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Revue | Revue historique |
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Numéro | no 643, juillet 2007 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- René Rémond (1918-2007) - J.-F. Sirinelli, C. Gauvard p. 515
S'habiller et se déshabiller en Grèce et à Rome (III)
- Quand les Romains s'habillaient à la grecque ou les divers usages du pallium - C. Baroin, E. Valette-Cagnac p. 517 Le mot pallium est généralement traduit par « manteau grec » et considéré comme le strict équivalent de l'himation (manteau) des Grecs. Or pallium est un terme proprement latin, qui n'est pas plus une traduction du grec qu'il ne désigne un vêtement issu d'un modèle grec. À Rome, le mot pallium est utilisé pour un morceau d'étoffe dont on couvre le corps et les vêtements et, à ce titre, il peut être une couverture ou un manteau ou bien encore les deux à la fois. Seul le contexte précis d'apparition du terme peut permettre de comprendre ce qu'il recouvre. Ainsi, c'est quand il est opposé à la toge, l'« uniforme » du citoyen romain dans l'exercice de ses fonctions, que le pallium est connoté comme grec et, comme tel, associé à des espaces et à des pratiques à la fois pensées comme grecques et parfaitement incluses dans la culture romaine : le loisir (otium), le banquet et ses plaisirs, les occupations lettrées et philosophiques, etc.The usual translation for the word pallium is « Greek mantle » and pallium is generally considered as exactly equivalent to himation, one of the mantles worn by the Greeks. But pallium is a special latin term, not a translation for a Greek word and it is not used for a costume coming from a Greek model. In Ancient Rome, the word pallium is used for a piece of cloth which covers body and clothes ; that is why a pallium may be a blanket or a mantle or both. The meaning of this term is given by the context only. When it is opposed to the toga, which is the traditional costume for a Roman citizen in the exercise of his citizenship, pallium is characterized as Greek and, as such, associated to places and practices considered as Greek by the Romans, even if they are at the same time completely included in Roman culture : for example, leisure (otium), banquet and its pleasures, erudite and philosophical matters...
- Quand les Romains s'habillaient à la grecque ou les divers usages du pallium - C. Baroin, E. Valette-Cagnac p. 517
Culture et politique (II)
- Gogo et ses amis : écriture, échanges et ambitions dans un réseau aristocratique de la fin du VIe siècle - B. Dumézil p. 553 Entre les années 560 et 590, un petit groupe d'évêques et d'aristocrates francs entretiennent des relations privilégiées en dehors de tout lien institutionnel. Gogo, régent d'Austrasie (576-581), semble être la personnalité dominante, mais ses contacts s'étendent au-delà des frontières du Regnum Francorum. Un haut niveau culturel est requis pour entrer dans le cercle des correspondants, qui regroupe à la fois des héritiers et une certaine élite de compétence. Ces « amis de Gogo » participent ensemble à des stratégies politiques, diplomatiques et sociales. Toutefois, le groupe paraît dépourvu d'idéologie et sert essentiellement à défendre les intérêts personnels de ses membres. En période de trouble, il s'avère fragile, même s'il parvient à se recomposer lorsque la situation se stabilise. Une telle structure, légère mais performante, permet de mettre à l'épreuve le concept de réseau pour le haut Moyen Âge.Between the years 560 and 590, a small group made of frankish bishops and aristocrats sustains privileged relationships, without them having any institutional bond. Gogo, a regent of Austrasia (576-581), seems to be its main figure, but his contacts stretch beyond the boundaries of the Regnum Francorum. A high cultural level is mandatory to enter this correspondence circle, which regroups both heirs and a new learned elite. Those « friends of Gogo » join together in political, diplomatic, and social strategies. However, the group seems devoid of any ideology and its main purpose is to protect its members' personal interests. It shows weaknesses in times of trouble, even though it re-forms when the situation gets back to stability. Such a light but efficient structure probes the concept of network in the high Middle Ages.
- Stemmata quid faciunt ? Représentations et idéologies familiales des maisons aristocratiques entre cour et provinces austro-bohêmes - E. Hassler p. 595 L'aristocratie austro-bohême développa dans ses demeures, à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, un nouveau concept de légitimation, la salle des ancêtres (Ahnensaal), conjuguant les héritages de la renaissance germanique et du baroque italien. La glorification de la maison aristocratique, s'appuyant sur l'exaltation de la lignée et de son caractère illustre et héroïque, révèle la position complexe de l'aristocrate au sein de la monarchie des Habsbourg. Tout à la fois courtisan et seigneur territorial, celui-ci sait moduler, dans la proximité ou l'éloignement de l'empereur, le discours développé dans ces vastes cycles représentatifs placés symboliquement au cœur de la résidence aristocratique. Cette tension entre province et cour de Vienne invite à reposer les questions du rôle de l'aristocrate dans le système politique de la monarchie danubienne et de la polarisation de la cour impériale, que les cercles aristocratiques naissant semblent bien plus considérer comme un espace d'interaction et de valorisation nobiliaires que comme un lieu de service dispensateur de faveurs.Towards the end of the 17th and the beginning of the 18th Century, the Austrian and Bohemian aristocracy's concern for legitimization made them take to gracing their residences with Ancestor Halls (Ahnensaal) combining both German Renaissance and Italian baroque influences. The aristocrats' glorification of their Houses through the magnification of their illustrious and heroic lineage shows how intricate the position of the aristocracy was within the Habsburg monarchy. In these vast frescoes significantly located at the core of their residences, the aristocrats used to represent themselves as courtiers in Vienna or as local lords on the countryside, depending on their proximity to, or distance from, the emperor. The tension between the provinces and the Vienna court requires us to reconsider the aristocrats' role in the political system of the Habsburg monarchy and the polarization of the imperial court. The budding aristocratic circles seemed to view the court as a place for the nobility to mix and to shine more than as a source of favours and honours.
- Entre Empereur, Empire et nation : l'essor de "l'esprit politique" en Allemagne moderne (XVIIe-XVIIIe siècles) - M. Wrede p. 623 Après la crise de la guerre de Trente ans, le Saint Empire réussit à se consolider à partir des années 1670 en dépit de l'hétérogénéité qui le caractérisait ; cette consolidation fut encouragée par un courant de patriotisme impérial. Les conflits qui durent être surmontés à cette époque avec les différents ennemis de l'Empire – suédois, turcs et français – jouèrent dans ces deux moments un rôle décisif. Les guerres impériales favorisèrent une conscience accrure de l'Empire et, même si celle-ci fut « de seconde main », c'est-à-dire transmise aux sujets au moyen d'innombrables pamphlets, elle produisit une « densification », qui assura la cohésion de l'Empereur, des états et des sujets des deux confessions dans une communauté solidaire et de souvenir. L'Empire et la nation allemande se définirent surtout par rapport à leur opposition à la France et à leurs victoires sur les Turcs. On développa et on cultiva des images de l'ennemi efficaces et utilisables politiquement. La tentative de l'électeur du Brandebourg de construire une image des Suédois en tant qu'ennemis était vouée à l'échec, car le potentiel de puissance de cet ennemi-là était considéré comme faible. Mais cette controverse montre clairement que la fonction et la personne de l'Empereur étaient le point de repère et le noyau de cristallisation du patriotisme et de l'identité de l'ensemble de la nation « fédérale » et multiconfessionnelle. Avec les succès partiels remportés sous l'égide impériale dans les réformes et les guerres de l'Empire, le potentiel de modernisation de l'Empire atteignit cependant ses limites. Au moment où la menace directe venant des ennemis extérieurs disparut, la cohésion se relâcha ; la nouvelle confessionnalisation et l'« européanisation » de la politique impériale firent apparaître de nouvelles lignes de conflit, qui s'avérèrent insurmontables lors de la crise dynastique de la maison impériale des Habsbourg. Sans « ennemis » communs et sans « images de l'ennemi » communes et assimilées, l'Empereur, l'Empire et la nation se séparèrent de plus en plus après 1740.After the crisis of the Thirty Years' War, beginning in the 1670s, the Holy Roman Empire could consolidate itself despite its internal tensions and heterogeneity as a political system. This consolidation was encouraged and supported by a strong wave of a German patriotism, focussing on the Empire, and the German nation. The empire had to face three enemies, the Turks, France, and Sweden, and these conflicts turned out to be decisive for this newly developed or invigorated national consciousness. The military menace which the Empire's enemies posed as well as the victories eventually achieved reinforced the identification of princes, estates, and subjects with the empire and with the emperor as its political leader, and helped to create a German nation as a community marked by mutual assistance and a collective memory at the same time. Empire and nation defined themselves in opposition mainly to France and to the Turks, both described by propaganda as hereditary ennemies. The wars with Sweden were not of the same importance, the Elector of Brandenburg did not succeed in creating a similar image of evil for this power, soon considered as feeble and marginal. But even in this conflict the office and the person of the Emperor were focal points of a federal and multi-confessional national identity. After these decades of relative success in wars and internal reforms the empire, however, had exhausted its potential for modernization. In a time, when there was no longer any direct and serious menace from its external enemies, the internal cohesion of the empire declined. The new confessionalisation and the europeanization of politics within the empire created a number of new internal conflicts which could not be settled due to the dynastic crisis of the house of Habsburg in 1740. Without common enemies and without common images of potential enemies, emperor, empire and nation decayed more and more in this second half of the eighteenth century.
- Ambiguïtés historiographiques du théologico-politique. Genèse et fortune d'un concept - S. Hermann de Franceschi p. 653 Le présent article tente de déterminer les principales étapes par lesquelles le concept de théologico-politique s'est imposé dans l'historiographie au cours du XXe siècle. Si l'œuvre de Carl Schmitt est évidemment essentielle, une grande attention a été également portée à la polémique autour de la notion d'augustinisme politique, animée par Henri-Xavier Arquillière et dont Jacques Maritain a tiré les leçons. On observe enfin un nouvel essor du concept théologico-politique après la diffusion de la nouvelle théologie politique incarnée par Johannes-Baptist Metz.The present essay aims at specifying the main stages through wich the theologico-political concept became essential in the European historiography during the 20th Century. If the works of Carl Schmitt are fundamental, the French discussion about the legitimacy of the notion of a political augustinism is also crucial – Henri-Xavier Arquillière and Jacques Maritain were its main exponents. Finally, the importance of the theologico-political concept grew after the irruption of Johannes-Baptist Metz's new political theology.
- Gogo et ses amis : écriture, échanges et ambitions dans un réseau aristocratique de la fin du VIe siècle - B. Dumézil p. 553