Contenu du sommaire : Le techno-contrôle des migrations
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Numéro | no 140, mars 2024 |
Titre du numéro | Le techno-contrôle des migrations |
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Édito
- Agro-business - p. 1-2
- Agro-business - p. 1-2
Dossier. Le techno-contrôle des migrations
- Frénésie sécuritaire : l'algorithme du rejet - Anna Sibley, Pascaline Chappart p. 3-6
- Lexique critique de l'intelligence artificielle - p. 7-10 Le domaine de l'intelligence artificielle a une histoire et dispose de son propre jargon pour évoquer les différentes techniques et approches qui ont été élaborées au fil du temps. Pour se départir de l'horizon fantasmagorique comme du narratif volontairement anthropomorphe mis en avant par ses concepteurs, il semble utile de décrypter les termes qui façonnent cette technologie. Questionner ce vocable permet aussi de mettre au jour les enjeux politiques qui sous-tendent l'exploitation des données numériques et l'usage des algorithmes.
- Esquisse de l'automatisation du contrôle des frontières - Anna Sibley, Pascaline Chappart p. 11-14 L'usage des systèmes de l'intelligence artificielle dans le contrôle des frontières n'est pas une fiction dystopique. L'automatisation du contrôle des frontières est un phénomène mondial bien actuel. Tenter de le cartographier, c'est néanmoins se heurter au secret qui entoure la conception et l'usage de ces technologies. Incomplète, cette compilation des divers outils adoptés par les États offre néanmoins un aperçu de leur déploiement.
- Automatiser la « forteresse Europe » - Chris Jones, Isabelle Saint-Saëns p. 15-18 La fortification des frontières de l'Europe est intrinsèquement liée à l'usage croissant des technologies numériques. Passeports biométriques, portiques automatisés, drones, capteurs, systèmes de détection placés aux frontières, etc., ces dispositifs facilitent l'identification des individus, et donc le contrôle des personnes étrangères qui cherchent à entrer dans l'Union européenne (UE). Des investissements publics faramineux sont alloués à la conception et au déploiement de ces outils, malgré leur caractère liberticide. À moins d'une opposition publique significative, il est probable qu'à l'avenir, l'UE investisse encore davantage dans ce domaine.
- Les (mauvais) augures migratoires - Serge Slama p. 19-22 L'Union européenne et certains de ses États membres développent des outils visant à prédire et anticiper les flux migratoires à partir de différentes sources de données. À supposer que ces instruments soient fiables, qu'en est-il de leur finalité ? Vu les orientations répressives du nouveau pacte européen sur la migration et l'asile, il semble illusoire de penser que ces logiciels vont exclusivement servir à améliorer l'accueil des personnes étrangères… En réduisant ainsi les migrations à un flux de données, ils alertent bien davantage sur la déshumanisation des politiques migratoires et le déni des droits fondamentaux.
- Une numérisation du contrôle social discriminatoire - p. 23-26 Les pratiques de contrôle algorithmique sont en pleine expansion au sein des administrations sociales : chaque allocataire se voit désormais attribuer un « score de suspicion ». Sans surprise, les plus précaires, parmi lesquels les personnes étrangères, sont le plus souvent ciblés et discriminés. Officiellement, il s'agit de « lutter contre la fraude ». En pratique, le contrôle numérique se déploie en toute opacité et institue une logique de police prédictive qu'il est plus que jamais nécessaire de contester. Retour sur la mobilisation portée par La Quadrature du Net, Changer de cap et Stop contrôles qui présage des luttes à venir…
- Au Royaume-Uni, des étrangers sous surveillance GPS - Lucie Audibert p. 27-30 Géolocalisés toutes les 30 secondes, sommés de scanner leurs empreintes jusqu'à cinq fois par jour, de plus en plus d'étrangers sont soumis aux dispositifs de surveillance électronique et acculés à vivre en état d'hypervigilance sur le sol britannique. Présentée comme une alternative au placement en centre de rétention administrative, cette politique détourne la finalité assignée à ces technologies et contourne résolument la loi. Les autorités s'arrogent la liberté de consulter les données collectées pour examiner les demandes de séjour et confient à un algorithme opaque le soin de juger de l'opportunité de maintenir les personnes sous surveillance.
- Les algorithmes et l'intelligence artificielle contre les étrangers en Europe - Gabrielle du Boucher p. 31-34 Si le Défenseur des droits n'est, pour l'instant, pas régulièrement saisi pour des situations mettant en cause l'usage des algorithmes et des systèmes de l'intelligence artificielle (IA), cette autorité administrative indépendante est toutefois attentive à leurs développements en France, comme au sein de l'Union européenne. Dans le sillage de la numérisation des services publics, le développement de l'IA à des fins de contrôle et de surveillance des personnes étrangères laisse, selon lui, craindre une fragilisation accrue de leurs droits fondamentaux contre laquelle la future législation européenne n'apportera visiblement pas toutes les garanties nécessaires.
- Défendre les étrangers : intelligence artificielle versus intelligence collective - Flor Tercero p. 35-38 Face à la complexification du droit des étrangers, le libre accès aux bases de données des juridictions administratives et judiciaires et le développement des systèmes d'intelligence artificielle font naître beaucoup d'espoir parmi les professionnel·les du droit. Mais il est toutefois à craindre une montée en puissance de la justice prédictive, fondée sur des algorithmes biaisés, au détriment de la sauvegarde des droits des personnes. Pour contrer cette dérive, l'association De Quel Droit1 met à disposition un outil collaboratif de partage de jurisprudence.
- Les nouvelles technologies frontalières - Petra Molnar, Isabelle Saint-Saëns p. 39-42 Les espaces frontaliers comme ceux de l'urgence humanitaire, où la réglementation est délibérément limitée, constituent des terrains d'essai privilégiés pour le déploiement des nouvelles technologies de la surveillance. À l'échelle mondiale, fichiers numériques, chiens-robots, détecteurs de mensonges, reconnaissance faciale, etc., viennent étoffer l'arsenal sécuritaire des États pour automatiser le contrôle des frontières. Mais qu'en est-il de la préservation des droits fondamentaux des personnes visées par ces dispositifs ? Malgré l'usage croissant des systèmes d'intelligence artificielle, la réglementation internationale reste, semble-t-il, bien silencieuse.
- Une surveillance des frontières nord-américaines « qui ne dort jamais » - Anna Sibley p. 43-44
- La Grèce, à la pointe des technologies liberticides - Anna Sibley p. 45-46
- Frénésie sécuritaire : l'algorithme du rejet - Anna Sibley, Pascaline Chappart p. 3-6
Hors-thème
- Nourriture, vêtements, bouilloires électriques pour contrôler et exclure - Dorothea Bauer p. 47-50 Pour durcir davantage leur politique d'asile, les autorités allemandes ont misé sur la précarisation des requérant·es en leur octroyant des prestations en nature plutôt qu'en espèces. Quels sont les effets de ces choix politiques sur le quotidien des personnes en quête de protection internationale, ainsi contraintes de « faire avec » et de se débrouiller ? Quand la possibilité de choisir la façon de s'habiller, de se nourrir ou simplement de pouvoir chauffer de l'eau devient un enjeu politique, on prend la mesure de l'étendue de l'emprise de l'État mais aussi des stratégies de résistance mises en place par celles et ceux qui y sont assujettis.
- Les libertés numériques, une défense par le droit héritière du Gisti ? - Guillaume Le Lay p. 51-54 La Quadrature du Net est, depuis sa création en 2008, un acteur majeur de la défense des libertés fondamentales dans l'environnement numérique en France. L'observation de ses usages politiques du droit révèle certaines continuités avec les modalités d'action du Gisti, de l'expertise juridique comme ferment d'une légitimité politique au lien étroit entre les combats portés sur le terrain du droit et les combats politiques. Qu'il s'agisse de défendre les étrangers ou les libertés numériques, le droit est envisagé comme une arme, un instrument du changement social et politique.
- Nourriture, vêtements, bouilloires électriques pour contrôler et exclure - Dorothea Bauer p. 47-50
Mémoire des luttes
- Ce que les luttes de femmes de chambre doivent à la mémoire sociale - Saphia Doumenc p. 55-59 Loin d'être improbables, les grèves de femmes de chambre s'inscrivent dans le prolongement des trajectoires de résistances individuelles des femmes immigrées. Et c'est dans la réactivation d'une histoire en partage, de la mémoire collective des luttes pour la reconnaissance de l'esclavage et des mobilisations syndicales pour l'égalité des droits entre toutes les travailleuses et les travailleurs, que s'énoncent leurs revendications. Dans cette reconnaissance sociale, c'est aussi la transmission de l'action syndicale qui se joue.
- Ce que les luttes de femmes de chambre doivent à la mémoire sociale - Saphia Doumenc p. 55-59
Focus juridique
- Des drones aux frontières : l'illusion du contrôle ? - Lionel Crusoé p. 60-64
- Des drones aux frontières : l'illusion du contrôle ? - Lionel Crusoé p. 60-64