Contenu du sommaire : Des espaces ruraux en recomposition : inégalités et formes de régulation

Cette recherche sociohistorique vise à éclairer l'évolution d'une forme de loisir dans un espace social peu visible dans la littérature scientifique. Il s'agit d'examiner la transformation des clubs de football dans le territoire rural de moyenne montagne de la Matheysine (Isère). La période observée dans l'article est caractérisée par de nombreuses disparitions de clubs, des fusions, mais aussi des créations. Si la proximité entre l'espace socio-économique local et la destinée des clubs est déjà étudiée dans la littérature, nous montrons que d'autres facteurs sont à prendre en compte pour appréhender leurs fonctionnements et leurs influences. Surtout, nous mettons en évidence que la production des traits distinctifs et le fonctionnement des clubs sont complexes et révèlent des stratégies d'adaptation à un environnement changeant. Nous pensons que la production de ces symboles et le fonctionnement des clubs demeurent accessibles aux classes populaires et participent à un processus de patrimonialisation et de territorialisation.

Cet article ambitionne de produire une géographie sociale d'un bourg normand et de la confronter aux politiques publiques de revitalisation qui y sont projetées. Une analyse des groupes sociaux présents dans ce bourg est donc réalisée à partir des professions et des catégories socioprofessionnelles, permettant de montrer l'appartenance populaire de ses populations. Cela n'empêche pas la présence de ménages plus aisés comme des professions intermédiaires et des cadres. Cependant, les politiques publiques mises en place apparaissent faiblement produites par ou pour les catégories populaires, pourtant majoritaires, et malgré une coconstruction au moins théorique. Nous proposons alors une nouvelle notion pour appréhender ces écarts entre l'action publique, sa territorialisation sur un espace donné et la réalité sociale dans laquelle elle s'applique localement : les disjonctions institutionnelles territorialisées.

L'apparition de lieux de « nature » aménagés, espaces partagés tout autant que cadres de vie illustratifs des inégalités environnementales, est un phénomène notable de notre époque. Ce « verdissement » ne touche pas que les espaces urbains, mais aussi les espaces ruraux sous influence des villes, espaces de recomplexification sociale et porteurs d'hybridations. Nous développons une étude issue d'un travail de thèse, comparant les trajectoires sociospatiales de deux communes d'Eure-et-Loir, tendant à montrer que la « nature » est un marqueur des inégalités sociospatiales dans les espaces ruraux. L'analyse du premier site montre le processus double de publicisation et de construction d'un capital environnemental ; le second, l'importance des inégalités environnementales dans un espace productif. Ces deux exemples révèlent que la « nature » est un reflet d'équilibres territoriaux pouvant être différents.

Cet article examine les multiples conflits d'usage observés autour du lac de Guiers, mobilisant des arguments « classiques », liés au contrôle des ressources foncières autour du lac, mais aussi, et plus récemment, autour de la qualité écologique du milieu en lien avec la concurrence entre différents usages et pratiques de l'eau. À la lumière des controverses socio-environnementales sur la qualité de l'eau nécessaire à plusieurs usages (agriculture plus ou moins intensive, élevage, approvisionnement domestique…), les conflits apparaissent non seulement comme une expression des enjeux de contrôle du foncier, mais aussi comme des réalités mouvantes, au gré des différents intérêts, négociations et formes d'arrangements qui s'établissent entre les acteurs concernés. Des arguments d'ordres socio-environnemental et sanitaire sont introduits et mobilisés dans la dynamique des conflits, à la fois en tant qu'éléments venant nourrir et complexifier des conflits à la base relatifs à l'appropriation des ressources foncières, et en même temps, comme des occasions pour tisser de nouvelles alliances et constituer des collectifs capables de défendre les intérêts des participants.

Ces cinquante dernières années, les espaces ruraux se sont fortement diversifiés, témoignant d'une recomposition sociospatiale profonde grâce à l'immigration. Dans les études migratoires, nous observons une consolidation, durant les dix dernières années, du rôle joué par les espaces ruraux dans le déploiement du dispositif national d'accueil des personnes réfugiées. Notre article cherche à comprendre en quoi l'arrivée récente de cette population contribue à l'émergence d'un cosmopolitisme rural dans les espaces hors des métropoles. Quelles sont les formes que prend ce cosmopolitisme ? Quels sont les enjeux et les contradictions qui le traversent ? Pour cela, nous analysons la diversité des actions et des discours des acteurs locaux à destination des populations récemment installées. Une place prépondérante est accordée aux habitant-e-s, ainsi qu'aux acteurs associatifs.

Avec une lecture pluridisciplinaire, différentes méthodes d'enquête et des données non publiques, cet article examine les motifs du recrutement des travailleurs étrangers dans l'agrumiculture corse, depuis 2000 et lors de l'épidémie de la Covid-19. La Plaine orientale corse, connue pour sa culture labellisée de la clémentine, accueille chaque année des saisonniers marocains, une main-d'œuvre qualifiée indispensable à cette économie. La Covid a précisément donné lieu à des dérogations exceptionnelles afin d'assurer ce recrutement. Mais les évolutions agricoles depuis 1950 montrent le caractère banal de cette exceptionnalité dans un contexte agricole départemental habitué aux dérogations, et le poids relatif de l'argument des compétences dans les préférences de recrutement de travailleurs destinés à une production labellisée. En effet, le lien au passé colonial intervient dans l'établissement de ces dérogations, pour adapter aux besoins locaux, et selon des réseaux professionnels historiques, l'embauche des Marocains dans cette filière d'excellence.

Les personnes trans effectuent une mobilité sociale de genre au cours de leur vie, qui les conduit à vivre une nouvelle socialisation genrée à l'âge adulte. Leurs vécus offrent une perspective d'étude privilégiée sur la socialisation dite « secondaire » ou, du moins, ayant cours tout au long de la vie. Cet article propose de réinterroger les mécanismes de socialisation genrée aux espaces publics à partir des expériences des personnes trans. Le rôle central des violences masculines dans l'incorporation des peurs et des pratiques d'évitement est réaffirmé. La comparaison entre les expériences de personnes trans positionnées différemment dans les rapports sociaux de classe, genre et race informe sur les mécanismes d'une hiérarchisation sociale par et dans les espaces publics. Face à une socialisation masculine et dominante aux espaces publics, l'enquête met à jour de multiples formes de socialisations minoritaires.