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L'apologétique a pris un nouveau visage aujourd'hui. Jadis, au temps des Pères, elle vivait en tension entre le désir d'être communicable et en même temps pointe acérée de la nouveauté chrétienne. Cette tension se met ensuite au service de l'approfondissement et de la réassurance, ce qu'il convient de nommer conversion, c'est-à-dire une religion plus fervente. Une deuxième tension de l'apologétique la situe entre la fermeté de la révélation et l'humilité de son témoin. La troisième tension s'exerce entre continuité et rupture de la foi avec la mondanité. Plus tard, la dénonciation pascalienne de l'indifférence des hommes à rechercher la vérité affronte l'incroyance et elle a connu une riche postérité. Issue d'une conception dramatique de l'existence, elle l'ouvre à l'espérance chrétienne. La parole du salut a toujours à dégager l'espace dans lequel elle pourra retentir.

Du moment des années 1880, qui marque le début d'un véritable engouement pour Pascal, jusqu'à 1896, lorsque la publication de la célèbre Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d'apologétique de Maurice Blondel lance un nouveau défi aux apologistes, les auteurs français qui ont incarné l'apologétique chrétienne fin-de-siècle, les protestants comme les catholiques, ont été confrontés à la nécessité de revenir encore une fois sur le sort qu'il convenait de réserver aux Pensées. Alors que le legs du Suisse Alexandre Vinet est en cours de difficile inventaire, les protestants finissent par conclure que l'apologie pascalienne a perdu nombre de ses vertus et qu'elle est inefficace sur les incrédules de la fin du xixe siècle. Les catholiques, au contraire, paraissent redécouvrir les mérites et les avantages d'une démarche apologétique qui permet de répondre aux principales inquiétudes d'un siècle finissant, alors même que la France est le théâtre d'une véritable « crise de la conscience catholique ».

Si la question de la science divine dans le catholicisme et le protestantisme réformé n'a cessé d'attirer l'attention des historiens de la philosophie, la position de l'orthodoxie luthérienne est restée relativement méconnue. Or, le Systema Locorum Theologicorum d'Abraham Calov, professeur à Wittenberg, connu également comme Schulphilosoph, se distingue par sa profondeur et sa finesse parmi les ouvrages luthériens. Cet article étudie systématiquement son traitement de l'omniscience divine afin de mettre en évidence le caractère polémique attribué à cette notion. En situant le texte dans le contexte historique et doctrinal de l'époque, on tâchera d'éclairer les problématiques principales du théologien vers la moitié de l'âge classique, ainsi que sa position vis-à-vis de certains auteurs majeurs.