Contenu du sommaire : Terre(s) en luttes
Revue | EcoRev' : revue critique d'écologie politique |
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Numéro | no 55, 2023 |
Titre du numéro | Terre(s) en luttes |
Texte intégral en ligne | Accès réservé |
- Éditorial - p. 5-6
Classiques
- De Marx à Magnaghi, en passant par Gramsci - p. 7-8
- Grande industrie et agriculture - Karl Marx p. 9-12
- Dominer la terre ou la ménager ? - Alberto Magnaghi p. 13-20
Dossier : Terre(s) en luttes
- Introduction - Manola Antonioli, Antonella Corsani p. 21-26
- Lutte pour la terre et lutte pour la Terre dans l'expérience zapatiste - Jérôme Baschet p. 27-40 L'expérience zapatiste, menée au Chiapas depuis 1994, s'ancre dans la tradition des luttes paysannes pour la terre. Pour Jérôme Baschet, elle a démontré que l'autonomie matérielle, permise par la récupération des terres et la capacité de subsistance qui en découle, est la première condition de l'autonomie politique. Mais l'expérience zapatiste implique aussi un horizon planétaire, marqué par le souci de préserver la possibilité d'une vie digne sur Terre. A la suite de ses précédentes participations à EcoRev' 1, l'auteur cherche à cerner la façon dont la lutte pour la terre et la lutte pour la Terre s'associent dans l'expérience zapatiste, et se demande dans quelle mesure les conceptions indigènes du rapport au territoire et à cette figure englobante appelée « terre-mère » ont pu jouer un rôle dans l'articulation de ces deux dimensions.
- Subsistance ou projet d'autonomie ? : Les dilemmes de la lutte pour la terre dans les zones à défendre - Sylvaine Bulle p. 41-54 La terre peut-elle être l'enjeu d'une lutte politique pour le passage à un nouveau régime de propriété fondée sur les communs ? Prenant appui sur l'expérience de la zone à défendre de Notre Dame des Landes, Sylvaine Bulle s'interroge sur la pertinence d'un retour à une forme originelle, écologique et anticapitaliste, de la vie et de l'activité de ses occupants. Autour du commun, se pose la question des fondements et de l'identité d'une « communauté politique » à partir d'une hétérogénéité de points de vue et de positions de ses membres. Comment concilier autonomie et égalité, auto-subsistance et recours au marché, travail et productivité ? Pour l'autrice, ces tensions ne pourront être surmontées sans liens de réciprocité entre ses membres et sans la création d'institutions sociales, garantes d'une ouverture au monde. Reste à savoir si le « sujet » de cette dynamique, fut-elle auto-instituée, est individuel ou collectif.
- Le nouveau visage du progrès : Accaparement des terres, extractivisme agraire et capitalisme vert - Maura Benegiamo p. 55-62 Maura Benegiamo a mené dans le delta du Sénégal une enquête de terrain sur l'accaparement des terres par une entreprise italienne dans les années 2010. Elle en a tiré un ouvrage dans lequel elle développe une réflexion générale mettant en relation le phénomène de l'accaparement des terres avec l'extractivisme agraire et le capitalisme vert1. Nous traduisons ici un entretien publié en italien en 20222, avec l'accord et l'aide de l'autrice, anciennement membre de notre comité de rédaction.
- « Echoes from Deadwood » : Autour du mouvement back-to-the-land aux États-Unis - Paolo Stuppia, Kate Harnedy, Brian Hill, Mark Mc Nutt, Felisa Rogers p. 63-86 À travers quatre entretiens avec des interlocuteurs rencontrés au fil des années, Paolo Stuppia met en évidence la complexité du mouvement du « retour à la terre », back-to-the-land, aux États-Unis, observé à partir de Deadwood, une municipalité de l'État de l'Oregon qui a vu surgir dans les années 1960-1970 des « communautés intentionnelles » et assisté à l'arrivé de néoruraux, héritiers du mouvement hippie. Ces migrations utopiques ne se sont pas arrêtées depuis. Tout en étant marquées par leur environnementalisme, elles ont croisé la route des Redneck (descendants des colons blancs) et de quelques natifs encore présents sur le territoire. Les entretiens font émerger les tensions et les paradoxes qui traversent ces communautés, tant au plan politique (avec des positionnements de la gauche radicale à l'extrême-droite) qu'économique et social. Après des décennies de coexistence pacifique, l'ère Trump et le COVID ont de nouveau exacerbé les oppositions entre la gauche et la droite, au sein de groupes dont l'identité reste hybride et incertaine.
- Un communisme du vivant : Le marxisme face à la crise écologique - Paul Guillibert, Michael Löwy, Maxime Geny p. 87-104 Les travaux de Paul Guillibert visent à élaborer une philosophie sociale et politique de la nature à partir d'une discussion entre marxisme et humanités environnementales. L'un de ses derniers ouvrages1 est une tentative novatrice de fournir une base théorique aux luttes visant à préserver la biosphère et à protéger le vivant. Analysant, dans cette perspective, les écrits de Karl Marx, du sociologue de la culture anglais Raymond Williams et du marxiste péruvien José Carlos Mariategui, Paul Guillibert propose, contre la logique destructrice du capitalisme, un « communisme du vivant ». Dans cet entretien, nous lui demandons d'expliciter certains des arguments de son ouvrage.
- Les esprits de la terre en soulèvements - Barbara Glowczewski, Anne Querrien p. 105-118 Barbara Glowczewski travaille depuis 1979 sur la richesse politique, artistique et spirituelle des savoirs aborigènes, en particulier avec les Warlpiri du désert central australien et les peuples de la côte nord-ouest. Dans son dernier ouvrage1, elle prend appui sur sa longue fréquentation des Aborigènes et sur les nombreuses recherches qu'elle a consacrées à leurs rituels cosmologiques et luttes pour la terre et la justice sociale. À partir de l'expérience de ces modes de vie qui attachent spirituellement les humains aux autres qu'humains, animaux, plantes mais aussi la pluie, les étoiles et des lieux vivants pour les Aborigènes2 –, l'autrice propose d'encourager des alliances transplanétaires entre communautés autochtones et autres collectifs, sur la base de résonances de leurs cosmoactions respectives dans des luttes locales – menées partout sur la planète face aux expropriations et à l'extractivisme du capitalisme néolibéral. Une notion que Barbara Glowczewski appelle l'ouverture au Multivers, très proche de celle de plurivers théorisée par Arturo Escobar3. Un « compagnonnage des peuples en luttes » pourrait contribuer ainsi à propager une vision pluraliste de l'existence qui contribuerait à transformer la planète pour prendre soin des mondes qui y cohabitent. Des thèses ici mises en discussion avec Anne Querrien, amie de longue date de l'autrice.
- « Nous sommes la montagne qui ressent » : Réappropriation collective des terres et ré-existence autour du vivant à Medellin - Victorine Dréau p. 119-134 En Colombie, des luttes pour la Terre sont menées en ville par des communautés paysannes déplacées qui résistent à l'expansion extractiviste et à la reconfiguration néolibérale des territoires. Ces luttes émergent, à Bello Oriente, de pratiques quotidiennes régénératrices des interrelations au sein du vivant – agriculture urbaine, écoconstruction, « médecine traditionnelle » – qui sont des stratégies d'occupation visant à redonner un usage collectif à la terre pour y affirmer les liens à la Terre. L'autrice – qui s'intéresse aux formes relationnelles d'habiter et à la portée politique des pratiques collectives de soin envers le vivant – mène ses recherches dans des quartiers autoconstruits de Medellin, en collaboration étroite avec les communautés en lutte qui les habitent. Elle met ici en lumière la lutte qui s'y déroule pour la soustraction des terres aux logiques de contrôle et de spéculation des bandes criminelles et des institutions de planification urbaine. Une lutte qui s'articule à de nouvelles manières de produire l'urbain, connectées au vivant et autonomes.
- Les luttes pour la terre en Bolivie - Ana-Luna Py p. 135-148 Tout au long de l'histoire, la Bolivie a connu différentes luttes pour la terre menées par les populations autochtones pour faire face aux exploitations successives de la classe sociale dominante envers les populations indigènes et leur vision de la nature : de l'époque coloniale, source d'inégalités et d'extractivisme, à la redistribution des terres dans les années 2000, en passant par la Révolution Agraire (1952), le mouvement des producteurs de coca (1980) et la privatisation des ressources naturelles (1990). Cet article vise à raconter une partie de l'histoire qui est souvent oubliée par la population bolivienne en partant du point de vue des populations indigènes qui ont lutté pour protéger leurs terres. Les luttes pour la terre en Bolivie permettent la compréhension du concept du « Buen Vivir », répandu aujourd'hui dans les pays andins et évoqué par de nombreux penseurs du monde entier. D'origine bolivienne et architecte de formation, Ana-Luna Py mène actuellement des recherches de terrain sur les luttes des populations autochtones et l'émergence de nouvelles formes d'auto-organisation dans les Andes boliviennes.
- Réflexions sur le sens et l'importance de la transition énergétique pour Chiloé - p. 149-166 Le collectif à l'origine de ce texte organise une campagne de communication1 qui vise à informer, diffuser et faire connaître les différents projets de l'industrie énergétique menaçant leur territoire, situé dans une province chilienne du sud-ouest de la région des Lacs, en montrant leurs effets et leurs impacts sur les personnes et l'environnement. Ce collectif se compose de personnes vivant dans différents secteurs de Chiloé et impliquées dans l'organisation de la résistance contre le pillage énergétique de la région. S'y retrouvent, depuis 2020 et sans but lucratif, des scientifiques, des personnes issues de communautés autochtones et d'autres désireuses de contribuer à la visibilité des conflits.
- Du terricide et de la domination de l'Homme à la relationnalité comme fondement de la vie - Arturo Escobar p. 167-178 L'auteur originaire de Colombie, dont les études anti-développementistes et décoloniales ont atteint une renommée internationale1, aborde ici trois notions connexes : la crise civilisationnelle, les transitions vers le « plurivers » et une ontologie relationnelle qui fonde politiquement ces mêmes transitions. S'appuyant sur la notion de « terricide », il développe une perspective de la « relationnalité » en tant que vision non dualiste du fondement de la vie. Cette perspective devrait permettre une éthique et une politique capables de désindividualiser, relocaliser et accroître les liens relationnels. L'extrait que nous traduisons ici est tiré d'un long article paru en 20212, qui anticipe la sortie prochaine d'un ouvrage collectif sur le sujet3.
Kit militant
- Les Rencontres de Die : Des rencontres citoyennes pour la protection et le ménagement du territoire - p. 179-184 L'association Écologie au Quotidien œuvre depuis 2003 dans le Diois, une région naturelle et historique de France située dans le département de la Drôme. Ses actions visent à développer la prise de conscience de la nécessité de modifier nos modes de vie et nos comportements pour éviter une catastrophe écologique majeure au niveau mondial. Depuis la création de l'association, les Rencontres de Die sont un temps fort de son travail ayant pour objet de sensibiliser sur l'impact de nos modes de vie et comportements sur l'environnement, la santé et la société ; de proposer des alternatives à la portée de chacun à travers conférences, ateliers, films, débats, visites… ; et d'impulser des initiatives, des projets, des actions concrètes individuelles et collectives. Les 22e Rencontres de Die et de la Biovallée, sur le thème « Agir pour le vivant », auront lieu du jeudi 25 au dimanche 28 janvier 2024 en Drôme dans la Biovallée1.
- Les Rencontres de Die : Des rencontres citoyennes pour la protection et le ménagement du territoire - p. 179-184
Piste(s)
- Murray Bookchin ou la puissance utopique de l'écologie : Le pouvoir de créer - Guillaume Fauvel p. 185-212 Les pensées libertaires de l'écologie offrent la perspective enthousiasmante de se confronter aux enjeux environnementaux sans jamais céder ni au catastrophisme aujourd'hui incarné par les théories de la collapsologie, ni à l'« environnementalisme », cette pensée étatisée et inoffensive de l'écologie. Dans la galaxie des pensées libertaires écologiques, Murray Bookchin occupe une place importante. Sa réception tardive en Europe n'enlève rien à la puissance de sa conception de l'écologie qui part du constat fondamental selon lequel la domination de l'humain sur la nature résulte directement de la domination de l'humain sur l'humain. Sans renoncer au potentiel utopique de l'écologie libertaire, Bookchin propose un ensemble concret d'actions pour ouvrir une brèche dans l'ordre établi, celui du capitalisme et de ses logiques de domination.
- Éco-Décalogue : « Dix Commandements » pour sauver la vie sur cette planète - Michael Löwy p. 213-216 L'auteur de ces notes ne se prend pas pour un nouveau Moïse et ne prétend pas avoir reçu cet Éco-décalogue de Jéhovah. Il s'agit simplement d'une tentative de répondre, avec une pointe d'ironie, en peu de signes, à la question que beaucoup se posent de nos jours : que faire face à la crise écologique et la catastrophe climatique ?
- Murray Bookchin ou la puissance utopique de l'écologie : Le pouvoir de créer - Guillaume Fauvel p. 185-212
Gorzienne
- Écosocialisme ou barbarie ? : L'utopie d'André Gorz d'une alternative écologique, autonome et coopérative au capitalisme destructeur de la nature - Arno Münster p. 217-230 Arno Münster, auteur de plusieurs livres faisant référence au travail d'André Gorz et ancien membre de notre comité de rédaction, nous fait l'amitié d'une traduction d'une partie de son discours prononcé en allemand le 12 juillet 2023, à l'Université Technique de Vienne1. En hommage à André Gorz et dans le cadre du Colloque international « André Gorz – Zur Aktualität seines Denkens » (« André Gorz – L'actualité de sa pensée »), organisé par le Club of Vienna, en collaboration avec la branche autrichienne du Basic Income Earth Network « Netzwerk Grundeinkommen und sozialer Zusammenhalt »2. L'intégralité de la traduction d'origine est à retrouvée sur le site d'EcoRev'.
- Écosocialisme ou barbarie ? : L'utopie d'André Gorz d'une alternative écologique, autonome et coopérative au capitalisme destructeur de la nature - Arno Münster p. 217-230
Lectures
- Humains and Their Environnement. Beyond the Nature/Culture Opposition : Claude Calame, Transnational Press London, 2023, 91 p. - Patrick Dieuaide p. 231-234
- Exploiter les vivants. Une écologie politique du travail : Paul Guillibert, Éditions Amsterdam, 2023, 208 p. - Karim Piriou p. 235-242
- La nature contre le capital. L'écologie de Marx dans sa critique inachevée du capital : Kohei Saïto, Éditions Syllepse, 2021, 350 p. - Michael Löwy p. 243-246