Contenu du sommaire : Rationalisation(s) : entre critique et émancipation

Revue Approches Théoriques en Information Communication Mir@bel
Numéro no 3, 2021
Titre du numéro Rationalisation(s) : entre critique et émancipation
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Pour une mise en critique des rationalisations info-communicationnelles : Introduction - Jean-Luc Bouillon, Olivier Galibert p. 5-24 accès libre
  • Le Design Thinking – Au cœur d'un discours sur la rationalisation de l'émergence en organisation - Fabien Bonnet p. 25-34 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La créativité et l'innovation apparaissent comme des thématiques majeures des discours managériaux, que ce soit en termes d'identité professionnelle ou de recommandations pour les praticiens. Le design et les designers se trouvent fréquemment mobilisés dans ces discours, notamment à travers l'emploi de la formule « Design Thinking » dont cette contribution vise à mettre en évidence les modalités spécifiques de circulation entre les milieux managériaux et ceux de la recherche. Nous questionnerons l'imaginaire ainsi convoqué et développé, notamment à l'aune d'une créativité avant tout pensée comme maîtrisable.
    Creativity and innovation appear to be major themes in managerial discourses, whether in terms of professional identity or recommendations for practitioners. Design and designers are frequently mobilised, notably through the use of the formula 'Design Thinking'. This article aims to highlight the circulation of this notion between managerial and research circles. We will question the imaginary developed in these discourses, particularly regarding a creativity thought to be controllable.
  • Rationalisations des affects en organisation hospitalière : les dispositifs de prévention en santé au travail comme voie d'émancipation ? - Aurélia Dumas, Julie Pavillet p. 35-52 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Nous présentons les résultats d'une vaste enquête de terrain réalisée dans un établissement hospitalier universitaire, s'inscrivant dans le cadre d'une recherche partenariale alliant regards du chercheur et du praticien. Nous questionnons la manière dont le dispositif de prévention en santé au travail peut être pensé à la fois dans des dynamiques de rationalisations des affects au travail (en miroir des rationalisations organisationnelles opérées au sein de l'hôpital), ainsi que dans ses effets de résistance, voire d'émancipation. Suivant ces perspectives, nous nous sommes intéressés à une méthode de prévention recourant au jeu pour approcher de manière détournée et mettre en discussion la question des affects au travail et de leur régulation. Le jeu intégré au dispositif de prévention tend à inscrire les équipes soignantes dans des logiques de mise à distance, voire de réappropriation des dynamiques affectives, se faisant analyse réflexive sur l'organisation du travail et ouvrant une voie d'émancipation vis-à-vis des rationalisations affectives inhérentes aux organisations de soins.
    We present the results of a large field investigation that took place in a university hospital, through a collaborative research involving the perspective of the researcher and the practitioner. We call into question the way that workplace health and safety prevention plans address the normalization of emotions at the workplace and postulate that a shift towards mirroring organisational rationalizations could have liberating effects. (in mirror of the organizational rationalizations within the hospital) and in its effects of resistance or even emancipation. Following these perspectives, we were interested in a method of prevention using the game to approach indirectly and to discuss the question of affects at work and their regulation. The game embedded in the device of health prevention tends towards integrating the health care teams in some logics of distancing and reappropriation of affective dynamics, becoming a self-reflexive analysis about work organization and opening a path to emancipation from affective rationalizations inherent to healthcare organizations.
  • La mobilisation numérique : entre émancipation et rationalisation - Paola Sedda p. 53-74 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Notre contribution propose une réflexion théorique autour du phénomène de la « mobilisation numérique » et de ses formes de déploiement, rationalisation et captation institutionnelle, politique et marchande. En prenant appui sur le concept de « mobilisation informationnelle », celle-ci est conçue comme une figure historique de la « politique du conflit » et s'inscrit dans le cadre de la société néolibérale. En partant d'une généalogie du concept de « mobilisation numérique » et de son développement dans les SIC, l'article parcourt une pluralité d'approches qui permettent de déceler des mouvements d'émancipation et de rationalisation de la mobilisation en ligne. Si les deux dynamiques ne présentent pas une opposition binaire, les phénomènes de rationalisation sociale, amplifiés par la technique, présentent un caractère extensif pouvant constituer un frein réel aux potentiels émancipateurs que beaucoup avaient cru voir dans la démocratisation des usages d'internet.
    Our work offers a theoretical reflection on the digital mobilization phenomenon and its forms of deployment, rationalization and institutional, political and commercial framing. Basing itself on the concept of “informational mobilization”, the digital mobilization is conceived as an historical figure of the “contentious politics” and it is enrolled in the wider context of the neoliberal society. Starting with a genealogy of this concept and its development within information and communication studies, this paper explores multiple perspectives that identify both emancipation and rationalization movements related to digital mobilization. If these two dynamics do not show a binary opposition, the progress and the technical amplification of rationalization phenomena may represent a real obstacle to the emancipatory potential that many people thought they had seen in the democratization of the Internet.
  • Le marketing de l'empowerment : une forme de rationalisation participative ? - Nicolas Peirot p. 75-95 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis le milieu des années 2000, l'empowerment du consommateur s'est imposé comme un thème incontournable de la communication numérique marchande. Les plateformes numériques, et notamment de réseaux sociaux, donneraient aux internautes le pouvoir de peser sur les organisations et les marques. Dans le même temps, cet empowerment est aussi soupçonné de n'être qu'un discours d'accompagnement synonyme d'un travail accru du consommateur. Entre ces deux voies, cet article propose d'interroger l'empowerment comme un processus fondé sur l'instrumentalisation marketing de la reconnaissance des consommateurs. Partant de cette hypothèse, il s'agit alors d'interroger le processus à l'œuvre : quels liens entretient-il avec la rationalisation du consommateur ? En quoi contribue-t-il aux rationalisations organisationnelles ?
    Since the mid-2000s, consumer empowerment is a central topic within digital marketing communication. Digital platforms, and more particularly social networks, are supposed to give people the power to influence organisations and brands. At the same time, consumer empowerment is also suspected of being just a legitimising speech contributing to consumer's work development. Between these two paths, this article questions empowerment as a process based on the marketing instrumentalisation of consumer recognition. From this hypothesis, it questions the process at work: what links does it have with consumer's rationalisation? How does it contribute to organizational rationalisations?
  • Apports et limites des notions de machine, de mégamachine et de rationalité dans la description des formes organisationnelles - Bruno Chaudet p. 97-108 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les notions de machine et de mégamachine semblent pertinentes pour décrire le processus de rationalisation des formes organisationnelles (organisation sociale, entreprise…). Si Max Weber a été longuement commenté, nous voudrions, dans cet article, nous attarder plus longuement sur les travaux de Lewis Mumford et d'Hélène Vérin. Alors que le premier voit émerger la mégamachine et la rationalité de l'action dans l'Égypte antique, la seconde interroge cette rationalité et, littéralement, cette « machination » dans le développement de l'entreprise à la jonction de la société féodale et monarchique. Nous soulignerons alors le rôle et la place des machines dans le développement des sociétés industrielles et numériques. Enfin, nous pointerons quelques limites à l'aune de la notion de machines désirantes.
    The notions of machine and megamachine seem relevant to describe the process of rationalisation of organisational forms (social organisation, company, etc.). While Max Weber has been commented on at length, in this article we would like to dwell on the work of Lewis Mumford and Hélène Vérin. While the former sees the emergence of the megamachine and the rationality of action in ancient Egypt, the latter questions this rationality and literally this 'machination' in the development of companies at the junction of feudal and monarchical societies. We will then highlight the role and place of machines in the development of industrial and digital societies. Finally, we will point out some limits in the light of desiring machines.
  • Comparer les imaginaires sociaux du numérique en SIC : vers une théorie critique située des rationalisations numériques - Carsten Wilhelm p. 109-129 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les sociétés choisissent-elles le numérique pour s'observer ? Est-ce son adaptabilité à leurs problématiques, notamment leur complexité croissante, qui explique leur succès ? Nous trouvons cet argumentaire dans l'ouvrage Muster, Theorie der digitalen Gesellschaft («  Patterns1 – Théorie de la société numérique ») d'Armin Nassehi (2019). En suivant des critiques apportées à ces propositions, notamment depuis les sciences de l'information et de la communication, nous suggérons de comparer les imaginaires sociaux du numérique, constitutifs des matrices sociétales et des habitus dans lesquels les rationalisations contemporaines et les pratiques sociales s'insèrent, non sans résistances. Ces critiques constructives permettent de souligner les points communs entre théorie critique et théorie des systèmes sociaux et laissent entrevoir une place importante pour les SIC. Ce texte, d'orientation théorique, poursuit ainsi un argumentaire en faveur de la comparaison internationale en Sciences de l'Information et de la Communication (SIC) qui, nous l'espérons, rencontrera des lecteurs bien disposés malgré son degré d'abstraction. Il fait le pari d'une discussion de théories peu mobilisées par les SIC françaises et met ainsi l'épistémologie au service d'une nécessaire intermédiation des théories.
    Do societies choose digital technology to observe themselves? Is this the reason for its success, its adaptability to their problems, especially their increasing complexity? This line of argument can be found in the book Muster, Theorie der digitalen Gesellschaft (“Patterns - Theory of the digital society”) by Armin Nassehi (2019). Following critical reviews of his proposal, especially from the perspective of information and communication sciences, we suggest comparing the social imaginaries of the digital, constitutive of the societal matrices and habitus in which contemporary rationalizations and social practice operate, albeit not without resistance. Said constructive criticism makes it notably possible to underline the common points between critical theory and social systems theory and allows to envision an important place for information and communication sciences. This theoretically oriented text pursues an argument in favor of international comparison in Information and Communication Sciences (SIC) which, we hope, will engage its readership despite its degree of abstraction. It proceeds through a discussion of theories little mobilized by French SIC and thus aims at putting epistemology at the service of a necessary intermediation of theories.
  • Modernité, rationalisation de la production et communication : Quelques impensés des pratiques et théorisations des communications organisationnelles - Christian Le Moënne p. 131-151 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'analyse des phénomènes de « rationalisation » dans les formes organisationnelles et les activités de travail soulève de multiples paradoxes. Ces derniers sont en particulier liés à la tension entre la volonté d'imaginer et de prévoir des agencements de ressources susceptibles de se coordonner en fonction des buts qui leur sont fixés, et des contextes d'action en évolution permanente, marqués par une incertitude radicale et une infinie complexité. Cet article interroge conceptuellement les conditions et les limites de la rationalisation des pratiques professionnelles et des espaces organisés, mais s'attache également à questionner les possibilités épistémologiques, théoriques et méthodologiques d'observer scientifiquement les logiques de rationalisation en situation d'activité. Le développement, depuis la fin du XXe siècle, des politiques de communication d'entreprises dans le champ gestionnaire se trouve au cœur de ces tensions.
    The study of "rationalization" in organizational shapes and work activities raises multiple paradoxes. These are in particular linked to the tension between the wish to imagine and plan arrangements of resources likely to be coordinated according to the goals set for them, and contexts of action in permanent evolution, marked by radical uncertainty. and infinite complexity. This article conceptually questions the conditions and limits of the rationalization of professional practices and organized spaces, but also attempts to question the epistemological, theoretical and methodological possibilities of scientifically observing the logics of rationalization in a situation of activity. The development since the end of the 20th century of corporate communication policies in the managerial field is at the heart of these tensions.