Contenu du sommaire : Amérique latine : les nouveaux conflits

Editorial

• Amérique latine : poussées progressistes, réactions conservatrices - Bernard Duterme p. 7
  Plusieurs lames de fond économiques, sociopolitiques et culturelles traversent l'Amérique latine de part en part. Entre euphorie extractiviste et périodes de crise, virages à gauche ou à droite, velléités intégrationnistes et rivalités hégémoniques, le climat est à l'instabilité démocratique, à la violence, aux émigrations et même à la remilitarisation. Rébellions émancipatrices et mobilisations réactionnaires ajoutent aux tensions en cours.

Points de vue du Sud

• Forces de gauche, sociétés de droite

  • Amérique latine : des anciennes aux nouvelles gauches - José Natanson p. 27
    Ces trois dernières années, les gouvernements progressistes ont semblé définir à nouveau la couleur idéologique de l'Amérique latine. Cependant, le scénario est différent du cycle de gauche des années 2000. Le succès de la « nouvelle nouvelle gauche » dépendra, entre autres, de la capacité de coordination entre ses différentes tribus et de la possibilité de profiter de l'opportunité géopolitique ouverte par la dispute entre la Chine et les États-Unis.
  • Les deux gauches latino-américaines : développement vs « buen vivir » ? - Alexis Cortés p. 39
    Deux gauches distinctes s'affrontent aujourd'hui en Amérique latine, l'une environnementaliste et identitaire, l'autre, développementaliste. Le fossé qui les divise devra nécessairement être surmonté pour (ré)asseoir leur crédibilité. Il leur faudra trouver le moyen d'articuler deux projets en apparence inconciliables, à savoir l'indispensable protection de l'environnement et l'impératif d'un développement industriel redistributif.
  • Trois regards sur les poussées réactionnaires latino-américaines - Claudio Katz, Irene León, Javier Tolcachier p. 45
    L'ascension de l'extrême droite est un fait majeur de l'actualité du continent. Bien qu'elle traduise la tentative des forces conservatrices de contrer les avancées sociales des gouvernements progressistes, elle a conquis une partie des secteurs populaires, à travers un discours antisystémique contre la classe politique, les délinquants et les évolutions sociétales. De plus en plus internationalisée, elle a l'appui d'une partie de l'élite économique.
  • La militarisation croissante et multiforme de l'Amérique latine - Alejandro Frenkel p. 57
    Les dernières années ont consacré une présence renforcée et multiforme des forces armées dans l'espace public latino-américain, et étendu leur rôle à la gestion de crises politiques et sécuritaires. Certes distincte des coups de force militaires qui ont marqué l'ère des dictatures, cette remilitarisation rampante ajoutée à la montée du militarisme comme système de valeurs n'en fragilisent pas moins les systèmes démocratiques nationaux existants.
  • Oligarchies et hommes de paille : le capital en Amérique latine - Mariana Heredia p. 71
    En Amérique latine, le concept d'« oligarchie » a une longue histoire. Il a justifié de multiples luttes sociales et continue d'informer la vision du monde des secteurs progressistes. Mais la phase actuelle du capitalisme et ses ramifications en ont modifié les significations. Les révolutions, les réformes et les technologies ont érodé les vieilles oligarchies au profit de nouvelles élites, plus diffuses, mais toujours rares, blanches et riches.
  • Couleurs de peau et privilèges sociaux en Amérique latine - Hugo Cerón Anaya p. 83
    Bien que le métissage soit régulièrement invoqué comme prisme pour comprendre les réalités latino-américaines, la blanchité et la richesse sont intimement liées dans l'ensemble du continent, à la fois sur les plans symbolique et matériel. Plusieurs travaux récents sur les élites démontrent que tant le phénotype qu'un ensemble d'habitudes associées à la blanchité sont utilisés pour délimiter les appartenances de classe et les identités sociales.

• Mouvements à visée émancipatrice

  • Conflits socio-environnementaux et tournant éco-territorial en Amérique latine - Maristella Svampa p. 99
    La multiplication des conflits socio-environnementaux en Amérique latine a contribué à l'émergence du « tournant éco-territorial ». Ce nouveau cadre d'action collective est mobilisateur dans l'espace rural, mais ne fait pas l'unanimité au sein du camp progressiste. Pour autant, des scénarios de sortie de l'extractivisme centrés sur le bien commun et le « buen vivir » offrent des perspectives crédibles.
  • Amérique latine : pluralité des autonomies indigènes face au capitalisme - Edgars Martínez Navarrete, Richard Stahler-Sholk p. 113
    En Amérique latine, l'expansion du « capitalisme de dépossession » a participé à l'émergence d'une pluralité de projets autonomistes au sein des peuples indigènes. Au vu des différentes formes évolutives qu'endossent ces projets et des nouvelles subjectivités collectives qu'ils créent, il est vain de prétendre les enfermer dans de fausses dichotomies. Ainsi, les « autonomies de fait » ou « de droit » combinent souvent plusieurs registres d'action.
  • Réflexions décousues sur les mouvements populaires en Amérique latine - Carlos Alonso Reynoso, Jorge Alonso p. 129
    Au cours des dernières années, l'Amérique latine a été secouée par des mouvements populaires, souvent d'une grande ampleur, liant lutte contre le patriarcat, anticolonialisme et défense de la terre. Bien qu'ayant des causes communes, ces mobilisations ont pris des formes différentes et ont eu des impacts variés selon les moments et les pays. Moins visibles aujourd'hui, elles n'ont pas disparu, mais pris le cours souterrain de la vie quotidienne.
  • Face au capitalisme, des peuples latino-américains en mouvement - Raúl Zibechi p. 141
    Face aux effets dévastateurs du modèle néolibéral, les formes anciennes et verticales de l'action collective montrent leurs limites. Pour résister au capitalisme, les peuples indigènes, noirs et paysans d'Amérique latine se mettent en mouvement, à l'offensive, pour ne pas périr de l'« accumulation par dépossession » et se réapproprier leurs territoires, afin d'y construire de nouveaux « espaces de vie ».
  • Les féminismes intersectionnels et le protagonisme des peuples en Abya Yala - Jessica Visotsky p. 153
    Les féminismes afrodescendants et indigènes en Amérique latine, à travers leurs réflexions et leurs praxis, ont développé des expériences intégrant une perspective intersectionnelle et décoloniale, se fondant sur le protagonisme et la participation des femmes depuis la base. Ce faisant, ces dynamiques féministes ont contribué plus largement à revigorer et à « faire vivre » la démocratie autrement.
  • La « marée verte » ou l'espoir féministe de démocratie en Amérique latine - Luciana Peker p. 165
    La « marée verte » qui traverse l'Amérique latine, dans la foulée des mobilisations pour la légalisation de l'avortement en Argentine, met au grand jour la lutte des femmes contre les inégalités. Et démontre qu'un féminisme actif est la condition sine qua non de l'avènement, de la revalorisation ou de l'intensification de la démocratie sur le continent. La participation des femmes est un frein social aux différentes formes d'autoritarisme et de violence.

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