Contenu du sommaire : Habiter les métropoles ?

Revue EcoRev' : revue critique d'écologie politique Mir@bel
Numéro no 56, 2024
Titre du numéro Habiter les métropoles ?
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  • Éditorial - p. 5-8 accès libre
  • Classiques

  • Dossier

    • Mythologie métropolitaine : Débunkage idéologique - Guillaume Faburel p. 21-38 accès réservé avec résumé
      La métropole vivable ? De nombreux politiques, chercheurs, militants – aveugles devant le gigantisme des villes, la densité urbaine, la dilapidation des ressources, la bétonisation et l'artificialisation des sols, etc. – y croient encore, se désole Guillaume Faburel. Pour ce dernier, la réalité du monde urbain est loin d'être ce monde idéal, sans impacts dramatiques, du vivre ensemble et de ses valeurs de diversité, de sociabilité ou encore d'hospitalité. La réalité urbaine est plutôt celle d'une indésirabilité croissante des grandes densités, loin des revendications d'« un droit à la ville » pas toujours bien inspirées. Décroître et désurbaniser constitueraient la seule voie digne. À condition d'une petite démystification.
    • Les métropoles capitalistes,un monde narcissique : Enjeux historiques de l'inhabitabilité des espaces métropolisés - Hugo Claret p. 39-63 accès réservé avec résumé
      Sous l'emprise de la marchandisation, de la vitesse et la pression de flux d'information, la vie quotidienne en métropole est devenue frénétique, anomique, sans fard. Le passé est oublié, le futur est sans avenir et le présentisme domine. L'espace métropolitain n'est plus qu'un non-lieu où l'individu se perd dans un monde narcissique où règnent l'urgence et l'immédiateté, le plaisir illimité et la toute-puissance. Pour Hugo Claret, les métropoles dépossèdent l'individu de toute expérience sensible et les noient dans un monde fantasmé, un théâtre d'ombres, dont il est le seul acteur et protagoniste. Narcisse est désormais son identité profonde que le capitalisme métropolitain ne manque pas de dompter et d'exploiter pour son plus grand profit. Au risque cependant de l'épuisement, de la « fatigue de soi », d'un effondrement total. Peut-on voir dans ces limites les ferments d'un sujet révolutionnaire ? Oui, répond Hugo Claret. Car Narcisse à son revers, la révolte de l'« Homme total » d'Henri Lefebvre, figure irréductible qui ne renonce à rien, surtout pas à l'espace social et le temps libre dont il a pu être privé.
    • Entre métropolisation et « métropolitisation » : Gestion des données et techno-pouvoir à l'ère du numérique - Meryam Benabdeljelil p. 65-75 accès réservé avec résumé
      Pour Meryam Benabdeljelil, la métropolisation est bien plus qu'un phénomène tentaculaire impulsé par une volonté politique de développer un modèle d'investissement urbain axé sur la mise en réseau des villes. Si la métropolisation a pour effet d'accentuer et de polariser les inégalités socio-spatiales, selon une accélération portée par la révolution du numérique et des plateformes, elle est aussi une dynamique politique qui redistribue les rapports de pouvoir et met en tension les nombreux acteurs publics et privés impliqués. La perspective alors tracée souligne combien la métropolisation déborde la question de l'urbain et de l'aménagement des territoires, notamment en investissant celle de la souveraineté des données. Au delà d'un simple déplacement, la mobilité représente une liberté d'action dont le contrôle par les GAFAM fait poindre le danger d'un affaiblissement de nos droits fondamentaux et d'une privatisation de l'espace public.
    • Les mouvements écologistes de désobéissance civile face à la métropole : Au sein ou contre ? - Simon Audebert, Lucien Thabourey p. 77-94 accès réservé avec résumé
      Les auteurs analysent les évolutions récentes des mouvements écologistes de désobéissance civile en France au prisme de la transformation de leur rapport à la métropole. Initialement ancré dans les grandes villes pour alerter la population sur les enjeux climatiques et inviter les pouvoirs publics à agir enfin en conformité avec leurs engagements internationaux, les mouvements écologistes ont procédé à une relocalisation partielle de leur stratégie en réaction à un manque de succès tangible. Les Soulèvements de la Terre, qui se déplacent d'une lutte locale à une autre, témoignent d'une diversification des enjeux et des adversaires pris pour cible par les mouvements écologistes contemporains. La multiplication des critiques adressées à leur encontre semble confirmer une forme de succès de cette stratégie de conflictualisation. Loin de correspondre au conflit rejoué par leurs détracteurs entre populations urbaines déconnectées et populations rurales authentiques, ces mobilisations questionnent les interfaces rural/urbain et leurs reconfigurations.
    • Quitter les métropoles : Fantasme bourgeois ou nécessité vitale d'habiter quelque part ? - Fanny Ehl, Fabian Lévêque-Carlet, Neill Schiaretti p. 95-110 accès réservé avec résumé
      Alors même que les métropoles sont devenues les cadres de vie dominants ces dernières décennies, elles ont paradoxalement été peu analysées sous l'angle de leurs vécus, des activités socio-cognitives et de la réflexivité critique des populations habitantes, celles qui y vivent au quotidien. Tel est le propos de cet article, mobilisant expériences et sensitivités, à travers des trajectoires résidentielles propres et les questionnements suscités, au croisement de méthodes autoethnographique et éco-biographique. Sont ainsi présentés les récits analytiques de trois personnes, autrices de l'article et appartenant à la même génération, qui interrogent ce qui dans leur expérience de la métropole a été déterminant pour envisager aujourd'hui la question du départ, et engager une trajectoire écologique de « démétropolisation ».
    • Ménager pour ne pas (trop) déménager : Contre la montée des « eaux glacées du calcul égoïste » - Emmanuel Dessendier, Anita Rozenholc p. 111-116 accès réservé avec résumé
      Montée des eaux, recul du trait côtier, subsidence et affaissement des villes : la séquence est prévisible et même certaine. Le changement climatique charrie avec lui son lot de problèmes auxquels les métropoles des bords de côtes, souvent les plus peuplées, sont déjà confrontées. Ces problèmes, humains au premier chef avec la question des migrations, ne pourront être débattus à défaut d'être résolus, que dans le cadre clair, démocratique, d'une rénovation profonde des règlesqui organisent nos choix collectifs.
    • Végétaliser la métropole - p. 117-125 accès réservé avec résumé
      L'Agence A+R Paysages, cocréée en 2006 à Dublin par le paysagiste concepteur Rémi Salles, est installée à Bordeaux depuis 2010 et réunit actuellement une quinzaine de collaborateurs. Dans cet article, l'agence questionne le rôle des paysagistes dans la végétalisation et la « renaturation » des métropoles contemporaines. Dans le contexte du réchauffement climatique, elle analyse notamment les tensions qui existent entre l'apparente immutabilité des villes patrimoniales et les processus dynamiques qui inventent aujourd'hui une nouvelle coexistence entre humains et ensemble du vivant dans les espaces urbains.
    • Aux limites de la lutte contre les fournaises métropolitaines : Zéro artificialisation et densification, de fausses solutions ? - Oscar Brousse, Fabian Lévêque-Carlet p. 127-145 accès réservé avec résumé
      Stopper l'artificialisation des sols en favorisant la densification peut apparaître comme une solution viable pour répondre aux impacts négatifs que l'étalement urbain a sur les écosystèmes et la génération de gaz à effet de serre. En énonçant comment les villes altèrent le climat local, cet article discute de la manière dont la zéro artificialisation et la densification pourraient mener à des environnement urbains proches de l'invivable : de véritables fournaises métropolitaines que les populations commencent déjà à fuir.
    • Le post-urbain : Comment dé-métropoliser le monde - Guillaume Faburel, Raphaël Lhomme p. 147-161 accès réservé avec résumé
      La civilisation urbaine interroge. En franchissant tous les seuils écosystémiques, elle ne laisse d'autre choix qu'une profonde remise en question de nos modes de vie. Pour Guillaume Faburel et Raphaël Lhomme, il est urgent d'agir pour basculer dans une ère post-urbaine, ouvrant la voie à une réhabilitation des campagnes, et des villes moyennes, de la ruralité mais aussi de quelques imaginaires. Il s'agit moins de revendiquer un « retour à la terre » que de promouvoir une nouvelle manière d'habiter le monde dans des espaces singuliers, les biorégions. Mais cette nouvelle géographie n'a rien de spontanée. Les auteurs en appellent à de nouvelles alliances géo-sociales, des groupes paysans aux habitants des quartiers populaires et pavillonnaires, pour résister aux pouvoirs dévorant des métropoles mais aussi pour repolitiser des territoires subordonnés et invisibilisés. Croisons les doigts.
    • Politiser le biorégionalisme : Autour de l'ouvrage Réhabiter le monde - Mathias Rollot, Agnès Sinaï p. 163-174 accès réservé avec résumé
      Les biorégions et le courant du biorégionalisme sont-ils l'avenir des métropoles ? Sous certaines conditions, selon Agnès Sinaï. Les biorégions sont des habitats « post-métropolitains » pensés en fonction des problématiques écologiques concrètes, situées et repérables à des échelles géographiques et spatiales différenciées. En retour, en posant la question politique de savoir dans quel espace souhaitons-nous (re)habiter le monde et comment y parvenir, le biorégionalisme remet au goût du jour le problème trop longtemps délaissé de la planification et de son corollaire, la manière (démocratique) dont on pourrait faire usage de cartes d'écorégions françaises. Sans aller plus avant, il semblerait bien que le biorégionalisme soit a minima un fédéralisme.
    • Du droit à la ville au droit à la métropole ? : Pour de nouveaux communs urbains - Francesco Brancaccio p. 175-195 accès réservé avec résumé
      Alors que pour Henri Lefebvre, la crise de la ville industrielle témoigne d'une zone critique où l'urbain absorbe le rural et le soumet à la logique de la valeur d'échange, émerge un « droit à la ville » qu'il faut comprendre, selon Francesco Brancaccio, comme un droit d'utiliser ou de s'approprier un bien ou un espace indépendamment de la nature de la propriété, publique ou privée, dont ce bien ou cet espace est l'objet. Cette lecture rejoint la critique de David Harvey qui perçoit dans les mouvements urbains des années 1990-2000, la manifestation d'une résistance à une nouvelle logique de l'accumulation, fondée sur la privatisation ou la « dépossession » des biens, de l'espace et des services publics. Pour F. Brancaccio, ces auteurs mettent en avant l'importance et la centralité des communs comme alternative à l'Etat et au marché. Une lecture qui converge avec celle d'Antonio Négri, qui met l'accent sur les luttes métropolitaines pour davantage d'autonomie face aux mécanismes d'exploitation et d'expropriation des communs. D'où à ses yeux l'importance de considérer le commun comme un « mode de production » et de s'interroger, dans cette perspective, sur les luttes qui pourraient ouvrir le passage d'un droit à la ville à un droit à la métropole.
  • Kit militant

    • Défaire les Jeux : Ce que les enquêtes militantes sur les JO disent des métropoles - Pauline Gourlet p. 197-205 accès réservé avec résumé
      Les voix des personnes mobilisées face aux JO de Paris 2024 font état d'une longue liste de problèmes dont voici quelques thèmes : aménagement urbain et gentrification, surveillance, nettoyage social, ruissellement inversé, déni de démocratie, etc. Leurs investigations et leurs actions collectives défont et déplacent la figure des Jeux Olympiques : de grand évènement sportif et festif, ils apparaissent comme un accélérateur et catalyseur puissant de politiques publiques préoccupantes, transformant concrètement et durablement la vie de nombreuses personnes. En creux, se révèle un processus de métropolisation implacable qui dépossède les personnes qui y vivent, tant de leurs bases matérielles que de leurs capacités citoyennes. Contre l'injonction à la fête, qui tente d'éclipser ce qui s'infrastructure par-delà la compétition sportive, les enquêtes militantes entament un travail de réappropriation de ce que pourrait signifier habiter les métropoles.
  • Piste(s)

    • Revaloriser le chez-soi : Féminisme & biorégionalisme - Judith Plant, Marine Beuerle, Maële Giard, Mathias Rollot p. 207-216 accès réservé avec résumé
      La convergence du biorégionalisme avec les mouvements féministes serait-elle une première ligne de front contre la standardisation des modes de vie et l'hégémonie économique et culturelle des métropoles ? Sans doute la revendication de Judith Plant d'une revalorisation du « chez soi » ou du « foyer » a de quoi surprendre à première vue. Mais aux pratiques extractives du capitalisme dont le patriarcat reproduit le modèle, l'autrice oppose un « chez soi » qui serait « une biorégion » tissée de relations humaines, respectueuses des valeurs d'égalité, de dignité, de réciprocité.
    • Les socialistes, le vélo, et la folie du pétrole avant 1914 - Julien Chuzeville p. 217-224 accès réservé avec résumé
      En partant d'un entrefilet paru dans le quotidien socialiste L'Humanité en 1907, il s'agit de comprendre comment les membres du Parti socialiste SFIO d'avant la Première Guerre mondiale pouvaient associer le vélo à leur engagement. Sont abordés successivement : le vélo comme outil militant ; la question du développement des pistes cyclables ; les promenades collectives en vélo entre militantes et militants socialistes ; et enfin la dimension politique du vélo opposé à l'automobile, le journal L'Humanité parlant à l'époque de « folie du pétrole » pour critiquer les chauffeurs qui provoquaient des accidents.
  • Gorzienne

    • Mettez du socialisme dans votre moteur : Contre l'idéologie sociale de la bagnole - André Gorz p. 225-235 accès libre avec résumé
      Cet article, toujours abondamment cité à travers le monde, sous le titre « L'idéologie sociale de la bagnole » est initialement paru dans le numéro 6 de la revue Le Sauvage de septembre-octobre 1973, sous le titre « Mettez du socialisme dans votre moteur » et sous la plume de Michel Bosquet, autre alias d'André Gorz. Pour notre parrain, alors, tant que la voiture sera considérée comme une vache sacrée, l'espace urbain sera floué. Il nous invite à toujours lier le problème du transport à celui de la ville, de la division sociale du travail et de la compartimentation que celle-ci a introduite entre les diverses dimensions de l'existence. Pour lui, la seule alternative est globale : il s'agit de desserrer l'étau capitaliste et de promouvoir un socialisme à échelle humaine.
  • Lectures