-régionale, ainsi que sur ce qu'elle révèle du rapport entre Dionysos, le Neos Dionysos et le commun des mortels qui en dépend politiquement.Neos Dionysus : it is in this form that an honorary title using the formula neos + theonym appears for the first time to qualify Ptolemy XII in 64/3 BC. To examine the appearance and development of the formula is to seek the reason for this new way of intimately linking a sovereign with a divinity, when a whole range of comparisons, juxtapositions and assimilations had already been in use for several centuries. This amounts to questioning the modalities of such a development, what it does to the conception of the deity thus summoned, between local cult and supra-regional recognition, as well as what it reveals of the relationship between Dionysus and the Neos Dionysus, and the common people who depend on him politically.
- Des hommes nouveaux dieux à Rome ? Le cas d'Antoine neos Dionysos - Stéphanie Wyler p. 607-630 Le dossier épigraphique et littéraire d'Antoine nouveau Dionysos est suffisant, malgré la partialité des sources pro-augustéennes, pour garantir que le triumvir ait été l'une des premières figures du pouvoir à adopter la formule. L'article analyse la manière dont il a élaboré cette expression religieuse d'un pouvoir nouveau, dans le contexte des guerres civiles romaines, par expérimentations successives sensibles à la réaction des cités grecques, d'Athènes à Alexandrie, et sans doute à Éphèse et Tarse, durant la décennie des années 30 avant notre ère. L'idée défendue est que c'est Antoine, par le truchement de Rome, qui a sinon inventé, du moins diffusé la formule dans la partie orientale de l'Empire, alors que sa défaite a empêché de l'implanter à Rome.The epigraphic and literary evidence of Antonius neos Dionysos is consistent enough, despite the partiality of the pro-Augustan sources, to attest that the triumvir was one of the first figures of power to adopt the formula. The article analyses the way in which he developed this religious expression of a new power, in the context of the Roman civil wars, through successive experiments receptive to the reaction of the Greek cities, from Athens to Alexandria, and probably in Ephesus and Tarsus, in the decade of the 30s BC. The idea is that it was Antony, through Rome, who, if not invented the formula, at least disseminated it in the Eastern part of the Empire, even though his defeat prevented it from being introduced in Rome.
- Les femmes de la famille impériale, jeunes et « nouvelles déesses » dans les provinces grecques de l'empire romain - Gabrielle Frija p. 631-655 La désignation de certaines femmes de la famille impériale comme « nouvelles déesses » est un procédé rare dans les cités grecques. Pour autant, cette modalité du culte impérial confirme que les Grecs ont utilisé toutes les nuances de leur religion poliade pour rendre des honneurs cultuels au pouvoir romain, ici incarné par des épouses et sœurs de princes. Cette étude se propose de démontrer que le qualificatif de « nouvelle déesse » peut, dans la plupart des cas, s'expliquer par une tentative de traduction en termes religieux locaux des discours impériaux valorisant des femmes de la famille impériale. Malgré sa rareté, ce procédé est donc cohérent avec le fonctionnement des cultes impériaux, à la fois ancrés dans les religions locales et attentifs aux discours émanant du pouvoir dominant.The designation of certain women of the imperial family as “new goddesses” is a rare practice in Greek cities. However, this modality of the imperial cult confirms that the Greeks knew how to use all the subtleties of their politic religion to pay cultic honours to the Roman power, in this case represented by the wives and sisters of the princes. This study aims to demonstrate that the designation as “new goddess” can, in most cases, be explained by an attempt to translate into local religious terms the imperial discourses promoting certain women of the imperial family. Despite its rarity, this practice is therefore consistent with the mechanism of the imperial cults, both rooted in local religions and attentive to the discourses emanating from the ruling power.
- Connecting present with a canonized past Neos and Nea for individuals in the Imperial period - Stefano G. Caneva, Jenny Wallensten p. 657-722 Cet article analyse comment l'adjectif neos / nea a été utilisé pour honorer les membres de l'élite des cités grecques à l'époque impériale en tant que « nouveaux » dieux, héros ou même mortels du passé. À travers une étude de tous les cas attestés, nous présentons les individus honorés, les agents et les titres honorifiques, les divinités et les médias concernés, et examinons si ces titres impliquent un traitement rituel des individus honorés. La discussion finale revient sur des points centraux : la signification du terme neos, la relation entre les épiclèses, les honneurs héroïques et la hiérarchie sociale opposant les empereurs appelés nouveaux dieux à d'autres individus honorés comme des hommes importants du passé classique. Nous concluons que la pratique consistant à accorder des épiclèses neos a été influencée par la Seconde Sophistique et qu'elle a répondu aux besoins socio-politiques d'auto-représentation des élites.This article analyzes how the adjective Neos / Nea was used to honour elite individuals of Greek cities in the Imperial period as « new » gods, heroes, or even mortals from the past. Through an analysis of all attested cases, we present the honorands, honouring agents, the honorific titles, the deities and media involved and explore if these titles imply a ritual treatment. A final discussion returns to seminal points : the meaning of the term Neos, the relationship between epithets and heroic honours, and the social hierarchy by which Emperors equated to new gods are contrasted to other individuals honoured as important humans from the Classical past. We conclude that the practice of granting Neos epithets was influenced by the Second Sophistic and responded to socio-political needs of self-representation of the elites.