Contenu du sommaire : Éthique et réduction des risques

Revue Psychotropes : Revue internationale des toxicomanies et des addictions Mir@bel
Numéro vol. 31, 2025/1
Titre du numéro Éthique et réduction des risques
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  • Éditorial

  • Dossier : Éthique et réduction des risques

    • Éthique ­­d'intervention, éthique de responsabilité - Catherine Delorme p. 13-18 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La Fédération Addiction encadre ses orientations cliniques et politiques ­­d'une réflexion éthique, qui situe les usages de substances psychoactives dans leur dimension humaine et plurielle, et ne les enferme pas dans ­­l'unique registre de la maladie ou celui de la déviance. Une posture qui permet ­­d'identifier les responsabilités en matière de soin-prévention-RDR, celles de ­­l'État, celles des professionnels et celles des personnes utilisatrices de drogues.
      The “Fédération Addiction” frames its clinical and political and policies with an ethical approach that situates the use of psychoactive substances in their human and plural dimension and does not confine and not confine it to the single register of illness or deviance. A stance that makes it possible to identify responsibilities in terms of care-prevention-RDR, those of the state, those of professionals and those of drug users.
    • La RdRD dans tous ses états : les pratiques ­­d'accompagnement en CSAPA et CAARUD - Caroline Protais, Maitena Milhet p. 19-42 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le paradigme de la réduction des risques et des dommages (RdRD) fait ­­l'objet de diverses interprétations qui ont guidé les politiques publiques nationales et orientent aujourd'hui les pratiques des professionnels dans différents dispositifs ­­d'accompagnement. Si le modèle de RdRD français peut être qualifié de « neutre » politiquement et inscrit dans une perspective essentiellement sanitaire, les professionnels suivent des modèles ­­d'intervention plus diversifiés qui ­­n'ont ni les mêmes implications éthiques ni le même coût émotionnel.
      Harm reduction is a paradigm interpreted in a variety of ways, guiding national public policy and orienting the practices of professionals in various care systems. The French model of RdRD is politically neutral and essentially health-based. It consists in the deployment of equipment to prevent infectious risks and opiate antagonist treatments (TAO). On the contrary, professionnals working in the field follow more diversified models that have different ethical implications and emotional cost.
    • Accepter la contingence du monde pour mieux le naviguer : Contribution de ­­l'éthique pratique aristotélicienne à une pensée de la réduction des risques - Grégoire Cleirec p. 43-61 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La réduction des risques pose des difficultés conceptuelles. Cet article propose de rechercher dans ­­l'éthique pratique ­­d'Aristote, centrée sur la notion de prudence, un éclairage utile pour penser la RdR dans le contexte français actuel. Après avoir résumé ­­l'éthique aristotélicienne, nous tentons de ­­l'appliquer aux personnes qui consomment des produits, puis aux personnes qui réalisent des interventions de RdR. Si notre lecture ­­d'Aristote ne suffit pas à éclairer ce que la RdR doit viser à produire et pas juste à empêcher, elle permet néanmoins de proposer un mode opératoire pratique nécessaire à ­­l'action réussie. La perspective aristotélicienne ­­d'un monde vécu comme contingent, ­­c'est-à-dire indéterminé, livré au hasard, nous encourage à penser une RdR fondée sur la délibération, ­­l'adéquation des moyens et des fins, ­­l'attention au contexte, la recherche du moment opportun, ­­l'intuition et ­­l'expérience.
      Harm reduction poses conceptual difficulties. This article looks to Aristotle's practical ethics, centered on the notion of phronesis, to shed some light on how to think about harm reduction in the current French context. After summarizing Aristotelian ethics, we attempt to apply them to people who use products, and then to people who carry out harm reduction interventions. While our reading of Aristotle is not enough to make propositions on what harm reduction should aim to produce and not just prevent, it does enable us to propose a practical modus operandi necessary for successful action. The Aristotelian perspective of a world experienced as contingent, indeterminate, left to chance, encourages us to think a model of harm reduction based on deliberation, the matching of means and ends, attention to context, the search for the right moment, intuition and experience.
    • Les liaisons dangereuses entre morale et science : une application pratique au cas de la réduction des risques - Alhy Leleu p. 63-71 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      ­­L'importance croissante accordée aux arguments scientifiques, en particulier neurobiologiques et épidémiologiques dans le champ de ­­l'addiction, tant au niveau de la prise en charge clinique que des décisions en matière de politique publique, invite à ­­s'interroger sur la place du discours scientifique dans ce type de débat, en particulier face à des arguments jugés « moraux » ou « éthiques ». Sans remettre en cause le caractère fondamental des avancées scientifiques permises par les progrès technologiques des dernières décennies, il ­­s'agit de se questionner sur la distinction bien souvent hâtivement opérée entre science et morale, souvent au détriment de cette dernière. En partant des cas de la guerre à la drogue et de la réduction des risques, on peut se demander si une réflexion honnête sur la complexité de telles questions ne gagnerait pas à accepter sa dimension intrinsèquement éthique, afin ­­d'éviter ­­l'écueil de ne plus parler ­­qu'en termes ­­d'efficacité et de coûts sociaux dont la définition tend à être mise sous le tapis.
      The growing importance given to scientific arguments, particularly neurobiological and epidemiological arguments, in the field of addiction, both in terms of clinical treatment and public policy decisions, raises the question of the place of scientific discourse in this type of debate, particularly in the face of arguments deemed to be “moral” or “ethical”. Without calling into question the fundamental nature of the scientific advances made possible by the technological progress of recent decades, the aim is to examine the distinction that is often hastily drawn between science and morality, often to the detriment of the latter. Taking the war on drugs and harm reduction as examples, we might ask whether an honest reflection on the complexity of such issues would not benefit from accepting their intrinsically ethical dimension, in order to avoid the pitfall of speaking only in terms of effectiveness and social costs, the definition of which tends to be swept under the carpet.
    • Entre aliénation et émancipation : enjeux éthiques de la réduction des risques - Brice Mallet p. 73-91 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article propose ­­d'explorer les enjeux éthiques de la réduction des risques (RdR) dans le cadre des pratiques de soin contemporaines, en ­­s'appuyant sur les concepts philosophiques ­­d'autonomie et de liberté développés par Kant et Mill. ­­L'influence croissante des logiques néolibérales dans les institutions de soin tend à éroder les approches les plus humanistes. ­­L'article interroge donc comment ces concepts philosophiques peuvent être mobilisés pour mettre en lumière ces dérives et préserver ­­l'esprit originel de la RdR, afin ­­d'éviter ­­qu'elle ne devienne un outil de contrôle, de culpabilisation et, in fine, de marginalisation. Des pistes de réflexion sont proposées pour concilier le respect de ­­l'autonomie des usagers et la protection des plus vulnérables, tout en réaffirmant la RdR comme un levier ­­d'émancipation.
      This article aims to explore the ethical issues surrounding harm reduction (HR) within contemporary healthcare practices, drawing on the philosophical concepts of autonomy and liberty as developed by Kant and Mill. The growing influence of neoliberal logics in healthcare institutions tends to undermine the most humanistic approaches. The article therefore examines how these philosophical concepts can be mobilised to uncover these drifts and preserve the original spirit of HR, in order to prevent it from becoming a tool of control, blame, and, ultimately, marginalisation. Reflections are offered on how to reconcile respect for the autonomy of users with the protection of the most vulnerable, while reaffirming HR as a lever for self-determination.
  • Varia

    • Acceptabilité ­­d'une thérapie aversive en réalité virtuelle utilisant la cybersickness chez des patients avec troubles de ­­l'usage de substance – une étude prospective, observationnelle et multicentrique - Auxane Danjean, Caroline Dubertret, Yann Le Strat, Anne-Gaëlle Fauck, Marie Peyrat, Elisabeth Cheraitia, Manon Le Bozec p. 95-119 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Il ­­s'agit ­­d'une étude observationnelle transversale et multicentrique réalisée en France pour étudier ­­l'acceptabilité ­­d'une nouvelle thérapie aversive en réalité virtuelle utilisant la cybersickness comme effet aversif chez des patients ayant des troubles de ­­l'usage de substance, par le biais ­­d'un questionnaire. La cybersickness est un syndrome présent avec les casques de réalité virtuelle entraînant des symptômes proches de la cinétose, tels que des sensations vertigineuses et de la nausée. Ce syndrome est habituellement diminué pour plus de confort, mais il pourrait être provoqué par différents réglages, créant ainsi une sensation désagréable à la vue de la substance. Ainsi, en utilisant ce stimulus désagréable comme punition positive associé à une exposition virtuelle, cette thérapie reprendrait deux principes des thérapies cognitivo-comportementales qui restent la thérapie de référence dans les troubles addictifs. Cependant, les thérapies aversives utilisant le principe de punition positive ont été controversées, entraînant une diminution de ces pratiques. Il semble donc important, avant ­­d'envisager ­­d'autres études dans le but ­­d'évaluer ­­l'efficacité ­­d'une telle thérapie, de savoir ­­s'il existe des patients intéressés par cette thérapie en réalité virtuelle.
      This is a cross-sectional, multicentre observational study carried out in France to investigate the acceptability of a new aversive virtual reality therapy using cybersickness as an aversive effect in patients with substance use disorders, by means of a questionnaire. Cybersickness is a syndrome associated with virtual reality headsets that causes symptoms similar to kinetosis, such as dizziness and nausea. This syndrome is usually reduced for greater comfort, but it could be caused by different settings, creating an unpleasant sensation when the substance is seen. Thus, by using this unpleasant stimulus as a positive punishment associated with virtual exposure, this therapy would take up two principles of cognitive behavioural therapies, which remain the reference therapy for addictive disorders. However, aversive therapies using the principle of positive punishment have been controversial, leading to a decline in these practices. It therefore seems important, before considering further studies to assess the effectiveness of such therapy, to know whether there are patients interested in this virtual reality therapy.