Contenu du sommaire : Les mots des « guerres culturelles »

L'article étudie comment les dirigeants des principaux partis d'extrême droite française (FN-RN, Reconquête !) se sont emparés depuis les années 1990 du thème de la « bataille culturelle » pour construire un récit performatif de conquête du pouvoir par les idées et les mots. Il analyse à partir d'un corpus de textes de Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen et Éric Zemmour diffusés entre 1987 et 2022 les modalités de mise en discours et en récit de la métaphore filée de la « bataille culturelle », son fonctionnement comme lieu commun et ses effets argumentatifs. Il montre que les divers procédés rhétoriques, stylistiques et lexicaux utilisés pour cadrer les débats et transformer le langage politique convergent dans un processus systématique de remplacement lexical et une altération sémantique du vocabulaire républicain. L'article interroge enfin le statut métaphorique ambigu de l'item « bataille culturelle », dont les implicites idéologiques en discours participent d'une valorisation de la violence comme mode d'action et construisent un espace politique et géographique où seul l'affrontement, voire la guerre – et non le débat démocratique – peuvent résoudre les conflictualités.

Depuis le début des années 2020, le « wokisme » est devenu un thème d'interventions intellectuelles en France dans des espaces associés à la droite et aux positions conservatrices. L'étude de tribunes « anti-wokistes » comme formes d'intervention montre à la fois une hétérogénéité relative des positions et des registres argumentatifs, entre des types académique, militant et essayiste de contributeurs, mais aussi des caractéristiques communes dans les cibles, ainsi que des circulations de motifs entre les périodiques libéraux et conservateurs. Ces aspects suggèrent d'analyser les critiques du « wokisme » parmi d'autres formes d'action collective de type élitaire.

Plusieurs actes de violence survenus en France pendant l'été 2020 ont donné lieu à une polémique d'une ampleur inédite liée à l'usage de la formule ensauvagement pour qualifier cette série de faits divers. À travers une analyse de discours d'un corpus principalement composé d'articles de presse, nous examinons les deux registres de problématisation autour desquels les acteurs sociaux ont pris part au débat : d'une part sur la capacité ou non de la formule à décrire la réalité et d'autre part sur l'importance des mots dans le débat politique et médiatique.

En profitant de l'essor aux années 2010 de la campagne brésilienne contre le « genre », Jair Bolsonaro s'impose comme leader hégémonique de l'opposition, et passe du statut de député à celui de président de la République en l'espace de huit ans. À partir de l'étude de sa stratégie de communication politique, cet article interroge la mise en ressource électorale des enjeux de genre et ses effets de polarisation dans le Brésil contemporain.

Acteur majeur lors de la crise du Brexit, le Parti conservateur britannique a renforcé la polarisation politique au sein du pays, jusqu'à alimenter ce que certains chercheurs ont décrit comme une guerre culturelle. À la veille d'élections législatives cruciales pour le parti, cet article propose d'étudier la construction discursive d'une des stratégies de communication utilisées par les Tories, appelée « War on Woke », à travers l'analyse narrative critique des discours des chefs conservateurs au congrès annuel de leur parti depuis 2016.

‪Depuis le début de la vague d'attentats de Daech en Europe et aux États-Unis en 2015, les géants des réseaux sociaux Meta, Google et Twitter se sont investis dans la lutte contre le terrorisme sur leurs services. Cet article interroge la manière dont ces acteurs privés se sont approprié la catégorie contestée de « terrorisme », à travers une analyse de discours d'un corpus de leurs communications officielles. Celle-ci permet de montrer comment ces entreprises tentent, par diverses stratégies, d'évacuer les enjeux politiques intrinsèques à cette notion, avec un succès mitigé.‪