Contenu du sommaire : Recensions
Revue | Cahiers d'économie politique |
---|---|
Numéro | no 84, printemps 2024 |
Titre du numéro | Recensions |
Texte intégral en ligne | Accès réservé |
- 1. Gabriel Bonnot de Mably et le droit naturel moderne : un essai de réévaluation - Jean Dellemotte, Julie Ferrand p. 7-50 Les études sur Mably ont généralement négligé l'apport du droit naturel moderne à sa pensée, ou résumé celui-ci à l'influence du Traité de gouvernement civil de Locke. Dans cet article, nous souhaitons à la fois relativiser la préférence lockéenne attribuée à Mably – tant les désaccords entre les deux auteurs sur les thèmes de la propriété foncière et de ses conséquences inégalitaires paraissent insurmontables – et réévaluer les emprunts, aussi bien implicites qu'explicites, opérés par Mably envers d'autres auteurs de cette tradition, tels que Hobbes, Pufendorf et Grotius. Notre conclusion est que l'abbé puise chez chacun d'eux des éléments susceptibles d'alimenter sa propre vision politique et sociale.Studies on Mably have generally neglected what modern natural law brought to his thought or summed it up to the influence of Locke's Treatises on Civil Government. In this paper, we put into perspective the Lockean preference assigned to Mably – as their disagreements on the topics of land ownership and its unequal consequences seem insurmountable – and reassess Mably's implicit and explicit borrowings from other authors of this tradition, such as Hobbes, Pufendorf and Grotius. Our conclusion is that he gets elements from each of them likely to feed his own political and social ideal. JEL Classification : B1, P00
- 2. Les avant-courriers de l'entrepreneur innovateur à l'époque du capitalisme mercantiliste : faits et théories - Domenico Catalano p. 51-88 L'entrepreneur innovateur est une figure centrale du capitalisme industriel qui émerge au xixe siècle. Son avènement est toutefois le résultat d'un long processus historique qui démarre à l'époque du capitalisme mercantiliste avec l'apparition de nouveaux comportements économiques incarnés par le faiseur de projet. Il s'agit d'étudier dans ce contexte les conditions d'émergence de cet entrepreneur non routinier. Le progrès des connaissances a largement contribué à nourrir les ambitions des hommes à projet. C'est à partir des analyses proposées par Defoe, Cantillon, Turgot et Smith que nous proposons de resituer les débats autour du faiseur de projet pour mieux en comprendre les enjeux.The innovative entrepreneur is a central figure in the industrial capitalism that emerged in the 19th century. However, his advent is the result of a long historical process that began in the era of mercantilist capitalism with the emergence of new economic behaviours embodied by the project maker. In this context, we need to study the conditions of emergence of this non-routine entrepreneur. Progress in knowledge has played a major role in fuelling the ambitions of men with projects. Based on the analyses proposed by Defoe, Cantillon, Turgot and Smith, we propose to situate the debates around the project maker in order to better understand what is at stake. JEL Classification : B10, L26, O31, P10
- 3. De l'homo œconomicus empathique à l'homo sympathicus. Les apports de la sympathie smithienne à la compréhension des comportements prosociaux - Vanessa Michel p. 89-117 La prise en compte de l'empathie ou de la sympathie en économie vise à compléter la théorie standard de la décision en y introduisant, en plus de l'intérêt individuel, une forme de souci ou de concernement pour autrui, qualifié d'empathie ou de sympathie selon les auteurs. Dans cet article, nous proposons de montrer comment et pour quelles raisons la littérature économique s'est emparée de ces concepts, et en quoi ils s'éloignent de la vision smithienne de la sympathie développée dans la Théorie des Sentiments Moraux (TSM). Nous montrons notamment comment le cadre théorique de l'individualisme méthodologique et de la rationalité instrumentale conduit à une forme d'appauvrissement et d'instrumentalisation du concept de sympathie smithienne qui s'inscrit, au contraire, dans une philosophie sociale de la nature humaine et des relations interpersonnelles.Modern economic approaches of empathy and sympathy aim at adding an altruistic dimension to the standard economic decision theory. The purpose of the introduction of another regarding dimension, in addition to the sole personal interest, is to try to explain social preferences or prosocial behaviours. In this article, we show how and why the economic literature tries to grasp those concepts, but in a way that is very far from the original Smithian sympathy developed in his Theory of Moral Sentiments (TSM). We argue that, by remaining in the framework of methodological individualism and instrumental rationality, economic approaches, particularly in the field of experimental and behavioural economics, tend to reduce and to intrumentalize the concepts of sympathy and empathy. Such approaches seem to us not consistent with the Smithian social philosophy of human nature and interpersonal relationships. JEL classification : B12 – D91
- 4. La « valeur nouvellement créée » de Marx et la valeur ajoutée de la comptabilité nationale - Pierre Le Masne p. 119-146 Cet article montre que la « valeur nouvellement créée » de Marx anticipe sur la valeur ajoutée nette de la comptabilité nationale et que Marx a joué à son époque un rôle précurseur en matière de comptes nationaux. En étendant les concepts donnés par Marx au secteur non-marchand, deux types de « travail productif » sont distingués. La voie est alors ouverte à la construction d'une comptabilité de type Marx s'appuyant sur les données de la comptabilité nationale.This article shows that the Marx's “ newly created value” anticipates the net value added of national accounting and that Marx plays in his time a precursory role regarding national accounting. We extend the Marx's concepts to the non-market sector and we distinguish two categories of “ productive labour” . Relying on data of national accounting, it is then possible to build an accounting of Marx's type. JEL Classification : B1, B2
- 5. Keynes et les « fondements ricardiens du marxisme » - Nicolas Piluso, Edouard Cottin-Euziol p. 147-174 Cet article a pour objet d'interpréter les propos de Keynes lorsqu'il dit vouloir saper les fondements ricardiens du marxisme avec sa Théorie Générale. Nous explorerons deux pistes de réflexion, l'une théorique et l'autre plus pragmatique : d'une part, il propose une théorie du chômage involontaire élaborée dans un cadre d'économie d'emblée monétaire, par élimination de toute référence à la théorie de la valeur et de son hypothèse de nomenclature ; d'autre part, il avance une explication du chômage fondée sur l'insuffisance de la demande anticipée, qui lui permet de fournir un fondement scientifique à son projet de politique économique qui s'oppose frontalement à la vision de Marx.The purpose of this article is to interpret Keynes' statement that he wanted to undermine the Ricardian foundations of Marxism with his General Theory. We will explore two lines of thought, one theoretical and the other more pragmatic: on the one hand, he proposes a theory of involuntary unemployment elaborated within a framework of monetary economics, by eliminating any reference to the theory of value and its nomenclature hypothesis ; on the other hand, he puts forward an explanation of unemployment based on the insufficiency of anticipated demand, which allows him to provide a scientific foundation for his economic policy project that is in direct opposition to Marx's vision of it. JEL Classification : B10, J01, E12, E11
- 6. Monétiser ou ne pas monétiser la dette publique… Est-ce vraiment la question ? Une perspective post-keynésienne néo‑chartaliste - Jonas Grangeray p. 175-214 Qu'est-ce que la Modern Monetary Theory (MMT) ? Juste une vulgaire et dangereuse économie de la « planche à billets » comme l'affirme nombre de ses critiques ? En l'articulant avec les théories post-keynésiennes circuitiste et horizontaliste, nous démontrons que la MMT n'est pas une économie de la « planche à billets » et que le développement d'une perspective néo-chartaliste, s'appuyant sur une description approfondie des opérations interbancaires et de leurs interactions avec les politiques monétaire et budgétaire, met en évidence la stabilisation du taux d'intérêt opérée par la banque centrale face aux émissions de titres du trésor. Aux États-Unis, cette stabilisation nécessite une coordination entre la Fed et le trésor.What is Modern Monetary theory (MMT)? Just vulgar and dangerous “money printing” economics as many of its critics claim? By articulating it with with circuitist and horizontalist post-keynesian theories, we demonstrate that MMT is not “money printing” economics and that the development of a neo-chartalist perspective, based on an in-depth description of interbank transactions and their interactions with monetary and fiscal policies, highlights the central bank stabilization of the interest rate in face of treasury securities issues. In the United States, this stabilization requires a coordination between the Fed and the treasury. JEL Classification : B5, E43, E5, E63
- 7. La mise à distance du « darwinisme social » de Spencer par Hayek - Vincent Ortiz p. 215-248 « Les darwinistes sociaux ont tort sur beaucoup d'aspects, mais l'intense détestation dont ils font aujourd'hui l'objet est partiellement due à leur combat contre cette présomption fatale en vertu de laquelle l'homme est capable de modeler le monde qui l'entoure au gré de sa volonté ». Cet extrait, tiré du dernier ouvrage de Friedrich Hayek, témoigne de l'ambivalence de son rapport au « darwinisme social » et à son principal représentant, Herbert Spencer. Si d'aucuns ont suggéré des similitudes conceptuelles entre la pensée de Spencer et celle de Hayek, peu ont relevé que l'appréciation de la première par le second était globalement négative. Faut-il y voir un paradoxe ? Pas si l'on considère qu'elle a pour fonction de prémunir Hayek contre d'éventuels procès en « darwinisme social ». De la même manière que la référence laudative à Darwin permet à Hayek de se prévaloir d'une caution scientifique incontestable – au prix d'une distorsion du corpus doctrinal darwinien – , la mention dépréciative de Spencer semble destinée à écarter d'un revers de la main des rapprochements théoriques qui pourraient être effectués entre les deux penseurs.“Social Darwinism is wrong in many respects, but the intense dislike of it shown today is also partly due to its conflicting with the fatal conceit that man is able to shape the world around him according to his wishes”. This excerpt from Friedrich Hayek's last book highlights the ambivalence of his perception of “social Darwinism” and of its main promoter, Herbert Spencer. While some suggested conceptual similarities between Spencer and Hayek's thought, few commented upon the fact that the latter's appreciation of the former was overall negative. This apparent paradox is resolved if we consider that its function is to protect Hayek against accusations of “social Darwinism”. While his laudatory reference to Darwin allows Hayek to rely on an unquestioned scientific authority – at the expense of a distortion of key Darwinian ideas – , his pejorative mention of Spencer seems to be meant to wave aside theoretical parallelisms that could be drawn between those two thinkers. JEL Classification : B25
- 8. Un nouvel éclairage théologico-politique sur les communs. Note de lecture de l'ouvrage Composer un monde en commun, de Gaël Giraud, La couleur des idées, Seuil, 2022 - Hervé Defalvard p. 251-259
- 9. A History of Ecological Economic Thought, Marco P. Vianna Franco et Antoine Missemer, Routledge, 2023, 200 p., ISBN 9780367363925 - Jérôme Deyris p. 261-269