Contenu du sommaire : Femmes et peine de mort
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20 & 21. Revue d'histoire ![]() |
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Numéro | no 160, octobre-décembre 2023 |
Titre du numéro | Femmes et peine de mort |
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Articles
- Les femmes à l'épreuve de la peine de mort au 20e siècle (France, Italie) - Fabien Lostec, Nicolas Picard p. 3-18
- La décapitation en échange du droit de vote ? : Féminisme et débat sur l'exécution des femmes sous la Troisième République - Anne-Emmanuelle Demartini p. 19-34 Fondé sur le dépouillement de la presse féministe et généraliste, l'article aborde l'exécution des femmes sous la Troisième République à la lumière du féminisme. Il éclaire le discours des féministes sur la question de l'exécution des femmes en analysant les argumentaires développés. Mais il étudie aussi le débat qui se tient de la Belle Époque aux années 1930 et remet en cause l'indulgence à l'égard des condamnées à mort (elles ne sont plus exécutées en France à partir des années 1880) en le mettant en rapport avec l'essor du féminisme et en particulier avec le combat suffragiste. Cet article montre enfin comment les questions relatives à la justice pénale ont pu être utilisées pour penser, défendre ou contrecarrer les droits des femmes : influencée par les normes genrées, l'application du châtiment capital a pu être instrumentalisée au service de la production du genre.Based on a review of the feminist press and the mainstream media, this article discusses the execution of women during the Third Republic from a feminist perspective. It sheds light on the feminist discourse regarding the execution of women by analyzing the different types of arguments that were developed. But it also studies the ongoing debate which, from the Belle Époque to the 1930s, challenged the clemency shown to women who had been sentenced to death —starting in the 1880s, women were no longer executed in France— by linking it to the rise of feminism and to the suffragist struggle. This article shows how matters of criminal justice have at various times been used to think about, defend, or counter women's rights: influenced by gender norms, the application of capital punishment has also been instrumentalized in the service of gender production.
- Les condamnées à mort de la justice de l'État français, victimes de la Révolution nationale ? - Jacques Duret p. 35-48 Défenseur d'un idéal féminin, chantre d'un renouveau familial, l'État français n'hésite pas à sanctionner durement celles qui troublent la Révolution nationale. Symbole de ce renouveau répressif, cinq femmes sont guillotinées sous l'Occupation alors qu'il n'y en avait eu aucune en temps de paix depuis 1887. Elles sont condamnées par des juridictions ordinaires ou d'exception pour des infractions de droit commun. D'autres femmes sont également condamnées à mort mais ne verront pas leur peine exécutée. Cette situation interroge sur la répression de la délinquance féminine sous Vichy et plus généralement sur la place de la femme au sein de l'idéologie de l'État français.In defense of a certain feminine ideal and in favor of increased support for the nuclear family, the French State did not hesitate to heavily repress women who were problematic for the “Révolution Nationale” of the Vichy government. As symbols of this new repression, five women were guillotined during the Occupation, marking the first female executions since 1887. They were sentenced to death by ordinary and extraordinary courts, for common law offenses. Other women were also sentenced to death during that period of time, but were ultimately never executed. This situation raises questions as to the repression of female delinquency, but more generally as to the role that women occupied within the ideology of the French State at the time.
- Les femmes condamnées à mort par les tribunaux militaires allemands en France occupée (1940-1944) : Un phénomène genré minoritaire mais un fait social et politique majeur - Gaël Eismann p. 49-71 Les condamnations à mort de femmes ayant contrevenu à l'ordre allemand en France occupée représentent un phénomène genré minoritaire mais un fait social et politique majeur. Les différences sexuées qui le caractérisent s'expliquent par les spécificités de l'engagement féminin contre l'occupant, la stratégie allemande de préservation des relations avec les populations occupées et la permanence des normes de genre. Avérée, l'indulgence relative à l'égard des femmes est cependant sélective. Lorsque celles-ci transgressent radicalement leurs assignations traditionnelles ou que pèse sur elles le spectre de l'ennemi judéo-bolchevique, les juges militaires allemands ne les épargnent pas.The death sentences handed down for women who contravened the German order in Occupied France represent a minority gendered phenomenon, but nonetheless reflect an important social and political reality. The gendered differences that characterize this situation can be explained by the specificities of women's engagement against the occupying power, the German strategy of preserving relations with the occupied populations, and the persistence of gender norms. The relative clemency shown to women was, however, selective. When they radically transgressed their traditional assignments or when the specter of the Judeo-Bolshevik enemy loomed too near, they were not spared by German military judges.
- L'épuration en France à la Libération : Un moment singulier dans l'histoire de la peine de mort au féminin - Fabien Lostec p. 73-91 Dans la mémoire nationale, les collaboratrices sont soit des femmes tondues, donc très maltraitées, soit des femmes graciées par Charles de Gaulle, donc mieux traitées que les hommes avec lesquels le général aurait été impitoyable. C'est à ces stéréotypes que cet article entend apporter de sérieuses nuances en interrogeant l'existence d'un « moment 1945 » dans l'histoire de la peine capitale au féminin grâce à un corpus de 651 condamnées à mort. Après avoir mesuré la réelle singularité de la Libération, est étudiée l'épineuse question de la grâce, très souvent négligée dans l'historiographie de la justice contemporaine en France, et du décalage entre les peines prononcées et les peines subies, dans une dynamique de rapprochement entre justice exceptionnelle et justice ordinaire.In French national memory, female collaborators were either women shorn for their transgressions —and therefore very badly treated— or women who were pardoned by de Gaulle —and therefore better treated than their male counterparts, with whom the General was allegedly ruthless. This article seeks to nuance these broad stereotypes by questioning the existence of a unique “1945 moment” in the history of capital punishment for women, drawing on a group of 651 women who were sentenced to death. After evaluating the uniqueness of the French Liberation, we will examine the thorny question of pardons, which have very often been overlooked in the historiography of contemporary justice in France, as well as discrepancies between the sentences issued and the sentences actually carried out, in an effort to make connections between instances of extraordinary and ordinary justice.
- Les fascistes de la République sociale italienne condamnées à mort - Cecilia Nubola p. 93-106 Dans l'Italie en guerre des années 1943-1945, les femmes trouvent de nouveaux espaces d'action au service de la République sociale italienne de Mussolini. Elles sont employées dans le Service auxiliaire féminin, dans les groupes paramilitaires des Brigades noires, dans les bureaux de police, comme espionnes professionnelles et multiplient les actes de délinquance. Après la guerre, accusées de « collaborationnisme » avec l'envahisseur allemand, elles sont jugées par des tribunaux spéciaux (cours d'assises extraordinaires) et, parmi elles, une dizaine sont condamnées à mort. Aucune condamnation à mort n'est exécutée, la quasi-totalité des femmes retrouvant la liberté après quelques années à la suite de procès en révision ou d'amnisties. L'article retrace à la fois leurs histoires, leurs actions criminelles, leurs motivations et leurs justifications des choix effectués, mais aussi les décisions de justice qui ont conduit aux condamnations, ainsi que la présence de stéréotypes de genre dans le discours juridique et la défense des accusées.In the war-torn Italy of 1943–1945, women found new sectors of action in the service of Mussolini's Italian Social Republic. They were employed in the Women's Auxiliary Service, in the paramilitary groups of the Black Brigades, in police offices and as professional spies; they were involved in a growing number of crimes. After the war, accused of “collaborating” with the invading German forces, they were tried by extraordinary criminal courts (cours d'assises extraordinaires), and ten women were sentenced to death. None of the death sentences were ever carried out, and almost all the women were released after a few years, following retrials or amnesties. This article examines their history, their criminal actions, their motivations, and their justifications for the choices they made, as well as the legal decisions that led to their convictions and the presence of gender stereotypes in the legal discourse and the defense of the accused.
- Quand le Front de libération nationale exécutait ses « sœurs » : Guerre civile algérienne, justice expéditive et violence sexuée en France entre 1954 et 1962 - Marc André p. 107-125 Alors que les femmes algériennes condamnées à mort par la justice française durant la guerre d'indépendance algérienne ont été largement étudiées, les femmes françaises et algériennes condamnées à mort et exécutées par le Front de libération nationale (FLN) en France ont été à la fois occultées et méconnues : elles rappellent les divisions sanglantes de la population algérienne durant le processus de décolonisation. Un examen exhaustif des dossiers des services régionaux de la police judiciaire ouverts après des morts violentes algériennes révèle pourtant le nombre et les formes de ces mises à mort de femmes. Cet article propose alors de redéfinir la guerre d'indépendance telle qu'elle s'est déroulée sur le territoire métropolitain en « guerre civile » ou « guerre fratricide » pour mieux envisager la manière dont le FLN s'est progressivement doté d'une justice d'exception peu sensible au genre : appuyée sur des directives et règlements, ordonnée par des responsables, appliquée par des groupes de choc, elle s'est exercée contre des femmes réfractaires au FLN, indicatrices de la police ou fréquentant de trop près les « Européens », ou encore membres du Mouvement national algérien (MNA) rival. Les modalités de ces mises à mort, pour être partagées par les hommes, n'en réservent pas moins quelques suppléments de peine dont les viols. Finalement, cet article montre comment la lutte pour l'indépendance s'est déroulée dans une zone grise, en France, entre violences de genre et violences de guerre, attentat politique et crime de droit commun, vie militante et vie privée, exécutions sommaires et justice d'exception, répression politique et contrôle des femmes, conservation et révolution.Many historians have studied the Algerian women who were condemned to death by French courts during the Algerian War of Independence, but few if any have acknowledged the many Algerian and French women who were condemned and executed by the National Liberation Front (FLN) in France as they succumbed to the bloody fratricidal divisions within the Algerian population during decolonization. An exhaustive investigation of the archival dossiers of the French regional judicial police that investigated civil crimes reveals important facts and figures about the deaths of these women. This article examines the Algerian War as a fratricidal and civil conflict that unfolded in mainland France as well as the FLN's summary judicial methods, which were ruthless towards women. The FLN relied on a centralized set of internal directives and regulations, and their execution by party shock troops. The party's methods of justice were applied with extra severity against Algerian women who were suspected of being informants for the police, of having friendly relations with Europeans, or of being affiliated with its rival group, the MNA (The National Algerian Movement). Although the FLN identified both men and women as internal enemies, its female victims often suffered added violence in the form of rape. Finally, this article shows how the fight for independence unfolded in a gray zone in France, shifting often between violence in war and gender-based violence, between political assassination and common law crimes, between militant activities and private life, summary executions and extraordinary justice, political repression and control over women, and finally revolution and conservatism.
- Vers une abolition de la peine de mort pour les femmes en droit international ? - Marie Duclaux de l'Estoille p. 127-140 Selon des estimations récentes, environ 800 femmes seraient actuellement dans les couloirs de la mort. L'imposition de la peine de mort est encadrée par les règles de la protection internationale des droits humains : un système protéiforme, universel et régional, à géométrie variable. La peine de mort y est abolie pour les mères au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant. Toutefois, une oppression sexiste ternit encore les systèmes judiciaires des États rétentionnistes, où la peine de mort est appliquée plus durement aux femmes qu'aux hommes, notamment pour des actes perçus comme des transgressions de genre. Les institutions protégeant les droits humains se sont saisies récemment de cette problématique et œuvrent pour la prise en compte de ce biais sexiste afin de stopper les exécutions.Recent estimates suggest that approximately 800 women are currently on death row. The imposition of the death penalty is governed by international human rights law, a multifaceted system with variable geometry that differs at the international and regional levels. According to international human rights law, mothers must be spared the death penalty, in the name of the best interests of the child. However, gender oppression still tarnishes the justice systems of States where the death penalty has been preserved and where it is applied more harshly to women than to men, particularly for acts perceived as gender transgressions. Human rights institutions have recently taken up this issue and are working to address this gender bias to stop executions.
- « Une vie qui pouvait disparaître » : Entretien avec Sabrina Van Tassel, réalisatrice du film L'État du Texas contre Melissa - Fabien Lostec, Nicolas Picard p. 141-151
- Les femmes à l'épreuve de la peine de mort au 20e siècle (France, Italie) - Fabien Lostec, Nicolas Picard p. 3-18
Rubriques
- Archives - Christine Bard p. 153-159
- Avis de recherche - Isabelle Richet, Anaïs Parmentier, Philippe Reick p. 161-171
- Images, lettres et sons - Anna Trespeuch-Berthelot, Esther Saltiel-Ragot, Guillaume Pollack, Jeanne-Laure Le Quang p. 173-183
- 20 & 21 signale - p. 185-209
- Archives - Christine Bard p. 153-159
- Vermeren Pierre, Histoire de l'Algérie contemporaine. De la Régence d'Alger au Hirak (xix e -xx e siècles), Paris, Nouveau Monde, 2022, 397 p., 22,90 €. - Yassin Temlali p. 191-192
- Nakanabo Diallo Rozenn, Politiques de la nature, nature de l'État. Fabriquer l'action publique au Mozambique, Paris, Karthala, « Questions internationales », 2022, 296 p., 25 €. - Guillaume Blanc p. 192-194
- Ponsard Nathalie, Rencontres en milieux militants puydômois. Des années 1968 au temps présent, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, « Études sur le Massif central », 2023, 636 p., 28 €. - Christian Chevandier p. 194-196
- Bantigny Ludivine, Deluermoz Quentin, Gobille Boris, Jeanpierre Laurent et Palieraki Eugénia (dir.), Une histoire globale des révolutions, Paris, La Découverte, « Histoire-monde », 2023, 1200 p., 36,90 €. - Sidonie Verhaeghe p. 196-197
- Jackson Julian, Le Procès Pétain. Vichy face à ses juges, trad. de l'anglais par Marie-Anne de Béru, Paris, Seuil, « L'univers historique », 2024, 470 p., 25 €. - Guillaume Yverneau p. 197-199
- Kohn Jessica, Dessiner des petits mickeys. Une histoire sociale de la bande dessinée en France et en Belgique (1945-1968), Paris, Éditions de la Sorbonne, « Histoire contemporaine », 2022, 318 p., 25 €. - Laurent Bihl p. 199-201
- Menger Pierre-Michel et Verschueren Pierre (dir.), Le Monde des mathématiques, Paris, Seuil, « Les livres du nouveau monde », 2023, 832 p., 36 €. - Laurent Mazliak p. 201-203