Contenu du sommaire : Revue de l'OFCE n°49
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 49, 1994 |
Titre du numéro | Revue de l'OFCE n°49 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Chronique de conjoncture
- Bilan des turbulences - Département des Diagnostics de l'OFCE, Philippe Sigogne, Odile Chagny, Jacky Fayolle, Olivier Passet, Christine Rifflart, Françoise Milewski, Bruno Coquet, Jean-Marc Daniel, Hervé Péléraux p. 7-102 année conflictuelle pour le partage des marchés. Le développement des échanges sera plus rapide (6 % à 7 % l'an) et plus équilibré en 1994 et 1995. En France, le redressement s'observe essentiellement dans les enquêtes d'opinion ; les évolutions quantitatives traduisent encore peu ces anticipations. En l'absence de regain significatif de la demande finale, les stocks constituent la variable majeure de l'ajustement en cours. La politique économique tente de concilier plusieurs objectifs : la défense du franc, la baisse des taux d'intérêt, le soutien de l'activité économique, la limitation du déficit public, la baisse des prélèvements obligatoires. Ces objectifs étant parfois contradictoires, cela a conduit le gouvernement à faire preuve d'un assez grand pragmatisme. En 1994, le PIB progresserait de 1,1 %. La demande intérieure hors stocks s'élèverait un peu après avoir reculé en 1993. Faible progression de la consommation des ménages, reprise de l'investissement en logements et progression soutenue de l'investissement public contribueraient à amorcer la croissance ; mais les dépenses d'équipement des entreprises seraient à peine stabilisées, après leur fort repli de 1993. En 1995, celles-ci s'accéléreraient et l'arrêt du déstockage favoriserait significativement la croissance. Celle-ci pourrait alors dépasser 2,5 %, les demandes interne et externe s' intensifiant. Chacune des deux années, la progression des exportations excéderait celle des importations. Ainsi, la croissance française serait d'abord portée par son environnement international, investissement et consommation intérieurs restant contraints par des logiques de désendettement. Elle ne se fera donc pas au détriment des soldes extérieurs. Elle ne se fera pas non plus au détriment de l'inflation qui décélérerait à nouveau. En revanche, le chômage continuerait de s'élever cette année et plafonnerait l'an prochain.Turbulences' check-up Département des diagnostics Western economies began their recovery one year ago, but it is still difficult to foresee jobs and capacities creations on the near term. National situations exhibit quite varied imprints of indebtedness and disindebtedness waves brought about by the deregulations and monetary policies. Continental Europe, Germany excepted, has achieved the curbing of corporate failures, but persistingly high real interest rates stand in the way of investment. Money and budget managements have been very upset by the swerves of the private demand. They will become clearer as turbulences move off. In Europe, reducing interest rates will be the only way to alleviate the fiscal austerity. In the United states the buoyant activity will reignite inflation, although an increased response to interest rates, and budget cuts, will check the demand during 1995. Japan is still striving towards slowing his production capacities growth ; public support is essential during 1994 to resume a moderate growth. In the United Kigdom, the activity is now heavily dependent on the internal demand, but the covering of the general government needs will limit the financial ressources of the private sector that will find itself short of equipments. Germany has definitely entered the disinflationary process, which allows the lowering of short term interest rates, but corporate accounts are not enough restored to boost investment. Recent tensions on bond yields betray the European subordination to capital markets. Savings are presently more drawn on in the United States, but also by the emerging markets the advance of which is dramatic. Asian dynamism has supported the world trade in 1993, a conflicting period for market shares. Trade developments will be faster (+ 6 % to + 7 % a year) and more balanced during 1994 et 1995. In France the recovery is mostly obvious in business surveys ; quantitative data are still scarce to confirm it. As long as the final demand dees not strengthen significantly, inventories bear the bulk of the ongoing adjustment. The economic policy attempts to reconcile several targets : the franc / mark parity, the lowering of interest rates, the support of activity, the checking of public deficits, the curbing of tax and contribution rates. When these targets prove to be inconsistent, the government is induced to get rather pragmatic. In 1994, GDP will grow by 1,1 %. The internal demand, excluding inventories, would rise somewhat from its depressed level of 1993. A weak increase of private consumption, a recovery of the real estate business and a sustained advance of public investment would go toward starting growth ; but the equipment spending by firms would be hardly stabilized, following their strong 1993 fall. In 1995 it would speed up, when inventories are considered satisfactory. GDP growth could then exceed 2,5 %, as both intenal and external demands would intensify. During both years, exports would increase more than imports. The French growth would thus benefit by the international environment, the domestic components of demand remaining subdued by some disindebtedness. A widening external surplus is forecasted, as well as a shrinking inflation. But the unemployment would keep spreading, this year, and would level off next year.
- Bilan des turbulences - Département des Diagnostics de l'OFCE, Philippe Sigogne, Odile Chagny, Jacky Fayolle, Olivier Passet, Christine Rifflart, Françoise Milewski, Bruno Coquet, Jean-Marc Daniel, Hervé Péléraux p. 7-102
- La récession de 1993 réexaminée - Pierre-Alain Muet p. 103-123 Si la récession du début des années quatre-vingt-dix dans les pays anglo-saxons, ou encore celle du Japon en 1993, résultent principalement d'une crise financière, celle de fin 1992-début 1993 en Europe continentale fut au contraire la conséquence de politiques monétaires excessivement restrictives, qui transformèrent la phase de ralentissement que connaissaient alors les partenaires de l'Allemagne en dépression. La première partie de l'article examine les principales caractéristiques des récessions qui ont affecté les pays industrialisés au cours des trois dernières années. La seconde s'appuie sur le modèle Mundell-Fleming élargi pour illustrer la gestion particulièrement inefficace de la réunification allemande par les pays européens et notamment la France. On montre que, dès lors que l'Allemagne tentait d'éliminer l'inflation résultant du choc de demande de la réunification par une politique monétaire restrictive, l'appréciation réelle du mark était inévitable. Celle-ci aurait pu être réalisée par une appréciation nominale qui aurait atténué en France la phase de ralentissement économique ; mais, avec une parité fixe franc-mark, la désinflation désirée par la Bundesbank ne pouvait que provoquer une déflation française.The 1993 recession revisited Pierre-Alain Muet If the recessions at the beginning of the 90s in the English speaking countries or in Japan in 1993 were mainly the result of a financial crisis, the recession during the winter of 1992-1993 in Continental Europe was due to excessively restrictive monetary policies, which transformed the economic downturn into recession. The first part of this paper examines the main characteristics of recessions which affected the industrialised countries during the last three years. The second part, based on an extended Mundell-Fleming model, illustrates the inefficient way in which european countries, especially France, dealt with German reunification. We show that when Germany tried to reduce the inflation due to fiscal expansion by restrictive monetary policy, the real appreciation of the mark was unavoidable. This could have been achieved by a nominal appreciation which would have attenuated the downturn in France. But since the franc was tied to the mark, the disinflation sought after by Germany could only lead to a deflationnary impact in France.
- Structure des taux d'intérêt et mouvements cycliques des économies américaine et française - Jacky Fayolle, Alexandre Mathis p. 125-148 Les indicateurs cycliques participent à la description des faits stylisés conjoncturels et permettent une mise en ordre des mouvements et des retournements des différentes variables économiques au sein de séquences typiques d'enchaînements conjoncturels. Ils concourent ainsi à la qualité du raisonnement conjoncturel et à la pertinence des prévisions associées. Leur usage prévisionnel reste cependant difficile et passe par leur intégration dans un raisonnement macroéconomique qui, mettant chaque indicateur à sa juste place, évite tout excès de confiance dans tel ou tel d'entre eux. Cette pratique saine ne devrait cependant pas empêcher de rechercher des règles permettant d'extraire plus rigoureusement et précisément l'information prévisionnelle contenue dans les indicateurs avancés. Ces règles de quantification peuvent bénéficier de l'apport de techniques économétriques d'analyse des séries temporelles qui s'avèrent adaptées à l'étude des phénomènes cycliques. L'introduction de variables exogènes dans les modèles structurels d'analyse cyclique offre ainsi un cadre intéressant pour tester la pertinence d'indicateurs avancés du PIB. Pour les Etats-Unis et la France, l'écart entre taux d'intérêt long et court fournit un tel indicateur avancé dont le caractère précurseur paraît semblable au sein de ces deux économies, bien que le caractère cyclique de la régulation monétaire conjoncturelle soit affirmé plus nettement et depuis plus longtemps aux Etats-Unis. Dans les deux pays, la prise en compte de l'indicateur avancé dans la modélisation du PIB révèle la présence d'une composante cyclique de période égale ou supérieure à la décennie, plus longue que celle du cycle conjoncturel stricto sensu anticipé par l'écart de taux. Cette composante supra-décennale paraît assimilable à un cycle d'accumulation. L'usage prévisionnel des modèles ainsi estimés est soumis à précautions. Ce ne peut être un cadre autosuffisant pour l'activité prévisionnelle du conjoncturiste mais c'est un outil, parmi d'autres, de cette activité, qui est susceptible de fournir des indications utiles sur la proximité des retournements à venir et les facteurs qui y concourent.Interest rates structure and cyclical behaviour of american and french economies Jacky Fayolle, Alexandre Mathis The cyclical indicators contribute to the description of the business cycles' stylised facts. They help classify the movements and turning points of the different economic variables in typical business cycles. But their forecasting power is not easily released and needs an integration in a macroeconomic framework. Nevertheless, it is possible to build rules for extracting the predictive information contained in the leading indicators. These rules benefit by time series models adapted to the analysis of cyclical phenomenons. Introducing exogenous variables in such structural time series models constitutes a useful framework for testing the relevance of GDP's leading indicators. For USA and France, the spread between long-term and short-term interest rates is such a leading indicator. Its leading behaviour is similar for these two countries, although the cyclical pattern of the monetary policy is clearer and more stable in the USA. In both countries, taking into account this spread in the model of GDP reveals the presence of a cyclical component with a period equal or superior to ten years. This component seems akin to an accumulation cycle. Using such estimated models to forecasting needs caveats. The framework is not selfsufficient but may belong to the tool-box. In particular it may provide useful signals in advance of turning points, and contribute to their understanding.
- La dette de l'État est-elle insoutenable ? - Jean-Marc Daniel p. 149-176 Depuis la mise en place de systèmes cohérents de finances publiques, la dette publique a fait l'objet d'études, d'analyses et de controverses entre dirigeants politiques, experts économiques et spécialistes de la fiscalité. Le Traité de Maastricht a remis à l'ordre du jour ces problèmes en fixant un niveau supérieur au ratio dette/ PIB acceptable pour participer à l'union monétaire européenne. L'existence de cette norme combinée avec une évolution très rapide de ce ratio sur les deux dernières années a conduit certains observateurs à dénoncer la situation financière de l'Etat et à prédire une catastrophe dans les années qui viennent. Le but du présent article est d'examiner la situation de la dette de l'Etat qui est l'élément constitutif déterminant de la dette publique et au travers d'un examen sur longue période, c'est-à-dire à partir de 1815, de mieux situer l'endettement actuel de l'Etat et sa dérive. En particulier, cet article montre que le XIXe siècle, qui a théorisé le libéralisme économique et cherché dans l'équilibre des finances publiques une réduction de l'interventionnisme étatique, a, du fait des guerres et d'un évolution très lente des valeurs nominales, supporté des dettes publiques importantes en poids de PIB, alors que le XXe siècle a, jusqu'aux années quatre-vingt, défendu le principe du déficit budgétaire comme régulateur conjoncturel tout en effaçant ses conséquences par l'inflation. Le retour depuis 1983 à des politiques très rigoureuses en matière monétaire réintroduit un environnement de stabilité des prix qui devrait limiter les marges de manœuvre budgétaire et l'utilisation à des fins conjoncturelles du budget de l'Etat, surtout que l'on peut espérer qu'à la différence du XIXe siècle, la guerre a cessé d'être un élément normal et un mode acceptable de régulation de l'activité économique et politique.Is French State debt unsustainable ? Jean-Marc Daniel Since 1991, the French fiscal deficit has been higher and higher. It has reached 6 % of GDP in 1993. The most obvious consequence is a fast increase of the State debt, the level of which is nowadays about 40 % of GDP. This paper analyses this debt and tries to estimate its consequences on the French economy. It compares the present situation with the past. During the last century, the debt was higher, mainly because of the wars, even when the governments tried to balance the budget. Since there was no inflation at that time, it was rather difficult for those governments to get rid of the debt. During the XXth century and until the eighties, inflation continuously eroded the public debt. Nowadays, the end of inflation will oblige French government to cut the fiscal deficit ; otherwise, the State activity will be progressively weakened by the growing debt service.
- La protection sociale en Fédération de Russie - Jacques Le Cacheux, Sandrine Cazes p. 177-206 Les réformes mises en œuvre en Russie dans le cadre de la transition vers l'économie de marchés ont engendré une détérioration sensible des conditions de vie de la population. Les hausses consécutives à la libération des prix décrétée en janvier 1992, la persistance d'une inflation très soutenue et l'effondrement apparent de la production ont entraîné un appauvrissement absolu. Mais au delà, il semble que les inégalités se sont profondément creusées, les efforts du gouvernement pour réduire les dépenses publiques ne faisant qu'aggraver cette tendance, dans la mesure où ils ont porté principalement sur les salaires des fonctionnaires, les pensions et des secteurs tels que l'éducation publique et la santé. Depuis trois ans, certaines réformes ont été introduites dans le système fédéral de protection sociale ; mais celui-ci demeure gravement défaillant dans plusieurs domaines essentiels. En revanche, les entreprises, traditionnellement très impliquées dans la satisfaction des besoins sociaux de leurs salariés, et les autorités républicaines et locales ont eu tendance à accroître leur rôle social. De ce fait, le système actuel est profondément discriminant : les inégalités régionales de niveau de vie, de capacités économiques et financières risquent d'engendrer d'importantes disparités ; en outre, les inégalités tendent à se creuser entre inactifs et salariés, d'une part, et au sein de ce groupe, d'autre part, entre ceux qui ont la chance d'avoir un emploi dans une entreprise « paternaliste » et les autres, qu'il s'agisse des fonctionnaires, des chômeurs ou des salariés des petites entreprises privées nouvellement créées. La dégradation des conditions de vie de certaines catégories de la population est telle qu'il faut impérativement prendre certaines mesures d'urgence — notamment en matière de soins de santé, d'aide sociale, etc. — même si elles ne semblent pas aller dans le sens de la libéralisation de l'économie. Mais il convient également d'imaginer la manière dont le système actuel pourrait évoluer, à moyen-long terme, en accompagnant l'extension des relations marchandes pour assurer une protection sociale efficace dans un contexte économique qui devrait différer encore longtemps de celui des économies occidentales de marché.Social Protection in the Russian Federation Sandrine Cazes and Jacques Le Cacheux The transition towards a market economy in Russia began in January 1992 with the liberalization of wages and prices. The high inflation persisting throughout the year and the collapse of GDP led to absolute falls in income and wealth levels. In addition, the reform programme has amplified inequality : this was partly due to the reduction in government expenditures (education and health services), withdrawal of subsidies and worsening in the position of the pensioners and state employees. The recent evolution of the social protection system indicates that enterprises still play a determinant role in social protection ; local authorities perform also a dominant role, by providing, for example, subsidies. Hence, the financial status of both enterprises and local authorities may lead to growing differences amongst households and amongst regions of the Russian Federation. The acceleration in the extent of poverty in Russia is an area for concern with regard to transition ; it should therefore be tackled through well-designed targeted short-run measures. It is also important to think the overall architecture of the Russian social security system.
- Retour vers le futur. Une analyse rétrospective des prévisions de MOSAÏQUE - Alexandre Mathis, Andrew Brociner p. 207-228 L'utilisation, pendant près de dix ans, du modèle trimestriel du département d'économétrie de l'OFCE permet de faire une rétrospective des erreurs de prévisions passées. Il s'agit, par une analyse statistique des erreurs, d'essayer d'en décrire les principales caractéristiques. Les erreurs sont-elles systématiques, biaisées ou encore expliquées par les erreurs sur d'autres variables, exogènes notamment. A quel horizon prévoit-on le mieux ? Les prévisions faites à l'aide d'un modèle économétrique surclassent-elles celles produites par un modèle naïf ? Il apparaît que la qualité des prévisions s'améliore fortement lorsque l'horizon de prévision se rapproche. Pour l'horizon de prévision le plus court, quelques variables sont systématiquement sous- estimées ou sur-estimées. Les variables que l'on prévoit le plus mal le sont aussi par tous les autres prévisionnistes. Cette étude montre également que les erreurs sur l'environnement international affectent uniquement les prévisions des horizons les plus éloignés et ceci pour un nombre restreint de variables.Back to the Future : an analysis of the forecasts errors of the MOSAÏQUE model Alexandre Mathis, Andrew Brociner This study analyzes past errors of the quarterly model of the Econometrics Department of the OFCE. We conduct a statistical analysis of errors to describe its principal features. Are the errors biased, systematic, or explained by other errors, especially of exogenous variables ? For which time horizons do we forecast best ? Dees the model perform better than a forecast made by a simple model ? These are the questions we pose and try to answer. We find that the quality of the forecast improves with the shortening of the time horizon. In the shortest time horizon, some variables systematically underestimate or over-estimate the actual values. The variables which are the most difficult to predict are the ones other forecasters also find difficult to predict. We find that errors of the international economy influence the forecasts of some variables for long time horizons.
- Chronique des tendances de la société française - Louis Dirn, Laurence Duboys-Fresney, Catherine Bidou, Louis Chauvel, Yannick Lemel p. 229-246 Cette chronique traite de trois phénomènes sociaux : • Le chemin parcouru en matière de politique urbaine a conduit à la création de banlieues « en difficulté ». Les pouvoirs publics ont, dans un premier temps, fait face au logement d'une population croissante en aidant les collectivités à construire de grands ensembles (aide à la pierre) ; par la suite, ils ont remplacé ces subventions par des aides à la personne (habitat pavillonnaire), multipliant ainsi les risques de ségrégation des populations selon leur revenu. m Le changement de comportement des électeurs. Relativement aux électeurs inscrits, les partis à vocation gouvernementale mobilisent de moins en moins, suite à la montée en puissance simultanée des abstentions et des partis « hors système » ; cette situation s'explique non pas par un déclin de l'intérêt pour la politique ou un rejet du clivage droite/gauche, mais par une divergence croissante entre les aspirations des électeurs et les impératifs de la gestion gouvernementale. m Enfin une conséquence de la diminution de la taille des familles. On constate que la réussite scolaire est plus fréquente parmi les familles de deux enfants. La convergence vers le modèle de la famille à deux enfants pourrait avoir un impact sensible sur l'élévation du niveau scolaire des nouvelles générations.
- Croissance et emploi : l'ambition d'une initiative européenne - Jacques H.Drèze, Edmond Malinvaud, Paul De Grauwe, Louis Gevers, Alexander Italianer, Olivier Lefebvre, Maurice Marchand, Henri Sneessens, Alfred Steinherr, Paul Champsaur, Jean-Michel Charpin, Jean-Paul Fitoussi, Guy Laroque p. 247-288 Depuis bientôt vingt ans, le chômage européen est un problème social majeur et le signe d'une importante sous-utilisation des ressources à une époque où existent bien des besoins insatisfaits. Alors que l'emploi a crû de près de 6 % entre 1987 et 1990 dans la Communauté Européenne des douze, le taux de chômage dépasse à nouveau 10 % et s'élève. Même selon des prévisions raisonnablement optimistes (un taux de croissance de 2,5 à 3 %) le taux de chômage dépassera 10 % durant au moins quatre ou cinq ans. Cette note prend position sur les politiques de court, moyen et long terme que nous considérons comme les mieux aptes à promouvoir la croissance et l'emploi en Europe Occidentale. Nous prétendons qu'actuellement une politique budgétaire active ne paraît pas constituer un instrument adéquat pour la stabilisation économique à court terme. L'attention devrait plutôt se concentrer sur la consolidation structurelle à moyen terme des budgets, un objectif négligé durant l'expansion de la fin des années 80. Mais nous plaidons pour une stimulation monétaire, à obtenir par une forte réduction des taux d'intérêt nominaux à court terme ; nous proposons le niveau de référence zéro pour les taux d'intérêt réels à court terme, pour aussi longtemps que l'on n'observe pas clairement que la reprise est engagée. S' agissant des politiques de moyen terme, nous recommandons deux ensembles de mesures relatifs respectivement aux coûts du travail et à l'investissement. Nous notons que le chômage élevé se concentre fortement sur les travailleurs non qualifiés. De plus nous trouvons la preuve d'un désaccord croissant entre les structures par qualifications de l'offre et la demande de travail, la composition de celle-ci se modifiant vite au détriment des travailleurs non qualifiés. Cette observation justifie que l'on investisse dans l'enseignement et la formation. Nous considérons qu'elle justifie aussi des mesures visant à réduire le coût du travail non qualifié par rapport aux coûts du travail qualifié et du capital. Un élément important du coût du travail est constitué par des impôts et contributions sociales, qui entraînent un écart, particulièrement substantiel pour le travail non qualifié, entre le coût pour les employeurs et le coût d'opportunité pour la société — de 30 % à 50 % dans les pays de la Communauté. Nous prétendons que le moment est venu de réduire cet écart et nous proposons d'exempter le salaire minimum des contributions sociales à la charge des employeurs. Cela peut se faire soit en percevant de telles contributions, pour tout salaire, sur la part excédant le salaire minimum, soit en introduisant une exonération dégressive s'élevant à 100 % au niveau du salaire minimum et décroissant linéairement jusqu'à zéro au niveau double. La première modalité implique une réforme substantielle des systèmes fiscaux, car son coût direct s'élève à environ 3,2 % du PIB en moyenne dans la Communauté, avec des différences importantes suivant les pays. En revanche, le coût de la seconde modalité est plutôt de l'ordre de 1,2 % du PIB. Dans les deux cas, des ressources de remplacement doivent être trouvées pour la sécurité sociale. Une source naturelle serait l'impôt sur les émissions de CO2 qui est actuellement examiné par les pays de la Communauté (avec un rendement estimé de l'ordre de 1 à 1,3 % du PIB). Une autre source résiderait dans un relèvement des taux de la TVA. Pour la définition exacte, la mise en œuvre et le financement de cette mesure, il y a évidemment place à des mesures spécifiques aux divers pays. Les simulations économétriques faites en France et en Belgique concernant les exonérations de taxes sur le travail, doivent être considérées comme imprécises. En termes généraux elles confirment nos idées selon lesquelles il ne faut certes pas espérer un miracle, mais des gains appréciables en emploi peuvent être attendus à moyen terme, sans coût budgétaire, si notre proposition est appliquée sans timidité. A propos de l'investissement, nous reconnaissons que des capacités inutilisées limitent les perspectives immédiates d'équipe- ment des entreprises. Mais nous prétendons que des ressources inemployées peuvent être mobilisées pour des investissements riches en travail, qui auraient des rendements sociaux adéquats et contribueraient de plus à soutenir la demande globale. C'est aussi la logique de l'initiative d'Edimbourg, où les réseaux trans-euro- péens ont reçu la priorité, ainsi que les petites entreprises. Nous prétendons cependant que l'ensemble convenu à Edimbourg est insuffisant. Un programme d'investissement dont le montant correspondrait aux efforts à venir pour la consolidation structurelle des budgets ne créerait pas de tension sur les marchés du capital, tout en compensant le retard pris par les investissements publics dans la décennie passée. Nous avançons le chiffre de 250 milliards d'Ecus (soit grosso modo huit fois l'objectif d'Edimbourg) comme un but réaliste à moyen terme. Nous proposons de privilégier aussi des domaines tels que le logement pour les ménages à bas revenus, la rénovation urbaine et les transports urbains. Afin de stimuler les investissements ainsi visés, nous suggérons que l'on s'en remettre surtout aux subventions à l'emploi, en proportion du contenu en travail des projets retenus. Une telle disposition renforcerait, voire anticiperait, sur notre proposition précédente destinée à réduire les coûts du travail ; elle aurait surtout pour effet d'élargir l'ensemble des projets attractifs pour des investisseurs privés et des autorités locales. De plus un meilleur accès au marché du capital devrait être recherché grâce à la collaboration d'intermédiaires institutionnels, à l'accroissement des missions de la Banque Européenne d'Investissement, à l'extension ou à la duplication du Fonds Européen d'Investissement. Notre discussion des problèmes structurels se concentre sur les principes de base. Nous insistons d'abord sur les effets défavorables des incertitudes actuelles qui touchent non seulement certains taux d'inflation, d'intérêt et de change, mais aussi les évolutions institutionnelles dans le domaine monétaire, y compris la tentation récurrente de dévaluations compétitives. Nous ne choisissons pas un programme politique spécifique. Mais nous proclamons que réduire les incertitudes institutionnelles à propos des monnaies constitue un objectif important en lui-même. Il devrait être poursuivi activement, afin d'engager l'Europe monétaire sur une voie plus prometteuse pour l'emploi qu'un retour à des taux de change flottants libres entre les monnaies d'économies relativement petites et intégrées entre elles par d'étroits liens commerciaux. Nous examinons ensuite les finances publiques et l'Etat-provi- dence, en reconnaissant que plusieurs pays ont besoin d'une consolidation structurelle de leurs budgets et qu'il existe des éléments de déception quant aux effets des régimes sociaux. Etudiant la logique économique de l' Etat-providence, nous concluons que les réformes à réaliser devraient viser à le rendre plus svelte et plus efficace, non à le démanteler. Pour cela il faut revoir à fond l'efficacité opérationnelle et distributive des programmes existants, afin d'atteindre deux objectifs difficilement compatibles : réduire dans la plupart des pays la part des transferts sociaux dans le PIB, renforcer la protection des plus mal dotés. Les économistes devraient intensifier leur participation aux recherches destinées à relever cet important défi. Enfin, nous tirons les conséquences salariales d'une Initiative Européenne de Croissance visant à une période d'expansion soutenue, donnant la priorité à l'emploi par rapport aux salaires réels. Nous estimons qu'un schéma réaliste associe une croissance de la production de plus de 3 % l'an à une augmentation de l'emploi de plus de 1 % l'an. Cela laisse une marge d'au plus 2 % pour les salaires réels. Etant donné la présence du glissement salarial, le calcul semble conduire à des accords négociés avec des taux réels à peu près constants. Ce schéma est-il réaliste ? Nous soulevons alors la question controversée du rôle que peuvent jouer sur les salaires les poids comparés des impôts sur le capital et le travail. Nous reconnaissons que la baisse de la part des salaires au cours des années 80 a été accompagnée d'une augmentation de la part des revenus d'intérêt, qui dans de nombreux cas sont peu taxés, notamment en raison de la mobilité des capitaux et d'une concurrence fiscale entre pays. A défaut de déclarations systématiques, un prélèvement à la source uniforme au niveau européen, est le seul moyen de corriger ce déséquilibre en faveur des revenus d'intérêt. La question de savoir si un tel prélèvement est ou non désirable en lui-même de façon permanente est débattue entre spécialistes de la fiscalité. Le débat devrait être élargi pour tenir compte de ce que l'équité dans le traitement fiscal du capital et du travail pourrait contribuer de façon significative à la modération salariale, bien qu'il soit prématuré de considérer les preuves empiriques comme concluantes à cet égard. Nous espérons avoir identifié un ensemble de mesures formant un tout cohérent et avoir défini une initiative ayant la taille du problème qui nous confronte. Ces mesures ont des implications budgétaires conduisant à réallouer quelques pour cent du PIB, donc davantage qu'on l'envisage habituellement. Et elles relèvent de la responsabilité d'un vaste ensemble d'institutions qui ne sont pas engagées dans une coordination systématique de leurs politiques. De sérieux problèmes devraient ainsi être résolus pour une mise en œuvre. Nous en appelons aux responsables politiques pour qu'ils fassent preuve d'audace et de détermination en affrontant ces problèmes. Et nous en appelons aux économistes des milieux académiques pour qu'ils participent activement à la définition et à la promotion d'une initiative européenne ambitieuse.Growth and employment the scope of an European initiative Jacques Drèze, Edmond Malinvaud et Alii Executive Summary 1. Since almost twenty years now, European unemployment is a major social problem and the sign of significant underutilisation of resources at a time of substantial unfilled needs. Whereas employment increased by nearly 6 % between 1987 and 1990 in EC12, the rate of employment is now again exceeding 10 % and rising. Even under reasonably optimistic forecasts (a growth rate of 2.5 to 3 %), the unemployment rate will remain above 10 % for at least four or five years. This position paper reviews the short-, medium- and long-run policies best susceptible of promoting growth and employment in Europe. 2. We argue that fiscal policy is not, at this time, a suitable instrument of short-run stabilisation. Attention should rather be focussed on medium-term structural budget consolidation, which was neglected during the expansion of the late eighties. On the other hand, we argue for monetary stimulation through a strong decrease of short-term interest rates, and propose the reference level of zero short-term real interest rates. 3. Turning to medium-run policies, we advocate two sets of measures, concerning respectively labour costs and investment. 3. a We note that high unemployment is heavily concentrated among unskilled workers. Moreover, we find evidence of a trend in the skilll composition of labour demand, which contains a declining proportion of unskilled jobs. These considerations justify investment in training and education. We believe that they also justify immediate measures aimed at reducing the cost of unskilled labour relative to the cost of skilled labour and of capital. An important element of labour costs consists in taxes and social insurance contributions, which drive a substantial wedge — 30 to 50 % in the EC member countries — between the cost of labour to employers on the one hand, take-home pay or the social opportunity cost of unskilled labour on the other hand. We argue that the time has come to reduce that wedge, and we propose exempting minimum wages from employers' contributions to social security. This may be done either by collecting such contributions only on that part of all wages that exceeds minimum wages ; or by introducing an exemption amounting to 100 % of these contributions at the minimum wage level but decreasing linearly to zero at twice that level. The first measure is very costly — of the order of 3.2 % of GDP on average in EC12, with substantial country differences. The second measure is much less costly, rather like 1.2% of GDP. In either case, substitute resources should be allocated to the social security. The CO2 tax currently under consideration by EC countries (with estimated receipts of the order of 1 to 1 .3 % of GDP) is a natural source. Raising the ceiling on VAT rates is another source. There is room for country- specific measures. Econometric simulations of labour tax exemptions in France and Belgium must be regarded as imprecise. Generally, they confirm our belief that no miracle should be hoped for, but that appreciable medium-term gains in employment are in sight, at no budgetary cost, if our proposal is implemented on a bold scale. 3. b With regard to investment, we recognise that unused capacities limit the immediate prospects for business investment. But we argue that idle resources could be mobilised towards labour-intensive investments with adequate social returns — contributing in addition to sustain aggregate demand. This is also the logic of the Edinburgh initiative, where Trans-European Neworks receive priority, together with small firms. We argue however that the Edinburgh package falls short of what is needed. An investment program matching the structural budget consolidations to come would place no strain on capital markets, while making up the shortfall in public investments of the past decade. We advance a figure of 250 Bilion ECU'S (or roughly 8 times the Edinburgh objective) as a realistic medium-term target, and propose to privilege in addition areas like low-income housing, urban renewal and urban transportation. In order to stimulate such targeted investments, we suggest to rely mainly on employment subsidies, proportional to the labour content of approved projects. This would reinforce, or possibly anticipate, our previous suggestion for reducing labour costs — while enlarging the set of investments attractive to private investors and local authorities... Improved access to capital markets should in addition be sought through collaboration with institutional intermediaries, through an extension of the mission of the European Investment Bank and through an extension or replication of the European Investment Fund. 4. Our discussion of structural problems is foccused on basic principles. We first stress the detrimental incidence of the prevailing uncertainty about some inflation, interest and exchange rates, but also about institutional developments in the monetary area — including the recurring temptations of competitive devaluations. We do not opt for a specific political program. But we stress that reducing institutional monetary uncertainties is an important goal in its own rights. It should be pursued actively, to put monetary Europe on a track more promising for employment than a return to floating exchange rates between the currencies of relatively small economies closely integrated through trade. We next turn to public finance and the Welfare State, recognising the need in several countries for structural budget consolidation, and the elements of disenchantment with respect to the performance of the Welfare State. Reviewing its economic logic, we conclude that the agenda should be to make the Welfare State leaner and more efficient, not to dismantle it. This calls for reviewing in depth the operating and distributive efficiency of existing programs, with the conflicting aims of reducing the share of social transfers in GDP by several percentage points, while strengthening the protection of the least endowed. Economists should intensify their participation in this important research challenge. Finally, we draw the implication for wages of an European Growth Initiative aimed at a period of sustained growth, with priority given to employment relative to real wages. We feel that a realistic pattern combines output growth in excess of 3 % with employment growth above 1 %. This leaves a margin of at most 2 % for real wages. Given the presence of wage drift, this seems to call for negotiated settlements at roughly constant real wages. Is such a pattern realistic ? We bring out the controversial issue of the significance for wage developments of the relative tax burdens on capital and labour. And we recognise that the decline of the labour share in the eighties has been accompanied by a rise in the share of interest income, which in many cases is subject to little taxation, due in particular to capital mobility and intercountry tax competition. A uniform withholding tax on interest income at the European level is the only avenue to correct that imbalance. Whether or not such a tax is desirable in its own rights is a debated issue. That debate should be enlarged to recognise that distributional fairness in the tax treatment of capital and labour could make a significant contribution to wage moderation — even though it may be premature to regard the empirical evidence as conclusive. 5. We hope to have identified a set of measures endowed with overall consistency and with a globality commensurate with the magnitude of the problem confronting us. They have budgetary implications that call for reallocating a few percentage points of GDP, which is more than usually contemplated. And they fall under the responsibility of a whole set of institutions which are not engaged in systematic policy coordination. Serious problems of implementation should thus be tackled. We call on policy makers to exert boldness and determination in tackling these problems. And we call on academic economists to participate actively in the definition and promotion of an ambitious European initiative — starting perhaps with a criticism and elaboration of our own views.
- Summaries in English - p. 289-295
- Cahier de graphiques - Département des diagnostics de l'OFCE, Amel Falah p. 296