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Revue Les Cahiers d'Outre-Mer Mir@bel
Numéro vol. 41, no 163, juillet-septembre 1988
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Etudes

    • Urbanisation, production agricole et autosuffisance alimentaire : réflexions sur le cas africain - Pierre Vennetier p. 18 pages accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'objectif partout proclamé en Afrique noire, de parvenir à «l'autosuffisance alimentaire en l'an 2000» , se heurte à de multiples obstacles qui peuvent être classés en trois groupes principaux : l'insuffisance de la production vivrière nationale, les faiblesses de la commercialisation, les changements dans les habitudes alimentaires. La production vivrière couvre de plus en plus difficilement les besoins, parce que, du fait de l'urbanisation, la proportion des paysans dans la population nationale ne cesse de se réduire, et que la population rurale présente une structure démographique assez déséquilibrée -déficit masculin accentué, déficit de jeunes adultes-peu favorable à une augmentation de la production agricole. En outre, les techniques utilisées restant presque partout traditionnelles, n'assurent que des rendements faibles ; et les progrès enregistrés, en particulier dans certains pays du Sahel, sont très localisés. Les difficultés de l'approvisionnement urbain proviennent encore des défauts des voies de communication (réseaux ferrés embryonnaires, routes en mauvais état temporaire ou permanent, fleuves non navigables de bout en bout), qui entraînent des coûts d'exploitation élevés. Elles sont dues aussi aux carences des systèmes de commercialisation publics ou privés : spéculation, mauvaise gestion. Mais de nouvelles façons de se nourrir modifient également les données du problème ; les produits importés sont de plus en plus consommés, de même que les légumes «européens», pour de multiples raisons : volonté d'imitation parfois, motifs économiques plus souvent, sur lesquels il y a lieu de s'interroger ; nombre de produits locaux sont plus chers que les marchandises importées : fonctionnement des filières de vente, prix élevé du bois sont des éléments d'explication. Il faut invoquer enfin les changements dans les modes de vie et les mentalités : horaires de travail, indépendance plus grande des femmes, etc. Cette évolution étant sans doute irréversible, la demande en produits «exogènes» ne pourra être enrayée, et il faudra bien la satisfaire. La question de l'autosuffisance devrait donc être examinée sous un autre angle : celui de l'accroissement des exportations, indispensable au financement des nécessaires importations.
      Urbanization, Agricultural Production and Food Self-sufficiency : reflections on the African Problem -The objective, proclaimed everywhere in Black Africa, «to attain food self-sufficiency by the year 2,000», comes up against various obstacles which can be classed into three groups : the lack of sufficient national foodstuff production, weak commercial circuits, and changes in eating habits. Foodstuff production is more and more inadequate to meet needs ; on account of growing urbanization, the proportion of peasants in the national populations does not cease to decrease. Another negative factor is the rather unbalanced demographic structure of the rural populations -an increasing shortage of males and young adults -which is not at all favorable for augmenting agricultural production. In addition, the techniques used are nearly everywhere of the traditional type and assure only low outputs ; the little progress recorded, especially in certain countries of the Sahel region, is very limited and of only a local nature. The difficulties encountered in supplying the cities still result from defects in the transportation systems (railroad networks at a rudimentary stage of development, roads that are in a bad state, temporary or permanent, rivers that are not navigable from one end to the other) which lead to high production costs. These onerous costs are also due to grave problems in the public or private business systems : speculation and mismanagement, for example. But the new ways of feeding oneself also affect the problem. Imported products are more and more consumed, as are imported «European» vegetables, and for different reasons : sometimes to imitate, though more often for economic reasons ; and here some comments are in order. Quite a number of local products are more expensive than the merchandise imported, the manner in which the selling outlets are managed leaves much to be desired, and among some of the other reasons is the high price of wood. Finally, one must underline the changes in the way of life and in mentalities ; work hours, increasing indépendance of women, etc. This evolution being no doubt irreversible, the demand for «foreign» products cannot be eradicated and some means must be found to satisfy it. The problem of self-sufficiency must thus be examined from another angle, that of increasing exports, which are now indispensable to offsetting the necessary imports.
    • Milieu naturel, culture du coton et développement agricole dans l'ouest du Burkina Faso - Oumarou Dao, Guy Neuvy p. 32 pages accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le coton a souvent été rendu responsable, dans les pays du Sahel, de l'insuffisance de la production vivrière. Cette hypothèse est examinée ici dans le cadre de l'O.R.D. de la Volta Noire, qui produit 42 % de la récolte nationale de coton. Cette culture a bénéficié ici depuis longtemps d'un encadrement poussé par une société d'intervention (C.F.D.T. devenue SOFÏTEX), qui a introduit des techniques améliorées de culture et de commercialisation et développé le crédit agricole . La région est marquée par une pauvreté assez générale des sols et par une sécheresse sévère ; le coton y trouve cependant les conditions favorables. Bien que le cours d'eau principal (le Mouhoun, ex-Volta Noire) soit pérenne, on ne pratique pas de culture irriguée. La végétation arborée est menacée de disparition par l'activité des hommes et du bétail. Six groupes ethniques principaux occupent l'espace, mais un flux migratoire constant accroît en permanence la population Mossi. La culture du coton, pourtant antérieure à la colonisation, fut longtemps impopulaire du fait de son caractère obligatoire. Elle ne prit vraiment son essor que peu avant l'indépendance, après laquelle les pouvoirs publics l'appuyèrent fortement. Depuis 1980, les exploitations motorisées se sont multipliées. Elles pratiquent la culture continue avec assolement coton-maïs-mils, utilisent outils portés, fumier et engrais minéraux, traitements phyto-sanitaires. Les rendements sont élevés, les excédents de céréales notables, et les revenus nettement améliorés, en dépit des frais d'exploitation. Cette évolution ne concerne encore qu'une minorité d'exploitants, mais elle semble très encourageante.
      Natural Milieu, Cotton Growing and Agricultural Development in Western Burkina Faso -In the countries of the Sahel region, cotton has often been made responsible for the lack of foodstuff production. This hypothesis is examined here in the framework of the O.R.D. of Black Volta, which produces 42 % of the national cotton crop. This crop has been favored here for some time now by the concerted efforts of a company (C.F.D.T., today SOFITEX) which introduced improved techniques of crop growing and selling and developed agricultural credit facilities. The region is characterized by generally poor quality of soils and severe drought ; nevertheless, cotton here finds favorable conditions for growth. Although the main water source (the Mouhoun, formerly called the Black Volta)) is always flowing, the irrigation of crops is not practiced. The tree and shrub vegetation is menaced with extinction because of the activity of man and animals. Six main ethnic groups occupy the area, but a constant migratory flow continues to increase the number of members of the Mossi people. Cotton growing, although already inexistence before the colonial period, was for a long time unpopular because of its obligatory nature. It really did not enjoy strong growth until shortly before Indépendance, after which the public authorities strongly supported it. Since 1980, mechanized farms have multiplied. They practice year-round farming with a rotation of cotton -corn -millet, use transported tools, manure and mineral fertilizer, and phyto-sanitary treatments. Output is high and incomes have significantly increased in spite of production costs. This development concerns at present but a minority of farmers, but it seems to be very encouraging.
    • Evolution des systèmes agraires bwa et pougouli de Pô-Ouest, Burkina Faso - Ousmane Nebie p. 24 pages accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La région de Pô-Ouest (Province de la Bougouriba) présente deux systèmes agricoles : le système pougouli, fondé sur un morcellement et une dispersion des terres, et encore bien attaché à une économie de subsistance ; le système bwa, basé sur un regroupement des champs en «bloc» de culture et ouvert à un circuit qui favorise le développement des rapports marchands. Cette différence dans les objectifs poursuivis apparaît comme la marque d'une inégalité de situation, inégalité liée au réseau de communication et au niveau de développement des forces productives, et faisant ainsi du terroir bwa un pôle économique attrayant pour les populations pougouli.
      The Evolution of the Bwa and Pougouli Agrarian Systems in Pô-Ouest, Burkina Faso -The region of Pô-Ouest (Bougouriba Province) has two distinct agricultural systems : the Pougouli system, founded on a cutting up and dispersion of land, but still attached to a self-supporting economy, and the Bwa system, based on grouping fields into a «whole» and opened to a network which favors the growth of trade relationships. This difference in the objectives pursued appears as a sign of inequality of situation, an inequality tied to the communication network and at the level of the development of productive forces, thus making of the Bwa area an attractive economic pole for the Pougouli populations.
    • L'agriculture dans la ville : l'exemple de Bangui - François Villien p. 20 pages accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Bangui, comme bien des villes d 'Afrique Noire, connaît une activité agricole intra-urbaine importante. Cette agriculture traduit la pauvreté de la population qui se réfugie dans les activités primaires pour subsister. L'agriculture citadine peut se cantonner aux abords des maisons, sans sortir de la concession et peut alors être qualifiée d'intra-domaniale, mais elle peut aussi être pratiquée en dehors du domaine familial et être considérée comme extra-domaniale. L'agriculture au sein de la concession comprend deux éléments. Le jardin de case, tout d'abord, est vivrier : il est de faible taille, bien soigné, engraissé par les déchets domestiques, et permet à la ménagère de disposer des quelques ingrédients qui peuvent lui manquer. C'est une culture désordonnée qui mélange condiments, petits légumes et plantes médicinales : c'est une micro-polyculture. Le champ de case, ensuite, est plus vaste, et apparaît surtout dans les concessions de grande taille. Autrefois destiné à l'auto-consommation, il permet aujourd'hui de procurer un peu d'argent à la famille. Contrairement au jardin, il comprend une seule culture par planche, généralement du manioc. Il rappelle en cela les cultures pratiquées en dehors de la concession. L'agriculture extra-domaniale utilise souvent les vides ponctuant la trame de l'habitat dans les quartiers périphériques. Elle comprend les champs de quartiers, vivriers ou de rapport, les maraîchages, agriculture de rapport couvrant les meilleurs sols et les cultures de front pionnier. Ces dernières occupent les terrains avant la construction des maisons. Elles comprennent donc des champs provisoires qui progressent en avant des constructions. Quand les terres sont très bonnes cependant, ce rôle de précurseur de l'habitat s'estompe et les champs se fixent, gênant ainsi l'extension spatiale de la ville. L'agriculture doit-elle subsister à Bangui ? Oui, puisqu'elle est nécessaire à la survie de nombreux foyers, tout en permettant de mieux intégrer la ville dans son espace nourricier.
      Agriculture in the City : the example of Bangui -As the case with quite a number of cities in Black Africa, Bangui possesses an important inter-urban agricultural activity. It should be noted that this form of agriculture reflects the overall poverty of the populations, which seek refuge in primary activities in order to eke out a living. City agriculture can be practiced near houses, without leaving the framework of the concession : it can thus be qualified as inter-domain, but it can also be exercised outside of the familly domain and then be considered as extra-domain. Agriculture practiced in the heart of the concession consists of two elements. The «jardin de case» (hut garden), to begin with, is for foodstuff production. It is of small size, welltended, fertilized with household wastes, and enables the housewife to have at close hand ingredients that she might otherwise lack. The crops are of mixed variety : condiments, small vegetables and medicinal plants ; a micro multiculture is involved. The «champ de case» (hut field), next, is much larger. It is found particularly in large-size concessions. Formerly intended for self-consumption, it today enables the family to earn some money. Unlike the garden, it consists of a single crop per plot, usually manioc. In this respect, it resembles the fields farmed outside of the concession. Extra-domain agriculture often employs empty land interspersed among dwellings in the peripheral districts. It includes the district fields, either those planted uniquely for foodstuff production or to supplement family income, truck farms, income crop farms covering the best soils, and crops ot the pioneer front The latter fields occupy the terrain before home construction has begun. They thus include temporary fields that are spread out ahead of building. When the quality of the land is very good, however, this role of preceeding dwelling construction vanishes and the fields become permanent, thus interfering with the spatial extension of the city. Should agriculture continue to exist in Bangui ? Yes, because it is necessary for the survival of many family units, and at the same time it enables the city to integrate itself better into its food supply space.
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