Contenu du sommaire : Confiance, autonomie des salariés et gouvernance du travail

Les organisations remettant en cause les modèles hiérarchiques, telles que les entreprises libérées, posent la question de la coordination de l'autonomie offerte aux salariés, pour permettre l'action collective. La mobilisation du principe de subsidiarité fournit des pistes de réflexion. L'article cherche à analyser les conditions de mise en œuvre du principe de subsidiarité pour organiser l'autonomie au travail. Une recherche-intervention dans une savonnerie s'inscrivant dans la philosophie des entreprises libérées permet de constater que la démarche de libération et l'autonomie qui en découle génèrent certaines difficultés (problèmes de coordination et de priorisation, de prise de décision, sentiment d'un manque de soutien), qui font écho au concept de subsidiarité. Ces résultats conduisent à discuter les conditions d'un management subsidiaire, facilitant la prise de décision, reconnaissant le droit à l'erreur et le droit à l'incompétence, et pensant et organisant le soutien dans l'organisation.

Cet article explore les mécanismes de confiance et de méfiance envers les experts. Dans les centres de Recherche et Développement (R&D), ils désignent les personnels scientifiques et techniques, qui apportent un avantage concurrentiel à l'organisation grâce à leurs compétences spécifiques. Si la confiance est une condition essentielle à l'exercice du rôle d'expert auprès des demandeurs d'expertise, elle reste encore largement sous-étudiée. La problématique de cet article est la suivante : comment se manifeste la confiance des demandeurs d'expertise envers les experts ? Pour y répondre, nous avons mené une étude exploratoire qualitative dans un centre de R&D par entretiens auprès de 32 experts, 16 managers et 9 membres du comité de direction ou responsable des ressources humaines (RRH). Nos résultats permettent de révéler une coexistence de confiance et de méfiance envers les experts pouvant s'expliquer par un rôle ambigu des managers et des éléments de contexte générateurs de méfiance. Nos contributions éclairent la manifestation paradoxale de la confiance envers les experts et donnent lieu à des implications managériales.

Les comités spécifiques sont souvent présentés comme des lieux hautement importants dans la prise de décision, et qui, par leur élargissement aux administrateurs représentants salariés, contribuent à une gouvernance plus partagée. Dans ce cadre, nous nous intéressons spécifiquement au comité de rémunération qui fait l'objet d'une recommandation au sein du code Afep-Medef quant à la participation d'un administrateur représentant les salariés à ses travaux. Le non-respect de cette recommandation est selon nous un signal de résistance à la codétermination. A travers l'analyse des documents d'enregistrement universel, complétée par des entretiens semi-directifs, nos résultats mettent en avant la résistance de certaines entreprises françaises à la participation des représentants des salariés au dit-comité, à travers l'analyse des réponses institutionnelles que ces entreprises fournissent. Par ailleurs, ils mettent en avant un contraste en matière d'appropriation de la recommandation chez les entreprises qui l'appliquent.

La littérature sur l'éthique incarnée en théorie des organisations s'est développée en réponse aux limites identifiées dans les approches classiques de l'éthique des affaires, jugée procédurale et évacuant l'agentivité des acteurs. Rompant avec un paradigme cognitiviste, l'éthique incarnée argue en effet que l'expérience corporelle conditionne l'émergence du jugement éthique dans les organisations. En dépit de leurs contributions, ces travaux n'en comportent pas moins certains paradoxes, concernant en particulier le statut du corps et son étendue au sein d'une organisation. Nous proposons de résoudre certaines de ces difficultés conceptuelles en nous appuyant sur l'ontologie relationnelle du corps développée par le philosophe français Jean-Luc Nancy. Nous défendrons l'idée qu'une éthique organisationnelle radicalement incarnée est possible, subvertissant ainsi la représentation et la place habituellement réservées au corps en gestion.

Dans son ouvrage « Pour en finir avec le machin. Les désarrois d'un consultant en management » paru en avril 2024 aux éditions EMS, le sociologue Norbert ALTER nous livre une satire jubilatoire du management. Le management « prêche la rationalité, mais pratique la déraison » (p.7) nous dit l'auteur persuadé qu'il s'agit d'une fumisterie, « un machin » dont on se passerait bien en somme. Norbert ALTER met en scène le personnage de Frédéric, jeune agrégé de chimie, embarqué dans une carrière de consultant au sein d'un grand cabinet de conseil en management. Au pays du management (ou du « machin »), Frédéric tâchera de faire face et de réveiller les esprits anesthésiés par le pipeau… L'équipe de rédaction en chef de la RIMHE livre ici une interview exclusive de l'auteur sur cet ouvrage « sans ménagement » du management. * Les questions posées par le comité de rédaction figure en italique.