Contenu du sommaire : France, enjeux territoriaux
Revue | Hérodote |
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Numéro | no 135, 4ème trimestre 2009 |
Titre du numéro | France, enjeux territoriaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Attention, un train de réformes territoriales peut en cacher un autre ! - Giblin Béatrice p. 3-24 Le président de la République, toujours déterminé à moderniser la France, a lancé la réforme territoriale, en affirmant qu'il « irait jusqu'au bout ». Autrement dit il saura résister à la grogne, voire même à la fronde des élus locaux. Le comité Balladur a été chargé de préparer cette réforme. En vérité, depuis plusieurs mois, les partisans du président répètent à l'envi que l'organisation territoriale de la France est trop compliquée et surtout qu'elle est une source de coûts supplémentaires. Mais qu'en est-il ? Cette réforme territoriale, plus qu'une modernisation urgente de la France, est un retour de la centralisation et du contrôle de l'État, moyen de reprendre le contrôle des collectivités territoriales majoritairement à gauche depuis les élections régionales de 2004.Watch Out ! : One Train of Territorial Reforms Can Hide Another The President of France has always shown a strong determination to modernize the country and launched the territorial refom processs warning that he would go“ all the way”. This implied that he wouldnot pay attention to local elected officials' resistance or opposition. The Balladur Committee has been appointed to prepare the reform. For several months, the president's allies have been hammeringthat France's territorial organization is too complex and most importantly that it generates extra costs. What really is the situation ? The territorial reform is more than a most needed modernization of France : it is a re-centralization of the country and ameans for the governement to strenghthen its control of the local governments, mostly run by the Socialist Party since the 2004 elections.
- La quadrature de l'hexagone : vers la fin des territoires politiques ? - Canobbio Éric p. 25-48 Réformer l'espace institutionnel territorial de la République demeura longtemps un tabou politique français. Les termes actuels proposant une réforme de l'espace public, initiés en 2008 par le rapport Attali, traduisent des choix idéologiques fondés sur une approche fiscaliste et économique de l'espace, lieu de production d'une compétitivité apte à résister à la globalisation des concurrences. Cette dynamique de la réforme cohabite avec une réalité parfois masquée à la compréhension de nouveaux enjeux territoriaux et politiques : depuis trente ans, l'appareil territorial français n'a cessé d'être réformé : par des grandes lois d'aménagement des territoires et de décentralisation, par l'invention de nombreux périmètres qui vont fragmenter l'action publique à travers de nouvelles logiques d'action. Le maillage intercommunal à fiscalité propre a finalisé cette recomposition dynamique. La technicité du dispositif territorial français, qualifié à tort de millefeuille, semble éloigner les citoyens d'un débat majeur sur les liens d'actions, de responsabilité et de solidarités qui définissent encore une citoyenneté géographique à la française.The Quadrature of the Hexagon : The End of the Political Territories ? For a long time, reforming the institutional territorial space remained a taboo. In 2008, the Attali report proposed a reform of the public space reveling ideological choices rooted in a fiscal and economic approach of space. Places were considered competitive production sites able to face global competition. These reform dynamics coexist with a sometimes hidden reality. For 30 years, the organization of the French territory has constantly been undergoing reforms : new plannig laws, decentralization, creation of new districts fragmenting public action guided by new priorities...The creation of metropolitan governments with their own fiscal resources has been the latest development of this territorial reorganization. The technical complexities ofthe French territorial organization, wrongly compared to a “mille-feuille”, distract French citizens from the real debate about what links, responsibilities and solidarities persist to maintain a French idea of “geographic” citizenship.
- Le Grand Paris, stratégies urbaines et rivalités géopolitiques - Subra Philippe p. 49-79 Deux ans après son discours de Roissy en juin 2007 Nicolas Sarkozy semble avoir renoncé à la création d'une communauté urbaine de Paris. Ce recul s'explique par les réticences d'une grande partie des acteurs politiques régionaux, de droite comme de gauche, par les stratégies de contrôle du territoire régional qu'ils développent, par les relations de rivalités ou d'alliance qu'ils entretiennent. La contre-offensive menée par le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a été particulièrement efficace pour neutraliser le projet présidentiel, d'autant qu'elles 'est appuyée sur la défaite de la droite aux élections locales de mars 2008. Mais le résultat obtenu, la création d'un « syndicat d'études », Paris Métropole, auquel adhèrent une centaine de collectivités locales, est ambigu et pourrait aboutir à l'abandon de tout projet de réforme institutionnelle en Île-de-France. Le gouvernement semble avoir décidé de passer en force en confiantla réalisation des grands travaux et d'infrastructures qu'il prévoit à un établissement public entièrement sous son contrôle, la Société du Grand Paris.“Greater Paris”, Urban Strategies and Geopoliticals Conflicts Two years after his June 2007 speech at Charles-de-Gaulle Airport, Nicolas Sarkozy seems to have given up on his project of creating a Greater Paris. Local elected officials, from both left and right demonstrated great reluctance for the project, developed their own strategies to politically control the region's territory and built alliances with some of their counter parts. The Mayor of Paris, Bertrand, counter-attacked and was particularly successful in putting on hold the president's project, thanks to poor results of the president's party at the local elections in march 2008. Delanoë managed to obtain the creation of a special district, gathering about a hundred cities called “Paris Metropole” which mission is ambiguous and could kill any of institutional reform effort in the Paris Region. Yet the government seems determined to create a public agency under its control called “Society of the Greater Paris” which would manage large scale projects such as the new transportation network.
- Paris, un enjeu capital - Jeanne Matthieu p. 80-109 La victoire inédite de la gauche à Paris en 2001 a modifié la géopolitique francilienne. L'effondrement des puissants systèmes politiques locaux – le fief chiraquien parisien et la banlieue rouge – et le projet de Grand Paris ont permis d'établir de nouvelles relations entre la ville-centre et la banlieue. La capitale sort donc lentement de l'isolement politique qui la caractérisait. Néanmoins, elle conserve sa singularité en développant des comportements électoraux à contre-courant de l'espace régional : la droite décline intra-muros, alors que sur le long terme elle progresse lentement dans les espaces de banlieue. Surtout, Paris demeure un territoire politique exceptionnel âprement disputé entre les grands partis à toutes les échelles. Le contrôle de la ville est un enjeu géopolitique national et sa conquête est fondamentale pour contrôler des collectivités territoriales riches et convoitées, la région Île-de-France et la structure métropolitaine en gestation.Paris, the Keys to the Kingdom The unexpected victory of the left in Paris in 2001 has altered the political map in Île-de-France. The collapse of the old local political power bases – the Chiracian stronghold in Paris and the “red suburbs” –and the Grand Paris project have changed the dynamics of the relationship between the city that lies at the centre of the region and the suburbs that surround it. The capitalis slowly emerging from its former political isolation. Nonetheless, it still remain speculiar in that its voting trends are going against what can be seen in the region as awhole : support for the right is declining in Paris, while slowly increasing over time in the suburbs. Above all, Paris is still a major political battleground that is keenly contested by all the main parties. Control of the city is important both in the national political landscape and because its conquestis fundamental for any party wishing to control the rich and coveted Territorial Collectivities, the region of Île-de-France and the new metropolitan structure currently being put in place.
- La chute de Montreuil la Rouge - Delacroix Céline p. 110-127 En enlevant au soir des élections municipales de 2008 la mairie de Montreuil à Jean-Pierre Brard, premier édile depuis 24 ans, apparenté communiste depuis 1996, Dominique Voynet a su jouer des rapports de force et mesurer les enjeux des projets d'aménagement qui agitaient le territoire de la commune. La chute de Montreuil participe du mouvement régional de la fin de la banlieue rouge, du déclin de l'emprise communiste sur la petite couronne parisienne. Cependant, cette victoire d'une personnalité écologiste de stature nationale repose aussi sur des dysfonctionnements dans la gestion des spécificités géopolitiques du territoire. En prise avec les difficultés d'une réorientation économique suite à la désindustrialisation, avec les attentes d'une population en pleine mutation et aux catégories socioprofessionnelles hétérogènes, et enfin avec les jeux d'alliances aux échelles supra communales, la majorité des électeurs ont saisi lors de cette échéance électorale l'occasion d'un réel changement.The end of Montreuil la Rouge In 2008, Dominique Voynet was elected mayor of Montreuil, stealing the town away from Jean-Pierre Brard, former member of the communist party and head of the city council for 24 years. This turn of events took place in the context of a more general regional movement : the fall of the “banlieue rouge” or the decline of the communist hold on the Parisian inner suburbs. Nevertheless, the election of this nationally known ecologist also lies in her understanding of the balance of powers in Montreuil and the challenges at stake in the various land settlement projects undertaken in this suburbian city. The hardship of anecessary economical conversion following the end of the industrial era, the expectations of a rapidly changing population of heterogeneous socio-economic status, and the ongoing alliance tactics on a larger scale have clearly shown malfunctions in the former management of the geopolitical characteristics of the town : all of which have been pointed out by this local election, leading the voters to seek another kind of territorial management.
- Marseille : une métropole en mutation - Ronai Simon p. 128-147 Marseille fut une ville en déclin jusqu'à ces dernières années. Il est vrai que la municipalité et la communauté urbaine ne maîtrisent plus qu'une part réduite de leur devenir mais leurs profondes difficultés tiennent aussi à la combinaison de phénomènes que pourtant la plupart des autres grandes villes françaises et de nombreux ports ont su affronter et parfois surmonter. Ainsi, l'indispensable transformation économique et territoriale du port fut ralentie par une situation conflictuelle entretenue par la CGT ; la chute des emplois industriels n'a pas été suffisamment compensée par la création d'emplois tertiaires de haut niveau ; la rénovation urbaine, inachevée, reste conflictuelle. Les rivalités anciennes, y compris au sein d'une même famille politique, ont fortement aggravé la situation. Seule l'intervention de l'État a permis de relancer Marseille et d'amorcer l'inévitable mutation économique et sociale qui efface peu à peu les anciens clivages politiques et entraîne la mise en place d'un nouveau dispositif de gestion territoriale politique et économique.Marseilles : a changing metropolis Up to recently, Marseilles used to be a declining city. It is true that both the city and the metropolitan government have very little control of their own fate but many French other cities and harbors had been confronted to same type of challenges and for some, had managed to overcome difficulties. But in Marseilles, the confrontational style of the dockers union, CGT, slowed down the necessary economic and territorial transformation of the port : job creation in the service industry were not sufficient to make up for the loss of industrial jobs : unfinished urban renovation remains conflictual. The situation is made worse by old rivalries and internal divisions within parties. The necessary economic and social mutations and the new economic boost benefiting the city have only been made possible thanks to the direct intervention of the state, which lowered tensions and lead to a new territorial and economic management of the city.
- Entre France et Europe : une analyse géopolitique des scrutins européens en Corse - Martinetti Joseph p. 148-169 Une analyse du résultat des dernières élections européennes du 8 juin 2009 permet, une nouvelle fois, de mettre en évidence les paradoxes de l'électorat, et plus globalement de la société, corse dans sa participation au processus de construction politique, économique et sociale de l'Union européenne. Très faiblement mobilisé pour aller voter, l'électorat corse amplifie le sentiment d'indifférence, voire de méfiance, qui affecte l'ensemble du corps électoral français et européen. Du référendum pour l'adoption du traité de Maastricht en septembre 1992 au vote pour la ratification de la Constitution européenne le 29 mai 2005, le désintérêt pour les affaires européennes et l'opposition à l'approfondissement de l'unité du continent se sont accentués dans les deux départements insulaires. Voter pour élire un député européen semble avoir peu de sens pour un électeur en Corse. Inversement, en offrant une tribune politique aux partisans d'une forte autonomie régionale, ces élections ont contribué à consolider la construction d'une nouvelle identité insulaire largement inspirée des modèles d'autonomie espagnole. Mais la distorsion reste importante entre l'affichage europhile promu par les élites politiques et médiatiques locales et une réalité économique et sociale souvent rétive aux grands projets d'intégration de l'île dans les réseaux européens. En permettant l'élection comme seul parlementaire corse à Strasbourg d'un nationaliste modéré, porte-parole du Parti de la nation corse (PNC), les élections européennes de 2009 ont, pour la seconde fois depuis les premières élections européennes en 1979, offert la meilleure lisibilité au message identitaire corse associé à la revendication d'écologie politique de la coalition nationale Europe-écologie de Daniel Cohn-Bendit, Eva Joly et José Bové. Cette élection avant les élections territoriales de 2010 et après les élections municipales de 2008 consacre l'émergence en Corse d'un nationalisme modéré prêt à assumer les responsabilités politiques locales. Saura-t-il toutefois dépasser les contradictions perceptibles dans les discours de ses représentants ?Between France and Europe : a geopolitical analysis of European elections in Corsica An analysis of the results of the last european elections (June 2009) can once again highlight the paradoxes of the electorate and more broadly of Corsican society in the process of building political, economic and social European Union. Very low mobilized to vote, corsican electorate amplified the sense of indifference and even distrust that affects French or European electorate. From the referendum for the adoption of the Maastricht Treaty in 1992 to the vote toratify the European Constitution in 2005, the disinterest in European affairs and the opposition to the deepening of European Unit have increased in both departments. Conversely, providing a forum for political supporters of a strong regional autonomy, the elections helped to consolidate the construction of a new insular identity based largely on autonomy models in Spain. By allowing the election of a moderate nationalist as the only Corsican in Strasbourg, the elections of 2009 offered for the second time the best legibility to Corsican identity associated with the claim of political ecology of the National Coalition Europe Ecologie of Daniel Cohn-Bendit, Eva Joly and José Bové. Before regional elections in 2010 and after municipal elections of 2008 these European elections confirm the emergence of a Corsican moderate nationalism, prepared to assume the responsibilities of local politics. Will it exceed the apparent contradictions in the speeches of its representatives ?
- Géopolitique de la crise guadeloupéenne : crise sociale et/ou postcoloniale ? - Monza Rosan p. 170-197 Les événements qui ont marqué la Guadeloupe durant 44 jours ont eu un retentissement sur la géopolitique interne de l'île en mettant à jour une contestation du fonctionnement économique et politique marqué par une forte injustice sociale (la« pwofitasyon »). Le LKP « lyannaj kontpwofitasyon » (front contre les abus des situations dominantes), avec son leader charismatique Elie Domota, saura conceptualiser et rendre opérationnelle l'idée qu'une contestation unitaire peut être un outil contre les situations d'abus engendrées par les dégâts sociaux collatéraux provoqués par la mondialisation. La société créole post esclavagiste guadeloupéenne est marquée par la domination de l'ethno classe béké et de groupes métropolitains tirant profit de leurs situations de rentes et mettant en place des stratégies visant à maintenir leur pouvoir économique monopolistique. Cet article montre aussi les problèmes posés par la gouvernance locale, notamment les conflits entre légitimités représentatives et légitimités populaires dans les DOM, et la nécessaire refondation d'un nouveau pacte républicain entre l'État central français et ses DOM. Il décrypte donc la nouvelle donne géopolitique en Outre-mer en quête de sens et d'un projet politique ambitieux pouvant réconcilier ses territoires, d'une part, avec leur environnement régional et, d'autre part, par une meilleure adéquation de leur statut administratif et politique au sein de l'ensemble national et de l'Union européenne.Geopolitics of the Guadeloupian Crisis : Social and/or Postcolonial Crisis ?
Rosan Monza, The events that marked Guadeloupe for 44 days had reverberations upon the internal geopolitics of the island by bringing to light a contestation of its economic and political functioning, characterized by strong social injustice (the “pwofitasyon”). The LKP “lyannaj kont pwofitasyon” (Front against the abuses of dominant situations), lead by the charismatic Elie Domota, was able to conceptualize and to effectuate the idea that a unitary contestation could serve as a tool against the abusive situations engendered by the collateral social waste provoked by globalization. Post-slavery Guadeloupian Creole society is marked by the domination of the Béké ethnoclass and of metropolitan groups profiting from their incomes through the installation of strategies aimedat maintaining their economic monopoly. This article also reveals the problems raised by local governance, notably the conflicts between representative and popular legitimacy within the DOM (Over-seas departments), as well as the need for a new republican pact between the central French state and its DOM. The article thus decrypts the new geopolitical scene in Over-seas France in search of its meaning and of an ambitious political project capable, on the one hand, of reconciling these territories with their regional environments and, on the other hand, of finding a better adequation of their administrative and political statuses in the context of the national and European communities. - Retour sur les publications de l'équipe d'Hérodote et l'analyse des problèmes géopolitiques en France, une ambition citoyenne - Loyer Barbara p. 198-204 Cet article fait un bilan des travaux de l'équipe d'Hérodote sur la très grande diversité des situations politiques en France, les stratégies politiques et les représentations qui servent à les rendre légitimes. Il montre l'évolution de notre approche intellectuelle des problèmes géopolitiques de la France depuis 1981 : décentralisation, régionalisation, immigration postcoloniale, évolution du sentiment national, et l'importance de la dimension territoriale des analyses proposées.Hérodote and The Analysis of Geopolitical Problems in France : A Civic Ambition This paper assesses research conducted by the journal Herodote's team about a great variety of political situations in France and the political strategies and perception that legitimize them. It traces the evolution of our intellectual approach back to 1981: decentralization, regionalisation, post-colonial immigration, evolution of the national sentiment and the importance of the territorial dimension our analyses.
- Hérodote a lu - p. 205-209