Contenu du sommaire : Revue de l'OFCE n°51
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 51, 1994 |
Titre du numéro | Revue de l'OFCE n°51 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Chronique de conjoncture
- Un horizon conjoncturel dégagé - Département des Diagnostics de l'OFCE, Philippe Sigogne, Odile Chagny, Jacky Fayolle, Olivier Passet, Christine Rifflart, Françoise Milewski, Bruno Coquet, Hervé Péléraux p. 5-88 Les économies occidentales connaissent pour la plupart des rythmes de croissance soutenus, mais les écarts de conjoncture sont très accusés. L'optimisme réel s'accompagne d'une grande confusion financière : les changes sont perturbés par les déséquilibres commerciaux ; les taux d'intérêt à long terme ont partout monté fortement, d'abord par crainte de l'inflation aux Etats-Unis, puis par révision des perspectives de croissance en Europe. Le niveau actuel des taux longs reflète la difficulté des appareils de production existants à financer des projets d'investissement mondialement plus nombreux. Cependant les taux réels s'avèrent moins élevés que lors de la reprise précédente, et les capacités financières actuelles des firmes européennes les rendent peu sensibles au coût du capital à l'horizon de la fin 1995. Les interrogations portent donc sur la maîtrise des endettements publics, et sur la capacité des sociétés européennes à supporter les ponctions exercées sur les revenus du travail du fait des taux d'intérêt élevés. Aux Etats-Unis, l'activité est à présent renforcée par la demande étrangère, ce qui implique un nouveau durcissement de la politique monétaire en vue d'interrompre la dérive inflationniste. Un ralentissement est attendu au cours de 1995, initié par la consommation. Le Japon est en reprise, tiré à présent par la consommation. Il tend à renforcer la croissance mondiale. Au Royaume-Uni, investissement et exportations ont accéléré la production et réduit le chômage ; la consommation a surtout bénéficié d'une moindre propension à épargner. Les risques inflationnistes vont continuer à durcir la politique économique, et la croissance se modérera l'an prochain. L'Allemagne se redresse à l'Ouest, grâce aux exportations et au restockage. Le logement et la consommation résistent en dépit des prélèvements fiscaux. Les capacités de production manufacturières retrouveront un niveau normal d'utilisation dès la fin 1994, ce qui stimule l'investissement et fait craindre l'inflation. Cependant le chômage reste élevé et les prix au détail devraient rester calmes. A l'Est, la croissance s'annonce vigoureuse. Les capitaux ont délaissé l'Europe pour privilégier le Japon puis les pays émergents. Les investisseurs japonais reviennent sporadiquement et seraient plus présents en 1995, cependant que les besoins de financement américains se modéreront. Le commerce mondial est entré dans une phase de forte croissance qui se poursuivra l'an prochain. Les pays d'Europe continentale regagneront des parts de marché au détriment du Japon. En France, la reprise de l'activité a été significative au premier semestre 1994. L'optimisme se confirme dans les enquêtes de conjoncture. La reprise est d'autant plus nette qu'elle découle de l'interruption de comportements privés très dépressifs. La croissance du PIB serait de 2,2 % en 1994, le ralentissement puis l'arrêt du déstockage y contribuant pour près d'un point. La reprise de la demande intérieure finale, qui s'opère depuis le deuxième trimestre, s'amplifierait. La consommation des ménages continuerait de progresser. Mais la hausse de l'investissement des entreprises serait encore faible en moyenne annuelle, car surtout marquée au second semestre. La croissance des importations dépasserait celle des exportations, à cause d'un début d'année nettement divergent. En 1995 la croissance atteindrait 3,5 % ; cette consolidation de la reprise est usuelle, mais avec une ampleur plus faible que lors du cycle précédent: les objectifs de désendettement n'ont pas disparu, d'autant que les taux d'intérêt à court terme ont cessé de baisser et que les taux d'intérêt à long terme s'élèvent. Ces mouvements ne sont pas de nature à interrompre la reprise en cours, mais vont en limiter l'accélération. L'investissement des entreprises croîtrait aussi fortement qu'il avait reculé en 1993 ; ce ne sera qu'un rattrapage partiel après trois années de recul. Du fait de l'amélioration rapide de leur situation patrimoniale, les entreprises peuvent à présent satisfaire des besoins d'investissement longtemps différés ; la remontée récente des taux d'utilisation des capacités de production constitue une forte incitation à investir. La consommation des ménages s'amplifierait, portée par davantage de revenus et par une baisse du taux d'épargne. Un restockage interviendrait progressivement, supportant la croissance. Importations et exportations iraient de pair, signe d'une évolution plus synchrone des demandes intérieure et extérieure. En 1994 et 1995, les soldes extérieurs se tasseraient un peu à cause des mouvements de prix, mais l'excédent resterait confortable. Le chômage serait un peu réduit et l'inflation ne s'accélérerait guère. Le déficit public pourra être contenu sans coupe importante dans les dépenses grâce aux recettes de privatisation, mais les déficits sociaux ne pourront l'être sans prélèvements supplémentaires.A cleared short term horizon Division modèle trimestriel Mosaïque Most Western economies experience sustained growth rates, but business conditions still widely differ. Optimism on the real economy gees with a large financial turmoil : exchange rates markets are upset by trade imbalances ; long term interest rates have sharply risen everywhere, fearing, first, the U.S. inflation, then acknowledging the revision of European growth prospects. The present level of long term rates reveals how much the existing production facilities have trouble to finance, on a world basis, more numerous investment plans. Nevertheless real rates prove to be lower than during the previous recovery, and the present financial situation of European firms do not make them much capital cost sensitive, till the end of 1995. The main questions are related to how public indebtedness will be brought under control, and how European societies will withstand the lasting levy on labour earnings due to high interest rates. In the United States, output is presently buoyed by the foreign demand, which calls for a new stiffening of monetary policy, in order to halt the inflationary drift. A slowdown is expected during 1995, started by private consumption. Japan is recovering, presently driven by individual spending, thus strengthening world growth. In the United Kingdom, investment and exports have speeded up output and reduced unemployment : private consumption has above all benefited by a lesser propensity to save. Inflationary risks will go on tightening the policy stance, and growth will be restrained next year. Western Germany has turned up thanks to exports and some restocking. Real estate and private consumption resist to tax rises. Spare capacities in the manufacturing industry will be elimininated as early as the end of 1994, which spurs productive investment and rekindles inflationary expectations. But, with a still high unemployment, retail prices should sit still. Growth looks robust in the eastern part. Capitals have deserted Europe to favour Japan then the emerging countries. Japanese investors are occasionally coming back and would be more present in 1995, when American borrowing needs will abate. World trade has entered a phase of strong growth that will last next year. Countries from continental Europe will regain market shares at the expense of Japan. In France, the recovery has been significant during the first half of 1994. Business surveys confirm the optimism. The upturn is all the more pronounced as a quite depressive private stance comes to a halt. GDP growth would reach 2,2 % in 1994, with inventories contributing to it for more than a percentage point. Final internal demand surge, taking place from the second quarter, would expand itself. Private consumption would go on increasing ; productive investment would follow, especially during the second half, but would still poorly behave on a year-on-year basis. Import growth would lead the export one, due to diverging performances early in the year. 1995 growth would reach 3,5 %, a usual outcome of a recovery, though not as strong as during the previous cycle ; the focus on debt shading is still present, as short term interest rates have stopped falling and long term rates have risen. Such moves will not endanger the recovery in progress, though reining in its pace. Productive investment would increase as sharply as it did fall in 1993 ; the catch-up will be only partial after three years of decline. As corporations rapidly improved their balance sheets, they can presently meet their long differed investment needs ; the recent rise of capacities utilization rates induces them to do so. Private consumption would revive, carried by more income and a falling saving ratio. Some restocking would progressively take place, supporting growth. Imports would go on a par with exports, witnessing more synchronized domestic and foreign demands. In 1994 and 1995, external surpluses would settle down somewhat, owing to price movements, although remaining meaningful. Unemployment would be slightly reduced and inflation would not much accelerate. The government deficit will be checked without any significant expense cuts, thanks to privatization receipts, but meeting social transfers will need additional contributions.
- Un horizon conjoncturel dégagé - Département des Diagnostics de l'OFCE, Philippe Sigogne, Odile Chagny, Jacky Fayolle, Olivier Passet, Christine Rifflart, Françoise Milewski, Bruno Coquet, Hervé Péléraux p. 5-88
- La désertification du territoire : 1954-1990 - Louis Chauvel p. 89-121 La thématique de la « désertification » représente un des enjeux majeurs de l'aménagement du territoire, même si elle est utilisée de façon indue, souvent, comme argument propre à dramatiser le débat. Si toutefois la « désertification » est définie comme dépopulation des espaces peu denses, cet argument n'est pas, pour autant, dénué de réalité : une dizaine de départements faiblement peuplés — la Creuse en est l'exemple le plus flagrant — est en effet en état de déclin rapide de population depuis 1918. Cette dépopulation est liée, le plus souvent, à la conjonction de caractéristiques telles que la ruralité profonde, un système productif où l'agriculture représente une proportion importante de l'emploi, un excédent naturel faible et une émigration élevée. L 'élément mis en évidence, ici, est le lien durable — sur plus de trente ans — entre emploi et population. Un modèle, illustrant l'interaction entre emploi, migration et accroissement naturel de 1962 à 1990, met en évidence le cercle vicieux dans lequel les espaces en déclin sont enfermés : un département en perte d'emploi perd sa population (qui émigré), et la perte de population se solde (à moyen terme) par une situation de l'emploi moins favorable encore. L'évaluation du nombre d'emplois à créer dans les départements en difficulté pour briser la boucle du cercle vicieux permet de penser que le maintien à flot des départements en difficulté exigerait — si réellement il est vu comme un objectif prioritaire de l'aménagement du territoire — des efforts bien modestes.The depopulation of French rural areas : 1954-1990 Louis Chauvel The « desertification » (population-drain) issue is one of the main stakes of French regional development policies ; it also brings to the debate a dramatic element. If however we consider the « desertification » to mean a further population decrease in low density areas, this argument is not ungrounded ; indeed, about ten French low density « departments » have been undergoing a steady population decrease since 1918. The Creuse department stands out as an illustration of this phenomenon. This decline is generally linked to the conjunction of several features such as isolation from urban centers, a relatively high share of farmers in the labour force, high death and low birth rates, as well as a large emigration flux. The purpose of this paper is to present evidence for a long term link between employment and population. A model is built in order to describe the interaction between employment, migration and natural population increase over 1962-1990. This shows how declining departments are bound within a vicious mechanism : while the decline of local employment leads to population outflow, the population decline contributes to a further employment fall. We estimate the number of jobs to be created in such areas if the loop is to be broken in order to bring the population to a stop ; assuming this is really seen as a priority among development policies, the size of necessary effort is likely to be modest.
- Le repérage macroéconomique des fluctuations longues : une évaluation critique de quelques travaux modernes - Jacky Fayolle p. 123-166 Cet article se livre à un examen critique de travaux récents centrés sur la mise en évidence et l'analyse statistiques des fluctuations longues qui animent la dynamique historique des économies capitalistes industrialisées. Il ne s'agit pas d'une revue exhaustive de tels travaux, très nombreux depuis une vingtaine d'années dans la littérature internationale. Le lecteur intéressé pourra trouver dans l'ouvrage récent de Bosserelle (1994) un inventaire plus complet. L'optique adoptée ici est différente : sélectionner un ensemble restreint de travaux, jugés significatifs en raison de leur apport méthodologique et empirique et représentatifs de différentes thèses en présence ; se livrer sur chacun d'eux à une évaluation critique qui permette une appréciation fondée de leurs conclusions. Ces travaux statistiques et analytiques reprennent bien souvent à leur façon des interrogations et des problématiques qui étaient déjà présents, de manière plus ou moins explicite et avec un autre langage, dans les premiers travaux d'ampleur sur les fluctuations longues, au début du siècle. C'est pour cette raison que l'article commence par une référence aux polémiques entre Kondratieff et ses collègues soviétiques car, en leur fond, elles n'ont guère vieilli. Il ne s 'agit pas de produire unrésumé historique de la tradition séculaire des travaux sur les fluctuations longues (il ne manque pas de références en la matière comme, de nouveau, Bosserelle (1994) ou l'introduction de Fontvieille à l'édition française des principaux articles de Kondratieff (1992)), mais d'exhiber questions et difficultés méthodologiques, voire impasses, qui sont répétitives dans cette tradition. Les questions de méthode soulevées par les travaux empiriques sont le plus souvent liées aux représentations théoriques de l'histoire économique. Leur discussion met en évidence le rôle d'événements circonstanciés, guerres et migrations notamment, qui, quoique non indépendants des fluctuations longues soumises à examen, en modifient l'allure et le destin. Elle amène à insister sur le caractère limité des conclusions qui peuvent être attendues d'un travail rigoureux de repérage macroéconomique des fluctuations longues. L'article ne cède pas néanmoins à l'agnosticisme. Ses conclusions, nuancées, reconnaissent sous certaines conditions fexistence empirique de mouvements longs de type Kondratieff. Aller au-delà du repérage descriptif de tels mouvements nécessite d'identifier et d'observer d'éventuelles régulations de longue période susceptibles d'engendrer les résultats macroéconomiques qui n'en sont que la trace imprécise et incertaine. La deuxième partie de l'article, à venir, sera consacrée à une revue de travaux récents en la matière.The macroeconomic measurement of long waves : a critical valuation of some modern studies Jacky Fayolle This paper is a critical comment of some recent studies concerning the statistical analysis of long waves in the industrialized capitalist economies. It is not an exhaustive survey of such studies, which have blossomed in the international literature during the last twenty years. The paper selects a limited set of studies, which adequately cover the different streams and have an actual methodological as well as empirical contribution. It offers a critical valuation of their methods and conclusions. These statistical and analytical studies reinvestigate issues which were already addressed by the first important works concerning long waves, at the beginning of the century. Consequently, the paper starts with a reference to the polemics between Kondratieff and his soviet colleagues. In fact these polemics were very similar to the present ones, though expressed differently. The paper deals with methodological problems, which are recurrent in the tradition of long waves' studies. These problems are linked to the theoretical frameworks of economic history. Their discussion reveals the role of particular events (wars and migrations principally), which depend on the long waves but which modify their pattern and dynamics. The conclusions of serious statistical works trying to measure macroeconomic long waves seem only limited jmd precarious. But, in spite of this precaution, the paper admits the empirical existence of Kondratieff's long waves. Going beyond thaf descriptive conclusion would suppose a larger investigation about long term economic and institutional dynamics which could produce macroeconomic long waves.
- Le Système monétaire international et l'Union monétaire européenne - Jean-Paul Fitoussi, Marc Flandreau p. 167-181 La célébration du cinquantième anniversaire de la création du système de Bretton Woods invite à replacer les évolutions récentes du Système Monétaire Européen dans une perspective historique. Dans le passé, les arrangements monétaires internationaux ont été de trois types. A un pôle, on trouve les systèmes qu'on propose d'appeler « décentralisés sans contrainte », où la souveraineté des politiques monétaires est totale (systèmes de changes flottants). A l'autre pôle, on trouve les systèmes complètement centralisés, où chaque participant a transféré son pouvoir monétaire à une organisation centrale qui définit la politique de l'union (Federal Reserve System aux Etats-Unis). Entre les deux enfin, on trouve les systèmes « décentralisés avec contrainte » (comme par exemple le SME, ou Bretton Woods), où les politiques domestiques sont définies individuellement mais doivent prendre en compte les politiques des autres membres. Cet article se propose de faire le point sur ces options en soulignant leurs avantages et leurs inconvénients respectifs. Deux conclusions principales se dégagent. D'abord, l'autonomie que confère un système de changes flottants est probablement illusoire, car le flottement neutralise une grande partie des avantages de la souveraineté monétaire. La deuxième conclusion est que les systèmes décentralisés avec contrainte, du type SME, contiennent un biais déflationniste qui les rend coûteux et difficilement soutenables. Au confluent de ces deux problèmes se trouve le dilemme fondamental des systèmes internationaux pour lesquels il n'est pas d'équilibre stable sans construction d'une certaine forme de supranationalité.The international monetary system and the European Monetary Union Jean-Paul Fitoussi et Marc Flandreau The 50th anniversary of the creation of the Bretton Woods system offers the opportunity to confront the recent evolutions of the European Monetary System to previous experiments. In the past, three main types of monetary arrangements have prevailed. One type is what we call « decentralized and unconstrained systems », where the sovereignty of each country over its monetary policy is complete (e.g. floating exchange rates arrangements). Another type is what we call « fully centralized systems », where monetary power is transferred to some central authority (e.g. Federal Reserve System). Finally, a hybrid case is represented by what we call « decentralized yet constrained systems » (e.g. the Bretton Woods system, or the EMS) where nations are (i) sovereign over their domestic policies, but (ii) constrained by a set of common rules (for instance, they have to take into account the policies of other nations). This paper is an attempt to provide a cost-benefit analysis of these various options. Two main conclusions emerge. First, the apparent autonomy obtained under the « decentralized and unconstrained system » is probably merely an illusion because the inherent difficulties associated with a general float of the various currencies wipe out most of the advantages associated with effective sovereignty. Second, we argue that decentralized yet unconstrained regimes (such as EMS) usually induce a deflationary bias which renders these arrangements both costly and unsustainable. This finally suggests that the fundamental dilemma of international arrangements is that there may not be any stable regime without the construction of a supra-national institution.
- Summaries in English - p. 183-186
- Cahier de graphiques - Département des diagnostics de l'OFCE, Amel Falah p. 186