Contenu du sommaire : Des contrats de plus en plus courts ? Mesurer et comprendre la diversité des usages des contrats courts par les employeurs et les salariés
Revue |
Travail et emploi ![]() |
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Numéro | no 173-174-175, 2024/2-4 |
Titre du numéro | Des contrats de plus en plus courts ? Mesurer et comprendre la diversité des usages des contrats courts par les employeurs et les salariés |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction. Des contrats de plus en plus courts ? : Mesurer et comprendre la diversité des usages des contrats courts par les employeurs et les salariés - Camille Signoretto, Aurélie Peyrin, Carine Ollivier p. 1-20
- La montée des embauches en CDD court en France depuis 2000 : Un réexamen sectoriel - Olivier Baguelin p. 21-44 La plupart des explications de la montée des contrats à durée déterminée (CDD) courts (moins d'un mois) mettent en cause certains dispositifs, comme le CDD d'usage, les règles d'accès à l'assurance chômage, l'activité réduite ou les droits rechargeables. L'évolution de l'emploi et sa recomposition sectorielle peuvent pourtant à elles seules jouer un rôle considérable dans la multiplication des CDD courts. La présente étude en propose une quantification systématique, entre 2000 et 2019, à partir de statistiques sectorielles Acoss-Urssaf. Trois périodes aux contextes conjoncturels et réglementaires distincts sont considérées : 2000- 2009 ; 2009-2014 ; 2014-2019. L'analyse permet de repérer pour certains secteurs, notamment entre 2009 et 2014, une utilisation défensive des CDD courts associée à un emploi en repli. Mais la montée de ce type de contrats est surtout forte dans les secteurs dont l'emploi est en expansion. Quatre tendances sectorielles peuvent être associées à cela : le développement d'activités motivées par un produit occasionnel (spectacle, événementiel, etc.), qui justifie une flexibilité d'usage ; la réponse aux enjeux du vieillissement de la population à partir d'un emploi de mauvaise qualité (médico-social, aide à domicile, etc.), qui démultiplie les absences au travail ; la montée de la sous-traitance (sécurité, propreté, etc.), qui s'accompagne d'une précarisation de l'emploi ; le développement de la sphère présentielle (commerce, restauration, etc.), qui sollicite particulièrement l'emploi ponctuel. Rapporté à ces tendances alimentant la montée des CDD courts, le rôle de stratégies de gestion de l'emploi ajustées à un environnement réglementaire évolutif apparaît limité : c'est particulièrement clair pour le CDD d'usage ou l'activité réduite. De façon générale, les changements de pratiques sont liés aux conjonctures sectorielles.Most explanations for the rise in the number of short fixed-term (SFT) employment contracts put the blame on some specific institutional arrangements, such as the “CDD d'usage” (customary fixed-term contracts), the rules for accessing unemployment insurance, limited employment or rechargeable entitlements. However, changes in employment and its sectoral reorganisation alone can play a considerable role. This study provides a systematic quantification of this role over 2000-2019, based on sectoral Acoss-Urssaf statistics. Three periods with distinct economic and regulatory contexts are considered: 2000-2009, 2009-2014 and 2014-2019. For some business sectors, particularly between 2009 and 2014, the analysis reveals a defensive use of SFT contracts associated with falling employment. However, the increase in the use of those contracts is particularly marked in sectors where employment is expanding. Four sectoral trends may be associated with this: the development of activities motivated by an occasional product (e.g. entertainment, events sector, etc.), which requires flexibility; the response to the challenges of an ageing population with low-quality jobs (e.g. health care, social services, etc.), which increases absences from work; the rise in subcontracting (e.g. private security, cleaning activities, etc.), which is accompanied by a rise in job insecurity; the development of the residential sphere (e.g. retail sale, catering, etc.), which places particular demands on short-term employment. Compared with these trends fuelling the rise in SFT contracts, the role of employment management strategies adjusted to changing regulatory environments appears limited; this is particularly clear as regards customary fixed-term contracts and limited employment arrangements. Generally speaking, changes in practices are linked to sectoral circumstances.
- Contrats à durée limitée et indemnisation du chômage : Une diversité de trajectoires - Delphine Remillon, Claire Vivés, Olivier Baguelin, Mathieu Grégoire p. 45-70 Cet article analyse les trajectoires d'emploi de salarié·es en contrats courts et leur articulation avec le chômage. Dans quelle mesure les travailleur·ses en contrat à durée limitée (CDL) courts mobilisent-ils et elles l'assurance chômage ? Nous répondons à cette question en articulant analyses statistiques des données du panel FH-DADS 2012 et 99 entretiens réalisés lors d'une enquête de terrain entre fin 2018 et mi-2020. Partant d'un échantillon représentatif de l'ensemble des personnes passées par un CDL en 2010, l'analyse statistique mobilise les méthodes d'appariement optimal pour établir une typologie des séquences mensuelles d'emploi et de chômage sur trois ans. Les classes obtenues sont mises en relation avec le corpus d'entretiens. Cette approche mixte conduit à documenter une variété de profils. Si la figure du salarié alternant ou combinant emploi court et indemnisation chômage existe bien, elle est minoritaire. La majorité des personnes passant par un contrat court ne mobilisent pas ou peu l'assurance chômage pour quatre types de raisons : i) leur participation au marché du travail est ponctuelle ; ii) jeunes en phase d'insertion professionnelle, elles ne sont pas indemnisables ; iii) elles enchaînent les emplois sans passer par le chômage ; iv) elles occupent un emploi principal stable. La figure modale du salarié en CDL est en effet une personne en emploi stable mais peu rémunérateur et cherchant des compléments de revenu dans des activités annexes.The present study examines the labor market trajectories of people confronted with short employment spells. To what extent do they rely on the public employment agency for support? Do they draw on unemployment insurance (UI)? These questions are addressed through a mixed-methods approach, which combines the statistical analysis of data from the 2012 FH-DADS panel with 99 interviews conducted during a field survey between late 2018 and mid-2020. From a representative sample of individuals who experienced employment under fixed-term contracts (FTC) in 2010, we constructed three years duration monthly sequences of employment and unemployment states and established a typology of those sequences using optimal matching clustering. The clusters were then related to the corpus of interviews by “case selection”. Doing so, we document a representative and exhaustive set of profiles. Although the case of workers alternating or combining short employment and UI does exist, they represent a minority. The majority of employees on short contracts do not draw on UI, for four reasons: i) their participation in the labor market is only occasional; ii) they are young people in the process of integrating into permanent employment, in which case they are not eligible to UI; iii) they work one job after the other without interruption; iv) jobs held under FTC add up with a permanent stable job. Actually the most common case of short FTC employment relates to someone in a stable but low-paying occupation getting additional income from secondary jobs.
- Précarité, sur-emploi ou discontinuité ? : Trajectoires et vécus des contrats courts pour les salarié·es de 50 ans et plus - Claire Vivés, Delphine Remillon p. 71-99 Cet article étudie la situation spécifique des salarié·es de 50 ans et plus en contrats courts pour comprendre leurs trajectoires, leurs vécus, les spécificités des obstacles rencontrés et des ressources mobilisées. Outre un éclairage quantitatif apporté sur notre matériau qualitatif via la mobilisation de l'enquête Emploi, la spécificité de notre démarche réside dans l'analyse croisée des éléments relevant de l'emploi et du chômage, des situations objectives et des vécus. Nous décrivons d'abord les principales caractéristiques socioprofessionnelles des seniors en contrats courts. Nous distinguons ensuite trois types de trajectoires. Deux premières configurations peu connues apparaissent, où contrats courts ne riment pas avec précarité pour les seniors : le cumul d'un emploi stable avec des contrats courts ; des carrières en contrats courts dans des secteurs où ceux-ci sont la norme. Le troisième type de parcours concerne les seniors dont les trajectoires sont marquées par la précarité et qui aspirent à travailler davantage, en contrat à durée indéterminée et avec des conditions de travail moins pénibles. Enfin, nous analysons les ressources et les obstacles spécifiques aux seniors en contrats courts par rapport à des salarié·es plus jeunes dans la même situation.This article analyses the specific situation of employees aged 50 and over on short-term contracts to understand their trajectories, experiences, the specific obstacles they encounter and the resources they mobilise. In addition to the quantitative insights on our qualitative material provided by the use of the Labor Force Survey, the specificity of our approach lies in the cross-analysis of elements related to employment and unemployment, objective situations and experiences. Firstly, we describe the main socio-professional characteristics of older workers on short-term contracts. We then distinguish three types of trajectories. Two little-known configurations in which short-term contracts do not imply precariousness for older workers are the combination of stable employment with short-term contracts and careers on short-term contracts in sectors where they are the norm. The third type of configuration concerns older workers whose trajectories are marked by precariousness and who aspire to work more, on permanent contracts and under less arduous working conditions. Finally, we analyse the specific resources and obstacles for older workers on short-term contracts compared to younger workers in the same situation.
- Comprendre le recours aux contrats courts dans l'hôtellerie-restauration : Une approche par les configurations organisationnelles - Cathel Kornig, Isabelle Recotillet, Benjamin Saccomanno p. 101-124 Cet article interroge le point de vue des dirigeant·es d'entreprises de l'hôtellerie-restauration sur leurs usages des contrats courts ainsi que leurs pratiques en la matière. Il interroge également la variété des modes de recours dans les différents sous-secteurs d'activité (restaurants traditionnels, fast-foods, bars, hôtels, traiteurs, restauration collective). Régulièrement mentionné dans les débats publics à propos des contrats à durée déterminée (CDD) de moins d'un mois, le secteur de l'hôtellerie-restauration est souvent pointé du doigt sans que soient pour autant détaillées les pratiques de recrutement correspondantes. Cet article part de l'hypothèse d'une incomplétude de l'explication du recours aux CDD courts. Cette dernière s'appuierait uniquement sur un « effet secteur » qui considère que les comportements en matière de gestion des ressources humaines sont partout les mêmes, mais qui ne prend pas en compte les caractéristiques intrinsèques des organisations ainsi que les parcours de leurs dirigeant·es. Pour compléter et enrichir l'explication, nous proposons une typologie établie à partir de 51 entretiens auprès de patron·nes et recruteur·ses du secteur de l'hôtellerie-restauration, et mettons ainsi en lumière une diversité d'usages des contrats de moins d'un mois qui s'inscrivent dans les stratégies de ces entreprises.This article examines the views and practices of company managers in the hotel and catering sector on their use of short-term contracts and the variety of ways in which they are used in different sub-sectors (traditional restaurants, fast-food outlets, bars, hotels, caterers, collective catering). The hotel and catering sector is often mentioned in public debates regarding their intensive use of short-term contracts of less than one month, without the corresponding recruitment practices being explained or detailed. This article is based on the hypothesis that the explanation of the use of short-term contracts is incomplete when based solely on a « sector effect » which would envisage a community of behaviors in terms of human resources management, but without considering the intrinsic characteristics of the organizations as well as the careers of their managers. To this end, we propose a typology based on 51 interviews with managers and recruiters in the hotel and catering sector, thus highlighting the diversity of uses of contracts of less than one month that are part of the strategies of these companies.