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Revue Politix Mir@bel
Numéro vol. 37, no 145, 2024
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  • La politique au parvis : Les exilé·es soudanais·es face au gouvernement de l'asile au Caire - Pauline Brücker p. 3-27 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    En Égypte comme dans de nombreux autres pays du monde, le rôle du Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (HCR) dans la vie quotidienne des personnes exilées est central, ce dont attestent les venues régulières de certains de ses membres. Pourtant, les bureaux de l'organisation et de ses partenaires font l'objet d'une sécurisation qui les met à distance et réduit les possibilités d'interactions. Le guichet, lieu théoriquement central de ces rencontres administratives, est alors remplacé par le parvis, espace situé devant les bâtiments de l'organisation rendus de fait quasi inaccessibles, où sont confiné·es les exilé·es. Lieu d'entre-soi dont sont absents les agents administratifs, le parvis devient ainsi un lieu où l'on échange, socialise et apprend des parcours des uns et des autres. Ces mises en commun des expériences favorisent la prise en compte de failles structurelles dans le fonctionnement du gouvernement de l'asile et l'émergence d'une critique politique qui se traduit parfois en manifestations ou occupations du parvis. Adoptant un cadre théorique mêlant étude par le bas de la politique humanitaire internationale et rapport au politique des populations subalternes, cet article montre que le parvis, produit par ces dispositifs de mise à distance, de soumission à l'attente et de dépolitisation, induit en réalité une politisation inattendue des expériences de l'exil.
    In Egypt, as in many other countries of the world, the role of the United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR) in the daily life of refugees is central as evidenced by their regular visits. However, the offices of the organization and its partners are secured in a way that puts them at a distance and reduces the possibilities of interaction. The counter, theoretically the central place for these administrative encounters, is replaced by the square, a forecourt space located in front of the organization's buildings, which has become almost inaccessible, where the exiles are confined. The square becomes a place where people socialize and learn from each other's experiences, without the presence of administrative agents. These shared experiences encourage the recognition of structural flaws in the functioning of the government of asylum, and the emergence of a political critique that sometimes translates into occupations or demonstrations in the square. By adopting a theoretical framework that combines the study of international humanitarian policy from below and the relationship of subaltern politics, this article shows that the square, produced by these devices of distancing and depoliticization, actually induces an unexpected politicization of the experiences of exile.
  • Les violences « anti-flics » : gestion étatique et (dé)légitimation : Le cas des Gilets jaunes - Vanessa Codaccioni p. 29-59 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Les violences contre les forces de l'ordre suscitent ces dernières années des stratégies de scandalisation croisées, notamment lors de mouvements sociaux d'ampleur donnant lieu à des affrontements entre police et manifestant·es. À partir d'une enquête menée au tribunal de grande instance de Paris et d'une étude de soixante-sept affaires d'infractions à dépositaire de l'autorité publique (outrage, rébellion, violences), cet article porte sur l'usage manifestant de la force contre la police et la gendarmerie pendant le mouvement des Gilets jaunes. Il analyse à la fois les conditions des passages à l'acte « anti-flics » lors des divers actes parisiens, leur (dé)légitimation et leur répression, tout comme les interactions entre Gilets jaunes et agents des forces de l'ordre lors de chacune des étapes répressives : au moment de l'arrestation, de la garde à vue, et du procès.
    In recent years, violence against the forces of law and order has given rise to cross-cutting strategies of scandalization, particularly during large-scale social movements involving clashes between police and demonstrators. Based on a survey conducted at the TGI de Paris and a study of sixty-seven cases involving offences against public officials (contempt, rebellion, violence), this article looks at the demonstrative use of force against the police and gendarmerie during the Gilets jaunes movement. It analyzes both the conditions of “anti-cop” acts during the various Paris acts, their (de)legitimization and repression, as well as, by focusing on all the repressive stages - arrest, police custody, trial – on the interactions between Gilets jaunes and law enforcement officers during each of them.
  • S'ancrer dans les territoires ? Stratégie de responsabilisation et réforme policière dans les groupes de partenariat opérationnel - Valérie Icard, Jacques de Maillard p. 61-87 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Consolidant l'action partenariale locale entreprise depuis les années 1980, les Groupes de partenariat opérationnel (GPO), lancés en 2019 dans le cadre de la « police de sécurité du quotidien », reposent sur une stratégie de responsabilisation et une logique du « faire avec » : la police nationale s'engage dans des actions conjointes avec d'autres acteurs locaux (municipalités, bailleurs, associations, etc.). Dans cet article, nous analysons ces nouveaux dispositifs sous deux angles. Tout d'abord, les enjeux de responsabilisation sont examinés : dans quelle mesure les services de police orientent-ils l'action des partenaires en présence ? Par ailleurs, on peut se demander dans quelle mesure la mise en œuvre de ces dispositifs vient transformer les modes d'action de la police nationale, traditionnellement réactive et à distance des territoires. Sur la base d'une enquête combinant entretiens et observations dans quatre villes des Yvelines, nous mettons en évidence les logiques d'acclimatation locale au cœur des GPO, ainsi que les négociations constantes qui en sont au fondement et qui entraînent une inflexion des stratégies de responsabilisation de la police nationale. En définitive, si l'on n'observe que des transformations limitées des modes d'action policiers, ces GPO s'inscrivent dans une quête de relégitimation symbolique de l'institution dans les territoires.
    In France, the Operational Partnership Groups ( Groupes de partenariat opérationnel, GPOs), launched in 2019 as part of the “day-to-day” security policing reform, consolidate the local partnerships that have been in place since the 1980s. They are based on a strategy of responsibilization and a “working together” approach, with the national police taking joint action with other local players (municipalities, social landlords, associations, etc.). In this article, we analyse these new initiatives from two angles. Firstly, the question of responsibilization is raised: to what extent do the police services guide the actions of the partners involved? Secondly, we might ask to what extent the implementation of these measures is transforming the way in which the police nationale, which has traditionally been reactive and at a distance from the territories, operate. Based on a research combining interviews and direct observations in four towns in the Yvelines (Paris area), we highlight the local acclimatisation logics at the heart of the GPOs, as well as the constant negotiations that underpin them, that lead to an inflexion of the police nationale's strategies of responsibilization. Ultimately, while there have been only limited changes in the way the police operate, these GPOs are part of a quest to symbolically re-legitimise the institution in the local area.
  • Les échelles du « commun » : Les luttes pour le classement des sables du littoral, XIXe-XXe siècles - Arnaud Sébileau p. 89-112 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Prenant pour cas d'analyse les sables du littoral, cet article interroge un point aveugle des travaux sur les biens communs : les échelles du « commun » et leurs usages politiques. Du XVIIIe siècle au Second Empire, ces échelles sont mobilisées dans les concurrences pour la propriété et la régie des sables en termes d'oppositions et de déclinaisons entre le « commun national » et le « commun communal ». Dans un premier temps, le propos consiste à expliquer la problématisation publique des sables et leur transmutation en réserve de terres au service de l'économie « nationale ». Dans un second temps, il s'agit de montrer comment ceux qui mènent l'offensive contre les dunes font varier l'échelle de « l'intérêt général ». Enfin, l'article exposera la manière dont les différentes fractions d'habitants résistent inégalement aux offensives contre les sables en défendant des échelles communautaires du « commun ».
    Using coastal sands as a case study, this article examines a blind spot in work on the commons: the scales of the “common” and their political uses. From the eighteenth century to the Second Empire, these scales were mobilised in the competition for ownership and management of the sands in terms of oppositions and variations between the “national commons” and the “communal commons”. In the first instance, the aim is to explain the public problematisation of the sands and their transmutation into a reserve of land at the service of the “national” economy. Secondly, it will show how those leading the offensive against the dunes are changing the scale of the “general interest”. Finally, the article will show how different sections of the population are resisting the offensive against the dunes in different ways, by defending different community scales of the “common”.
  • Les Romains votaient-ils ? - Romain Meltz p. 113-133 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La parenté entre les systèmes politiques contemporains occidentaux et la République romaine est bien connue, parfois revendiquée par les acteurs politiques jusqu'à en faire un héritage. La question d'un vote à Rome, quoiqu'encore insuffisamment détaillée, fait l'objet d'un large consensus historiographique. Deux éléments nous incitent à reprendre le dossier. L'absence de référence à l'élection romaine par la France révolutionnaire et l'absence de terme latin pouvant être facilement traduit par « voter », incitent pourtant à tenter de repenser la question en utilisant une analyse lexicométrique. Elle consiste à recenser, dans les 35 livres de Tite-Live encore en notre possession, tous les termes utilisés pour évoquer l'entrée en charge d'un magistrat. Comme le verbe creare présente le plus grand nombre d'occurrences, il s'agit de repérer, sur un temps long comment ce verbe a été traduit en français, en mettant l'accent sur la période révolutionnaire. L'étude diachronique lexicométrique montre comment la traduction de creare par « élire » n'est pas allée de soi avant le courant du XXe siècle, mais aussi comment cette traduction est aujourd'hui massive. Ce résultat incite à reprendre l'étude de la construction d'un supposé champ politique de la République romaine.
    – The kinship between contemporary Western political systems and the Roman Republic is well known, and is sometimes claimed by political actors as a legacy. The question of a vote in Rome, although still insufficiently detailed, is the subject of a broad historiographical consensus. Two factors prompt us to revisit the issue. The absence of any reference to Roman elections in revolutionary France, and the lack of a Latin term that can be easily translated as “vote”, mean that we should try to rethink the issue using a lexicometric analysis. In the 35 surviving books of Titus Livius, the lexicometric analysis consists of listing all the terms used to evoke the inauguration of a magistrate. As the verb creare has the highest number of occurrences, the aim is to identify, over a long period of time, how this verb was translated into French, focusing on the revolutionary period. The diachronic study shows how the translation of creare by “to elect” was not self-evident until the twentieth century, but also how this translation is now widespread. This result prompts us to return to the study of the construction of a supposed political field in the Roman Republic.
  • Marcher contre l'inaction climatique : Les résultats d'une ethnographie quantitative des manifestations pour le climat - Maxime Gaborit, Yann Le Lann, Anaëlle Solnon, Hugo Touzet p. 135-162 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Entre 2018 et 2019, les manifestations et « grèves » étudiantes et lycéennes pour lutter contre le dérèglement climatique se sont multipliées et se sont imposées au cœur de l'actualité politique. Aux côtés d'autres types d'actions, ces mobilisations témoignent de la permanence des formes classiques de l'action collective. Face à ce qui s'apparente à un nouveau cycle dans l'histoire du militantisme écologiste, les enquêtes récentes se sont centrées sur les modes d'action les plus engagés (blocages, occupations…). Cet article se présente comme une contribution visant à éclairer des mobilisations plus massives, à partir de données quantitatives, afin de rendre compte des continuités et des évolutions quant aux profils sociaux et politiques des manifestant·es engagé·es sur les questions environnementales. Sur la base de questionnaires administrés au cours de quatre journées d'action, nous proposons une analyse du profil sociodémographique des personnes mobilisées mais aussi de leur rapport au politique. À distance des analyses qui en font un « mouvement de jeunes », désidéologisé ou désactivant les anciens clivages politiques, nous montrons que ces mobilisations recrutent dans les segments de la population historiquement investis sur l'écologie, tout en déplaçant les modes d'action privilégiés. Pour autant, loin d'être unifié, une étude de la composition du mouvement par les variables lourdes articulées entre elles peut permettre de comprendre la logique des oppositions internes au mouvement. Si le mouvement semble caractérisé par l'importante participation du salariat qualifié (et de leurs fils et filles) et l'ancrage à gauche, de petites distances sociales sont notables et contribuent à l'explication des clivages politiques et du renouvellement des types d'engagements, collectifs comme individuels.
    Since 2018, student and high school strikes and protests against climate change have multiplied and become a focal point in political news. Alongside other forms of activism, these movements illustrate the relevance of so-called “traditional” forms of collective action. Faced with what appears to be a new cycle in the history of environmental activism, recent research has focused on the most engaged forms of action, such as blockades and occupations. This article aims to shed light on larger-scale mobilizations using quantitative data, aiming to understand the continuities and changes in the social and political profiles of individuals engaged in environmental issues. Based on questionnaires conducted during four days of action, we provide an analysis of the socio-demographic profile of those involved in the protests and their relationship with politics. Contrary to analyses characterizing it as a “youth movement”, devoid of ideology or deactivating old political divides, we show that these mobilizations recruit from segments of the population historically invested in ecology, while also shifting preferred modes of action. However, far from being unified, studying the movement's composition through interconnected significant variables helps to comprehend the internal oppositions within the movement. While the movement appears to involve a significant participation from skilled labor (and their sons and daughters) and leans towards the left, small social distances are noticeable. These contribute to explaining political and strategic divisions, as well as the logic behind the renewal of both collective and individual forms of engagement.
  • Vandebroek (Dieter), Distinctions in the Flesh: Social Class and the Embodiment of Inequality, Londres, New York, Routledge, 2017, 294 p. - Théo Rougnant p. 165-168 accès réservé
  • Fretel (Julien), Offerlé (Michel), Écrire au président. Enquête sur le guichet de l'Élysée, Paris, La Découverte, 2021, 298 p. - Erwan Seys p. 169-174 accès réservé
  • Denis (Jérôme), Pontille (David), Le soin des choses. Politiques de la maintenance , Paris, La Découverte, 2022, 368 p. - Kevin Caillaud p. 175-180 accès réservé
  • Bayart (Jean-François), L'énergie de l'État. Pour une sociologie historique et comparée du politique, Paris, La Découverte, 2022, 782 p. - Stéphanie Perazzone p. 181-186 accès réservé
  • Avanza (Martina), Miaz (Jonathan), Péchu (Cécile), Voutat (Bernard), Militantismes de guichet : perspectives ethnographiques, Lausanne, Antipodes, 2022, 408 p. - Jean Buyssens p. 187-194 accès réservé
  • Martin (Benoît), Chiffrer le crime. Enquête sur la production de statistiques internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2023, 336 p. - Antoine Hardy p. 195-198 accès réservé
  • Boulakia (Théo), Mariot (Nicolas), L'attestation. Une expérience d'obéissance de masse, printemps 2020, Paris, Anamosa, 2023, 400 p. - Pierre-Yves Baudot, Amélie Carrier, Marion Clerc p. 199-205 accès réservé
  • François (Camille), De gré et de force. Comment l'État expulse les pauvres, Paris, La Découverte, coll. « L'envers des faits », 2023, 240 p. - Pierre Joffre p. 207-212 accès réservé
  • Ménoret (Marie), Sociologie et cancérologie : un regard de biais , Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2023, 212 p. - Maud Gelly p. 213-215 accès réservé