Contenu du sommaire : Les métiers de l'économiste au service de la décision. XLème congrès de l'Association française de science économique

Bulletin de santé des modèles macro-économétriques L'objet de cette contribution est de faire le point de manière non technique sur l'état actuel de la modélisation macro-économique après quarante ans de pratique et de critiques. Les instruments sophistiqués que sont les modèles macro­économétriques sont évalués, et leurs portées et limites discutées, à la lumière des développements récents tant de la théorie que des méthodes économétriques. La conclusion est que la modélisation structurelle de facture traditionnelle n'a pas, à l'heure actuelle, de véritable substitut.

Le métier de modélisateur multinational Cet article présente les principaux problèmes que posent la construction et l'utilisation des modèles macro-économétriques multinationaux. Il montre les disparités qui existent entre les différents modèles multinationaux. Il met l'accent sur la difficulté de mettre en évidence et d'expliquer les différences de comportement entre les différents pays. L'analyse de l'évolution du taux de change est également un point délicat. Les modèles multinationaux permettent de comparer les équilibres non coopératifs où chaque pays choisit isolément sa politique économique aux équilibres coopératifs où les politiques sont coordonnées.

Pourquoi la prévision modélisée déçoit-elle ? Les prévisions issues des modèles économétriques ont, au cours des dernières années, beaucoup déçu. Laissant de côté l'explication d'une inadéquation de la théorie économique ou, en tout cas, de celle prise en compte dans ces modèles, cet article examine deux autres hypothèses : la prévision serait devenue plus difficile ; le mode de production et de commercialisation des prévisions serait lui-même défaillant. Sur la première, le résultat est ambigu : la variabilité des grandeurs économiques a plutôt crû au cours des années quatre-vingt, mais de manière inégale ; l'interdépendance des économies est à la fois un facteur de simplification et de complexification des prévisions. Quant à la seconde hypothèse, elle suggère de « modéliser le modélisateur » et d'analyser l'industrie de la prévision avec les outils de l'économie industrielle. Quelques suggestions concernant la France sont proposées.

L'information économique aujourd'hui. Marché et institutions Cette contribution pose la question des rôles respectifs du marché et des institutions dans la collecte et la diffusion de l'information économique. On com­mence par brosser un tableau des besoins en ce domaine et de leur évolution : la demande croît rapidement ; elle porte sur les données de plus en plus détaillées ; elle émane d'acteurs publics mais maintenant aussi privés les plus divers. Du côté de l'offre, l'approche analytique, à rebours du mouvement de l'histoire, consiste à traiter les institutions, ici le service public de l'information économique, comme un remède aux échecs du marché. Est discuté le problème de la tarification des produits de l'agence statistique publique.

Une théorie du secteur innovant : calcul économique et coopération des acteurs La théorie du secteur innovant permet d'analyser les processus d'innovations contemporains, qui sont, dans une large mesure, dépendants de la synergie d'agents hétérogènes. Le calcul économique éclaire les jeux et les stratégies des acteurs, et, malgré la faible probance des modèles, montre les conditions dans lesquelles les acteurs peuvent coopérer. Une nouvelle forme d'apprentissage apparaît : le learning by cooperating. L'organisation du secteur innovant peut se faire à travers la hiérarchie, le marché ou la coopération. Dans l'exemple du câble en France, la coopération est devenue, depuis 1990, un mode dominant d'organisation. L'enjeu est d'importance puisque l'échec de la coopération pourrait être synonyme de l'échec du secteur innovant.

Quelle pratique du paradigme savagien pour la stratégie et la décision industrielles ? Les critiques théoriques et empiriques du paradigme savagien d'analyse de la décision ne donnent pas de fondement satisfaisant pour un paradigme concurrent. C'est vrai du point de vue strictement théorique, puisque la conception behavioriste de la décision conduit à des impasses épistémologiques. C'est vrai, a fortiori, dans le contexte de l'entreprise. La fécondité de l'approche savagien ne est qu'elle permet de concevoir une théorie normative à la fois cohérente et crédible, compte tenu des contraintes particulières de l'organisation. Nous illustrons cette réflexion par une étude, à vocation à la fois descriptive et prescriptive, sur les comportements face au risque des grandes compagnies pétrolières.

Déterminants de la délocalisation et firmes multinationales. Analyse synthétique et application aux firmes japonaises en Europe Dans la logique de l'analyse synthétique, une discordance entre les avantages compétitifs d'une firme et les avantages comparatifs de son pays d'origine l'amène à se multinationaliser et à rechercher un pays d'accueil offrant des avantages comparatifs compatibles avec ses avantages compétitifs. Cette discordance/ concordance peut être suscitée par des éléments d'offre (coûts de production) et/ou par des éléments de demande (produits, taille du marché, accessibilité). Les analyses empiriques concernant les investissements directs japonais en Europe soulignent l'importance de la globalisation dans les stratégies de multinationalisation. Cela ne contredit pas les résultats de l'analyse synthétique. Il y a un phénomène de « localisation globale » des firmes japonaises correspondant à la fois à leurs avantages compétitifs, aux avantages stratégiques d'être insiders et aux avantages comparatifs de chaque pays européens considérés comme des pays d'accueil alternatifs.

Déterminants of Japanese Foreign Direct Investment. Locational Attractiveness of European Countries to Japanese Multinational L'article examine l'importance des stratégies de « diversification » et de « globalisation » des firmes multinationales japonaises dans la détermination de leurs investissements directs en Europe. A la fin des années quatre-vingt, les multinationales japonaises qui ont implanté leurs filiales en Europe, ont non seulement transféré leur production et leur réseau commercial, mais elles ont également établi un système de management concerté, incluant aussi des éléments financiers, de distribution et de R&D associés à cette production.

Taux d'intérêt réels élevés et financement de l'économie On analyse tout d'abord les causes possibles de la hausse des taux d'intérêt réels dans les années quatre-vingt : excès ex ante de l'investissement sur l'épargne ; politiques monétaires restrictives en Europe ; accroissement du risque de taux et effets sur les rendements d'équilibre de la baisse du taux d'inflation. On se demande ensuite quels effets les taux réels exercent sur le niveau d'activité et l'amplitude des cycles.

Contagion des opinions et fonctionnement des marchés financiers De nombreux praticiens de la finance ont souligné le rôle joué par les phénomènes de contagion, non seulement dans la formation des bulles, mais également dans l'existence d'une volatilité excessive des cours. Le présent texte démontre la pertinence de ce point de vue. Dans un premier temps, on souligne que l'utilisation rationnelle du prix, par l'ensemble des opérateurs, comme source complémentaire d'informations, est à la base même des phénomènes de contagion. Dans un second temps, on étudie cette dynamique d'interactions. On démontre que si les opérateurs ont une trop faible confiance dans les méthodes d'évaluation fondamentale, le processus d'interaction est non ergodique et donne naissance à des bulles spéculatives.

Progression ou régression de l'utilisation des méthodes économiques dans la prise de décision publique ? Deux principaux domaines d'application sont distingués : macro-économie et politiques structurelles. L'utilisation des méthodes de l'économie a atteint un certain équilibre en macro-économie. Par contre, elle reste, en France, insuffisante pour la préparation des politiques structurelles alors même que l'intérêt pour celles-ci est croissant. L'offre d'analyse économique extérieure à l'administration et aux groupes de pression traditionnels s'est développée, rendant plus perméable à l'analyse économique la préparation des décisions publiques. Cette évolution est nécessaire, compte tenu de l'intégration économique européenne. Celle-ci, en effet, favorisera une utilisation plus systématique de l'analyse économique, dans des conditions plus proches du modèle américain que du modèle français traditionnel.

L'utilisationdes modèles d'équilibre général calculables dans l'évaluationde la politique fiscale L'objet de cet article est l'examen de la pertinence et de l'utilité de l'emploi des modèles d'équilibre général calculables pour éclairer l'impact des mesures fiscales. Depuis la fin des années soixante-dix, l'utilisation des modèles dans l'aide à la décision publique est devenue marginale. Nous tentons de montrer que le rôle joué autrefois par les modèles macro-économétriques keynésiens peut être, sous de nombreuses réserves et sans exclusive vis-à-vis de ces derniers, partiellement rempli par les modèles d'équilibre général. Nous détaillons les caractéristiques des modèles récents ainsi que leurs limites, puis présentons, à titre d'illustration, quelques enseignements que l'on peut tirer de ces modèles.

L'ajustement de l'offre et de la demande de qualifications le rôle du système éducatif Les systèmes éducatifs sont souvent accusés de ne pas fournir au marché du travail les qualifications nécessaires. L'Éducation nationale, en France, a cherché récemment (1987) à répondre à ce défi en construisant son programme pour l'an 2000 à partir d'un modèle de prévision des qualifications requises à cette date pour la production nationale. Les dangers de cette méthode « adéquationniste » sont relevés ici. Outre les aléas de la prévision globale des taux de croissance (de la production, de la productivité ou de l'emploi), elle se heurte, en effet, à l'incertitude concernant le comportement de recrutement des entrepreneurs. Plus fondamentalement, d'un point de vue théorique, le modèle peut être critiqué pour son déterminisme technologique. Une autre définition de la politique de formation initiale est alors proposée : fondée sur le principe de recherche permanente de flexibilité, elle prendrait la forme d'une gestion concertée des qualifications entre le système éducatif et le système productif.

La formation du capital humain. Gestion par le marché ou gestion par l'État Cet article examine rapidement les difficultés que rencontre la gestion publique des systèmes de formation. Les problèmes de la gestion du fonctionnement interne de ces systèmes sont examinés à partir de comparaisons internationales et d'exemples empruntés au cadre national. Ces difficultés sont liées à la faiblesse de la justification, de l'évaluation et du suivi dans le secteur public, où il convient de trouver un substitut à l'absence de mécanismes de marché pour assurer l'efficacité du système. Dans cette perspective, les instruments des économistes peuvent se révéler spécialement utiles. En continuité, l'article aborde les problèmes plus spécifiques de l'efficacité de l'école par rapport au marché du travail en développant l'argument selon lequel, dans l'examen de ce problème et au niveau des propositions faites pour améliorer la relation formation-emploi, on ne semble pas avoir assez tenu compte des concepts économiques de base et notamment des concepts de marché, de prix et d'avantage comparatif.

Aspects stratégiques des négociations internationales sur les pollutions transfrontières et du partage des coûts de l'épuration Cette communication présente un processus de négociations internationales portant sur des pollutions transfrontières, formulé en termes d'une succession temporelle de décisions résultant d'analyses coûts-avantages accompagnées de transferts internationaux, et conduisant à un optimum de Pareto unanimement préféré au laissez-faire. Cette formulation, inspirée de la théorie des procédures d'allocation des ressources, fait apparaître sous la forme de ce que l'on appelle ici un « surplus écologique » les gains que permet la coopération. Au-delà de cette propriété, qui est connue, on fait ici, en termes de la théorie des jeux coopératifs, une double analyse : d'une part, au moyen de jeux dits « locaux », celle de la question de savoir comment répartir le surplus, et par là les coûts de l'épuration, entre les pays concernés ; d'autre part, celle des raisons pour lesquelles il est plausible que cette même clé conduise le système économico-écologique à un élément du noyau du jeu « global » que l'on peut y associer.

Une approche élargie de l'effet irréversibilité. Application au cas de la conservation de la biodiversité Une décision irréversible correspond à une perte de flexibilité décisionnelle dans les périodes futures. L'effet irréversibilité, présenté par Henry [1974] et défini dans un contexte informationnel plus large par Freixas et Laffont [1982], introduit le concept de valeur d'option qui s'apparente à un coût d'opportunité particulier devant être imputé à la décision irréversible en raison de la perte d'options futures. L'objectif de cet article est de trouver des extensions de l'effet irréversibilité, en incorporant une incertitude aussi bien fonction des décisions que des états de la nature ; rien n'interdit, en effet, que la décision irréversible ne crée de nouvelles options qui n'existaient pas auparavant. Nous allons donc montrer, à partir de deux propositions, comment sont modifiées les conditions à la base de l'effet irréversibilité ; ces propositions sont illustrées sur un exemple relatif à la conservation de la biodiversité.

Le rôle des externalités dans les systèmes d'innovation. Nouveaux regards sur le dilemme de la propriété intellectuelle Les droits de la propriété intellectuelle trouvent leur justification dans le postulat largement partagé par les économistes selon lequel un faible niveau d'appropriation n'est pas compatible avec de forts investissements privés dans la R&D. Or différentes analyses empiriques ont montré que la libre circulation des connaissances est compatible avec de fortes incitations à la R&D. Ce rôle non conventionnel des externalités est le plus souvent observé dans les nouvelles technologies. Cet article vise à expliquer ce paradoxe à partir d'une distinction de différentes catégories d'effets externes de la R&D. L'analyse théorique réalisée sur ces bases détermine les conditions dans lesquelles on a avantage à favoriser la circulation des informations. Suit une discussion des différents systèmes qui permettent de traiter distinctement les deux catégories d'externalités, en particulier la disposition des licences de dépendance de la loi française du brevet d'invention.

Dans cette allocution, J.C. Milleron explique le titre retenu pour le colloque. Il estime que chaque terme du titre du colloque mérite justification. Pour lui, contrairement à ce que pensaient trop souvent les théoriciens, l'engagement de l'économiste est fait de rigueur. Car il n'est jamais aisé de simplifier sans désordre et de jugement car il s'agit finalement de dire ce qui est l'essentiel.