Contenu du sommaire : Professions et engagement public
Revue | Sociétés contemporaines |
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Numéro | no 73, 2009 |
Titre du numéro | Professions et engagement public |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - p. 5
- Professions et engagement public - Champy Florent, Israël Liora p. 7-19
- Une mobilisation contre-révolutionnaire : la refondation du syndicat autonome des enseignants de médecine en mai 1968 et sa lutte pour la « sélection » - Déplaude Marc-Olivier p. 21-45 Durant les années 1960, les pouvoirs publics, soutenus par une grande partie du corps médical, ont cherché à former un plus grand nombre de médecins. Pourtant, les événements de 1968, qui n'ont pas épargné les facultés de médecine, ont suscité en retour une mobilisation d'une partie du corps médical visant notamment à faire instituer un dispositif de « sélection » au début des études médicales le futur numerus clausus. Comment expliquer un tel retournement ? C'est ce que nous nous proposons de comprendre en analysant l'une des figures les plus visibles et les plus puissantes de cette mobilisation « contre-révolutionnaire » : le Syndicat autonome des enseignants de médecine, refondé par des universitaires parisiens à la fin du mois de mai 1968. En recourant conjointement aux instruments d'analyse proposés par la sociologie des mobilisations collectives (et notamment des phénomènes de contre-mobilisations) et par la sociologie des professions, nous cherchons plus généralement à montrer dans quelles sortes de circonstances les porte-parole d'un groupe professionnel ou d'un de ses segments peuvent être amenés à défendre ce qu'ils estiment être la spécificité de leur métier, quel type de rhétorique ils déploient à cet effet et en quoi peut consister son efficacité politique.
- Un droit de gauche ? Rénovation des pratiques professionnelles et nouvelles formes de militantisme des juristes engagés dans les années 1970 - Israël Liora p. 47-71 Cet article porte sur les nouvelles formes d'engagement politiques et professionnels des juristes de gauche dans les « années 68 ». Saisis à partir des événements eux-mêmes, en tant qu'ils ont aussi concerné des juristes (comme défenseurs et comme membres de l'Université notamment), il prend en compte les mises en formes politiques du droit caractéristiques de la période. Ces engagements se sont traduits à différents niveaux : par la création de syndicats d'avocats ou de magistrats ; via la constitution d'organisations contestataires ou critiques fondées pour tout ou partie sur des juristes ; à travers la remise en cause des pratiques professionnelles classiques des avocats, par exemple avec le développement des boutiques de droit. Nous montrerons comment ces engagements et ces pratiques ont contribué à remettre en cause et à transformer partiellement les modèles professionnels, et symétriquement comment, à travers l'engagement de ces juristes, le droit s'est intégré dans les formes de contestation propres aux années 70.
- Professionnalisation académique et engagements partisans des économistes de la santé (1970-1990) - Benamouzig Daniel p. 73-95 Dans les décennies d'après-guerre, l'économie de la santé se structure en France auprès de l'administration. Dans les années 1970, l'État soutient son organisation académique dans un contexte de réforme du Plan et de l'enseignement supérieur. Devenus plus autonomes, les économistes de la santé peuvent lier certaines de leurs activités professionnelles à des engagements partisans, manifestes dans les années 1980. À gauche, certains économistes soutiennent un usage délibératif de l'expertise économique, tandis que d'autres, partisans du marché, défendent parallèlement l'idée de concurrence des services de santé. Dans le domaine de la santé, la professionnalisation académique des économistes apparaît comme un élément plausible d'explication du changement de référentiel des années 1980, d'ordinaire imputé aux élites administratives.
- L'engagement des professionnels comme conséquence de tensions consubstantielles à leur pratique : l'architecture moderne entre les deux guerres - Champy Florent p. 97-119 En 1928, des architectes de plusieurs pays d'Europe se regroupent pour créer les Congrès Internationaux d'Architecture Moderne (CIAM). Leurs réunions périodiques et leurs réflexions contribuent ensuite à la naissance de l'urbanisme et de l'architecture modernes qui dominent la production architecturale des années 1950 à 1970, provoquant une bifurcation de l'histoire de la discipline. La plupart de ces architectes sont engagés dans des mouvements socialistes ou révolutionnaires mais le lien entre les CIAM et un positionnement politique à gauche n'est pas pour autant automatique, plusieurs membres importants faisant exception. Aussi l'engagement dans ce mouvement ne peut-il pas être expliqué par des raisons principalement politiques. L'article montre que cet engagement trouve son principal ressort dans des tensions consubstantielles à la pratique architecturale, qui confrontent l'architecte à la nécessité d'opérer des choix d'ordre politique. De plus, l'utilisation de traités d'architecture, dont celui de Vitruve vieux de plus de vingt siècles, révèle que ces tensions sont anciennes, ce qui conduit à reconsidérer la discontinuité constatée dans l'histoire de l'architecture. La compréhension de l'engagement des architectes modernes comme prolongement direct de l'activité professionnelle permet d'éclairer d'un jour nouveau le constat, formulé par Freidson, d'une forte propension des professionnels à s'engager, et de mettre au jour un type original de professions : les professions à pratique prudentielle.
- Vers une histoire transnationale des sciences sociales - Heilbron Johan, Guilhot Nicolas, Jeanpierre Laurent p. 121-145 Les comptes rendus historiques du développement des sciences sociales ont trop souvent considéré les institutions locales ou nationales comme le cadre d'analyse pertinent, au lieu de prendre en compte leur insertion dans divers types de relations transnationales. L'évolution des structures de mobilité et d'échanges transnationaux met à mal les distinctions nettes entre le local, le national et l'international, et représente une composante essentielle de la dynamique des sciences sociales, ainsi qu'une perspective prometteuse pour repenser leur développement historique. Dans l'esquisse programmatique qui suit, nous suggérons qu'il est possible de concevoir une histoire transnationale des sciences sociales à partir de trois mécanismes généraux qui ont structuré de façon décisive les flux transnationaux d'individus et d'idées : a) le fonctionnement des institutions scientifiques internationales, b) la mobilité transnationale des universitaires, et c) les politiques d'échanges transnationaux poursuivies par des institutions non-universitaires.