Contenu du sommaire : Racismes
Revue | Plein droit |
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Numéro | no 139, décembre 2023 |
Titre du numéro | Racismes |
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Édito
Dossier - Racismes
- Mobiliser les « mots en R » ? Race, racisme, racialisation… - Emmanuel Blanchard p. 3-6
- Racisme : quand la question fait l'opinion - Alain Morice p. 7-10 Il y a presque trente ans, ici même, l'auteur évoquait le sondage annuel de la CNCDH « Les Français et la lutte contre le racisme », le suspectant de distiller le racisme dans l'opinion publique « française », plutôt qu'il ne le mesurait (telle était l'intention officielle)1. Qu'en est-il de cette « opinion » aujourd'hui, par quels mécanismes peut-on être amené à conforter ce que l'on prétend combattre, quelle problématique du racisme se cache-t-elle dans les questions que l'on pose et se pose ?
- La dimension raciale du droit de la nationalité ? - Stéphanie Calvo p. 11-14 Si le droit de la nationalité procède, par définition, d'une logique de tri distinguant le national de l'étranger, les normes élaborées à l'égard des binationaux, ressortissants des anciens territoires colonisés par la France, et de leur descendance dévoilent une définition racisée de la nation. Pour celles et ceux amenés à défendre leur nationalité, la remise en cause systématique des actes d'état civil étrangers participe pleinement de cette logique d'éviction, semble-t-il, érigée en principe. Droit discriminatoire, impensé racial ?
- La fiction de la frontière : le cas de Mayotte - Daniel Gros p. 15-18 Mayotte illustre bien les effets de l'édification des frontières. 1975 : en violation des conventions internationales, cette île est séparée de l'archipel des Comores, devenu indépendant. 1995 : la circulation entre les îles est entravée par l'instauration d'un visa d'entrée à Mayotte. 2023 : enhardis par l'opération « Wuambushu » menée au nom de la lutte contre « l'habitat informel, les étrangers clandestins et la délinquance », les entrepreneurs de haine réactualisent un discours sur la « mahorité ». Retour sur ce processus de racialisation des rapports sociaux.
- En Tunisie, le gouvernement et l'UE traquent les Subsahariens - Maram Tebini p. 19-22 En février 2023, les discours racistes du gouvernement tunisien n'ont fait qu'attiser les attitudes de rejet vis-à-vis des migrants subsahariens et accorder un blanc-seing aux exactions commises à leur encontre : rafles, expulsions locatives, agressions, renvois manu militari et abandons dans le désert. Dans ce pays en crise, comment l'instrumentalisation de la question migratoire, tant par le Parti nationaliste tunisien, les autorités que par l'Union européenne, a-t-elle rendu possible un tel déchainement de violence raciste ?
- Massacres négrophobes aux frontières de Ceuta et Melilla - Elsa Tyszler p. 23-26 Depuis deux décennies, la répression des exilés qui tentent d'accéder aux enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla se déploie de part et d'autre de leurs frontières de façon brutale. Cette guerre aux migrants prend notamment pour cible ceux désignés comme des « Subsahariens » et plus récemment des « Soudanais », révélant ainsi la construction de catégories racialisées de l'étranger indésirable. Dans un silence glaçant, les massacres racistes s'y succèdent en toute impunité.
- Sans-papiers, militants, soutiens : expériences croisées de la lutte - Camille Gourdeau p. 27-30 Quelle place occupe la question du racisme dans les mobilisations des collectifs de sans-papiers ? Les relations entre ces derniers et leurs soutiens ne feraient-elles que rejouer inlassablement les mêmes rapports de domination ? Où on est-on de la convergence des luttes ? C'est par le biais d'un regard croisé entre la Fasti et deux représentant·es de collectifs de sans-papiers que nous ouvrons ce débat, souvent éludé par le secteur associatif.
- Violences raciales et gouvernance migratoire au Mali - Marie Deridder, Almamy Sylla p. 31-34 Et si les politiques migratoires impulsées par l'Union européenne au Mali avaient pour effet de créer un traitement différentiel parmi les citoyens retournés de Libye, voire pire, de générer des tensions réactualisant une grammaire raciale ancienne ? La politisation de l'accueil réservé aux rapatriés invite à questionner les effets de l'externalisation du contrôle des frontières européennes dans ce pays en proie à la guerre et où les faux-semblants de la « gestion concertée » des migrations ont longtemps été dénoncés par la société civile.
- Comment la Tunisie produit des « migrants irréguliers » - Shreya Parikh p. 35-38 L'opacité des règles relatives à l'entrée et au séjour en Tunisie, la corruption des administrations et l'arbitraire de leurs pratiques contraignent nombre de personnes étrangères à y vivre dans l'irrégularité. Les plus privilégiées d'entre elles voient dans le paiement d'une amende une simple routine procédurale. A contrario, pratiques discriminatoires et harcèlement policier sont le lot quotidien de celles considérées comme « africaines ». Aux propos haineux propagés à l'encontre des « migrants irréguliers d'Afrique subsaharienne » par le pouvoir politique a succédé une traque négrophobe mortifère.
- Externalisation et racisme en Afrique : réflexions panafricaines - Céline Barry p. 39-42 Quels regards portent les acteurs du sans-frontiérisme et du panafricanisme au sujet des processus à l'œuvre dans l'externalisation du contrôle des frontières européennes sur le continent africain et de leurs effets socio-politiques ? Céline Barry esquisse quelques-uns des enjeux qui sous-tendent, du point de vue de représentant·es de ces mouvements, la configuration actuelle du régime frontalier et des rapports de domination sous-jacents.
- Racisme à la frontière haute-alpine - Elsa Tyszler, Jane Freedman p. 43-46 À la frontière franco-italienne, les violences subies par celles et ceux qui tentent de la traverser laissent entrevoir les critères de profilage racial qui structurent les pratiques de contrôle et la répression. Dans ce climat hostile et d'invisibilisation des migrant·es, le processus de racialisation s'observe aussi dans les entraves mises à l'organisation des secours en montagne, aux prises en charge et à l'accès aux soins, en somme dans la déshumanisation produite par ce régime frontalier.
Hors-thème
- Accès à l'aide médicale d'État en Île-de-France : une enquête accablante - Matthias Thibeaud, Roberto Calarco, Salimata Sidibé, Sarah Pertinand, Guillaume Bellon, Chiara De Pascalis, Didier Maille p. 47-50 Face aux difficultés croissantes d'accès des personnes sans papiers à l'aide médicale d'État, plusieurs associations ont enquêté en début d'année 2023 pour documenter ces dysfonctionnements. Elles constatent une importante détérioration de l'accès à cette couverture santé, du fait des obstacles rencontrés tout au long des parcours administratifs. Si quelques avancées ont pu être obtenues à l'issue de l'enquête, des caisses primaires d'assurance maladie maintiennent des pratiques restrictives qui ont pour effet, parmi les personnes étrangères, de retarder les soins, sinon pire, d'y renoncer.
- Accès à l'aide médicale d'État en Île-de-France : une enquête accablante - Matthias Thibeaud, Roberto Calarco, Salimata Sidibé, Sarah Pertinand, Guillaume Bellon, Chiara De Pascalis, Didier Maille p. 47-50
Mémoire des luttes
- Pau Casals, un exilé au service des réfugiés - Marie Clotilde Eude p. 51-55 Violoncelliste, chef d'orchestre et compositeur catalan, Pau Casals a fui l'Espagne franquiste en 1936 pour trouver refuge à Prades, au pied du Canigou. Hors scène, ce musicien fut aussi un ardent défenseur des libertés ; un combat qu'il mena en particulier en faveur des réfugiés.
- Pau Casals, un exilé au service des réfugiés - Marie Clotilde Eude p. 51-55
Focus juridique
- Et soudain les signes extérieurs d'extranéité - Nathalie Ferré p. 56-59