Contenu du sommaire : L'histoire économique

Au XIXe siècle : industrialisation lineaire ou industrialisation par bonds ? Depuis 1945, beaucoup d'historiens économistes français, sous l'impulsion d'Ernest Labrousse, ont approfondi l'analyse des structures sociales et des mouvements conjoncturels. Mais Walt W. Rostow a présenté une analyse de la croissance selon laquelle l'industrialisation aurait été assurée grâce à de brèves périodes de take-off. Les travaux de J. Marczewski et de T.J. Markovitch ne vont guère dans ce sens puisqu'ils présentent la croissance française du XIXe siècle comme lente et assez irrégulière ; les spécialistes de la New Economic History ont opéré une révision semblable quant au cas américain. Maurice Lévy-Leboyer pense donc qu'il est temps de tirer un trait sur des résultats considérés pourtant en France comme classiques. L'indice de la production industrielle en France de 1815 à 1914, établi par François Crouzet, montre l'importance du bond effectué de 1830 à 1860. Jean Bouvier, François Furet et moi-même avons dans Le mouvement du profit en France au XIXe siècle (1965) souligné les grandes oscillations pendulaires. Peut-être peut-on souhaiter qu'économistes et historiens unissent leurs efforts pour tester l'hypothèse suivante, formulée dans la ligne de notre étude sur Le bassin houiller du Nord et du Pas-de-Calais de 1815 à 1914 (1971) : le XIXe siècle aurait vu la genèse d'une croissance et l'avortement d'un développement.

Decazeville : expansion et déclin d'un pôle de croissance Lorsque, à l'imitation de l'Angleterre, un certain nombre d'hommes cherchèrent en France à créer des forges effectuant la totalité des opérations au charbon, Decazeville réunissant le minerai de fer et le charbon apparut comme un lieu privilégié, malgré certains inconvénients (emplacement, absence de débouchés proches, insuffisance de. moyens de transport notamment). Le lancement par Decazes dans les années 1820 constitua une véritable innovation et, rapidement, Decazeville devint un des premiers centres métallurgiques de France. Mais l'épuisement des mines de fer, les difficultés financières, l'absence de diversification de la production firent que Decazeville parvint mal à franchir la révolution technique de la production de l'acier. Le dernier tiers de XIXe siècle fut alors celui d'un effacement progressif devant la montée d'autres entreprises et d'autres pôles. Si la situation s'améliora au début du XXe siècle, et surtout pendant la première guerre mondiale, les années de 1'entre-deux-guerres virent un nouveau déclin dû à l'absence de renouvellement et celles ayant suivi la seconde guerre mondiale, une disparition à peu près complète des activités métallurgiques et minières devant la concurrence de nouvelles sources d'énergie et d'entreprises dont les coûts de production étaient sensiblement moins élevés. Decazeville illustre bien la vie d'un pôle de croissance de sa naissance à sa mort.

Problèmes de méthode d'une analyse historique. Le valenciennois industriel (1913-1950) : cohérence et incohérence d'un espace géonomique Cet article présente la .méthode que l'auteur pense pouvoir appliquer à l'étude d'une importante région économique française : le Valenciennois des années 1913 à 1950. L'auteur s'inspire des modèles mathématiques proposés par les économistes modernes: notion d'espace économique d'où dérive le calcul matriciel appliqué à la vie d'une région ; notion d'espace polarisé, de pôle de croissance, de pôles dérivés ; notion de flux ; l'auteur insiste sur les flux de produits et les flux d'argent qui caractérisent cette région et subdivise les flux d'argent en flux salariaux et flux capitalistes (dividendes extraits, capitaux investis). Il essaie de découvrir pour quelles raisons les capitalistes, à partir des années 30, ont inversé le solde des flux régionaux (argent transféré supérieur à argent investi). L'étude effectuée ne peut prétendre à une grande rigueur mathématique, les notions d'amortissement réel et fiscal étant fondamentalement différentes. Cependant des approximations peuvent être tentées, qui permettront de mener à bien quelques-uns des calculs matriciels souvent proposés. L'auteur exprime d'autre part de grandes réserves sur la validité du calcul matriciel appliqué à l'économie (l'espace régional est-il un espace vectoriel?). Plus intéressante lui apparaît la théorie de graphes de .fluence, aussi appelée théorie des graphes de. transfert. purpose, in spite of some drawbacks (its location, the lack of near by markets, the inadequacy of the means of conveyance...). Its launching by Decazes in the 1820's constituted a genuine innovation and Decazeville became rapidly one of the leading metallurgic centers in France. But the exhaustion of the iron mines, financial difficulties, the lack of diversification in the production made it difficult for Decazeville to get successfully over the technical revolution in the steel production. During the last third of the XIXth century, Decazeville was gradually overshadowed by other rising enterprises and areas. The situation improved at the beginning of the XXth century, and especialey during World War I, but the interwar period witnessed a further decline, due to a lack of modernization. After World War II, the metallurgic and mining activities disappeared almost completely in front of the competition of new sources of energy and enterprises where production costs were appreciably lower. As tue can see, Decazeville is a good example of the birth, life, and death of a leading area.

La répartition de la fortune mobilière à Lille (1850-1914) Les problèmes soulevés par la répartition de la richesse sont d'ordre économique et d'ordre social. Entre 1850 et 1914, à Lille, la fortune mobilière est en constante progression puisqu'elle représente 56,7 % de la fortune globale en 1850 et 87% à la veille de 1914. La part des classes dirigeantes dans le contrôle de cette richesse ne cesse de s'affirmer aussi, dépassant 95 % au début du XXe siècle ; et pourtant ces mêmes classes ne regroupent que 9 % de la population. Sans doute des variations relativement marquées caractérisent la puissance biologique des classes moyennes et des, classes populaires dans la cité; mais une même évolution, régressive en quelque sorte, authentifie leur destin économique et, à la veille, de 1914, les unes et les autres ne participent que d'une façon dérisoire à la richesse mobilière de la ville (4,4'% par les classes moyennes et 0,1 % par les classes populaires). Cette richesse mobilière a cependant évolué ; elle augmente d'abord de 466 % en 65 ans, ensuite ses composantes ont trouvé de nouveaux équilibres. Le poste des valeurs dites « d'intérêt économique » (ferroviaires, industrielles, financières) a littéralement explosé, puisqu'il s'accroît de 1,241 %. L'intérêt pour les valeurs étrangères de toute nature ne cesse également de s'affirmer tout au long de la période. Mais cette évolution du portefeuille lillois n'est en définitive que le décalque des préoccupations des classés dirigeantes, dont l'influence reste constamment déterminante en ce qui concerne l'importance de la masse, mobilière d'une part et la nature de ses composantes d'autre part.

Les comptes de productivité au secours de l'historien Sous son aspect quantitatif, l'histoire économique est un domaine encore assez peu exploré, du moins quant à l'évolution des différentes branches d'activité. Sur ce point, les comptes de productivité tels qu'ils sont envisagés ici apportent à l'historien un nouvel instrument de recherche. Il s'agit en quelque, sorte de comptes de surplus simplifiés, ce qui permet de les appliquer aux périodes de l'histoire pauvres en statistiques. L'exposé de la méthode est suivi d'exemples historiques se rapportant à deux branches très différentes : l'extraction de charbon et les industries du bois. Les périodes étudiées sont 1876-1896 et 1896-1913. Ces exemples sont choisis à dessein en ce sens que l'activité des mines de charbon, contrôlée par l'Etat, a fait l'objet de relevés statistiques suivis, tandis que les industries du bois comptent parmi les plus mal connues. La méthode proposée ne dispense pas d'investigations préalables, mais elle assure la cohérence des résultats qui seront finalement retenus. Une annexe fournit des détails sur les principes comptables adoptés ainsi que sur les modes d'évaluation du capital et des amortissements.

Conjoncture et investissement international. Les placements français en Russie: un exemple à la fin du XIXe siècle. A propos des placements français en Russie (investissements directs et placements en portefeuille) pendant la dernière décennie du XIXe siècle, on peut poser deux questions : d'une part les choix, dans les placements, répondent-ils à une stratégie consciente de la part des capitalistes français, ou bien à une simple motivation d'un profit à court terme et à courte vue? D'autre part, la conjoncture économique de la Russie tsariste pendant ces années n'obligeait-elle pas celle-ci à faire appel à des capitaux étrangers dans de mauvaises conditions ? L'étude de la balance des comptes russes, pour autant qu'on puisse la reconstituer, aboutit à distinguer deux moments : avant 1892, le recours à l'aide étrangère est utile, mais non nécessaire ; après, il devient vital et obligatoire, la forte crise agraire de 1891 étant à l'origine de ce renversement de la conjoncture. En effet, après cette date, l'industrialisation était apparue nécessaire au gouvernement tsariste qui ne pouvait que la financer avec l'aide de l'étranger et à l'abri de barrières douanières élevées. Cet article, extrait d'un chapitre d'une thèse à paraître prochainement sur «Les investissements français en Russie entre 1887 et 1914 », veut illustrer la nécessité pour l'historien de l'économie de mêler dans ses recherches histoire sérielle, histoire quantitative et concepts propres aux économistes.