Contenu du sommaire : L'alcoolisme : un fléau évitable

L'alcoolisme : un fléau évitable

• Editorial : Alcool et politique : un couple bien français... - Françoise Seligmann p. 3
  “En réfléchissant au contenu de ce numéro, nous dit Françoise Seligmann, j'avais noté, que, fin 2007, les eurodéputés avaient renoncé à demander des règles communes d'étiquetage sur les risques de l'alcool, grâce à l'alliance des conservateurs et des socialistes”. C'est l'occasion pour la directrice d'“Après-Demain” de dénoncer une collusion droite-gauche qu'elle observa souvent en France aussitôt qu'il s'agissait de combattre réellement l'alcoolisme, et d'évoquer la haute figure de Pierre Mendès France, vaincu non par la politique étrangère mais par les bouilleurs de cru et un poujadisme aux répugnants accents antisémites.
• Tous responsables - Claudine Gillet p. 5
  L'alcoolisme est une construction sociale. La consommation excessive d'alcool est le résultat d'une stratégie d'abord économique, qui ne frappe pas de façon indifférenciée : les plus démunis et les plus jeunes sont particulièrement vulnérables. Le mésusage d'alcool est donc plus difficile à combattre parce que les indiscutables intérêts de santé publique viennent buter sur de puissants intérêts privés. Ces derniers sont d'autant plus présents qu'ils jouent à la fois sur le registre de la compétitivité économique globalisée et sur la fibre de la tradition des terroirs.
• Un secteur économique à part entière - Philippe Mossé p. 7
  Dans un dossier consacré à l'alcoolisme, il peut paraître inconvenant de traiter de la production et de la consommation d'alcool. C'est le cas si on formule l'hypothèse selon laquelle la consommation excessive ne doit rien à la disponibilité de l'alcool ; si l'on pense que les campagnes publicitaires n'ont pas pour but d'inciter à boire ; si l'on veut prétendre que l'alcoolisme est d'abord un phénomène individuel. En réalité, analyser la structure et les évolutions de cet important secteur économique se justifie pleinement.
• Un darwinisme social : l'alcool et les inégalités - Didier Playoust p. 10
  Il existe en France entre 5 et 6 millions d'alcoolo-dépendants. Pour les ouvriers et employés aux prises avec l'alcoolisme, les conséquences sont dramatiques (perte d'emploi, de logement, éclatement du couple et de la famille). Les spécialistes notent d'ailleurs de nettes différences dans les pathologies, d'un groupe social à l'autre, selon la pénibilité des vies professionnelles. Plus celle-ci est grande, plus le maintien dans le tabagisme et l'alcoolisme est accentué.
• L'alcoolodépendance : une addiction comme une autre ? - Claudine Gillet p. 14
  Contrairement aux autres substances psychoactives (SPA), l'alcool, et notamment le vin, occupe une place particulière dans la culture et la tradition françaises. Il convient en France de boire de l'alcool sous peine d'être parfois exclu... mais pas trop, sous peine d'être rejeté. Par ailleurs, certains professionnels de santé ont un discours ambigu, conseillant à leurs patients de consommer de l'alcool en raison de propriétés supposées protectrices du risque cardio-vasculaire (“paradoxe français”), attitude médicale incitatrice à la consommation qu'on ne retrouve dans aucun autre cas.
• La souffrance des ados est un marché porteur - Dominique Versini p. 18
  Sans que les adultes en aient pleinement conscience, le comportement des jeunes face à l'alcool a profondément changé. Leur premier motif d'alcoolisation est devenu la recherche de la défonce obtenue en se saoulant le plus rapidement possible. L'admission aux urgences pédiatriques de mineurs âgés de 12 ans n'est plus rare. Se saouler de plus en plus fort, de plus en plus vite pour se procurer des sensations fortes est désormais le but chez de nombreux adolescents, cibles de choix d'un marketing subtil.
• Le "binge drinking" ou l'assommoir des jeunes - Hervé Martini p. 21
  Les conduites d'alcoolisation des jeunes Européens ont évolué de façon significative au cours des dernières années. Précocité croissante, multiplication des ivresses, polyconsommation (alcool, tabac, cannabis) et apparition de nouveaux modes de consommation en sont les phénomènes les plus marquants. Cette conduite de forte alcoolisation ponctuelle peut s'apparenter au “binge drinking” britannique, retrouvé à présent dans de nombreux pays d'Europe.
• Les "députés du vin" : le parti où jamais une voix ne manque ? - Martine Billard p. 26
  Les travaux du Parlement sont sous l'étroite surveillance du lobby alcoolier qui cherche à protéger les intérêts économiques du secteur, sous couvert de défense des traditions de nos terroirs et des productions de nos régions. Ce lobby, qui semble somnoler en temps normal des travaux de l'Assemblée, se met subitement en mouvement lors des débats législatifs de santé publique. Nous assistons alors à un bien étrange ballet...
• Politiques publiques : l'impasse d'une conception balistique - François-Xavier Schweyer p. 29
  Même si elle diminue régulièrement depuis plusieurs décennies, la consommation d'alcool constitue un enjeu de santé publique. L'alcool reste la deuxième cause de mortalité évitable en France (après le tabac) et son coût social est considérable. Les pouvoirs publics entendent à présent légiférer face aux phénomènes d'alcoolisation massive et occasionnelle observés chez les jeunes, non sans illustrer encore, ce faisant, les contradictions et l'ambiguïté des politiques gouvernementales.
• L'alcoolisation précoce : ce que la famille nous apprend - François Beck p. 34
  A l'adolescence, les buveurs réguliers d'alcool sont proportionnellement plus nombreux à avoir connu des difficultés au cours de leur parcours scolaire. De même, la situation familiale apparaît fortement associée à la consommation d'alcool. Une enquête montre des résultats similaires pour les élèves de 11 à 15 ans : milieu social favorisé et vie dans une famille recomposée ou monoparentale sont associés à la consommation d'alcool et à l'ivresse.
• De l'alcool à l'alcoolique : l'évolution des mouvements d'entraide - Jacques Randu p. 38
  A travers 140 ans d'histoire, les mouvements d'entraide ont évolué de l'opposition catégorique et systématique au produit alcool, à leur position actuelle consistant à réaffirmer l'incontournable nécessité d'une abstinence totale et définitive non plus comme un dogme, mais comme le préalable indispensable aux soins et à la consolidation de ceux-ci ; ils ne stigmatisent plus le produit, mais considèrent prioritairement le mal-être de la personne en souffrance.
• Les associations de prévention en France - Luc Durouchoux p. 42
  De la Société Française de Tempérance (1872-1905) à l'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA), une passionnante histoire faite de nombreux repères historiques précieux, sur la place, le rôle et l'évolution des associations dans la lutte contre l'alcoolisme en France depuis près d'un siècle et demi. Administrateur national de l'ANPAA.