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Revue |
Travail et emploi ![]() |
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Numéro | no 168, 2022/1 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Inciter à former les salariés en chômage partiel : Les enseignements de la crise sanitaire - Sophie Dessein, Coralie Perez p. 5-30 Depuis le début de la crise du Covid-19 en mars 2020, l'État français a encouragé tant la mobilisation du chômage partiel (dénommé également activité partielle depuis 2013) que la possibilité, pour les entreprises, de former leurs salariés pendant les périodes chômées. L'objectif est de soutenir les entreprises dans le maintien des compétences de leurs salariés et de les accompagner dans les changements organisationnels occasionnés par la pandémie. Pour cela, il s'est principalement appuyé sur un instrument financier, le FNE-Formation, dont les modalités de gestion et de fonctionnement ont été totalement renouvelées. Déployé par les opérateurs de compétences, ce dispositif permet notamment de prendre en charge la totalité du coût pédagogique des formations suivies pendant le chômage partiel. Cela a-t-il permis, dans quelle mesure et pour qui, l'articulation effective du chômage partiel et de la formation ? Quelles sont les formations financées dans ce cadre ? Fondé pour l'essentiel sur la réalisation, en 2021, de près de quarante entretiens à différents niveaux (national, régional, branche, entreprise), cet article cherche à éclairer l'articulation chômage partiel/formation pendant la crise sanitaire.Since the beginning of the Covid-19 crisis in March 2020, the French State has encouraged both the use of short-time work and the possibility for companies to train their employees during periods of short-time work. The aim is to support companies in maintaining the skills of their employees and to accompany them in the organizational changes implied by the pandemic. To achieve this, it relies mainly on a financial instrument, the Fonds national pour l'emploi-formation (hereafter FNE-Formation), whose management and eligibility rules have been completely renewed at the beginning of the pandemic. Deployed by the “Skills Operators” (OPCOs – opérateurs de compétences) organised by professional sector, this system makes it possible to cover the full cost of training courses taken during short-time work. To what extent and for whom has this allowed the effective articulation of short-time work and training? For what purposes? Based on nearly forty interviews, run in 2021, at different levels (national, regional, branch, company), this article aims at answering these questions.
- Territoires zéro chômeur de longue durée : Rupture ou convergence avec l'insertion par l'activité économique ? - Philippe Semenowicz, Anne Fretel, Florence Jany-Catrice, Sylvain Vatan p. 31-55 L'expérimentation territoires zéro chômeur de longue durée (TZC) a été introduite dans le débat public comme un « nouveau modèle » de lutte contre le chômage de longue durée. Pourtant, le projet présente dès l'origine des similitudes avec les dispositifs de l'insertion par l'activité économique (IAE). Dans quelle mesure TZC constitue-t-il une rupture avec l'IAE ? Sur la base d'une enquête de terrain menée durant trois ans sur l'un des territoires ayant expérimenté TZC, complétée par une série d'entretiens semi-directifs auprès d'acteurs nationaux du projet, nous abordons cette question sous l'angle d'une comparaison de leurs modèles socioéconomiques respectifs. Nous mettons en évidence combien l'ambition originelle du projet le positionne à distance des évolutions de l'IAE. Pour autant, l'opérationnalisation de l'expérimentation produit des formes de convergence avec cette dernière.The experimentation “territories with zero long-term unemployment” has been introduced in the public debate as a “new model” for fighting long-term unemployment. However, from the outset, the project had similarities with the economic activity-based integration (EAI) schemes. To what extent does “territories with zero long-term unemployment” constitute a break with EAI? On the basis of a field survey conducted over three years in one of the experimental territories, completed by a series of semi-directive interviews with national actors of the project, we approach this question from the angle of a comparison of their respective socio-economic models. We highlight the extent to which the original ambition of the “territories with zero long-term unemployment” project places it at a distance from developments in the EAI. However, the operationalization of the experimentation produces forms of convergence with EAI.
- Du menaçant à l'irrésistible : La gouvernementalité d'appariement dans le service public de l'emploi (1816-2016) - Hadrien Clouet, Jean-Marie Pillon p. 57-85 L'invention d'un marché du travail, c'est-à-dire un espace où circulent les individus pour vendre leur force de travail à des employeurs, repose sur des infrastructures techniques mises en place par les gouvernements, permettant concrètement aux offreurs et aux demandeurs de se rencontrer et, éventuellement, de contractualiser. En France, différentes infrastructures ont coexisté et se sont succédé depuis deux cents ans, charriant chacune des représentations politiques spécifiques. À partir d'une enquête sociohistorique, ce texte propose une chronologie des régimes d'appariement publics sur le marché du travail français. Une fois surmontées les réticences du début du xixe siècle, les services de l'État centralisent les appariements à l'occasion de la Première Guerre mondiale, puis les planifient à la Libération, avant de développer des équipements de marché individualisant les trajectoires dans la période la plus récente. L'État s'impose donc progressivement comme un acteur économique, mais mobilise des catégories variables pour apparier l'offre et la demande : genre, profession et travailleurs coloniaux initialement, puis activité, qualification et production, avant d'aboutir à la séquence actuelle marquée par la compétence, le savoir et la mobilité. Ainsi, les discours sur la mobilité, la fluidité et la responsabilité individuelle s'appuient sur une intervention étatique croissante et de plus en plus détaillée pour décrire les postes et les travailleurs disponibles.The invention of labour markets, where individuals move to sell their labour force, relies on gouvernemental-manufactured technical infrastructures that allow supply and demand to meet and (perhaps) contract. However, distinct devices have coexisted and followed each other for 200 years, carrying various political perspectives. Based on a socio-historical investigation, this article provides a chronology of public matching regimes in the French labour market. Once the initial reluctance in the beginning of the 19th century had been overcome, the State centralised matching devices during the First World War, then planned them after the Liberation, before developing market equipment to individualise the trajectories. The State has thus gradually become an economic actor but has used different categories to match supply and demand: gender and profession, then activity, qualification and production, before the current sequence based on competence, knowledge and mobility. Thus, the discourses on mobility, fluidity and individual responsibility need a growing and increasingly detailed State intervention to describe available jobs and workers.
- Les formes d'organisation du travail dans les administrations publiques : Quelle managérialisation de l'État, des hôpitaux et des collectivités locales ? - Brice Nocenti p. 87-114 Comment mesurer la diffusion des modèles organisationnels issus du « nouveau management » dans l'État, les hôpitaux et les collectivités locales ? Cet article mobilise les enquêtes Conditions de travail 2005 à 2019 pour étendre aux administrations publiques les travaux statistiques portant sur les formes d'organisation du travail, habituellement réservés aux entreprises. L'analyse empirique en distingue cinq : l'autonomie du métier, l'autonomie évaluée, le contrôle direct, le lean management et le taylorisme flexible. Les professions organisées du public connaissent une érosion de leur autonomie collective sous l'effet de la diffusion des instruments d'évaluation formalisée tout en demeurant dans des organisations très qualifiantes. Les cadres de l'État et des établissements de santé adoptent largement le modèle du management par objectifs. Les agent·es subalternes des ministères et des hôpitaux publics voient se développer des organisations néotayloriennes très contraignantes. Il apparaît ainsi que les enjeux de la diffusion des techniques de gestion issues des grandes entreprises sont très différents selon la position des agent·es dans les hiérarchies administratives, du fait d'une répartition inégale des marges de manœuvre et des contraintes managériales.How to measure the propagation of the organizational models of new public management in the state and local governments? This paper uses the French Working conditions surveys from 2005 to 2019 to extend quantitative research about work organization, usually applied to the commercial sector, to public administrations. Empirical analysis leads to a fivefold typology: professional autonomy, evaluated autonomy, direct control, lean management and flexible Taylorism. Organized professions of the public sector are subjected to an erosion of their collective autonomy under the action of formalized performance review, while still remaining in qualifying work organizations. Executives of the state and public health institutions have widely accepted management by objectives. Subordinate agents of ministries and public hospitals experience very coercive forms of New Taylorism. The adoption of managerial instruments from big corporations finally have very different consequences depending on the position of agents in administrative hierarchies, due to an inequal distribution of degrees of freedom and bureaucratic obligations. JEL: J81, M54
- Inciter à former les salariés en chômage partiel : Les enseignements de la crise sanitaire - Sophie Dessein, Coralie Perez p. 5-30
Notes de lecture
- Médecins légistes. Une enquête sociologique : Romain Juston Morival, Paris, Les Presses de Sciences Po, coll. « Académique », 2020, 226 p. - Christine Hamelin p. 115-117
- Deux millions de travailleurs et des poussières. L'avenir des emplois du nettoyage dans une société juste : François-Xavier Devetter, Julie Valentin, Paris, Les Petits Matins, 2021, 155 p. - Cristina Nizzoli p. 118-121
- 1971-2021. Retour sur 50 ans de formation professionnelle : Didier Gelot, Djamal Teskouk, Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, 2021, 179 p. - Emmanuel Quenson p. 122-125
- Troubles dans le travail. Sociologie d'une catégorie de pensée : Marie-Anne Dujarier, Paris, Presses universitaires de France, 2021, 435 p. - Jennifer Laussu p. 126-129
- La désynchronisation des temps professionnels. Vers un nouvel ordre temporel ? : Timo Giotto, Toulouse, Octarès, coll. « Temporalités : travail et sociétés », 2021, 252 p. - Nicola Cianferoni p. 130-133
- Aux bons soins du capitalisme. Le coaching en entreprise : Scarlett Salman, Paris, Les Presses de Sciences Po, coll. « Académique », 2021, 320 p. - Chloé Biaggi p. 134-138
- La fabrique des masculinités au travail : Haude Rivoal, Paris, La Dispute, coll. « Le genre du monde », 2021, 234 p. - Josselin Tricou p. 139-142
- Le travail disloqué. Organisations liquides et pénibilité mentale du travail : Guillaume Tiffon, Lormont, Le Bord de l'eau, coll. « Documents », 2021, 232 p. - Matthieu Battistelli p. 143-146
- Lutter « comme les mecs ». Le genre du militantisme ouvrier dans une usine de femmes : Ève Meuret-Campfort, Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, coll. « Sociopo », 2021, 442 p. - Margot Roisin-Jonquières p. 147-151
- La garantie d'emploi. L'arme sociale du Green New Deal : Pavlina R. Tcherneva, Paris, La Découverte, coll. « Économie politique », 2021, 149 p. - Anne Eydoux p. 152-156
- Redonner du sens au travail. Une aspiration révolutionnaire : Thomas Coutrot, Coralie Perez, Paris, Seuil, coll. « La République des idées », 2022, 139 p. - Dominique Méda p. 157-160
- Le futur du travail : Juan Sebastián Carbonell, Paris, Éditions Amsterdam, 2022, 173 p. - Laurent Willemez p. 161-163
- Le genre des carrières. Inégalités dans l'administration culturelle : Alban Jacquemart, Marion Charpenel, Marion Demonteil, Reguina Hatzipetrou-Andronikou, Catherine Marry, Paris, Les Presses de Sciences Po, Ministère de la Culture – Département des études, de la prospective et des statistiques, coll. « Questions de culture », 2022, 214 p. - Alex Alber p. 164-167
- Médecins légistes. Une enquête sociologique : Romain Juston Morival, Paris, Les Presses de Sciences Po, coll. « Académique », 2020, 226 p. - Christine Hamelin p. 115-117