Contenu du sommaire : Générations politiques : regards comparés

Ce cadrage théorique et méthodologique visera à opérer une mise au point sur les différents vocables utilisés et les usages différenciés des termes de génération puis de génération politique. On montrera ainsi combien ces notions portent en elles, de manière intrinsèque la comparaison dans le temps. Il en résulte un certain nombre de conséquences méthodologiques quant à l'étude des mouvements sociaux et des mobilisations dans une perspective comparée de science politique. L'on rendra compte, entre autres, des marqueurs générationnels, de l'impact des événements politiques et de l'action militante sur la socialisation des acteurs.

Cet article se propose d'étudier l'impact successif d'événements jugés fondateurs, en particulier la dynamique des coups d'Etat militaires, sur la formation et la trajectoire des générations politiques. Il prend pour cas d'étude la génération 68 en Turquie, qui a été socialisée par le coup d'État de 1960, puis a subi la répression des interventions militaires ultérieures de 1971 et de 1980. L'analyse s'appuie sur les résultats d'une enquête de terrain réalisée en Turquie, qui combine méthodes qualitatives et quantitatives, à partir d'une soixante d'entretiens et d'un questionnaire administré en langue turque auprès de plus de 1000 représentants des élites turques (politiques, économiques, sociales et intellectuelles) dont de nombreux représentants de la génération 68.

À partir d'une étude essentiellement empirique, cet article vise à retracer les trajectoires politiques et sociales d'un échantillon de huit acteurs-types parmi les Jeunes pour le changement. Un groupe hétéroclite de jeunes égyptiens, qui profitant du contexte d'émergence de mouvements contestataires fin 2004, décident de créer leur propre expérience politique. Quelques questions se dégagent à travers l'étude de leurs trajectoires : Le fait que ces Jeunes ont connu le même « problème collectif », plus précisément le fait qu'ils n'ont jamais connu que Moubarak comme président suffit-il vraiment à les fédérer ? Comment cela structure-t-il leurs attitudes et leurs choix ?

Cet article interroge, sous l'angle comparatif, les développements nationalistes qui ont marqué la République de Tchétchéno-Ingouchie durant la Perestroïka, 1987-1991. Il analyse l'importance des effets générationnels sur les mobilisations. Dans un contexte d'effervescence généralisée, les représentants des « générations de l'exil » prennent la tête de la contestation. Ils participent à la création d'organisations et de partis politiques, porteurs d'aspirations au changement, et à l'élaboration de dispositifs rhétoriques qui font sens au-delà des frontières générationnelles. Toutefois, l'analyse des rapports internes aux groupes tchétchènes et ingouches montre le poids de l'événement et les impacts d'une configuration politique mouvante qui accentue les clivages au sein de l'ensemble générationnel jusqu'à en obérer l'existence. En ce sens, les générations politiques s'effacent sous les effets des divisions idéologiques.

L'article teste et croise une grille de lecture générationnelle avec l'étude d'un groupe universitaire palestinien spécifique : les social scientists. Dans un premier temps, il examine la situation historique et la structuration politique de ce groupe intellectuel par rapport à la « génération Intifada » contemporaine. Dans un second temps, il établit que les membres de ce groupe répondent à des marqueurs politiques intergénérationnels transcendant les appartenances : l'expérience de l'occupation et l'engagement nationaliste subséquent. Enfin, il montre comment cet engagement nationaliste est investi différemment en fonction de la classe d'âge et peut être considéré comme un marqueur générationnel : il permet partiellement d'expliquer les engagements scientifiques et politiques différenciés de ces intellectuels.

Depuis la disparition du camp socialiste, Cuba vit un changement social sans précédent. La problématique générationnelle permet de comprendre la validité et les mutations de l'imaginaire national révolutionnaire cubain. On analysera ici la notion de « génération politique », en particulier la dimension paradigmatique de la « Génération du Centenaire de Martí », schème cognitif et liant de la communauté imaginée cubaine. La génération du centenaire constitue en effet un axe sémantique de la pensée politique cubaine où le social est interprété en fonction du rapport au politique aux prises avec la mutation de la société cubaine contemporaine.

Cet article engage une comparaison entre deux mouvements générationnels contemporains, la « génération bul faale » au Sénégal et les « Jeunes patriotes » en Côte d'Ivoire, qui revendiquent l'un et l'autre, selon des modalités différentes, une rupture avec le régime d'« assignation politique subordonnée », défini au moment des indépendances, à l'égard des jeunes et plus généralement des « cadets sociaux ». Au-delà des manifestations immédiatement politiques ou culturelles de ces deux mouvements, il nous importe également de montrer comment ils se sont engagés dans des dynamiques générationnelles de réécriture par le bas des contours de « l'identité nationale ». Il s'agira enfin de discuter la pertinence d'appréhender ces mouvements générationnels en termes de « générations politiques » au regard de leur intentionnalité manifeste ou de leur capacité à œuvrer au changement politique et social.