Contenu du sommaire : Critiquer les médias

Qu'appelle-t-on « critique des médias » ? Comment, dans ce cadre, définir le concept de critique ? Samira Ouardi, nous propose, dans cet article introductif, d'examiner le concept de « critique des médias » en explicitant certains courants de pensée qui en ont enrichi la définition dès le milieu du XIXe siècle. Elle souligne en particulier le caractère à la fois multiforme et proliférant d'un objet qu'il faut re-contextualiser, pour le définir, dans son espace social, politique et économique.

La théorie de « critique des médias » issue de l'École de Francfort est sans conteste l'une des plus importantes depuis le début du XXe siècle. C'est aussi l'une des plus discutées. Quels sont les contours et contenus de cette théorie critique ? Comment appréhender les objections qui lui ont été faites ? Répondant à ces questions, Olivier Voirol montre toute la richesse et la fécondité contemporaine de cette contribution théorique unique.

Parler de critique des médias en France c'est nécessairement évoquer l'association ACRIMED (Action CRItique MEDia) créée dans la foulée du mouvement social de 1995. Interroger Henri Maler, son co-animateur et co-fondateur, a ainsi semblé essentiel dans la perspective d'une analyse de l'évolution de la critique des médias depuis quinze ans. Il nous livre ici, au-delà d'un retour sur l'action spécifique de l'association, ses analyses sur les perspectives politiques de la « critique des médias » alors entendue comme lutte sociale et politique spécifique.

Créé en 1999 par Erwan Le Corre (alors membre du webzine L'Ornitho), Pierre Tevanian (professeur de philosophie) et Sylvie Tissot (enseignante-chercheuse en sociologie) dans la lignée d'autres médias électroniques comme les sites Acrimed.org et Peripheries.net ou le Portail Rezo.net, le site Les mots sont importants (www.lmsi.net) publie depuis dix ans des textes ayant pour objet principal la critique des discours, et plus précisément la critique du discours dominant tel que le diffusent les grands médias. En 2010 paraîtra l'ouvrage Les mots sont importants aux éditions Libertalia.

La « critique des médias » est indissociable d'une vision politique de l'espace public et du projet de sa transformation. Elle semble ainsi fonctionner comme un fond théorique partagé pour nombre de mouvements militants de gauche. Nous avons voulu savoir plus précisément ce qu'il en était en interrogeant une association féministe, Mix-Cité1, un parti, le PC2, et un collectif multi-causes, les Désobéissants3. Le dialogue engagé éclaire convergences et différences sur la question et renseigne sur la complexité des postures théoriques et pratiques adoptées vis-à-vis des médias dominants quand il s'agit de militer.

Historiquement la critique du journalisme s'est longtemps confondue avec la critique de son éthique. C'est ce que montre dans cet article Magali Prodhomme-Allegre, qui propose une sociogénèse de cette profession. Elle décrit ainsi comment le processus de construction de l'identité professionnelle et sociale des journalistes, du métier de gazetier à la naissance du mot « journaliste », s'est structuré autour de débats sur son éthique. Éthique successivement incarnée par des figures idéales : l'honnête homme, l'homme de vérité, ou encore le journaliste patriote.

L'émission de télévision, Arrêt sur image, diffusée sur une chaîne publique pendant plus de 10 ans, avait comme volonté de critiquer la télévision à la télévision. C'est d'ailleurs cette dernière caractéristique qui en a fait l'originalité. À partir d'une analyse du dispositif de l'émission et une revue des critiques faites aux critiques produites par l'émission, Barbara Fontar se demande dans quelle mesure il est possible d'exercer efficacement un regard critique sur la télévision. À l'examen, l'exercice semble difficile.

L'hebdo du médiateur de France Télévision proposait aux téléspectateurs d'exprimer leur mécontentement vis à vie de la rédaction. Suivant ce principe, peut-on réellement parler de critique et d'émission critique ? Quel était le souhait de France Télévision en se dotant d'une telle émission ? Les médiateurs ont-ils eu la volonté de critiquer ou de justifier les choix rédactionnels ? Telles sont les questions soulevées par l'auteure à l'occasion d'une analyse de ce dispositif réflexif original.

Plutôt que de parler de « médias alternatifs », expression qui soulève de nombreux problèmes de définition, Benjamin Ferron propose de partir de la notion de « média des mouvements sociaux » pour se poser la question d'une autonomisation de ces derniers en un « mouvement social des médias ». Pour illustrer cette hypothèse, construite dans le cadre d'une réflexion sur la transnationalisation des mouvements sociaux, il revient sur l'histoire de la RICA, le Réseau International de Communication Alternative. Ce dernier, né au sein du mouvement zapatiste est l'ancêtre du réseau Indymedia qui est aujourd'hui l'un des réseaux internationaux de médias alternatifs les plus larges.

Réseau médiatique alternatif désormais bien connu, présent dans une multitude de pays, lié historiquement au mouvement altermondialiste, Indymédia fonctionne à partir d'une proposition procédurale radicale : l'open publishing, soit « la publication ouverte ». Yannick Estienne nous propose ici une description critique de ce générateur de news libres et en sonde les limites dans le contexte de diffusion de la norme participative sur internet.

La bande FM est abonnée aux révolutions. Des pirates d'hier au numérique de demain, le paysage radiophonique français n'arrête pas de muter. En résonances constantes avec les débats sociétaux du moment. Et en se posant toujours la même question : si s'exprimer est un pouvoir, pourquoi le fait-on, comment et à l'adresse de qui ? Perpétuelle bataille au nom des libertés d'expression…

L'idée du Bondy Blog1 était de créer un espace on line afin de permettre aux habitants d'une banlieue d'être acteurs de leur médiatisation. Nordine Nabili, rédacteur en chef d'un Blog pas comme les autres, retrace ici l'histoire de cette aventure. En opposition à l'idée d'un « journalisme citoyen », le Bondy Blog se revendique d'un « journalisme participatif ».

Forme de praxis politique originale, les médias dits « alternatifs » incarnent leur critique des médias mainstream en faisant du média « autrement ». Leur diversité de formes et de dispositifs est ainsi à la mesure de la diversité des critiques qu'ils portent chacun à leur manière au système médiatique dominant. Pour comprendre le fond de ces dernières, nous avons demandé à plusieurs d'entre eux de nous dire en quoi l'expérience qu'ils mènent constitue, en elle-même, une critique des médias mainstream, notamment, si cette dernière s'est construite sur un discours critique explicite des grands medias. Voici leurs réponses.

Professeur émérite des Universités, Armand Mattelart est une figure importante et originale dans le champ des études des médias : né en Belgique, formé en France et ayant exercé la première partie de sa carrière universitaire au Chili, il a consacré une grande partie de ses travaux (dont une partie ont été menés avec sa femme Michèle Mattelart) à la dimension mondiale de la communication et des médias. Ce chercheur engagé incarne par ailleurs, par son parcours, une recherche pour qui la critique est plus qu'un tour intellectuel de l'analyse mais bien un geste politique.

Alors que le débat sur l'identité nationale lancé par Éric Besson semble devoir se poursuivre, retour sur les enjeux historiques de la question et sur les élans nationalistes qui n'ont cessé d'accompagner la figure de l'immigré.Présentation croisée de G. Noiriel, A quoi sert l'identité Nationale, Agone, 2007 et Patrick Weil, Liberté, Egalité, Discriminations, Grasset, 2008.

Sur La diversité contre l'égalité, de Walter Benn Michaels, (Raisons d'Agir, 2009), ouvrage dont la réception critique positive contraste avec une certaine pauvreté de l'argumentation et d'importantes libertés avec les faits historiques et sociologiques. Daniel Sabbagh replace l'ouvrage dans la littérature consacrée à l'Affirmative Action aux États-Unis et les débats en France et montre qu'il existe des travaux critiques plus aboutis sur le sujet que ce que propose Benn Michaels.

Le décès de Daniel Bensaïd laisse la gauche critique orpheline d'une voix originale, constructive et influente. Mouvements perd un compagnon de route qui avait fait partie des fondateurs de la revue M. Le comité de rédaction entend témoigner de son émotion et rendre hommage à l'intellectuel et au militant qui a inspiré nombre d'entre nous. Le respect unanime que nous éprouvons pour la personne et l'œuvre de Daniel Bensaïd laisse place également aux désaccords sur certaines de ses analyses ou de ses choix politiques. On relira dans cette perspective l'itinéraire que nous lui avons consacré dans le numéro 44 de 2006 (http://www.mouvements.info/Quand-l-histoire-nous-desenchante.html). Yves Sintomer, ancien membre du Comité de rédaction et professeur à Paris VIII, revient de manière personnelle sur le parcours de cette grande figure de la Ligue communiste révolutionnaire et du Nouveau Parti anticapitaliste ainsi que de la philosophie politique marxiste.