Contenu du sommaire : Redécouvrir Canguilhem

Une affirmation récurrente parcourt les travaux récents consacrés à Georges Canguilhem : l'essor des études canguilhémiennes aurait avant tout permis de prendre conscience du caractère pleinement philosophique de cette œuvre, laquelle aurait été indûment considérée comme relevant avant tout de l'histoire des sciences ou de l'épistémologie. On s'interroge ici sur le sens de cette redécouverte. Comment la philosophie canguilhémienne aurait-elle pu être oubliée ? On montrera dans cet article que cette affirmation surprenante doit être resituée dans un contexte de débats académiques, en France et à l'étranger, concernant la nature de la philosophie des sciences.

Jusqu'à récemment, les deux textes écrits par Georges Canguilhem sur l'écologie restaient peu connus. Aujourd'hui, ils sont réunis dans le tome V des Œuvres complètes. Chez Can-guilhem, le sujet de l'écologie est intrinsèquement lié aux concepts de technique et de milieu, dont la généalogie théorique remonte à ses premiers ouvrages des années 1930. Ce qui éclaire ces questions : l'être humain doit-il renoncer aux techniques pour restaurer un équilibre supposé avec la nature, ne serait-il pas plutôt nécessaire de rendre à ses besoins leur priorité sur les intérêts économiques ?

À quelques rares exceptions près, la philosophie biologique de G. Canguilhem n'aborde jamais directement la question du vieillissement. Néanmoins, cet article vise à montrer que ses réflexions sur la santé et la maladie, le normal et le normatif, et plus généralement sur le vivant, constituent, dans leur ensemble, un cadre théorique pertinent pour appréhender ce phénomène. À la lumière d'un exemple, nous montrerons qu'elles permettent d'ouvrir un espace de dialogue entre réflexion philosophique et biologie contemporaine du vieillissement.

La réflexion de Canguilhem est précieuse car elle nous rend attentif au fait qu'il n'existe pas de science de la santé mais seulement un savoir des patho­logies. La santé relève d'abord d'une évaluation existentielle qui vient de l'épreuve de la maladie. Si tel est le cas, elle ne saurait s'identifier avec un sens univoque de la normalité mais doit toujours être rapportée à la perception d'un individu, y compris quand elle est l'objet d'une rationalité économique ou politique exogène. Deux sens de la santé entrent dès lors en conflit qui traversent les différentes analyses de l'Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique, la santé comme abus et la santé comme régulation. Il semble bien que l'enjeu d'une philosophie de la vie soit de parvenir à les articuler.

La question animale se pose à notre siècle dans un contexte de déconstruction qui cependant côtoie la perduration d'une discrimination ontologique de l'animal, l'homme exerçant sur celui-ci une domination que les lois ratifient. Or l'éclairage que peut apporter la pensée de Plotin, nous suggère un nouveau paradigme capable de libérer la différence animale : en suspendant l'éthique à l'ontologie, Plotin propose à l'homme de « laisser-être » l'animal, en tant que désinence du vivant dont il lui importe d'assurer la sauvegarde.